Intervention de Claude Nougein

Délégation sénatoriale aux entreprises — Réunion du 15 novembre 2016 à 12h45
Communication de mm. claude nougein et michel vaspart rapporteurs sur la transmission et la reprise d'entreprises

Photo de Claude NougeinClaude Nougein :

Le deuxième constat que nous faisons est que, même lorsqu'il existe des mécanismes fiscaux vertueux, leur complexité les rend parfois inaccessibles. Je pense ici au pacte Dutreil : c'est un régime incitatif permettant une exonération partielle de l'assiette des droits d'enregistrements, à hauteur de 75 % lors d'une transmission à titre gratuit. L'impact de cette mesure, prise sous la présidence de Jacques Chirac, a été très positif pour les entreprises. Cette exonération est valable au-delà d'un certain seuil de droits financiers et droits de vote de la société et elle est accordée en contrepartie d'un engagement de conservation des titres : un engagement collectif de 2 ans minimum, puis un engagement individuel de 4 ans minimum, soit un délai global de 6 ans qui garantit une stabilité des actionnaires en échange d'une facilitation de la transmission familiale. Qu'avons-nous appris au sujet de ce dispositif ?

Tout d'abord qu'il est extrêmement précieux, et que les gouvernements successifs souhaitent le conserver et éviter toute réforme qui aurait pour conséquence de le remettre en cause - ce qui est bon signe -. Je sais également que le Président de la République, François Hollande, est attaché à ce dispositif. Son extension - comme vous le savez, je l'ai inscrite dans une proposition de loi - serait peut-être contrainte par une question de constitutionnalité liée à la notion « d'avantage disproportionné », que nous allons creuser dans les semaines qui viennent. Cet aspect n'est pas anodin lorsque l'on sait que l'équivalent allemand a été remis en cause par une décision de la Cour constitutionnelle allemande en 2014. Cependant, en Allemagne, il n'était pas prévu autant de contreparties contraignantes, alors que ma proposition est conditionnée à un engagement de conservation des parts pendant huit ans. L'extension pourrait être également envisagée à d'autres types de transmission, pourquoi pas en s'inspirant de la logique du pacte Dutreil pour favoriser la reprise par les salariés.

Nous avons aussi entendu de nombreux professionnels critiquer sa complexité : même des chefs d'entreprise dirigeant 1 000 salariés se trouvent démunis devant l'opacité des textes. Pire, de nombreux notaires renonceraient à suggérer aux dirigeants venus les consulter d'y recourir, de peur d'engager leur responsabilité devant un texte qu'ils ne maîtrisent pas. En effet, la sanction peut être lourde en cas d'erreur dans la rédaction du pacte Dutreil. Les ETI de leur côté ont plus de facilités car elles disposent de conseillers fiscaux expérimentés pour permettre une optimisation du pacte. Il est donc urgent de se demander comment faciliter la compréhension de nos lois en matière fiscale.

Ceci est d'autant plus important que les personnes qui auront les moyens de se faire conseiller par des experts pourront diminuer très fortement le coût de leur transmission. Il existe donc une inégalité en fonction de la connaissance des dispositifs fiscaux. Ainsi une étude du METI a mis en évidence le handicap français que représentent le coût de la donation, qui s'élève à 5,4 % de la valeur de l'entreprise, et le coût de succession s'élevant à 11 % -le plus haut d'Europe-, contre des taux nuls ou pratiquement nuls au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie ou en Belgique -avec une nuance selon les régions en Belgique. Pourtant il nous a été dit qu'avec une bonne connaissance de tous les dispositifs fiscaux en vigueur, un cédant pouvait réduire à 3 %, voire moins, le coût de sa transmission. Pour ma part, je n'ai pas d'exemples d'entreprises qui auraient pu bénéficier d'un tel taux mais cette affirmation a été confirmée par certains experts fiscalistes. Transmissions et cessions doivent pouvoir s'effectuer sans que la fiscalité apparaisse comme un frein, quitte à ce que les montants dus soient payés plus tardivement, à la revente par exemple. Pour continuer ce bilan, je cède la parole à mon collègue Michel Vaspart.

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