Intervention de Yvon Collin

Réunion du 6 décembre 2016 à 14h30
Génocide et autres crimes contre les minorités religieuses et ethniques et les populations civiles en syrie et en irak — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on attribue souvent à Malraux cette formule : « Le siècle prochain sera religieux ou ne sera pas ». Qu’elle soit apocryphe ou non, cette réflexion était prophétique, tant le fait religieux imprègne notre XXIe siècle. On considère d’ailleurs que celui-ci s’ouvre sur les attentats du 11 septembre 2001, revendiqués par Al-Qaïda.

Depuis lors, la religion s’invite régulièrement dans le débat public, attisant souvent les passions : des premiers débats sur le port du voile, jusqu’à, pas plus tard que la semaine dernière, les débats sur l’instauration d’un délit d’entrave numérique à l’interruption volontaire de grossesse. On pourrait même craindre que cela ne fragilise les fondements de notre République, indivisible et laïque.

Cette omniprésence du religieux semble conforter les idées de Samuel Huntington, qui, dès 1993, théorisait un hypothétique « choc des civilisations » pour conceptualiser le fonctionnement des relations internationales dans le monde de l’après-Guerre froide. À sa suite, par un raccourci intellectuel fallacieux, certains sont tentés d’opposer l’Occident chrétien et l’Orient islamique. Il n’en est rien ! Gardons-nous de toute tentation simplificatrice et soyons bien conscients que c’est au nom d’un islam dévoyé que des actes atroces sont perpétrés à travers le monde.

Il faut considérer ces nouvelles formes de terrorisme, internationales et médiatisées en se tenant à distance de tout angélisme comme de toute stigmatisation. La religion n’est certes pas une menace en soi, mais son instrumentalisation à des fins politiques peut conduire à des dérives mortifères. Aucune religion n’est à l’abri, comme nous le rappelle notre histoire et, plus largement, celle de notre continent.

Les exactions commises chaque jour au Moyen-Orient, par Daech ou par d’autres organisations terroristes, à l’encontre des chrétiens, des yézidis ou d’autres minorités ethniques et religieuses sont insoutenables.

Une volonté de destruction systématique est à l’œuvre, qui conduit notamment à séparer les garçons du reste de leur famille et à les transférer de force dans des camps en Syrie, où ils sont endoctrinés et reçoivent une formation militaire. Ceux qui refusent de se convertir sont tués. Les femmes et les filles sont détenues en captivité et victimes de violences : travail forcé, coups, viols. Elles sont souvent traitées comme des esclaves et vendues comme telles.

De tels actes, répétés, dans une volonté de destruction d’un groupe, nous invitent à aller au-delà de la simple dénonciation, et en cela cette résolution est une bonne chose. Pour autant, d’un point de vue plus formel, nous émettrons quelques réserves.

Il est ici question de reconnaissance des crimes de génocide. Or cette reconnaissance peut se faire selon plusieurs voies. Elle peut d’abord passer par la voie judiciaire, c’est-à-dire une condamnation par un tribunal national ou international. Dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution, il est rappelé que, en ce qui concerne le niveau international, ni la Syrie ni l’Irak ne sont signataires du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale. Cela rend difficile tout défèrement des auteurs de telles atrocités devant la juridiction internationale.

Le système judiciaire national français possède toutefois de nombreux mécanismes de compétence extraterritoriale, si la victime est de nationalité française ou si l’auteur est de nationalité française. Cette compétence quasi universelle va loin, permettant même, dans certains cas, la poursuite des faits commis par un étranger sur des étrangers.

La reconnaissance des crimes de génocide peut se faire selon une autre voie, plus déclarative, c’est-à-dire soit par une loi « mémorielle », soit par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.

Bien des débats ont déjà eu lieu sur les lois « mémorielles », qui établissent une dénomination particulière de certains faits historiques et entraînent ainsi nécessairement des conséquences juridiques. Est-ce à la représentation nationale de déterminer la qualification des atrocités qui se déroulent en ce moment ? Si oui, devons-nous pallier ainsi l’apparent manque d’effectivité des systèmes de poursuites judiciaires de ces crimes ? Je vous pose la question, mes chers collègues.

Malgré ces quelques réserves, les membres du RDSE ne s’opposent pas à l’adoption de cette résolution pour condamner les actes de génocide en Syrie et en Irak : certains s’abstiendront, d’autres l’approuveront.

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