Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en œuvre de la réforme territoriale s’achève désormais.
Depuis plusieurs mois, les collectivités travaillent sur les transferts de compétences. La recherche d’une plus grande lisibilité, fil conducteur de tous ces textes, s’est notamment traduite par la suppression de la clause générale de compétence des régions et des départements, et par la détermination précise des champs de responsabilité de chaque échelon.
À cette occasion, le Gouvernement a fait le choix d’un renforcement des régions, identifiées comme le niveau pertinent pour l’aménagement du territoire et le développement économique. Les compétences jusqu’alors exercées par les départements en matière de transports non urbains, de transports réguliers à la demande et de transports scolaires leur ont également été transférées.
Les transports constituent en effet un élément central des stratégies de développement régional et figureront parmi les priorités des futurs schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les fameux SRADDET.
Concrètement, dès le 1er janvier 2017, c'est-à-dire dans quelques semaines, les régions seront compétentes en matière de transports interurbains. Elles seront aussi en charge des transports scolaires à la rentrée prochaine. Le législateur a fixé deux dates différentes, afin de permettre aux collectivités concernées de préparer au mieux les modalités de transfert – services, moyens, personnels… –, en cohérence bien sûr avec le calendrier scolaire.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et dont je tiens à saluer les auteurs – les sénateurs Bruno Sido, Bruno Hure et Jean-Jacques Lasserre – intervient dans ce contexte et s’intéresse plus particulièrement aux transports scolaires.
Elle vise à adapter le régime juridique de la délégation de compétences. Ainsi, un département auquel la région aurait délégué l’exercice de la compétence pourrait la déléguer à son tour à d’autres collectivités territoriales, à des groupements ou à des personnes morales de droit privé. Dans les faits, cela revient à autoriser la subdélégation et à créer des autorités organisatrices de troisième niveau.
Cette proposition de loi rouvre un débat qui a pourtant fait l’objet d’un accord entre les deux chambres en commission mixte paritaire, lors de l’examen de la loi NOTRe. À l’époque, comme vient de le rappeler M. Sido, le Gouvernement s’était constamment opposé à toute subdélégation, et il avait eu raison. Il est en effet incohérent de rechercher une plus grande lisibilité tout en acceptant la mise en place d’une organisation à trois niveaux. Cette délégation en cascade est contraire à la responsabilisation des acteurs et à la simplification de notre organisation administrative.
Je sais qu’une telle subdélégation – vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, et il y est aussi fait référence dans l’exposé des motifs de la proposition de loi – est aujourd’hui autorisée en Île-de-France. De fait, seul le département de Seine-et-Marne en bénéficie aujourd’hui. Toutefois, vous conviendrez avec moi que la région capitale présente des caractéristiques propres, en particulier en matière de transports. En effet, la loi attribue directement au STIF cette compétence. Il ne s’agit donc en aucun cas d’un premier niveau de délégation.
C’est pourquoi le Gouvernement était défavorable au texte initial. Je crois d’ailleurs que le rapporteur avait exprimé une position similaire au sein de la commission des lois. Or, monsieur Vandierendonck, vous avez déposé un amendement qui vise à réécrire entièrement l’article 1er.
La rédaction que vous proposez ne réinstaure pas, selon vous, de subdélégation, mais prévoit d’autoriser un département, si la convention de délégation avec la région le prévoit explicitement, à recourir à des prestataires pour l’exécution de tout ou partie des compétences déléguées. Ces prestataires pourraient être des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, des syndicats mixtes, des établissements d’enseignement, des associations de parents d’élèves ou des associations familiales.
Il y aurait donc lieu de distinguer, d’une part, la convention de délégation et, d’autre part, un contrat de prestation de services conclu selon les règles classiques de la commande publique, sous forme de marché public ou de délégation de service public.
Si le Gouvernement salue la volonté de trouver un compromis acceptable entre les uns et les autres, il ne peut soutenir cette nouvelle rédaction. J’aimerais en expliquer rapidement les raisons.
Tout d’abord, la proposition de loi issue de la commission remplit-elle l’objectif de clarification que nous poursuivons collectivement ? Bien sûr que non ! Elle complexifie les choses et délite les responsabilités.
L’article L. 3111-9 du code des transports, tel que modifié par la loi NOTRe, prévoit déjà la possibilité pour une région de déléguer tout ou partie de l’organisation des transports scolaires non seulement à des départements, des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, des syndicats mixtes, mais aussi à des établissements d’enseignement, des associations de parents d’élèves ou des associations familiales. La région pourra ainsi s’appuyer sur une large palette d’acteurs de proximité, comme le font aujourd’hui les départements. Ce double étage de responsabilité, encadré par une convention de délégation, permettra de mettre en place une organisation des transports scolaires adaptée aux spécificités de chaque territoire régional.
Certes, l’article adopté en commission vise non pas à autoriser explicitement la subdélégation, mais à permettre au département délégataire de s’appuyer, sous forme de prestation de services, sur une collectivité ou un groupement qui interviendrait en régie. Permettez-moi de m’interroger sur le sens du dispositif proposé : pourquoi permettre aux départements de se voir déléguer une telle compétence, si ce n’est pour l’exercer ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, le cadre juridique existant permet déjà d’envisager une organisation souple des transports scolaires. N’ajoutons pas un étage intermédiaire, au risque de complexifier inutilement le système.