Je souhaite cette année faire un point sur les crédits consacrés au financement des actions d'accompagnement des entreprises à l'export que met en oeuvre Business France. Il aurait été bon que ces questions soient abordées dans l'hémicycle.
Comme vous le savez, Business France résulte de la fusion, décidée en février 2014, entre Ubifrance, l'opérateur de l'État jusqu'alors en charge de l'accompagnement des entreprises à l'export, et l'Agence française pour les investissements internationaux (l'AFII), dont la fonction était d'attirer les investisseurs sur le sol national.
La fusion juridique et financière entre les deux entités a eu lieu le 1er janvier 2015. L'intégration informatique est en cours et devrait être achevée à la fin de cette année. Onze accords collectifs ont par ailleurs été signés à l'unanimité pour rendre possibles les évolutions statutaires nécessaires. Aujourd'hui le nouvel ensemble compte plus de 1 500 collaborateurs, dont les deux tiers sont en poste à l'étranger.
Le coût prévisionnel de la fusion entre 2014 et 2016 était estimé à 12,2 millions. Finalement, ce coût s'établit à 8,6 millions, dont près de la moitié sont liés aux investissements informatiques et 1,7 million à l'adaptation des statuts des personnels. Business France a reçu en 2015 une dotation exceptionnelle de 5 millions pour couvrir les frais de fusion, ce qui ne représente qu'une couverture partielle des frais réels.
L'objectif de la fusion était évidemment de mutualiser les fonctions « support », mais les économies d'échelle ne sont pas encore apparentes. On commence en fait à peine à sortir de la phase initiale propre à toute fusion, dans laquelle le rapprochement occasionne surtout des coûts supplémentaires. Il faudra vérifier dans les années qui viennent si les gains de productivité administratifs attendus sont effectivement au rendez-vous.
Néanmoins, des synergies très intéressantes sont d'ores-et-déjà apparues entre les métiers export et investissement de Business France, là où on ne les attendait pas forcément. La cohérence du rapprochement entre deux entités exerçant des métiers à première vue aussi différents n'allait pas de soi. Et pourtant une vraie cohérence économique se fait jour. On ne le sait pas assez, mais une part importante des exportations françaises, supérieure à 30%, est réalisée par des entreprises étrangères installées en France. Donc attirer un investisseur qui produira en France, ce qui était le métier de l'AFII, c'est aussi renforcer le potentiel exportateur de notre pays. Business France, en fusionnant les activités export et investissement, permet d'optimiser ce lien et de promouvoir la France comme une plateforme pour l'exportation.
Ainsi, les entreprises étrangères accompagnées pour s'installer et produire en France se voient désormais présenter d'emblée un plan d'accompagnement pour se projeter dans le monde, et en Europe en particulier, à partir de leur implantation française. Inversement, les clients étrangers des exportateurs français sont systématiquement démarchés en vue d'encourager les projets d'installation en France. C'est le rapprochement des personnels d'Ubifrance et de l'AFII -et l'intégration de leurs fichiers clients- qui rend possible ces synergies dans lesquelles les investissements étrangers nourrissent les exportations françaises et les exportations renforcent l'attractivité du territoire.
La création de Business France n'est qu'un aspect, même s'il est le plus visible, d'une politique plus générale de mise en ordre de bataille de notre système d'appui à l'export menée par le Gouvernement depuis plusieurs années. Notre politique d'appui à l'export reste plurielle. Elle s'appuie désormais sur plusieurs acteurs principaux : Business France, BPI France, les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les régions et le réseau des CCI à l'international. Une meilleure coordination de ces acteurs est donc nécessaire pour renforcer l'efficience de ce dispositif et offrir un service plus performant à moindre coût dans un contexte budgétaire tendu.
Les ressources de Business France provenant des dotations publiques sont en effet en recul sensible. Les crédits ouverts en loi de finances initiale sont passés de 127 millions en 2012 à 110 millions prévus pour l'année prochaine, soit un recul de 13 %. La dotation effectivement reçue, c'est-à-dire la dotation déduction faite des réserves obligatoires et des diverses mesures de régulation budgétaire, est pour sa part passée de 121 à 100 millions. Si l'on se concentre sur le volet appui à l'export proprement dit, en excluant les crédits correspondant au champ d'action de l'ancienne AFII, la dotation passe de 100 millions en 2012 à près de 85 millions aujourd'hui, soit un recul de 15 %.
Malgré cette baisse des dotations, l'activité de Business France est cependant restée dynamique. On a dénombré, en 2015, plus de 10 000 entreprises accompagnées. À la fin octobre 2016, ce chiffre dépassait déjà les 8 000, ce qui fait que l'objectif de 9 400 entreprises accompagnées fixé pour cette année devrait être atteint. C'est un peu moins qu'en 2015, mais cette baisse correspond moins au rationnement de l'offre de Business France qu'à une inflexion stratégique, avec une volonté de privilégier les prestations d'accompagnement personnalisées au détriment des actions collectives, qui permettent certes de toucher plus d'entreprises mais génèrent en définitive moins de courant d'affaires.
Comment Business France a-t-elle pu maintenir son niveau d'activité malgré la baisse des dotations ? Il y a deux éléments de réponse. La première explication tient à des gains d'efficacité liés à la réorganisation d'ensemble du système. Beaucoup de temps, d'énergie et d'argent, et donc d'opportunités pour nos entreprises, étaient en effet perdus du fait d'un partage des rôles confus, des redondances et du manque de lisibilité du dispositif. La fusion d'Ubifrance et de l'AFII est un élément de clarification du paysage, mais d'autres mesures très importantes sont allées dans le même sens. J'en citerai trois.
La première est l'optimisation de la coopération entre Bpifrance et Business France. Des chargés d'affaires d'Ubifrance, puis de Business France, ont commencé à être déployés dans les délégations régionales de Bpifrance à partir de 2013. Ils sont désormais 46 à être physiquement présents dans les bureaux de la Bpi en région. Ils sont employés par Business France, mais travaillent dans les locaux de la Bpi. Au départ, l'idée était de faciliter l'accès aux produits financiers offerts par la Bpi dans le domaine de l'export. En réalité, le rapprochement des personnels a démultiplié l'efficacité des services offerts par les deux parties. La Bpifrance dont on pouvait penser à l'origine qu'elle devait agir plutôt en deuxième rideau en offrant ses services financiers aux entreprises sélectionnées et présentées par Business France, joue désormais un rôle majeur en premier rang, dans la détection des entreprises potentiellement exportatrices. Elle est devenue le principal fournisseur d'affaires de Business France.
Le succès de cette coopération s'explique très simplement : Bpifrance, qui intervient de façon générale dans le financement des PME et des ETI, notamment des entreprises innovantes, est en mesure de détecter avec une grande efficacité les entreprises qui ont un potentiel d'exportation encore inexploité ou insuffisamment exploité. Je rappelle qu'elle est partie prenante dans tous les programmes d'excellence : accélérateur PME et ETI, Pass French Tech, BPI excellence... La communication directe entre chargés d'affaires de la Bpifrace et de Business France, rassemblés dans un même lieu, sur le terrain, permet donc d'offrir à ces entreprises à fort potentiel, dans un même package et à un même guichet, l'ensemble des services de prospection et d'accompagnement à l'international et des services financiers très spécialisés du financement à l'international.
Ainsi, pour un investissement relativement minime - 46 salariés de Business France dans les bureaux de la Bpifrance en région pour un coût annuel total de 4,5 millions -, on obtient un gain collectif énorme, gain qu'on est en mesure de chiffrer très précisément. En 2013, 91 entreprises ont démarré un plan d'action international avec un chargé de Business France intégré dans un bureau régional de la Bpifrance. En 2014, ce chiffre est passé à 391 et à 730 en 2015. Au 1er octobre 2016, on en est déjà à 1 034. C'est une multiplication par onze en trois ans. On a déjà dépassé en octobre 2016, avec plus d'un an d'avance, l'objectif qui devait être atteint fin 2017. Quant au taux de transformation de ces accompagnements à l'export en courants d'affaires effectifs, il est excellent : 55 %, c'est-à-dire que plus d'une action de suivi sur deux, dans le cadre de la relation entre Bpifrance et Business France, permet de gagner des marchés nouveaux.
Une deuxième étape dans la mise en ordre du dispositif public français d'appui à l'export est la signature d'un partenariat stratégique entre Business France, le réseau des CCI en France et les associations du réseau des CCI à l'International. Cette décision est intervenue à l'occasion du Forum des PME à l'international organisé par le Secrétaire d'État au Commerce extérieur le 11 mars 2015. Cette convention permet de clarifier le rôle de chacun des acteurs dans le parcours à l'export. Dans un paysage institutionnel jusqu'à alors très confus, où les acteurs étaient souvent en concurrence les uns avec les autres dans une atmosphère de méfiance réciproque, cela a permis d'apaiser les tensions et d'amorcer un travail coopératif, sans doute très perfectible, mais qui a au moins le mérite d'exister.
Dans ce schéma, les CCI sont désormais en principe recentrées sur le travail de détection des entreprises potentiellement exportatrices. L'idée est d'exploiter leur connaissance du tissu économique local en s'appuyant sur le travail des 400 conseillers en développement international employés par les chambres sur l'ensemble du territoire. Les CCI font un diagnostic du potentiel exportateur des entreprises locales, informent ces dernières de l'offre d'accompagnement offert par Business France et définissent avec elles un plan d'action dans un cadre individuel ou collectif. Les signataires de la convention de partenariat stratégique se sont engagées à accompagner 3 000 entreprises d'ici 2017 avec un objectif de développement de courants d'affaires pour un tiers d'entre elles.
Du parcours de l'export, Business France définit et met en oeuvre une offre de services d'accompagnement des entreprises qui comprend trois types de produits issus du Programme France Export : des actions d'accompagnement collectives sous forme de salon, des actions d'accompagnement personnalisé correspondant sur mesure aux besoins des entreprises clientes et la gestion du dispositif des Volontaires internationaux en entreprise (VIE). Business France intervient donc dans les premières étapes du déploiement international des entreprises qu'elle accompagne.
Les CCI à l'international sont quant à elles principalement chargées de la mise en oeuvre de prestations d'implantation, de structuration et de pérennisation sur le marché étranger visé. Autrement dit, il s'agit plutôt pour elles de faire fructifier dans la durée le travail d'implantation initial.
La rationalisation du dispositif d'appui à l'export s'est également poursuivie plus récemment avec deux décisions qui étaient attendues depuis longtemps : d'abord, l'intégration au département agroalimentaire de Business France de la mission de relation d'affaires international remplie jusqu'ici par Sopexa. Les transferts de personnel ont commencé en juillet dernier et, au premier janvier prochain, Business France devient ainsi l'opérateur unique de l'État pour accompagner près de 4 000 entreprises du secteur agroalimentaire sur les marchés internationaux. Ensuite, le transfert à Bpifrance de la gestion des garanties publiques à l'exportation, jusqu'à présent assurée par Coface pour le compte de l'État. Le principe de ce transfert a été officialisé le 29 juillet 2015 pour une réalisation à la fin de l'année 2016. L'intégration des garanties publiques à l'exportation au sein du catalogue de procédures de Bpifrance permettra de simplifier la relation des entreprises avec l'écosystème du développement économique, puisqu'il s'agit d'un pas important vers la mise en place d'un guichet unique du financement des activités exports offrant une palette d'interventions qui couvre tous les stades du développement des entreprises. Le maillage territorial de Bpifrance contribuera en outre à une meilleure diffusion des garanties publiques à l'exportation auprès de nouveaux exportateurs et à la promotion de ces outils. Enfin, l'État espère une diminution du coût de la gestion des garanties publiques à l'exportation de l'ordre de 20 % à la faveur de ce transfert.
Sans ce travail de réorganisation globale du dispositif, on ne comprendrait pas que le volume et la qualité de l'accompagnement des entreprises à l'international réalisé par Business France aient pu être maintenus malgré le contexte de tensions budgétaires.
L'autre élément qui explique la capacité de Business France à poursuivre ses missions malgré la baisse des dotations budgétaire, c'est le développement des ressources propres de l'agence. Il y a en effet deux composantes dans les ressources financières de Business France : une composante « ressources propres », tirées de la facturation de certaines prestations fournies aux entreprises, et une composante « dotations publiques ». Business France obéit à un modèle de financement mixte, différent du modèle assis quasi exclusivement sur un financement public, tel qu'on retrouve au Royaume-Uni ou en Italie. On peut certes discuter de la pertinence de ce modèle. Toutefois, dans le contexte financier actuel, il me paraît le seul praticable pour notre pays. Par ailleurs, sur le fond, l'idée d'une participation partielle des entreprises au coût complet du service qu'elles reçoivent ne me paraît pas aberrante, dès lors que le taux et les modalités de cette participation ne constituent pas un facteur de blocage financier et psychologique.
Aujourd'hui, si l'on se concentre sur le volet export de Business France, c'est-à-dire sur le périmètre de l'ancienne Ubifrance, on voit que les subventions reçues de l'État représentent 84,7 millions et les ressources propres, 83,3 millions. En gros donc, il y a aujourd'hui un euro de dotation pour un euro de chiffre d'affaires. En 2012, les subventions représentaient 100 millions par an et les ressources propres 64 millions. On voit donc bien qu'il y a une évolution du modèle du financement. Mise sous tension du fait d'une réduction des dotations publiques de 15% sur cinq ans, Business France a compensé en augmentation la part de ses ressources propres.
Ce mouvement peut-il se poursuivre ? Je n'en suis pas sûr. Si on continue à développer ainsi les ressources tirées de la facturation aux entreprises des prestations fournies, il y a en effet un risque qu'on en vienne à sacrifier le service gratuit ou quasi-gratuit aux entreprises les plus petites et les plus fragiles en se concentrant uniquement sur les « bons clients ». Nous n'en sommes pas là. Aujourd'hui Business France est encore clairement un opérateur qui remplit une mission de service public économique. Il s'appuie certes sur le développement de ses activités commerciales mais seulement pour mieux remplir sa mission de service public. Vous trouverez sur ce point des indications dans le rapport écrit sur la politique de facturation des services de Business France. Toutefois il faut être vigilant : une baisse brutale des dépenses publiques pourrait nous conduire à un basculement du modèle économique, qui doit rester un grand service public.
Pour terminer ce rapport, je voudrais avancer quelques propositions ou recommandations au Gouvernement, qui malheureusement ne seront pas examinées en séance publique.
Premièrement, il faut améliorer la lisibilité budgétaire de la politique d'appui à l'export. Cette politique et les crédits qui vont avec sont dispersés entre de nombreux acteurs et lignes budgétaires. Il faudrait intégrer tout cela pour savoir combien la France investit dans la politique d'appui à l'export. Les 120 millions de dotation à Business France ne sont qu'une partie du total. Il y a aussi les 67 millions du budget des CCI consacré à l'international, les 70 millions de dotations publiques qui alimentent les produits export de BPI, les 600 agents de la direction générale du Trésor dans les services économiques. Au total, on est sans doute autour d'un demi-milliard d'euros, soit autant que nos principaux concurrents que sont le Royaume-Uni, l'Italie et surtout l'Allemagne.
Deuxième recommandation. Sans forcément se placer dans une optique de fusion, qui serait contre-productive actuellement, il faut réfléchir aux moyens d'améliorer les synergies entre la branche export des CCI et les autres acteurs du dispositif. Le travail de détection menée par Bpifrance semble plus performant que celui des CCI pour un coût moindre.
Troisième idée : pour soutenir l'effort d'internalisation des PME, on pourrait réfléchir aux moyens de faire baisser le coût des personnels commerciaux à l'export pour ce type d'entreprises. Assurer une présence et une prospection commerciale à l'international, cela demande en effet un personnel spécialisé et cela coûte cher. Un crédit d'impôt sur les salaires de ce type de personnel s'inspirant du modèle italien pourrait être envisagé.