Intervention de Jean-Marc Janaillac

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 30 novembre 2016 à 9h35
Audition de M. Jean-Marc Janaillac président-directeur général du groupe air france klm

Jean-Marc Janaillac, président-directeur général du groupe Air France-KLM :

Je suis impressionné d'être devant vous pour cette première audition. Le groupe Air France-KLM compte 85 000 salariés, dont 53 000 à Air France, il est le premier employeur privé de la région Ile-de-France, avec un chiffre d'affaires de 25 milliards d'euros, dont 16,5 milliards d'euros pour Air France.

Les points forts du groupe sont d'abord un vaste réseau long-courrier, avec un grand nombre de destinations, équilibrées géographiquement. Le groupe a comme hubs deux des principaux aéroports européens : Paris-Charles-de-Gaulle et Amsterdam-Schiphol qui, combinés pour des voyageurs d'Amérique ou d'Asie, sont un facteur d'attractivité importante. Les deux marques sont complémentaires et fortes, et ont une qualité de produits et services qui s'est fortement améliorée grâce aux mesures prises par mon prédécesseur Alexandre de Juniac. Nous avons une alliance importante sur l'Atlantique nord avec Delta Airlines. Notre activité de maintenance, numéro deux mondiale après celle de Lufthansa, génère des profits et se développe. Nous disposons d'un personnel de grande qualité, très attaché à ses métiers et à l'entreprise.

Le groupe présente trois faiblesses principales. Parmi les grands groupes, il est celui qui a la rentabilité la plus faible : son résultat opérationnel représente la moitié de celui de Lufthansa, un tiers de celui de British Airways, un quart de celui de Delta ou d'easyJet. Celui de KLM est un peu plus élevé, mais tout de même inférieur à celui de ses concurrents.

Le bilan financier du groupe est faible et sa valeur boursière ridicule - 1,6 milliard d'euros, soit quatre fois moins que Lufthansa ou easyJet, et dix fois moins que Ryanair. La dette s'est largement réduite grâce aux efforts des plans Transform et Perform, mais insuffisamment par rapport à nos concurrents. Les capitaux propres d'Air France sont négatifs. Cette structure financière délicate entrave notre développement et nous fragiliserait en cas de retournement de conjoncture.

Enfin, j'ai constaté un manque de confiance au sein du groupe, entre les différentes catégories de personnel, entre le personnel et le management, entre Air France et KLM ; un manque de confiance aussi en les capacités du groupe à relever les défis et à se projeter dans l'avenir. Un sondage au sein du personnel a confirmé cette impression. C'est pourquoi nous avons lancé le projet Trust Together, la confiance ensemble - nous recourons à l'anglais parce que nos salariés sont néerlandais et français - afin de donner au groupe des perspectives de croissance.

Après sept années de pertes entre 2008 et 2014, le groupe a retrouvé des résultats positifs en 2015. Ils le seront également en 2016, grâce aux efforts de productivité de Transform et Perform et surtout grâce à la réduction des coûts du pétrole, qui nous a fait économiser 1,5 milliard d'euros entre 2015 et 2016. Le résultat opérationnel est positif mais contrasté : l'activité domestique est équilibrée, l'activité long-courrier est bénéficiaire mais avec 35 % de lignes déficitaires - sachant que 10 % des lignes nous font perdre 200 millions d'euros. Le réseau moyen-courrier est déficitaire, et ce déficit s'accroît. Vers Roissy, seules 20 % des lignes moyen-courrier réalisent des bénéfices.

En effet, la concurrence s'est renforcée avec les compagnies low cost et celles du Golfe. L'écart de compétitivité tient aux conditions d'emploi du personnel, aux cotisations sociales et aux taxes et redevances aéroportuaires. Nous pourrions être comparés à une entreprise exportant plus de 50 % de son chiffre d'affaires, produisant dans une seule usine à Paris, dont 95 % des salariés sont sous contrat français, et qui paie des redevances à l'aéroport le plus cher en Europe après celui de Londres. Si les taxes et les redevances étaient réduites, nous économiserions plusieurs centaines de millions d'euros...

La concurrence des compagnies du Golfe s'accentue. En 2012, Emirates avait autant d'appareils long-courrier qu'Air France-KLM, et Qatar Airways la moitié. En 2020, Emirates en comptera deux fois plus, et Qatar Airways autant. Cette âpre concurrence est favorisée par des environnements fiscal, réglementaire et économique très différents. Sans parler des cotisations sociales, les seules « touchées » - taxes aéroportuaires pour l'arrivée et le départ - pour un Boeing 777 s'élèvent à 14 600 euros à Roissy-Charles de Gaulle, contre 3 500 euros à Dubaï, sachant que 100 % de nos avions se posent à Roissy, et 100 % de ceux d'Emirates à Dubaï : le différentiel s'élève à 360 millions d'euros.

Le trafic aérien progresse assez vivement en Asie et en Europe, mais la capacité augmente plus vite encore que la demande. D'importantes commandes d'avions ont été passées par les compagnies du Golfe, Turkish Airlines, Norwegian ou les compagnies chinoises ; or, en raison des faibles coûts du pétrole, les vieux avions, qui consomment plus, volent encore. De ce fait, les recettes unitaires sont réduites d'environ 8 %.

Notre projet stratégique se fonde sur une vision et une ambition : nous devons négocier avec les organisations sociales et le management du groupe pour atteindre notre objectif stratégique, car alors que le volume du transport aérien augmente, nous ne saurions nous résigner au repli, et devons trouver les moyens de la croissance. Si nous limitons nos vols, il sera difficile de gagner en productivité, car les coûts fixes sont importants. Nous devons être productifs pour gagner en croissance et réciproquement. Nous visons une croissance de 2,5 et 3 % par an sur les long-courriers d'ici 2020 ; elle entraînera celle des moyen-courriers. C'est un plan ambitieux, avec une croissance trois fois supérieure à celle que nous avons connue ces cinq dernières années, et qui nécessitera des efforts réels du personnel navigant. Ce plan est néanmoins réaliste par rapport à nos points forts.

La croissance passe par un effort de l'ensemble de l'entreprise sur tous les coûts - les salaires, la possession de la flotte, la productivité pour les navigants. Les coûts de possession de la flotte seront réduits par l'augmentation du nombre de vols, la réduction du leasing, l'augmentation des recettes, le renforcement des partenariats avec Delta et les compagnies chinoises, notamment pour desservir des villes secondaires en Asie et en Amérique. L'effort de productivité doit être modéré et réaliste sur tous les vols, mais important sur les 10 % des lignes long-courrier où les compagnies du Golfe nous concurrencent. C'est pourquoi nous lançons une nouvelle structure à bas coûts, pour sauver les lignes menacées, rouvrir des lignes fermées et ouvrir de nouvelles lignes. Ce projet se décline en neuf axes sur toutes les fonctions de l'entreprise, avec une réorganisation du groupe et des fonctions centrales. Les derniers départs volontaires ont réduit le nombre d'employés, mais nous souhaitons restructurer et rendre le siège plus efficace et plus mobile en recourant davantage au numérique.

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