Intervention de Bernard Fournier

Réunion du 6 décembre 2016 à 14h30
Génocide et autres crimes contre les minorités religieuses et ethniques et les populations civiles en syrie et en irak — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Bernard FournierBernard Fournier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pas une semaine ne passe sans que nous soyons informés d’exactions ou d’assassinats contre les chrétiens d’Orient.

En Syrie, en Irak et même au Liban, la liste des crimes commis à leur encontre s’allonge inexorablement et dans un silence relatif. Alors que l’Irak comptait 1, 2 million de chrétiens en 2003, il n’en restait plus que 400 000 en 2014. En Syrie, ils étaient entre 1, 8 million et 2 millions avant le conflit. Aujourd’hui, au moins 500 000 personnes auraient déjà fui leur pays.

La présence des chrétiens d’Orient, établis depuis deux mille ans dans certaines de ces régions, était souvent un facteur de stabilité politique et de dialogue intercommunautaire. Ils ont participé activement au développement économique de ces pays, et leur départ aura des conséquences négatives, que nous ne mesurons pas encore.

À travers eux, c’est aussi toute une partie de l’histoire culturelle et religieuse du Levant et de la Mésopotamie qui est réduite à néant, effacée, avec notamment la destruction d’églises du Ve siècle. Les églises qui ne sont pas détruites sont transformées en prisons, les Écritures brûlées, les statues brisées, les clochers rasés, les maisons marquées de la lettre N, comme « nazaréen », et des prêtres tués.

Permettez-moi, dans cet hémicycle, d’avoir une pensée pour le père Paolo Dall’Oglio, qui a fondé, dans les années quatre-vingt, la communauté monastique de Mars Moussa, en Syrie. Enlevé par Daech en juillet 2013, il n’a plus jamais donné signe de vie. Catholiques, protestants, orthodoxes, coptes, maronites, syriaques, chaldéens, ils sont tous menacés, poursuivis méthodiquement.

Pas plus tard qu’hier, Jean-Pierre Raffarin a rencontré le maire d’Alep au cours d’une réunion consacrée à la situation dramatique de cette ville.

Mes chers collègues, depuis deux mille ans, et malgré toutes les crises qu’ils ont pu traverser, c’est réellement la première fois que nous évoquons la possible disparition des chrétiens d’Orient, disparition qui, il faut le dire, a laissé pendant des années les pays occidentaux, en particulier les pays européens, complètement inertes, voire indifférents.

Nous, qui, collectivement, sommes si prompts à nous indigner devant telle ou telle injustice, à juste titre, n’avons pas eu le courage de nous mobiliser pour soutenir les chrétiens d’Orient. En effet, défendre un individu, une communauté ou un peuple ne nous pose pas de problème, mais soutenir la religion chrétienne, qui est indissociable des racines de la France, c’est autre chose, et cela n’a pas forcément bonne presse dans notre pays.

Au demeurant, n’oublions pas que cette question concerne non seulement les chrétiens, mais aussi, entre autres, les yézidis.

Je voudrais rendre hommage à la seule députée yézidie au Parlement irakien, Mme Vian Dakhil, qui, depuis 2014, mène un combat courageux et sans relâche pour alerter la communauté internationale sur les exactions systématiques que font subir les djihadistes à cette population.

En avril dernier, j’ai eu l’honneur de la rencontrer lors d’un déplacement en Syrie et en Irak de la Coordination des chrétiens d’Orient en danger, ou CHREDO. Je puis vous assurer que son témoignage est bouleversant et poignant, lorsqu’elle parle des milliers de jeunes filles de onze ou douze ans, esclaves sexuelles enlevées par Daech et vendues sur des marchés. Mme Vian Dakhil nous a aussi signalé que, après la libération de la ville irakienne de Shingal, en novembre 2015, près de 1 600 corps ont été retrouvés dans vingt charniers.

Je ne veux surtout pas oublier non plus tous les non-salafistes, c’est-à-dire les musulmans non salafistes et toutes les minorités du Moyen-Orient qui ne se soumettent pas à l’autorité du califat proclamé par Daech. Par ailleurs, ce n’est pas seulement Daech qui réprime les chrétiens ; ce sont aussi, hélas, de nombreuses autres factions islamistes.

Les réactions de la communauté internationale et de la France restent très mesurées par rapport à l’ampleur de ces violences. Aucun de nous ne peut avoir de doute sur la qualification de ces crimes ignobles, systématiques, dont le but est de réduire en esclavage, de persécuter et d’exterminer des groupes humains pour des motifs politiques, ethniques et religieux.

Dès septembre 2014, les membres du CHREDO ont déposé une plainte auprès de la Cour pénale internationale, la CPI, contre Daech pour crimes de génocides et crimes contre l’humanité. Cette plainte est, depuis, instruite par le bureau du procureur de la CPI.

Cependant, je n’ignore pas toutes les difficultés juridiques que cela entraîne, l’Irak et la Syrie n’étant pas signataires du Statut de Rome et ne reconnaissant donc pas l’autorité de la CPI, comme Bruno Retailleau l’a signalé tout à l'heure, et Daech étant non un État, mais une organisation terroriste regroupant des individus provenant de dizaines de pays. Mme Fatou Bensouda, procureur de la CPI, a rappelé, le 8 avril 2015, que la Cour n’avait pas de compétence territoriale pour agir.

En outre, compte tenu des dissensions fortes qui règnent au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, il paraît peu probable, pour le moment, que des initiatives puissent aboutir de ce côté. Toutefois, il fallait bien commencer, engager une action, dénoncer ces massacres.

C’est pourquoi je veux remercier Bruno Retailleau, président du groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens et les minorités au Moyen-Orient, d’avoir été à l’initiative, avec plusieurs de nos collègues, de cette proposition de résolution.

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