Au début de 2015, à la demande du président Retailleau, ce groupe a enfin vu le jour. Vous avez bien voulu écouter mes arguments, monsieur Retailleau, et modifier l’intitulé du groupe, afin que son périmètre dépasse les chrétiens et se préoccupe de toutes les persécutions.
Je tiens à souligner que le terme de « minorités » est une commodité de langage, car ces communautés se vivent non pas comme minoritaires, mais comme parties intégrantes de leur pays. En effet, la notion de minorité peut renvoyer à une certaine forme d’illégitimité : or, aussi bien les chrétiens de Mésopotamie que les yézidis sont des communautés humaines qui sont non pas « importées », mais bien autochtones, constitutives de l’histoire et de l’identité mêmes de la région.
La proposition de résolution soumise à notre examen a le grand mérite de déjouer les pièges identitaires en visant, au-delà des différentes minorités ethniques et religieuses, l’ensemble des populations civiles.
Si nous n’avons pas à ce jour en France de consensus national concernant notre stratégie en Syrie, il nous faut penser la suite et les solutions politiques pour parvenir à la paix. Parmi les conditions d’une telle paix, la justice est primordiale. Elle permettra aussi la concorde et la réconciliation entre ces populations.
Cette proposition de résolution s’inscrit dans la continuité de la grande conférence internationale de Paris, à laquelle ont pris part 57 États, 11 organisations internationales et 15 personnalités représentatives de la diversité religieuse et ethnique du Moyen-Orient. Le plan d’action présenté à l’issue de la conférence comportait trois volets.
Le premier est humanitaire, avec la mise en place d’un fonds d’action au profit des réfugiés, des déplacés et des communautés hôtes.
Le deuxième est un volet dit « de stabilisation », qui vise à préserver la diversité et l’altérité. En effet, l’une des spécificités de Daech, abreuvé au fondamentalisme wahhabite, est la détermination à annihiler l’altérité sous toutes ses formes.
En mars dernier, avec ma collègue Sylvie Robert, nous avons publié une tribune intitulée « Faire triompher la culture contre la barbarie ». Nous avions été nombreux à nous indigner de la destruction, au Mali, des mausolées des saints soufis par les terroristes d’AQMI et à être révoltés par la destruction des œuvres d’art assyriennes du musée de Mossoul, de la cité antique de Palmyre et de bien d’autres sites.
L’entreprise idéologique de Daech vise aussi l’anéantissement de l’histoire et de ses merveilles. La première de nos priorités, c’est évidemment l’aide la plus urgente et utile qui soit pour les populations réfugiées, déplacées et persécutées.
Néanmoins, la préservation du patrimoine culturel dans les zones de guerre, notamment dans la région mésopotamienne, le cœur même de l’humanité, est évidemment une préoccupation majeure, que la France partage avec l’UNESCO. Je suis fière d’être, avec ma collègue Sylvie Robert, à l’origine du concept du « droit d’asile des œuvres », car comment imaginer la réconciliation des différents peuples si tous sont privés de leur patrimoine, de leur culture et de leur passé communs ?
Le troisième volet de la conférence de Paris est judiciaire, avec la volonté de lutter contre l’impunité.
Le texte de la proposition de résolution rappelle les limites d’une saisine de la Cour pénale internationale. Pour autant, nous avons le devoir absolu de réunir tous les éléments relatifs aux exactions qui se déroulent sur ces territoires et de les documenter. Cette documentation est à la base des rares poursuites en cours, mais elle aura toute son importance pour les poursuites à venir ; elle sera aussi, et c’est important, le fondement d’une histoire qui reste à écrire.
Avec la justice et la lutte contre l’impunité, la véracité historique est essentielle dans la construction d’un pays réconcilié. Nous savons à quel point le négationnisme, le révisionnisme et leurs avatars, comme le complotisme, minent la cohésion nécessaire à toute société humaine.
Monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion de l’examen de cette proposition de résolution, j’aimerais vous poser deux questions.
Notre collègue Bernard Cazeau, président du groupe d’amitié France-Irak, revient d’une mission et se fait le messager des minorités déplacées. Ces dernières souhaitent retourner dans leurs villages, mais elles considèrent qu’elles ont besoin d’une force de protection internationale pour vivre en sécurité dans leur pays. Pourriez-vous, à cet égard, nous faire le bilan de l’aide effective, directe et des protections qui leur sont apportées ?
Par ailleurs, au regard des attentats terroristes de 2015 qui ont fait des centaines de victimes sur notre territoire et impliqué des ressortissants français basés à Raqqa, a-t-on désormais une base juridique solide pour saisir la CPI sur la base de la compétence personnelle, chère à notre collègue Jean-Pierre Sueur ?
Je voterai donc, avec mon groupe, en faveur de cette proposition de résolution, qui s’inscrit dans la continuité de l’action gouvernementale.