Intervention de Jean-Marc Janaillac

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 30 novembre 2016 à 9h35
Audition de M. Jean-Marc Janaillac président-directeur général du groupe air france klm

Jean-Marc Janaillac, président-directeur général du groupe Air France-KLM :

L'amendement de Mme Bonnefoy va dans la bonne direction, celle de la réduction des coûts : je ne peux que vous encourager à continuer ! Nous travaillons avec les services de l'État sur d'autres pistes. Les nouvelles compagnies comme French Blue ou Norwegian proposent des long-courriers low cost. Air France, il y a une dizaine d'années, avait complètement méconnu l'arrivée des compagnies comme easyJet ou Ryan Air, estimant avec une certaine arrogance qu'elles ne faisaient pas le même métier, ne jouaient pas dans la même catégorie. Or ces compagnies ont pris de grosses parts de marché. Nous ne ferons pas la même erreur sur le long-courrier. Néanmoins ces compagnies dont la flotte compte trente ou quarante avions, neufs mais densifiés, avec des services payants, ne sont pas pour nous la principale menace : les compagnies du Golfe, elles, exploitent 500 avions !

Parmi les lignes long-courrier, celles que nous appelons « ultra-business » sont rentables, tout comme les lignes ultra-tourisme. Les lignes mixtes sont celles qui souffrent, notamment sur les liaisons avec l'Asie du sud-est. L'effort, face à Emirates, ne peut passer par des avions densifiés, mais par un service de qualité avec une structure de coût révisée. Nous devons regarder attentivement ce qui se passe dans le low cost long-courrier pour déterminer la meilleure réponse à apporter.

Oui, pour piloter les avions low cost, il y a des volontaires, même s'ils travaillent plus. En particulier, les co-pilotes ont ainsi l'opportunité de devenir capitaines, d'exercer des responsabilités, de progresser en fonctions comme en rémunération. C'est le cas pour Transavia.

Monsieur Nègre, je suis arrivé à Air France il y a cinq mois et non un an : mais il est vrai que ces quelques mois ont été très denses !

Notre compagnie fournit un tiers du produit mondial de la taxe de solidarité. Les seuls autres pays ayant adopté la taxe et disposant d'une flotte suffisante pour contribuer véritablement à la ressource sont la Corée et le Chili. Les objectifs sont louables, mais l'initiative est coûteuse, 60 millions d'euros par an : à titre d'exemple, ce sont 45 euros de taxe pour un billet vers les États-Unis et 1,2 euro pour un vol intérieur... Ce serait formidable si tous les pays y participaient...

Le pavillon français peut-il mourir ? Mourir, non, mais décliner, bien sûr : c'est pourquoi il faut reprendre l'offensive et capter des parts de marché. L'État peut nous y aider. Voyez comment le gouvernement allemand a pris à sa charge une partie des coûts de sécurité.

Nous sommes favorables au Charles-de-Gaulle Express, mais ce n'est ni aux passagers, ni aux compagnies de le préfinancer. Payer lorsque l'infrastructure sera en fonctionnement, bien sûr, mais pas avant les travaux : les usagers des routes nationales ne préfinancent pas la construction des autoroutes !

Je prends bonne note de vos remarques sur les liseuses. Quant aux semelles de plomb, certes, nos coûts sont supérieurs à ceux des compagnies du Golfe ou des low cost ; néanmoins nous n'avons pas à réduire la totalité du différentiel, parce que nous avons également un différentiel de recette unitaire, grâce à un certain nombre de facteurs, les alliances, le programme de fidélité, les accords avec les entreprises, notre image, etc. Il importe de maintenir nos points forts pour conserver ce différentiel.

La conscience qu'il est nécessaire de faire des efforts en tenant compte de l'environnement concurrentiel - ce que vous appelez lucidité - n'est pas générale mais elle grandit.

Dans un réseau, toutes les lignes ne peuvent être bénéficiaires ; les déficitaires ont tout de même leur intérêt, pour compléter le réseau. Il faut un équilibre. En long-courrier, 85 % des lignes de KLM sont bénéficiaires, 15 % déficitaires, ce qui est normal. Couper des lignes affaiblit le réseau, rend les hubs moins attrayants, supprime des possibilités de connexion, notamment sur le moyen-courrier. C'est ce que nous voulions éviter en créant la nouvelle compagnie.

S'agissant du mandat de la Commission européenne, la question pour les grandes compagnies est la suivante : pour l'Europe, est-il ou non important - sur les plans social, culturel, stratégique - de conserver des compagnies indépendantes des intérêts extra-européens, plutôt que de voyager toujours au moindre coût ? De la réponse découle la politique à mener en matière d'ouverture du ciel... Ayons à l'esprit aussi que les compagnies du Golfe ont reçu quelque 40 milliards de dollars d'aides directes d'État en dix ans. Les Allemands et les Anglais s'interrogent pareillement - en Italie en revanche, Alitalia est déjà possédée à 49 % par Etihad - sur l'arbitrage entre le prix des voyages et l'indépendance des compagnies. Ces considérations n'exonèrent pas cependant le personnel d'efforts de réduction des coûts et des prix.

On est dans l'Europe, ou en dehors. En cas de Brexit sans accord, easyJet ne pourra bien sûr pas continuer à opérer entre Paris et Toulouse ou Nice. Il lui faudra créer une autre compagnie. British Airways possède aujourd'hui Aer Lingus, Iberia et Vueling, il n'en aurait plus le droit : l'ensemble éclaterait. Nous serons vigilants et comptons sur l'appui de l'État afin que toutes les compagnies qui auront les mêmes droits aient aussi les mêmes devoirs.

Au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale, un accord a été signé pour limiter les émissions de CO2, avec l'engagement d'une croissance neutre en carbone à partir de 2020 et une réduction par la suite. Les compagnies européennes souhaitent que les mesures internationales et européennes en la matière soient cohérentes entre elles.

Air Inter a été racheté par Air France. Notre structure de coûts dépend des charges salariales et du coût des escales, supérieurs à ceux de nos concurrents : Transform et Perform comportaient précisément des mesures visant à diminuer ces coûts.

Si nous avons choisi pour Transavia des Boeing et non des Airbus, c'est que le Transavia néerlandais créé précédemment exploite des Boeing, et que la maintenance est moins onéreuse avec une flotte unique. Ce n'est pas la nature des appareils mais le pitch de la configuration interne - largeur des sièges, espace entre les sièges - qui détermine le confort... et la rentabilité. Nos standards sont conformes à ceux de nos concurrents low cost européens. Transavia n'est pas encore à l'équilibre, il est en phase d'ouverture des lignes. L'offre a augmenté de 20 % cette année et les résultats s'améliorent. Le projet était naguère de développer des lignes entre de nombreux pays européens. Néanmoins, nous ne pouvons tout faire et j'ai recentré le modèle, qui ressemble plus désormais à celui de Vueling ou Eurowings, avec un développement à partir de la base nationale, des vols au départ des Pays-Bas ou de la France vers des destinations européennes.

Notre grosse faiblesse demeure la part de marché des vols reliant les villes de province et les destinations internationales, européennes en particulier, qui n'est que de 5 %. Je précise cependant que Périgueux n'est pas très éloigné de grands aéroports, Bordeaux en particulier ! C'est là que nous avons fêté les vingt ans de la « navette ». La première navette avait certes été créée entre Marseille et Paris : le choix de Bordeaux pour nos festivités visait à réaffirmer notre volonté de conserver ce service entre la ville aquitaine et Paris-Orly mais aussi Paris-Roissy, en dépit de la création de la LGV, grand concurrent.

Comment faire voler davantage nos avions ? Air France fait voler ses avions 15% de moins que KLM, parce que la maintenance des appareils est plus longue. Nous nous attelons à réduire ce temps d'immobilisation, car un avion au sol coûte et ne rapporte rien...

Le service minimum dépend des pouvoirs publics, non du groupe. Une loi sur le dépôt des préavis de grève a facilité la prévision et donc la gestion des flux de passagers. Au-delà, il importe de trouver un mode de dialogue avec le personnel navigant - et les autres catégories - plus apaisé, dégagé de la pression de la grève, celle-ci devant être l'ultime recours et non planer sur toutes les discussions, au risque de les bloquer.

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