Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015, dite loi NOTRe, le Gouvernement et le Parlement ont profondément modifié la répartition des compétences entre régions, départements et communes. Le Sénat, dans un esprit constructif, a largement contribué à l’amélioration du texte, afin, notamment, de préserver l’essentiel des missions des conseils départementaux, indispensables dans les territoires à taille humaine et à faible densité de population.
Dans cette France des environs de Colombey-les-Deux-Églises, par exemple en Haute-Marne, qui est volontiers caricaturée et parfois qualifiée de « France profonde » ou de « territoire oublié de la République », le conseil départemental finance les investissements de modernisation. Cette action très concrète – quelque 70 millions d’euros pour 1 800 kilomètres de fibre optique, par exemple – démontre la fausseté des préjugés.
Cela suppose non seulement la proximité, mais aussi des savoir-faire et une technicité qu’une administration de dimension départementale peut financer plus facilement que les communes ou les agglomérations de taille moyenne.
Dans un département à faible densité d’habitants, c’est-à-dire dans quasiment tous les territoires sans métropole, le conseil départemental est la seule véritable intercommunalité. Il est dans l’intérêt de tous de promouvoir une telle approche, plutôt que de démultiplier les coûts de fonctionnement par la hausse des effectifs des intercommunalités. Cela relève simplement du bon sens.
Dans l’esprit de la loi NOTRe, le département assure les services de proximité grâce aux liens privilégiés noués avec les communes et leurs groupements, tandis que la région doit stimuler l’activité économique et l’emploi, proposer une vision partagée de l’aménagement du territoire et veiller à la réalisation des grands équipements structurants, supports d’une plus forte attractivité. En un mot, son approche doit être stratégique.
Par un mystère dont la vie parlementaire a le secret, contre l’avis de l’Association des régions de France, ou ARF, contre l’avis de l’Association des départements de France, ou ADF, contre l’avis de nombreux parlementaires de tous bords, la ministre qui était à l’époque en charge des collectivités a proposé, par amendement, de réintroduire le transfert de la compétence « transports scolaires » aux régions. Et le texte est devenu loi en l’état.
En toute franchise, gérer les circuits de ramassage scolaire s’apparente plus à du « cousu main » qu’à de la stratégie conçue depuis le siège d’une vaste et puissante région ! Ce constat est partagé non seulement par une très large part de mes collègues présidents de conseils départementaux, de gauche comme de droite, mais aussi par de nombreux élus locaux et régionaux. Il repose sur des faits objectifs. Qui gère l’essentiel du réseau routier et assure la viabilité hivernale des routes empruntées par les cars de ramassage scolaire ? Le département, bien sûr !
Pour garantir que tous les circuits de ramassage soient prioritairement traités en cas de neige et de verglas, le bon sens commanderait que la même collectivité s’occupe des deux sujets. Cela constituerait à la fois un gain de temps et un gage d’efficacité. En vérité, les transports scolaires ne sont pas détachables de la viabilité hivernale ni de l’entretien des routes.
Cette position repose aussi sur le refus de toute discrimination envers les élèves handicapés, dont le transport scolaire reste assuré par les départements aux termes de la loi NOTRe. Oui, nous avons de l’expérience et nos services savent remplir cette mission, mais il n’était pas justifié de répartir les élèves à transporter selon qu’ils souffrent ou non d’un handicap. Nous veillons à la qualité du transport scolaire pour tous, sans distinction ni discrimination.
Bien évidemment, d’aucuns me diront que la loi NOTRe permet à la région de déléguer cette compétence, notamment aux départements, en application de l’article L. 3119 du code des transports, dans les conditions de l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales.
Toutefois, à ce jour, le département qui se verrait confier cette mission, à compter du 1er septembre 2017, pour le compte de la région ne pourrait la subdéléguer aux actuelles autorités organisatrices de second rang, ou AO2, comme les syndicats de communes ou les EPCI, par exemple. Le « monstre sacré » qu’est la loi d’orientation des transports intérieurs, la fameuse LOTI, du 30 décembre 1982, n’offre pas une telle possibilité.
Or, mes chers collègues, comme l’a écrit notre rapporteur, quelque 83 % des départements ont recours à la délégation de compétence auprès de 3 345 AO2 pour l’organisation des transports scolaires. Dès lors, vous imaginez aisément les vives préoccupations de mes collègues présidents de conseils départementaux, efficacement portées par le président de l’ADF, Dominique Bussereau, depuis plusieurs mois.
C’est pour répondre à cette difficulté que, avec mes collègues Benoît Huré, Jean-Jacques Lasserre et François Bonhomme, j’ai déposé cette proposition de loi aussi simple que brève : pour citer notre excellent rapporteur, elle « tend à généraliser la faculté de subdélégation expressément prévue par le législateur pour les départements membres du STIF – le syndicat des transports d’Île-de-France – en 2008 ».
Il ne s’agit en aucun cas d’autoriser une subdélégation « en cascade », pour reprendre une expression volontairement péjorative, mais uniquement de revenir au statu quo ante.
Mes chers collègues, si vous votez ce texte, vous permettez aux régions et aux départements de maintenir une organisation bien rodée, qui assure une bonne sécurité aux enfants et donne satisfaction aux parents d’élèves et aux élus des communes. Que le Sénat veille à traiter toute la France aussi bien que l’Île-de-France me paraît un objectif partagé sur toutes les travées de cette assemblée.
Certes, les bons connaisseurs du dossier savent que, à ce jour, seule une minorité de régions veut confier aux départements cette compétence. Les autres ont annoncé vouloir directement conventionner avec les actuelles AO2. Toutefois, la sagesse du législateur, en garantissant la sécurité juridique des subdélégations, consiste aussi à offrir aux régions la possibilité de revoir leur position dans les années à venir. Des sujets autrement plus importants, tels que la lutte contre le chômage, par exemple, pourraient en effet mobiliser sans cesse davantage leur attention et leurs moyens.
Notre collègue et rapporteur, René Vandierendonck, a fort justement proposé un amendement visant à améliorer la rédaction juridique du texte tout en préservant son objectif. Je tiens à le remercier très sincèrement de m’avoir associé d’aussi près à ses travaux.
Pour éviter le risque de délégations de compétences en cascade, qui diluerait la responsabilité et nuirait à la transparence de l’action publique, notre rapporteur, avec mon accord, a mis au point un ingénieux dispositif que je lui laisse le soin de vous présenter.
Je ne saurais conclure sans remercier le président Larcher et le président Retailleau de l’inscription de cette proposition de loi, aussi concrète qu’utile, avant le transfert de compétence en 2017. Je sais combien l’agenda du Sénat est surchargé. De même, je voudrais remercier plusieurs de mes collègues appartenant à d’autres groupes politiques du soutien qu’ils ont témoigné à cette démarche. Ils se reconnaîtront.
Mes chers collègues, je forme le vœu que cette proposition de loi consensuelle puisse rallier la plupart de vos suffrages, au bénéfice d’une plus grande liberté des collectivités territoriale dans l’exercice de leurs missions.