Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Commission spéciale Egalité et citoyenneté — Réunion du 6 décembre 2016 à 21h05
Projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté — Examen du rapport et du texte de la commission spéciale

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone, rapporteur :

S'agissant du volet logement et gens du voyage, sans surprise, les députés ont rayé d'un trait de plume les principales modifications que nous avions apportées au projet de loi et rétabli leur texte, qu'ils s'agissent des dispositions relatives aux attributions de logements sociaux pour favoriser la mixité sociale, des modifications apportées à la loi SRU ou encore des dispositions relatives aux gens du voyage.

En matière d'attributions de logement et d'obligations de construction de logements, à l'article 20, le Sénat avait proposé plusieurs modifications afin d'instaurer un dispositif de contractualisation entre les collectivités locales concernées et le préfet pour définir les obligations de mixité sociale, de revenir au projet de loi initial en ne prévoyant pas de substitution automatique du préfet en cas de méconnaissance des obligations par les collectivités locales, les bailleurs et les réservataires. Nous avions supprimé la pré-commission d'attribution dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et exclu les personnes menacées d'expulsion sans relogement de la liste des personnes prioritaires. Nous avions également choisi de maintenir les délégations de contingent préfectoral aux maires.

Sans surprise, les députés sont revenus sur l'ensemble de ces modifications. Ils ont en outre étendu les obligations de mixité sociale aux attributions de logements non réservés ou pour lesquelles l'attribution à un candidat présenté par le réservataire a échoué. Ils ont précisé que les délégations de contingent préfectoral aux communes carencées seraient résiliées de plein droit. Ils ont intégré au sein de cet article 20 les dispositions de l'article 33 bis C qui avaient été supprimées par le Sénat et qui prévoyait qu'en Ile-de-France toutes les questions de relogement relatives aux ménages bénéficiaires du DALO à reloger seraient traitées par le préfet de région.

De même, le Sénat avait souhaité à l'article 22 maintenir certaines prérogatives aux maires : possibilité de créer une commission d'attribution avec voix prépondérante au maire dans les commissions d'attribution. Ici aussi, les députés ont rétabli le projet de loi initial qui retirait aux maires ces prérogatives. En outre, les députés n'ont pas suivi le Sénat qui avait souhaité sur ma proposition et celle du groupe socialiste pérenniser les commissions d'attribution dématérialisées. Après avoir supprimé cette disposition en commission, les députés ont finalement décidé en séance de prolonger l'expérimentation de trois années supplémentaires.

S'ils ont conservé à l'article 24 la possibilité de choisir le champ d'application du dispositif de location voulue conformément à la rédaction du Sénat, ils ont en revanche rétabli la mesure de publicité des logements vacants des organismes HLM avant le 1er janvier 2020.

À l'article 25, ils ont rétabli la collecte du numéro INSEE par les bailleurs sociaux, alors même que le Sénat l'avait supprimée en raison des réserves exprimées par la CNIL.

Les députés ont également rétabli l'article 28 quinquies, supprimé sur ma proposition, qui oblige les associations locales de locataires à s'affilier à une organisation nationale.

S'agissant des modifications de la loi SRU, le Sénat avait souhaité instaurer un contrat d'objectifs et de moyens conclu entre le maire et le préfet et compléter la liste des logements pouvant être décomptés au titre de l'article 55 de la loi SRU afin de prendre en compte les aires permanentes d'accueil des gens du voyage, les places des résidences universitaires des CROUS, et plusieurs dispositifs en faveur de l'accession sociale à la propriété (art. 29). Le Sénat avait voulu supprimer, dans un contexte de baisse des dotations budgétaires, l'aggravation des sanctions financières prononcées à l'encontre des communes carencées en logements sociaux (art. 31 à 31 bis). Les députés sont revenus sur l'ensemble de ces propositions. En outre, à l'article 29, ils ont complété la liste des logements décomptés afin d'y insérer les logements du parc privé objet d'un dispositif d'intermédiation locative et ils ont précisé qu'en cas de fusion de communes, les dispositions de la loi SRU continueront de s'appliquer sur le territoire de la commune qui était déjà soumise à ces règles dans l'attente de l'inventaire des logements sociaux sur le territoire de la commune nouvelle.

À l'article 30, ils ont précisé que la contribution financière obligatoire de la commune au financement d'opérations de construction de logements sociaux et aux dispositifs d'intermédiation locative ne pourrait être déduite du prélèvement lorsque la commune ne s'est pas acquittée volontairement de ces sommes.

Aux articles 30 et 31, estimant que le texte ne serait pas promulgué au 1er janvier 2017, les députés ont adopté une disposition permettant d'appliquer rétroactivement, dès le 1er janvier, les nouvelles dispositions qui prévoient notamment le transfert des droits de réservation aux préfets, ou encore les nouvelles sanctions comme l'augmentation du potentiel fiscal ou encore les nouvelles règles d'exonération pour les communes bénéficiant de la DSU.

Les députés ont rétabli l'article 31 bis qui supprime la DSU pour les communes carencées, contre l'avis du Gouvernement qui considérait que cet article méconnaissait le principe constitutionnel de libre administration des collectivités et le principe d'égalité de traitement des communes devant la loi.

Un point positif : les dispositions relatives à l'habitat indigne ont été adoptées conformes ou avec quelques modifications rédactionnelles ou de coordination.

Le Sénat avait supprimé à l'article 33 la majorité des demandes d'habilitations à légiférer par ordonnances afin de modifier directement le droit en vigueur. Les députés ont poursuivi ce travail en modifiant le droit en vigueur relatif aux ascenseurs et aux plans locaux d'urbanisme. Cependant, je note qu'une partie des dispositions autres que les attributions et la loi SRU, pourtant moins clivantes, n'ont pas été adoptées conformes. En effet, les députés ont complété plusieurs articles avec des dispositions nouvelles dont le lien avec les dispositions restant en discussion n'est pas avéré et qui me semblent contraires au dispositif constitutionnel de l'entonnoir. Je vous donnerai quatre exemples. Ainsi, ils ont adopté dans l'article 33 bis AC relatif à la caution de la personne morale en matière de bail, une disposition relative aux logements en colocation. Deuxième exemple : à l'article 33 bis AD relatif à la procédure du mandat ad hoc et de l'administration provisoire applicables aux copropriétés en difficulté, ils ont adopté des dispositions relatives aux honoraires du syndic pour la réalisation de certaines prestations relatives aux frais de recouvrement des charges de copropriété, disposition que nous avions déclarée irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution. Ensuite, à l'article 33 bis C relatif aux pouvoirs du préfet en matière de DALO, ils ont indiqué que le financement des diagnostics sociaux serait assuré par le Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL). Dernier exemple : l'insertion à l'article 33 septdecies de la réforme des procédures de surendettement, alors que le Sénat avait rejeté un amendement identique en première lecture.

De même, les règles relatives à la définition de l'intérêt communautaire des EPCI ont été réintroduites alors qu'elles ne présentent aucun lien, même indirect, avec le texte.

Enfin, les députés ont clairement marqué leur désaccord soit en réécrivant entièrement certains articles - tel est le cas de l'article 33 bis AF relatif au contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières -, soit en rétablissant des articles que nous avions supprimés comme l'article 33 bis D relatif à la publicité de certaines informations du registre des syndicats de copropriétaires, soit en supprimant des articles que nous avions introduits comme l'article 28 quater BCA relatif aux modalités de compensation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en faveur des logements sociaux, ou encore l'article 28 quater A relatif à la conclusion d'une convention en contrepartie de l'abattement de TFPB, qui avait pourtant été adopté conforme par le Sénat. Cet article a en effet été rouvert par les députés initialement pour assurer une coordination avec la Constitution - procédure assez peu courante mais qui pouvait s'entendre en l'espèce - avant d'être tout simplement supprimé par un amendement de séance du Gouvernement qui souhaitait aménager ces dispositions dans le cadre des projets de loi de finances !

En matière d'urbanisme, l'Assemblée a repris certaines dispositions introduites par le Sénat. La modification directe de la législation sur les schémas de cohérence territoriale, en lieu et place de la demande d'habilitation qui figurait initialement au 11° de l'article 33, a ainsi été confirmée par les députés. De même les députés ont repris, et même étendu, les assouplissements que je vous avais proposés à l'article 33 bis E concernant divers délais d'évolution des plans locaux d'urbanisme. Les POS et PLU infracommunautaires maintenus en vigueur sur les territoires des EPCI engagés dans une démarche de PLU intercommunal pourront ainsi continuer à produire leurs effets, et même à évoluer, jusqu'au 31 décembre 2019. Les députés ont même très opportunément fait disparaître la notion de « grenellisation des PLU », très insécurisante pour les collectivités territoriales concernées.

En revanche, les députés ont pris une position très éloignée de celle du Sénat sur plusieurs enjeux urbanistiques majeurs. Ils ont remplacé la demande d'habilitation sur la législation des PLU, qui figurait au 10° de l'article 33, par des dispositions « en dur » qui suppriment tout droit d'opposition des communes au transfert de la compétence PLU en cas de fusion mixte. Le Sénat souhaitait l'introduction d'un droit d'opposition pérenne, à l'image du mécanisme de minorité de blocage figurant à l'article 136 de la loi ALUR. La demande d'habilitation se contentait d'introduire un droit d'opposition transitoire permettant d'écarter le transfert de la compétence pour cinq ans. Le texte voté par les députés acte pour sa part le transfert automatique et définitif de la compétence PLU en cas de fusion mixte, accompagné d'un régime transitoire permettant de maintenir, modifier et même réviser les PLU intracommunautaires pendant cinq ans. C'est donc la position la plus éloignée de celle défendue par le Sénat qui prévaut.

Sur la question des EPCI de grande taille et sur la possibilité d'y autoriser la mise en place de plusieurs PLU intercommunaux, les députés ont également écrit des dispositions plus contraignantes que celles que souhaitait le Sénat. Cette faculté n'est en effet ouverte qu'aux EPCI de plus de 100 communes, là où le projet d'habilitation visait un mécanisme relativement souple permettant, en fonction des particularités des territoires, d'autoriser plusieurs PLU à partir d'un seuil plus bas, voire même laissé à l'appréciation du préfet.

Les députés ont enfin supprimé la disposition qui permettait de maintenir en vigueur jusqu'à la fin de l'année 2017 les POS en cours de révision, à condition que le débat sur le PADD du futur PLU ait lieu avant le 24 mars 2017.

La réforme du régime applicable aux gens du voyage que nous avions proposée n'a manifestement pas été examinée par les députés, qui ont souhaité réintroduire en bloc le texte qu'ils avaient voté en première lecture. Notre rédaction permettait pourtant de répondre à des difficultés concrètes rencontrées par les élus locaux et visait à clarifier la loi Besson du 5 juillet 2000. Dommage que les députés n'aient pas écouté les retours du terrain.

Enfin, je souhaite réitérer mes doutes sur la constitutionnalité du dispositif de consignation des fonds des collectivités territoriales.

En conclusion, nos divergences avec l'Assemblée sur le titre II sont profondes. Au regard du texte voté par les députés en nouvelle lecture, il est certain que la dernière lecture ne permettra pas de trouver de nouveaux points d'accord. Dès lors, je vous propose de ne pas poursuivre le dialogue et c'est pourquoi je vous propose l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable.

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