Intervention de Alain Bertrand

Réunion du 8 décembre 2016 à 10h30
Le massif central un enjeu de développement territorial — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Alain BertrandAlain Bertrand, au nom du groupe du  :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie mon groupe d’avoir accepté d’inscrire ce débat à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée.

Le Massif central est formé géographiquement de vingt-deux départements : l’Allier, l’Ardèche, l’Aude, l’Aveyron, le Cantal, la Corrèze, la Creuse, le Gard, l’Hérault, la Loire, la Haute-Loire, le Lot, la Lozère, le Puy-de-Dôme, le Rhône, la Saône-et-Loire, le Tarn, le Tarn-et-Garonne, l’Yonne, la Nièvre, la Côte-d’Or et la Haute-Vienne.

Il s’étend sur quatre régions : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, dont les capitales régionales sont Lyon, Dijon, Toulouse et Bordeaux. Avec près de 4 millions d’habitants, c’est un massif important, au centre de l’Hexagone.

Quels objectifs politiques pour le Massif central, sachant qu’ils sont déterminés par les citoyens du massif, les collectivités, les acteurs socioprofessionnels, l’État et l’Europe, et sont rassemblés dans ce que l’on appelle les « politiques de massif » ?

Ces politiques sont animées et cofinancées par le comité de massif, qui est un instrument d’efficience et de maintien des politiques publiques, sur un territoire qui souffre de handicaps naturels. Bien sûr, la loi NOTRe, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, a éclaté le leadership sur le Massif central qu’avait autrefois la région Auvergne, et Clermont-Ferrand.

Aujourd’hui, les centres de décision régionaux – Toulouse, Lyon, Bordeaux et Dijon – sont sans exception situés en périphérie du Massif central, et non en son cœur, au sein de nouvelles régions que je qualifierai de « régions XXL », pour qui le destin de ce massif n’est devenu qu’un sujet annexe.

La convention interrégionale du Massif central a déterminé quatre axes forts de travail : renforcer l’attractivité du Massif central pour les entreprises et les populations, valoriser les ressources naturelles, culturelles et patrimoniales, accompagner l’adaptation au changement climatique – vaste programme ! –, développer les capacités des territoires et favoriser les coopérations. Ces objectifs sont pertinents, même s’ils restent assez flous.

Il s’agit en réalité d’une déclaration estimable de bonnes intentions, dont on constate dès l’abord, sans être grand clerc, qu’elle n’évoque pas le cœur du sujet, les premières armes du combat que sont les infrastructures et les aménagements structurants.

Malgré tout, le Massif central a des points forts. C’est un massif de grande taille, qui pourrait être identifiable à l’échelle européenne et mondiale.

En matière de réseau routier, deux liaisons autoroutières récentes fonctionnent bien : l’A75, qui relie Paris, Clermont-Ferrand, Béziers et Montpellier, favorise les échanges entre Paris et les côtes méditerranéennes ; l’A89, qui relie Bordeaux, Clermont-Ferrand et Lyon, offre une liaison transversale.

Il comprend aussi un réseau d’aéroports avec, en périphérie, les « grands » que sont Toulouse, Lyon et Montpellier, et, en cœur de massif, ceux de Clermont-Ferrand, bien sûr, mais aussi de Saint-Étienne, Limoges et Rodez, en plus d’Aurillac, du Puy-en-Velay et de Brive.

On peut citer des actions réussies, par exemple en matière de tourisme, avec la création de six itinéraires de grande randonnée et de dix-sept pôles de pleine nature ; le tourisme vert est bien entendu, avec l’élevage et l’industrie, une part essentielle de l’économie du Massif central.

La valorisation de la filière « herbe » – c'est-à-dire la filière élevage – doit aussi être mentionnée, avec la création d’un groupe de travail chargé de préparer une feuille de route sur la différenciation des produits de l’élevage, et donc la recherche de plus-values.

J’aurais également pu citer l’ensemble du domaine agricole, les races ovines et bovines, et, dans une certaine mesure, la filière bois.

Enfin, pour favoriser le maintien et l’implantation des habitants et des entreprises, l’appel à candidatures pour la redynamisation des centres-bourgs est une excellente initiative du Gouvernement, mais seulement 18 candidats devraient être retenus sur 873 anciens bourgs-centres – si l’on se réfère aux anciens cantons –, ce qui est bien entendu très insuffisant.

Les quatre régions, chargées de l’aménagement du territoire, doivent prendre en compte cette nécessité et adapter leurs politiques territoriales, afin que chaque ancien chef-lieu de canton, qui joue, de fait, un rôle de centralité, puisse être aidé.

On note donc quelques réussites, mais aussi des points faibles.

En premier lieu, le déploiement de la couverture mobile et internet, sans stratégie de massif, au moins partiellement, est catastrophique, alors qu’elle constitue désormais un prérequis indispensable au développement de tout territoire – on ne cesse de le répéter.

Quand des touristes viennent en vacances chez nous, si leur connexion 3G ne fonctionne pas sur leur smartphone, ils repartent aussitôt ! Les entreprises allèrent, de même que les infirmiers et les artisans.

En matière de mobilité, le comité de massif conduit des expérimentations pour tester l’efficience de la voiture autonome, du covoiturage organisé : c’est un tragique habillage de la misère, qui est risible !

En deuxième lieu, le réseau routier que j’évoquais souffre de nombreuses lacunes : la RN 88, l’axe Lyon-Toulouse structurant pour le Massif, qui traverse la Loire, la Haute-Loire, la Lozère, l’Aveyron, le Tarn et la Haute-Garonne. Je pourrais aussi citer le scandale de la RN 102, qui dessert Aurillac, et qui ressemble à une route d’un autre siècle ! Enfin, il manque une voie rapide au nord-est du massif, entre Clermont et Dijon.

En troisième lieu, le transport ferroviaire est en net recul. On met plus de temps aujourd’hui pour faire Paris-Mende qu’au siècle dernier, ce qui est quand même un comble !

En quatrième et dernier lieu, je mentionnerai un point fort, qui est aussi un point faible : la filière bois, car elle est sous-exploitée.

L’État doit jouer un rôle moteur afin d’accompagner la structuration de la filière, et le comité de massif devrait faire office de guichet unique.

En définitive, les objectifs définis dans la convention interrégionale sont pertinents, mais ils ne traitent pas de l’essentiel, c’est-à-dire des infrastructures. Il faut donc revoir la copie.

Il faut aussi tracer des pistes pour l’avenir. En matière de couverture numérique, il faut revoir la notion de « zone grise », qui est inopérante puisqu’elle désigne une zone sur laquelle est présent au moins un opérateur, même s’il n’est présent que sur 5 % du territoire d’une commune ! Je propose d’inverser la logique et de classer en zone grise les seules communes couvertes à hauteur de 95 % par un ou plusieurs opérateurs, sinon on n’avancera pas sur cette question.

Pour le transport ferroviaire, l’axe Paris-Clermont, qui dessert tout le massif, se subdivise en deux branches, l’Aubrac et le Cévenol. Les élus du Massif central proposent collectivement de créer un « Trans-Massif central » pour succéder à ces lignes.

Pour la filière bois, il faut affecter une partie des recettes de la contribution climat-énergie au Fonds stratégique de la forêt et du bois, créé par Stéphane Le Foll, mais qui ne permettra pas de financer la filière avec sa dotation de 29 millions d’euros. Pourtant, la forêt contribue à la captation des émissions dont on parle ces jours-ci dans la région parisienne.

Le dynamisme de cette filière est une question non pas seulement d’argent, mais également de structure. Il faut créer un guichet unique pour la filière bois, adossé au comité de massif.

En conclusion, pour favoriser l’efficience des politiques de massif, il faut se concentrer sur l’essentiel, qui se résume à trois choses : les infrastructures, les moyens et la volonté politique de voir nos massifs occuper des places économiques prépondérantes parmi les massifs européens.

Concernant les moyens, sur la période 2014-2020, on tablait sur une maquette financière de plus de 107 millions d’euros. Aujourd’hui, fin 2016, c’est moins de 40 millions d’euros qui ont été engagés, à comparer aux plusieurs dizaines de milliards d’euros pour le budget des 22 départements et des 4 régions concernés.

Comment prétendre à des politiques publiques fortes avec des clopinettes ?

Il faut aussi que le comité de massif s’ouvre à des acteurs du monde socioprofessionnel et à des personnalités qualifiées.

En effet, ce qui affaiblit les comités de massif, c’est d’être le lieu de rencontre entre différents acteurs qui veulent tous grappiller quelques sous dans la caisse, « tirer une partie de la paye », comme on dit, sans s’entendre sur des projets structurants.

En conclusion, je dirai qu’il faut un leadership de l’État. Quand on a le Morvan, la Margeride, les landes du Forez, les garrigues de l’Hérault, les Causses, le puy de Sancy, le puy de Dôme, les gorges du Tarn, la Limagne, le cirque de Navacelles, les Cévennes, des espaces gigantesques de montagne et de hautes landes, des espaces boisés colossaux, on joue de fait dans la même cour que le Montana, l’Alaska, l’Irlande, l’Écosse, l’Atlas ou le Colorado !

Nous devons être ambitieux ; sinon nous n’arriverons à rien. Nos ambitions, nos stratégies, qui nous rendent aujourd’hui invisibles à Londres, Rome ou Berlin, doivent nous faire exister demain, y compris aux yeux de Pékin, Moscou ou New Delhi.

C’est une autre image, une autre efficacité qu’il faut défendre, en se plaçant résolument dans la cour des grands ! Car nous en faisons partie !

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