Séance en hémicycle du 8 décembre 2016 à 10h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Colette Mélot, auteur de la question n° 1484, adressée à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Au printemps dernier, la France a subi des intempéries d’une extrême violence, qui ont entraîné un épisode de crues exceptionnel. En Seine-et-Marne, 232 communes ont été classées en état de catastrophe naturelle, soit près de la moitié de mon département.

Les maires ont été exemplaires et continuent de l’être en se battant pour obtenir les indemnisations indispensables à la reconstruction et en soutenant leurs concitoyens, toujours dans la détresse.

Aujourd’hui, les interrogations et les réactions se font entendre sur les causes et la gestion de ces inondations. Les maires des communes sinistrées s’interrogent sur les causes de cette crue historique, qui a dépassé celle de 1910 dans le sud de la Seine-et-Marne.

Le changement climatique est désormais une évidence, et les territoires seront probablement confrontés à d’autres épisodes de ce type dans les années à venir.

Depuis les années cinquante, la Seine et ses affluents étaient à peu près calmes avec, pour conséquence, une sorte d’amnésie collective du risque d’inondation. Aujourd’hui, la sécurisation des territoires et des populations reste un défi ; nous venons de le vivre.

Les inondations constituent un risque majeur sur le territoire national. Il y va de notre responsabilité collective de mettre en place les dispositifs pour former, informer et prévenir. Seule une meilleure prévention des risques permettra de diminuer la facture laissée par ces événements exceptionnels sur les populations et leurs activités. Il faut donc réduire la vulnérabilité des villes et des villages.

Afin d’optimiser cette lutte contre les inondations, il est également important de veiller à ce que les obstacles qui pourraient obstruer le lit des rivières soient régulièrement enlevés.

Certes, il est souvent difficile de réaliser de grands équipements pour des raisons à la fois d’espace et de coût, mais l’important est de mieux gérer l’arrivée de l’eau pour éviter une montée rapide du niveau des cours d’eau.

La prévention des risques d’inondation est un défi d’avenir qu’il nous faut relever, afin de léguer aux générations qui viennent des territoires mieux préparés à faire face aux menaces certaines des inondations. Pour y parvenir, anticiper s’avère vital ; s’adapter est capital et ne pas aggraver le risque est essentiel.

Monsieur le secrétaire d'État, une mission d’inspection générale sur la crue du Loing de juin 2016 a été engagée par le ministère. Cette mission devait rendre ses conclusions fin novembre. Avez-vous aujourd’hui des informations à nous transmettre ? Quelles actions comptez-vous mettre en œuvre pour mieux adapter la réglementation, ainsi que les normes, et pour parvenir à une meilleure gestion du risque d’inondation en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Madame la sénatrice, vous soulignez la nécessité d’engager des actions de prévention afin de limiter, lorsque cela est possible, l’ampleur des inondations telles que celle qu’a connue votre département.

Les possibilités d’action pour réduire cet aléa sont nombreuses et sont entreprises par les collectivités avec l’appui de l’État depuis plusieurs décennies, notamment dans le cadre des programmes d’action de prévention des inondations, connus sous le nom de « PAPI ».

Le ministère de l’environnement a créé un cadre législatif et réglementaire nouveau destiné à associer davantage les collectivités locales aux politiques territoriales de prévention des inondations.

Un nouvel appel à projets « PAPI 3 » doit être mis en œuvre à compter de 2018, sur la base d’un cahier des charges qui sera publié au début de l’année prochaine. Ce nouveau cahier des charges vise à mieux articuler les PAPI avec la directive Inondation, à mieux anticiper la prise en compte des enjeux environnementaux et à articuler le dispositif avec la mise en œuvre de la compétence liée à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, dite « GEMAPI ».

La mise en place de la GEMAPI au profit des collectivités leur permettra d’associer pleinement, comme vous le suggérez, madame la sénatrice, la prévention des inondations, l’entretien des cours d’eau et, plus globalement, la gestion des milieux naturels.

L’entretien des cours d’eau est essentiel, et son absence peut contribuer à aggraver localement une crue, mais il n’est pas de nature à réduire une crue importante et ne saurait être suffisant lorsque les précipitations sont exceptionnelles, comme cela s’est produit en juin dernier sur le bassin du Loing, sur l’Île-de-France et la Loire moyenne.

C'est la raison pour laquelle la nouvelle législation en cours d’élaboration dont j’ai parlé devrait permettre de mieux associer l’État et les collectivités locales, afin de prévenir autant qu’il est possible les crues telles que celle qu’a connue votre département voilà quelques mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'État. J’espère toutefois que nous aurons la réponse de l’inspection générale qui s’est rendue sur place. Nous pourrons ainsi envisager concrètement certaines missions afin d’éviter que ce genre de situation ne se reproduise, même si, comme vous l’avez dit, on ne saurait écarter tout risque d’inondations, les intempéries importantes comme celles du printemps dernier n’étant pas prévisibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 1517, adressée à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

J’ai souhaité attirer l’attention de Mme la ministre des droits des femmes sur la loi du 9 juillet 2010, qui prévoit, dans l’un de ses articles, l’expérimentation sur une période de trois ans d’un dispositif anti-rapprochement permettant de s’assurer qu’une personne mise en examen ou condamnée dans un contexte de violence conjugale ne s’approche pas de sa victime. Ce dispositif électronique permet en effet de signaler instantanément, à distance et de façon automatisée les autorités si cette personne s’approche de la victime.

Or, dans les trois lieux où devait s’effectuer cette expérimentation, m’a-t-il été indiqué, aucun bracelet n’a été mis en place, car personne n’a jamais atteint, dans la période fixée, le niveau de condamnation pour lequel le dispositif se serait appliqué. Dès lors, faute d’expérimentation, le dispositif anti-rapprochement n’a pu être généralisé.

Je souhaite faire remarquer que le dispositif anti-rapprochement, qui peut être complémentaire du TGD, le téléphone grave danger, permet de traiter certaines situations d’urgence et de danger auxquelles le TGD ne saurait répondre.

Dans les situations les plus graves, c'est-à-dire lorsque le risque de récidive demeure extrêmement élevé et que la vie de la victime peut être menacée, je considère que le dispositif anti-rapprochement constitue l’outil le plus adapté. En effet, dans ce cas, la victime est avertie en amont d’un danger imminent dès que l’auteur des violences franchit le périmètre prédéfini.

Je le reconnais, le TGD a, certes, son utilité – il a déjà sauvé des vies –, mais il peut plus difficilement prévenir une agression dès lors que la victime ne reçoit aucune alerte avant de se retrouver presque face à face avec l’auteur des violences. Or, avec le dispositif anti-rapprochement, je le répète, l’alerte est faite très en amont, ce qui permet à la victime de gagner de précieuses minutes pour se mettre à l’abri, en attendant l’arrivée des forces de police ou de gendarmerie.

Je veux également indiquer que ce dispositif a été mis en œuvre dans certains pays, comme le Portugal, la Slovaquie, l’Espagne, la Suisse ou la Grande-Bretagne. Il me semble donc nécessaire de ne pas se priver, en France, d’un tel instrument de surveillance et de protection électronique dans la lutte contre les violences conjugales.

Dans ces conditions, convient-il d’identifier d’autres communes ou départements plus fortement touchés par les violences intrafamiliales, ou de réduire les conditions fixées par la loi en vertu desquelles le dispositif doit s’appliquer ? Y a-t-il une autre solution ? Quel est le sentiment de Mme la ministre sur ce sujet ? Quelles sont ses intentions, ses propositions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le sénateur, le dispositif électronique anti-rapprochement est effectivement une expérimentation intéressante, et vous avez bien fait d’en souligner l’aspect novateur. Vous avez également relevé les exigences cumulatives très strictes de la mise en place de ce dispositif en termes de situation pénale de l’auteur des violences, d’infractions concernées et de seuil d’emprisonnement.

La loi du 9 juillet 2010 avait prévu l’expérimentation de ce dispositif entre février 2012 et juillet 2013 dans le ressort des tribunaux de grande instance d’Amiens, d’Aix-en-Provence et de Strasbourg. Cette expérimentation a conduit à montrer l’inefficacité de ce dispositif, qui n’a pu être prononcé à l’encontre d’aucun auteur de violences. Il est inadapté pour les violences au sein du couple, compte tenu des seuils de peine retenus, bien que ceux-ci aient été abaissés de sept à cinq ans.

Il paraît alors difficilement concevable, comme vous le suggérez, monsieur le sénateur, d’abaisser de nouveau le quantum de la peine pour faciliter la mise en œuvre de ce dispositif.

En effet, au regard des principes du droit français et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM, ne peut être conçu comme une simple mesure de sûreté, mais il doit être rattaché à la notion de peine. Afin de garantir la proportionnalité de la peine par rapport à l’infraction, une certaine gravité est également requise pour justifier le recours à ce dispositif.

Le Gouvernement a donc fait le choix de la généralisation du dispositif du TGD, le téléphone grave danger, dans le cadre de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Aucune femme équipée de ce dispositif n’est décédée des coups de son conjoint ou de son ex-conjoint depuis le début de l’expérimentation en Seine-Saint-Denis, il y a déjà neuf ans. Le dispositif a donc prouvé son efficacité. À ce jour, 530 TGD ont été déployés et affectés à plus de 600 femmes.

Le bracelet électronique anti-rapprochement peut menacer la liberté de circulation des femmes. Or la démarche du Gouvernement est non pas d’infantiliser les femmes victimes, mais de les accompagner vers la sortie des violences et de les aider à se reconstruire.

Aussi le dispositif du TGD s’inscrit-il dans un maillage partenarial bien plus dense : les partenaires – conseils départementaux, magistrats, associations – apprennent à travailler ensemble à la protection des femmes battues. Ils accompagnent la victime vers une sécurisation durable et une sortie du dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Corinne Imbert, auteur de la question n° 1527, adressée à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je souhaitais interroger le Gouvernement sur les conditions d’attribution de l’allocation de rentrée scolaire dans le cadre de la protection de l’enfance.

Modifiée par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, l’allocation de rentrée scolaire due au titre d’un enfant confié à un président de conseil départemental est désormais versée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant ou, le cas échéant, jusqu’à son émancipation.

Avant le vote de cette nouvelle disposition, un travail pédagogique était effectué en concertation avec les parents destinataires de l’allocation, qui bénéficiaient alors d’un accompagnement spécifique pour l’achat des fournitures scolaires notamment. Désormais, ces derniers reçoivent une simple notification de la caisse d’allocations familiales leur indiquant la nouvelle procédure.

Cette année, les parents se sont encore tournés vers les services des départements afin de connaître la procédure de récupération de l’allocation, ce à quoi les services des conseils départementaux ont répondu que l’allocation ne pourrait être récupérée sous forme de pécule qu’à la majorité de l’enfant.

En outre, alors même que se sont développées des mesures d’accueil séquentiel ou de placement éducatif à domicile, le fait de ne pas verser directement l’allocation de rentrée scolaire aux parents, alors que ces derniers doivent couvrir les frais inhérents à la rentrée scolaire, est un non-sens total.

Enfin, on ne peut que s’étonner du fait que cette mesure ait été mise en œuvre sans attendre la publication du décret d’application, ce qui répond à un processus juridique à la fois baroque et inédit.

Comment expliquer par ailleurs les inégalités flagrantes au sein des fratries composées d’un enfant placé qui, à ses dix-huit ans, percevra un pécule à sa majorité et d’un autre enfant qui n’aura pas été placé ou qui fera simplement l’objet d’un suivi à domicile, lequel n’en disposera pas ? Avouez qu’il y a là une inégalité flagrante.

Pour ce qui concerne les pupilles de l’État, qui auraient réellement besoin d’un tel pécule, force est de constater qu’ils ne sont pas, à ce jour, concernés par ce dispositif.

En vue de la prochaine rentrée scolaire, bien qu’un changement de Gouvernement, voire de majorité, soit probable d’ici là, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir préciser les ajustements qui pourraient être apportés au dispositif actuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Madame la sénatrice, faisant le constat que près de 40 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans vivant dans la rue ont eu un parcours en protection de l’enfance, le Gouvernement a souhaité que les jeunes confiés à l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, qui dépend des départements, disposent à leur majorité d’un pécule constitué par le versement de l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, afin de mieux accompagner vers l’autonomie les jeunes majeurs sortant des dispositifs de l’ASE.

En effet, ces jeunes entrent en général dans la vie d’adulte sans économies, parfois sans famille, donc sans soutien, sans appui et, souvent, sans diplômes, ou presque, et, en tout état de cause, sans emploi. L’entrée dans la vie adulte est donc, pour un jeune issu de l’ASE, encore plus difficile que pour les autres jeunes.

Depuis la rentrée scolaire 2016, l’ARS pour un enfant confié à l’aide sociale à l’enfance est versée sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant ou son émancipation.

Il n’y a pas de transfert de charge sur les parents puisque ce sont les départements qui financent, en grande majorité, les frais liés à la scolarité des enfants placés.

Les parents ne perçoivent plus l’ARS, mais peuvent continuer à percevoir les allocations familiales si le juge en a décidé ainsi. Dans la majorité des placements, le juge maintient les allocations familiales aux parents.

L’argument selon lequel cette mesure priverait les parents concernés de ressources utiles à leurs enfants n’est donc pas fondé. Il faut d’ailleurs souligner que cet argument est utilisé par les mêmes qui, pendant le débat parlementaire, voulaient que l’ARS soit versée aux conseils départementaux et non aux enfants ou aux parents.

Lors d’un placement éducatif à domicile, l’enfant est maintenu physiquement au domicile, alors qu’il est placé juridiquement à l’ASE. Ces situations particulières font l’objet de toute l’attention du Gouvernement, et la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes va adresser une instruction aux préfets en lien avec la Caisse nationale des allocations familiales, afin d’ajuster, pour la prochaine rentrée, le champ d’application de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d’avoir opéré la distinction entre le placement à domicile et le placement en famille d’accueil ou en établissement, puisqu’il me semblait anormal que la famille ne touche pas l’allocation de rentrée scolaire pour un enfant placé à domicile.

Je souligne que je n’ai pas parlé de transfert de charges pour les départements ; ce n’était pas le sujet. J’ai évoqué la question des pupilles de l’État, pour lesquelles je considère que ce pécule est indispensable.

J’ai également appelé l’attention sur la distinction faite, au sein d’une même fratrie, entre un enfant placé et un autre qui ne le serait pas, afin de signaler une inégalité. Sur ce point, je dois reconnaître que vous avez répondu à propos du placement à domicile.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 1490, adressée à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais d’abord vous adresser mes félicitations pour les nouvelles responsabilités qui vous ont été confiées.

La question que je souhaitais poser à Mme la ministre de l’environnement concerne la politique de l’eau et en particulier le risque manifeste ou la volonté de recentralisation qui me semble exister aujourd'hui dans la politique définie par son ministère.

Dans le cadre de l’application de la loi NOTRe, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, il est prévu un transfert de la compétence générale en matière d’eau aux intercommunalités d’ici à 2020 et un transfert de la compétence de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dispositif GEMAPI, d’ici au 1er janvier 2018. La règle du jeu de la réforme de la loi NOTRe est très claire : il s’agit de confier aux intercommunalités une compétence globale sur la politique de l’eau.

Or, dans la pratique, nous constatons exactement l’inverse. En ce qui concerne l’eau, les services préfectoraux – tout au moins dans le département du Tarn – nous ont expliqué que nous devions opter si possible pour des syndicats départementaux. Quant à la compétence GEMAPI, il serait bon de la confier, pour le bonheur des intercommunalités, à des établissements publics gestionnaires au niveau des bassins. En d’autres termes, le principe fixé par la loi NOTRe est mis en œuvre en sens inverse.

Cette situation se trouve aggravée par l’arrêté du 20 janvier 2016 pris par Mme la ministre concernant les SDAGE, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, avec l’intégration, à l’article 8, d’une annexe obligeant à réaliser un document intitulé SOCLE, ou stratégie d’organisation des compétences locales de l’eau, ces stratégies concernant directement le rôle des collectivités locales. D’après une note extrêmement récente du 7 novembre 2016, tout laisse à penser que ces SOCLE auront un caractère prescriptif.

Mon inquiétude est très claire, monsieur le secrétaire d'État, et je souhaiterais que vous puissiez la lever : est-il possible de renoncer à cette logique de centralisation de la politique de l’eau, qui est totalement inadaptée aux intérêts de nos concitoyens par rapport à ce que nous pouvons connaître, les uns et les autres, dans la proximité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le sénateur, je vous remercie tout d’abord de votre message personnel.

En réponse à votre question, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, a attribué la compétence de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, la compétence GEMAPI, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, les EPCI. Elle a également prévu un schéma cible d’organisation à trois niveaux.

Le premier niveau est celui des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, qui peuvent favoriser les liens avec d’autres compétences en interaction avec ces sujets, tels que l’urbanisme.

Le deuxième niveau est représenté par les établissements publics d’aménagement et de gestion des eaux, constitués à l’échelle d’un sous-bassin versant, qui ont vocation à porter la maîtrise d’ouvrage des opérations et des travaux.

Le troisième niveau est représenté par les établissements publics territoriaux de bassin, constitués à l’échelle d’un grand bassin versant, qui ont pour rôle d’assurer la cohérence des actions dans une logique de gestion équilibrée et durable de l’eau.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a reporté la mise en œuvre de la nouvelle compétence GEMAPI à 2018 et organisé le transfert des compétences eau et assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à l’horizon de 2020.

Les associations de collectivités ont souhaité disposer d’un document pédagogique permettant de clarifier la répartition des compétences entre les échelons de collectivités dans le domaine de l’eau. Cette demande, qui émane des associations d’élus, est à l’origine de la stratégie d’organisation des compétences locales de l’eau, le document SOCLE dont vous avez parlé.

Cette stratégie vise à identifier les responsabilités respectives de tous les acteurs de l’eau et doit prendre en compte la cohérence hydrographique, le renforcement des solidarités financières et territoriales ainsi que la gestion durable des équipements structurants du territoire nécessaire à l’exercice des compétences dans le domaine de l’eau.

Le Gouvernement a décidé que la première stratégie serait arrêtée par le préfet coordonnateur de bassin, après avoir été soumise à l’avis des collectivités et groupements concernés par voie électronique pour une période de deux mois, ainsi qu’à l’avis du comité de bassin.

J’ai bien conscience que cette réponse technique ne vous satisfera pas totalement, monsieur le sénateur, notamment en ce qui concerne les rapports entre l’État et les collectivités locales. Aussi, je propose de m’en entretenir avec vous à l’occasion. C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup, ne serait-ce que parce que j’ai été chargé, au sein du Gouvernement, de la réforme de l’organisation territoriale de la République et en particulier de la compétence GEMAPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre proposition de dialogue.

Mon inquiétude est liée au mécanisme que je pressens prescriptif de ces stratégies adoptées par les préfets coordonnateurs, qui vont complètement à l’encontre de la règle de libre administration des collectivités, en particulier dans un domaine où les compétences étaient bien définies. Je suis quelque peu dubitatif sur la nécessité de recourir à des stratégies régionales pour clarifier les compétences. Les stratégies étaient, je le répète, définies : les intercommunalités avaient les maîtrises d’ouvrage et étaient exploitantes.

Il s’agit donc largement d’un retour en arrière. Au travers de votre proposition de poursuivre l’échange, je perçois que vous êtes conscient du problème, et je vous remercie d’être l’interprète de nos préoccupations au sein du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 1514, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Ma question porte sur les conséquences de la pénurie de vaccins français contre la tuberculose, constatée en France depuis 2014.

Comme vous le savez, c’est le BCG du laboratoire Biomed-Lublin produit en Pologne qui a été mis à disposition par les autorités sanitaires françaises pour faire face à cette pénurie. Aussi, le Haut Conseil de la santé publique et l’agence régionale de santé ont privilégié et sollicité les centres de PMI, la protection maternelle et infantile, pour organiser la couverture vaccinale BCG.

Je veux alerter le Gouvernement sur le fait que les conditions d’utilisation de ce vaccin sont particulièrement contraignantes pour les services de protection maternelle et infantile.

Permettez-moi d’évoquer avec précision la situation du Val-de-Marne. Un flacon de ce vaccin doit permettre de vacciner cinq enfants de suite. Cela signifie qu’il est impossible désormais d’effectuer des vaccinations individuelles. Ainsi, son utilisation impose une toute nouvelle organisation des services, avec des consultations groupées dédiées au seul BCG, alors même que, vous le savez, les PMI sont déjà très sollicitées par bien d’autres activités.

Vous le savez comme moi, monsieur le secrétaire d'État, le rôle des PMI ne peut se limiter à effectuer des vaccinations, d’autant que la pénurie d’autres vaccins, comme l’Infanrix Penta et Tetra, conduit les médecins de ville à orienter les familles vers les médecins de PMI, ce qui entraîne des flux supplémentaires.

Ainsi, les efforts fournis par les services de PMI pour faire face aux pénuries, dans mon département, par exemple, sont considérables. Ce sont plus de 11 000 enfants qui ont été vaccinés en 2015, soit 3 000 de plus que les années précédentes.

Sans l’appui de l’État, et dans un contexte de baisses continues des dotations, cela représente un coût difficile à assumer pour le seul département.

Ma sollicitation est double. Premièrement, quels moyens immédiats entendez-vous mettre en place pour appuyer les PMI, qui ont à faire face à cette surcharge de travail ? Deuxièmement, quelles dispositions comptez-vous prendre afin de relancer la production d’un vaccin BCG en France ?

Enfin, je voudrais vous faire part de l’interpellation qui m’a été faite par des médecins de PMI. Si ceux-ci ont été récemment rassurés par l’agence régionale de santé quant aux dosages du vaccin BCG Biomed-Lublin, il subsiste une inquiétude en ce qui concerne l’existence possible d’éventuels effets secondaires. Je souhaiterais donc que vous m’éclairiez sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, nous vivons actuellement de fortes tensions d’approvisionnement en vaccins contre la tuberculose, les vaccins BCG. C’est un problème qui concerne la France, mais aussi toute l’Europe. Cette pénurie est liée à la défaillance du producteur SSI situé au Danemark, le fabricant de l’unique vaccin commercialisé en France.

Depuis le mois d’avril dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, a permis au laboratoire Sanofi Pasteur MSD d’importer des doses de vaccins BCG fabriqués par le laboratoire Biomed-Lublin.

L’ANSM a pu garantir que ce vaccin répondait intégralement aux critères de qualité et de sécurité obligatoires pour tous les médicaments mis sur le marché français. Après six mois d’utilisation sur notre territoire, aucun signe particulier n’a été détecté.

Néanmoins, les quantités disponibles de vaccins restent limitées. C’est dans ce contexte que le Haut Conseil de la santé publique a priorisé les indications de la vaccination.

Le site internet du ministère des affaires sociales et de la santé met à la disposition des centres de vaccination plusieurs informations techniques. Une solution pérenne est actuellement recherchée pour remettre le vaccin BCG dans le circuit habituel et pouvoir de nouveau impliquer la médecine de ville dans le dispositif de vaccination, en vue de soulager les centres de PMI qui dépendent des conseils départementaux.

Au-delà de cette situation concernant le BCG, la question des problèmes récurrents d’approvisionnement en vaccins a amené la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, à prendre des mesures fortes. La loi de modernisation de notre système de santé prévoit en effet la mise en place de plans de gestion des pénuries pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur tels que les vaccins.

La ministre a déjà convoqué à plusieurs reprises les laboratoires afin d’obtenir des engagements très concrets des industriels du médicament pour lutter contre les ruptures d’approvisionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Je vous remercie de ces éléments d’information, monsieur le secrétaire d’État. Ceux-ci restent toutefois insuffisants à mes yeux. En effet, tant qu’on ne relancera pas la production d’un vaccin contre le BCG en France, on ne pourra pas résorber cette pénurie.

Selon certains médecins, le vaccin polonais fabriqué par le laboratoire Biomed-Lublin n’offre pas toutes les garanties sanitaires, notamment en termes d’effets secondaires ; ce point mérite des éclaircissements. Son utilisation entraîne également un surcoût pour la collectivité et des difficultés budgétaires supplémentaires.

La vaccination constituant l’un des piliers de la politique de santé en France, l’État doit s’attacher à résoudre ce problème dans les meilleurs délais et de la meilleure manière qui soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Le Massif central, un enjeu de développement territorial », organisé à la demande du groupe du Rassemblement démocratique social et européen.

La parole est à M. Alain Bertrand, orateur du groupe auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie mon groupe d’avoir accepté d’inscrire ce débat à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée.

Le Massif central est formé géographiquement de vingt-deux départements : l’Allier, l’Ardèche, l’Aude, l’Aveyron, le Cantal, la Corrèze, la Creuse, le Gard, l’Hérault, la Loire, la Haute-Loire, le Lot, la Lozère, le Puy-de-Dôme, le Rhône, la Saône-et-Loire, le Tarn, le Tarn-et-Garonne, l’Yonne, la Nièvre, la Côte-d’Or et la Haute-Vienne.

Il s’étend sur quatre régions : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, dont les capitales régionales sont Lyon, Dijon, Toulouse et Bordeaux. Avec près de 4 millions d’habitants, c’est un massif important, au centre de l’Hexagone.

Quels objectifs politiques pour le Massif central, sachant qu’ils sont déterminés par les citoyens du massif, les collectivités, les acteurs socioprofessionnels, l’État et l’Europe, et sont rassemblés dans ce que l’on appelle les « politiques de massif » ?

Ces politiques sont animées et cofinancées par le comité de massif, qui est un instrument d’efficience et de maintien des politiques publiques, sur un territoire qui souffre de handicaps naturels. Bien sûr, la loi NOTRe, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, a éclaté le leadership sur le Massif central qu’avait autrefois la région Auvergne, et Clermont-Ferrand.

Aujourd’hui, les centres de décision régionaux – Toulouse, Lyon, Bordeaux et Dijon – sont sans exception situés en périphérie du Massif central, et non en son cœur, au sein de nouvelles régions que je qualifierai de « régions XXL », pour qui le destin de ce massif n’est devenu qu’un sujet annexe.

La convention interrégionale du Massif central a déterminé quatre axes forts de travail : renforcer l’attractivité du Massif central pour les entreprises et les populations, valoriser les ressources naturelles, culturelles et patrimoniales, accompagner l’adaptation au changement climatique – vaste programme ! –, développer les capacités des territoires et favoriser les coopérations. Ces objectifs sont pertinents, même s’ils restent assez flous.

Il s’agit en réalité d’une déclaration estimable de bonnes intentions, dont on constate dès l’abord, sans être grand clerc, qu’elle n’évoque pas le cœur du sujet, les premières armes du combat que sont les infrastructures et les aménagements structurants.

Malgré tout, le Massif central a des points forts. C’est un massif de grande taille, qui pourrait être identifiable à l’échelle européenne et mondiale.

En matière de réseau routier, deux liaisons autoroutières récentes fonctionnent bien : l’A75, qui relie Paris, Clermont-Ferrand, Béziers et Montpellier, favorise les échanges entre Paris et les côtes méditerranéennes ; l’A89, qui relie Bordeaux, Clermont-Ferrand et Lyon, offre une liaison transversale.

Il comprend aussi un réseau d’aéroports avec, en périphérie, les « grands » que sont Toulouse, Lyon et Montpellier, et, en cœur de massif, ceux de Clermont-Ferrand, bien sûr, mais aussi de Saint-Étienne, Limoges et Rodez, en plus d’Aurillac, du Puy-en-Velay et de Brive.

On peut citer des actions réussies, par exemple en matière de tourisme, avec la création de six itinéraires de grande randonnée et de dix-sept pôles de pleine nature ; le tourisme vert est bien entendu, avec l’élevage et l’industrie, une part essentielle de l’économie du Massif central.

La valorisation de la filière « herbe » – c'est-à-dire la filière élevage – doit aussi être mentionnée, avec la création d’un groupe de travail chargé de préparer une feuille de route sur la différenciation des produits de l’élevage, et donc la recherche de plus-values.

J’aurais également pu citer l’ensemble du domaine agricole, les races ovines et bovines, et, dans une certaine mesure, la filière bois.

Enfin, pour favoriser le maintien et l’implantation des habitants et des entreprises, l’appel à candidatures pour la redynamisation des centres-bourgs est une excellente initiative du Gouvernement, mais seulement 18 candidats devraient être retenus sur 873 anciens bourgs-centres – si l’on se réfère aux anciens cantons –, ce qui est bien entendu très insuffisant.

Les quatre régions, chargées de l’aménagement du territoire, doivent prendre en compte cette nécessité et adapter leurs politiques territoriales, afin que chaque ancien chef-lieu de canton, qui joue, de fait, un rôle de centralité, puisse être aidé.

On note donc quelques réussites, mais aussi des points faibles.

En premier lieu, le déploiement de la couverture mobile et internet, sans stratégie de massif, au moins partiellement, est catastrophique, alors qu’elle constitue désormais un prérequis indispensable au développement de tout territoire – on ne cesse de le répéter.

Quand des touristes viennent en vacances chez nous, si leur connexion 3G ne fonctionne pas sur leur smartphone, ils repartent aussitôt ! Les entreprises allèrent, de même que les infirmiers et les artisans.

En matière de mobilité, le comité de massif conduit des expérimentations pour tester l’efficience de la voiture autonome, du covoiturage organisé : c’est un tragique habillage de la misère, qui est risible !

En deuxième lieu, le réseau routier que j’évoquais souffre de nombreuses lacunes : la RN 88, l’axe Lyon-Toulouse structurant pour le Massif, qui traverse la Loire, la Haute-Loire, la Lozère, l’Aveyron, le Tarn et la Haute-Garonne. Je pourrais aussi citer le scandale de la RN 102, qui dessert Aurillac, et qui ressemble à une route d’un autre siècle ! Enfin, il manque une voie rapide au nord-est du massif, entre Clermont et Dijon.

En troisième lieu, le transport ferroviaire est en net recul. On met plus de temps aujourd’hui pour faire Paris-Mende qu’au siècle dernier, ce qui est quand même un comble !

En quatrième et dernier lieu, je mentionnerai un point fort, qui est aussi un point faible : la filière bois, car elle est sous-exploitée.

L’État doit jouer un rôle moteur afin d’accompagner la structuration de la filière, et le comité de massif devrait faire office de guichet unique.

En définitive, les objectifs définis dans la convention interrégionale sont pertinents, mais ils ne traitent pas de l’essentiel, c’est-à-dire des infrastructures. Il faut donc revoir la copie.

Il faut aussi tracer des pistes pour l’avenir. En matière de couverture numérique, il faut revoir la notion de « zone grise », qui est inopérante puisqu’elle désigne une zone sur laquelle est présent au moins un opérateur, même s’il n’est présent que sur 5 % du territoire d’une commune ! Je propose d’inverser la logique et de classer en zone grise les seules communes couvertes à hauteur de 95 % par un ou plusieurs opérateurs, sinon on n’avancera pas sur cette question.

Pour le transport ferroviaire, l’axe Paris-Clermont, qui dessert tout le massif, se subdivise en deux branches, l’Aubrac et le Cévenol. Les élus du Massif central proposent collectivement de créer un « Trans-Massif central » pour succéder à ces lignes.

Pour la filière bois, il faut affecter une partie des recettes de la contribution climat-énergie au Fonds stratégique de la forêt et du bois, créé par Stéphane Le Foll, mais qui ne permettra pas de financer la filière avec sa dotation de 29 millions d’euros. Pourtant, la forêt contribue à la captation des émissions dont on parle ces jours-ci dans la région parisienne.

Le dynamisme de cette filière est une question non pas seulement d’argent, mais également de structure. Il faut créer un guichet unique pour la filière bois, adossé au comité de massif.

En conclusion, pour favoriser l’efficience des politiques de massif, il faut se concentrer sur l’essentiel, qui se résume à trois choses : les infrastructures, les moyens et la volonté politique de voir nos massifs occuper des places économiques prépondérantes parmi les massifs européens.

Concernant les moyens, sur la période 2014-2020, on tablait sur une maquette financière de plus de 107 millions d’euros. Aujourd’hui, fin 2016, c’est moins de 40 millions d’euros qui ont été engagés, à comparer aux plusieurs dizaines de milliards d’euros pour le budget des 22 départements et des 4 régions concernés.

Comment prétendre à des politiques publiques fortes avec des clopinettes ?

Il faut aussi que le comité de massif s’ouvre à des acteurs du monde socioprofessionnel et à des personnalités qualifiées.

En effet, ce qui affaiblit les comités de massif, c’est d’être le lieu de rencontre entre différents acteurs qui veulent tous grappiller quelques sous dans la caisse, « tirer une partie de la paye », comme on dit, sans s’entendre sur des projets structurants.

En conclusion, je dirai qu’il faut un leadership de l’État. Quand on a le Morvan, la Margeride, les landes du Forez, les garrigues de l’Hérault, les Causses, le puy de Sancy, le puy de Dôme, les gorges du Tarn, la Limagne, le cirque de Navacelles, les Cévennes, des espaces gigantesques de montagne et de hautes landes, des espaces boisés colossaux, on joue de fait dans la même cour que le Montana, l’Alaska, l’Irlande, l’Écosse, l’Atlas ou le Colorado !

Nous devons être ambitieux ; sinon nous n’arriverons à rien. Nos ambitions, nos stratégies, qui nous rendent aujourd’hui invisibles à Londres, Rome ou Berlin, doivent nous faire exister demain, y compris aux yeux de Pékin, Moscou ou New Delhi.

C’est une autre image, une autre efficacité qu’il faut défendre, en se plaçant résolument dans la cour des grands ! Car nous en faisons partie !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat demandé par notre groupe vise à mettre en lumière les problématiques propres à un territoire de la République, qui disparaissent souvent dans le débat public devant les défis locaux jugés plus urgents ou prioritaires, tels que le développement des grandes métropoles ou des zones littorales.

S’étendant sur 85 000 kilomètres carrés, le Massif central représente pourtant un huitième du territoire national, et sa situation spatiale, au cœur de l’Hexagone, justifierait qu’il occupe une place plus centrale dans le maillage national des échanges et des ressources.

Cependant, nous en sommes loin : après le grand développement du réseau ferroviaire au XIXe siècle, qui a contribué, une première fois, à réduire le désenclavement de la zone, il a fallu attendre 1975, soit un siècle plus tard, pour que l’État tente de remédier à son isolement, par la mise en œuvre du plan routier Massif central. C’était l’époque où de réelles politiques d’aménagement étaient pensées et mises en œuvre !

Comment expliquer, quarante ans plus tard, le retard de la conduite de tels aménagements ?

Il est facile d’imaginer l’effet répulsif qu’ont pu avoir les formules malheureuses de « désert français » et de « diagonale du vide », utilisées par quelques géographes et statisticiens de la DATAR, la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, pour désigner la zone reliant la Meuse aux Landes, dépeuplée par l’exode rural. Non, ce n’est pas un désert ! Non, ce n’est pas un vide, puisque des hommes et des femmes y vivent, et que des activités économiques – et pas simplement agricoles ! – s’y sont établies.

La topographie du massif a également eu une influence sur le développement du réseau ferroviaire, au point de juger plus efficient de relier Toulouse à Paris en contournant le Massif central par l’ouest plutôt qu’en le traversant. Il n’est cependant pas anodin de remarquer que ses reliefs, moins escarpés que ceux des Alpes, mais pourtant plus enclavés, n’ont pas fait obstacle à la construction de l’A89 et de l’A75. Au contraire, la construction du viaduc de Millau a été une nouvelle occasion d’illustrer le génie technique français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Surtout, la marginalisation du Massif central et de ses contreforts dans l’agenda du développement territorial est d’abord imputable à son morcellement administratif.

Déjà divisés au sein de vingt-deux départements, il est clair que le nouveau découpage régional renforce les difficultés des habitants du massif à rassembler leurs forces pour obtenir les décisions nécessaires à l’accompagnement de son développement économique. Demandez au président Jacques Mézard, aujourd’hui en déplacement à Lyon, sa nouvelle capitale régionale, ce qu’il pense de la proximité géographique entre Aurillac et Lyon !

Face à la faible réactivité des pouvoirs publics centraux, et malgré l’existence d’un commissariat spécifique et rattaché à la DATAR, une conscience collective se forme, par le biais d’associations dépassant les limites administratives que j’évoquais. Il s’agit par exemple de l’Association pour le développement industriel et économique du Massif central ou d’associations agricoles comme le SIDAM-COPAMAC.

Les citoyens du Massif central prennent progressivement conscience des enjeux qui les unissent. L’identité de ce territoire ne tient pas, comme ailleurs, à l’existence d’un climat uniforme et doux ou à l’homogénéité de son paysage : le Massif central est bigarré, il rassemble des plateaux volcaniques, des failles abruptes et des plaines fécondes, ainsi que l’a rappelé mon collègue Alain Bertrand. En réalité, l’identité de ce territoire découle davantage des préoccupations communes et quotidiennes de ses habitants et de leur détermination dans la lutte contre la désertification programmée de leur lieu de vie. Certains parleraient d’un esprit de résistance.

Leurs doléances, nous les évoquons régulièrement dans cet hémicycle, mais toujours de façon éparse, ce qui ne nous permet pas de souligner les difficultés cumulées qui nuisent aujourd’hui au développement de ce territoire. Tel est justement l’objet de ce débat.

Bien que la part du secteur primaire y soit moins importante qu’autrefois, le développement économique du Massif central repose encore grandement sur la vitalité de son agriculture, qui fait vivre 90 000 actifs et leurs familles.

Dans un territoire agricole majoritairement dédié à l’élevage, la crise agricole suscite bien des inquiétudes. C’est pourquoi, dans la continuité de notre travail législatif, nous continuerons de proposer des amendements de nature à alléger certaines contraintes, et ce dès la semaine prochaine avec l’examen de projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne par la Haute Assemblée.

Au-delà du soutien aux secteurs économiques traditionnels, l’édification des facteurs de croissance et de développement est un aspect essentiel. J’y ai déjà fait allusion, les investissements en faveur des infrastructures de réseaux à destination du Massif central sont structurellement insuffisants. Les lignes ferroviaires régionales, peu rentables, sont menacées, tandis que le réseau de la grande vitesse contourne ostensiblement le Massif central.

Concernant les moyens de communication, le déploiement du réseau France très haut débit est loin de tenir toutes ses promesses : les zones grises remplacent progressivement les zones blanches, mais n’offrent pas des conditions de connexion suffisantes pour développer des activités professionnelles et touristiques sur l’ensemble du territoire. Il faut se doter de moyens juridiques et financiers pour développer des réseaux, en vue d’agir efficacement contre la fracture territoriale et numérique.

Enfin, dès lors qu’une offre de services publics de qualité est également un critère déterminant dans la localisation des activités économiques, il convient de réfléchir à des solutions pour lutter contre les effets dévastateurs de la rationalisation de la carte administrative et du phénomène corrélé des déserts médicaux.

Pour conclure, je voudrais insister sur la dimension qualitative du développement territorial. Les dynamiques démographiques à l’œuvre, parfois encouragées par la loi, tendent à concentrer la population active dans de grandes métropoles où la densité et le mal-logement sont créateurs de stress et de mal-être. Il est donc nécessaire de repenser la cohérence nationale de notre politique de développement territorial et de se donner les moyens de conduire une grande et ambitieuse politique d’aménagement du territoire. En ce sens, l’enjeu du désenclavement du Massif central dépasse le seul intérêt de ses habitants et concerne tous les Français.

Monsieur le secrétaire d’État, le Massif central est le château d’eau de la France ; il envoie de l’eau et attend en retour du liquide, mais sous une autre forme !

Rires. – Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, longtemps perçue comme fragile ou défavorisée, la moyenne montagne du Massif central semble aujourd’hui profiter à la fois d’une remise en cause d’un modèle global de développement et de la multiplication des initiatives locales.

Fort de ses 6 régions, de ses 22 départements et de ses 4 000 communes, ce massif possède, à n’en pas douter, des atouts environnementaux et sociaux capables de faire de ce territoire un modèle de croissance et de développement.

Le développement durable et la crise actuelle remettent en effet en question les modèles de production classiques, et le Massif central a des atouts à faire valoir en termes de qualité de vie, d’impulsion d’une économie verte et de nouvelles filières.

L’urbain doit pouvoir côtoyer la ruralité et ainsi activer des perspectives de croissance importantes. La construction d’une vision partagée doit intégrer ces débouchés, pour déployer une stratégie de développement où le milieu rural ne peut être déconnecté des dynamiques urbaines.

Le Massif central se distingue par un relatif équilibre entre population rurale et urbaine. En déclin démographique jusque dans les années 2000, le massif se repeuple, avec une progression de 0, 4 % par an et une population s’élevant à ce jour à quelque 3, 8 millions d’habitants.

Sur près de 85 000 kilomètres carrés, il est le plus vaste massif français, et il est considéré comme un carrefour biologique pour sa biodiversité.

Concrètement, les prairies, la forêt, l’eau, les paysages et les énergies renouvelables sont les principales ressources emblématiques qui viendront enrichir les modèles de développement mis en œuvre à l’échelle régionale et interrégionale.

Plus grande prairie d’Europe, et fort de ses 73 000 exploitations, il est le premier massif d’accueil des exploitations agricoles. L’effet montagne semble également déterminer le maintien d’une agriculture extensive et de pratiques porteuses de biodiversité.

L’espace forestier couvre, quant à lui, près de 33 % de la surface du massif, mais le potentiel forestier est largement sous-valorisé. Un audit de la filière bois du Massif central estime en effet qu’il est aujourd’hui possible et réaliste d’augmenter la collecte totale de bois de près de 30 % à 50 %.

Les innombrables ressources naturelles dont bénéficie le Massif central lui confèrent un positionnement environnemental spécifique. Il est important de valoriser ses capacités à inscrire son développement dans une économie compétitive, créatrice de richesses et d’emplois. À titre d’exemple, le Massif central concentre à lui seul un tiers des sources et la moitié des eaux minérales de France. L’eau constitue une ressource économique formidable, notamment pour les activités économiques telles que l’agriculture, l’alimentation ou le thermalisme.

En dépit d’une image rurale, le Massif central dispose d’une présence industrielle et artisanale diffuse sur l’ensemble du territoire. De grandes entreprises comme Michelin, Lapeyre ou SAGEM y ont leurs origines et y ont conservé des implantations. Nous constatons ainsi que même les régions qui n’ont pas de grandes métropoles disposent d’une présence industrielle évidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Le patrimoine naturel et architectural du Massif central en fait une destination privilégiée pour de nombreux touristes.

Le secteur du tourisme, sur lequel je souhaite m’attarder, est incontestablement un levier de développement économique ainsi qu’un enjeu important de l’attractivité des territoires du Massif central. Il est, de plus, historiquement très proche de l’économie sociale et solidaire.

Le tourisme est caractérisé par une diversité d’acteurs et une imbrication particulière entre secteur public et privé.

Le rôle des élus et des collectivités est essentiel pour structurer et valoriser l’offre touristique existante.

Les sites touristiques sont bien dispersés sur l’ensemble du territoire, mais il reste indispensable d’identifier les marchés sur lesquels le Massif central peut opportunément se positionner.

Pour beaucoup, Massif central est synonyme d’Auvergne, de volcans, mais la promotion ne peut pas et ne doit pas se limiter à la chaîne des Puys. Les zones périphériques doivent être, elles aussi, prises en compte dans la définition de l’identité.

Il est donc essentiel de déterminer le point commun des territoires qui constituent le massif et de s’approprier cet espace en prenant en compte sa diversité, tant culturelle que spatiale. Le manque d’harmonisation nuit à la qualité et à l’efficacité de la promotion touristique.

Il est vrai que le redécoupage régional n’aide pas à harmoniser les systèmes de promotion, comme cela a déjà été relevé. Le positionnement vers un tourisme durable et tourné vers la nature doit rimer avec simplicité et visibilité au niveau de la communication et de la valorisation du territoire.

L’emploi local dans le secteur du tourisme constitue en effet l’une des clés du développement de l’économie du Massif central. Il s’agit notamment d’une réponse à apporter face au risque de désertification des territoires.

Les pistes de travail sont, à l’évidence, l’attractivité touristique à l’horizon de 2020, puis de 2040, l’identification et le développement d’une offre touristique adaptée, novatrice et identitaire pour notre territoire, ainsi que le développement de nouveaux modèles économiques et de nouveaux partenariats.

Le Massif central apparaît relativement bien équipé, notamment pour ce qui concerne les services de proximité. En revanche, pour accéder à des commerces, les habitants du territoire sont moins bien lotis que le reste des Français.

Bien entendu, cette accessibilité moyenne cache de grandes disparités territoriales. Plus l’altitude augmente, plus l’accessibilité se détériore.

Points d’ancrage importants de la population, les bourgs-centres ont tous un rôle d’animation au sein de leur entourage immédiat. La faible accessibilité aux équipements et le déclin démographique de certains secteurs caractérisent fortement les zones de montagne : c’est un point que je tiens à soulever à la veille de l’examen du projet de loi Montagne par le Sénat.

Aussi, adopter une politique d’infrastructures à long terme doit être une priorité. Les entreprises et les habitants ont besoin de se déplacer de façon efficace, flexible et sûre.

Je dirai deux mots sur la couverture numérique du territoire : il y a urgence, et ce dossier doit être une priorité.

De larges proportions de zones rurales et de montagne risquent l’exclusion. C’est une question d’équité territoriale et de solidarité nationale pour assurer le développement des territoires de montagne.

La réduction de la fracture numérique est devenue un enjeu majeur. Les critères pour définir les zones blanches datent malheureusement de 2001 et sont périmés.

Entre les zones blanches retenues selon la définition de 2001 et les sites à vocation économique et touristique définis par le ministère de l’économie en début d’année, il reste dans le Massif central énormément de zones grises où les problèmes de couverture sont très prégnants.

Pour pallier ces différents problèmes, les départements de l’Allier, du Puy-de-Dôme, du Cantal et de la Haute-Loire ont signé un partenariat public-privé avec l’ancienne région Auvergne et l’opérateur Orange. Le projet prévoit, selon les zones, le déploiement de la fibre optique, le renforcement du réseau ADSL ou des aides à l’équipement pour avoir – enfin ! – accès à internet grâce au satellite.

Concernant la désertification médicale – ce n’est pas mon collègue Daniel Chasseing qui me contredira ! –, nous ne ferons pas venir de médecins dans des zones de montagne si nous n’arrivons pas à offrir un accès au très haut débit ! C’est l’un des défis de la loi Montagne, car de la couverture numérique dépend l’avenir de toutes les zones de montagne en France.

En conclusion, tout en reconnaissant ses contraintes de moyenne montagne, mais en mettant en avant sa singularité, sa capacité à développer, à équilibrer, à organiser sa compétitivité et son attractivité, le Massif central montre une fabuleuse volonté de construire un modèle de développement territorial original ancré dans le développement durable.

Sa particularité en Europe de « montagne habitée » permet de positionner le Massif central comme un espace de qualité et de modernité. Aussi, loin de la pollution aux particules fines de notre capitale, donnons-lui les moyens nécessaires à ce développement économique original, en conciliant croissance et protection de l’environnement.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe du RDSE d’avoir pris l’initiative de ce débat.

Notre pays se trouve dans une situation extrêmement rare, celle d’héberger, en son centre, un vaste espace, qui représente près de 15 % du territoire et cumule malheureusement les handicaps en matière d’aménagement : relief difficile ; climat parfois rude, allant du très chaud au très froid, et pluvieux ; absence de métropole polarisante ; divisions historiques… Les raisons abondent pour expliquer les difficultés que connaît le Massif central. Et malheureusement, la politique d’aménagement du territoire n’a pas permis jusqu’à présent de corriger efficacement ces handicaps, hérités tant de la géographie que de l’histoire. En particulier, deux de ses axes principaux – la régionalisation et la métropolisation – n’ont pas su prendre en compte les particularités du Massif central.

Son éclatement entre six régions, puis quatre, avec le regroupement, empêche d’entretenir une véritable dynamique régionale. Cela est d’autant plus problématique que cet échelon joue un rôle de premier plan en matière d’aménagement du territoire.

Certes, le Massif central est un territoire aux identités plurielles, au confluent des terres de langues d’oc et de langues d’oïl, ce qui rend difficile son regroupement en une région unique. Pour autant, la réforme de la carte régionale a totalement occulté cet enjeu, avec pour simple objectif, la rationalisation administrative.

Il est vrai qu’un schéma interrégional ainsi que des structures telles que le commissariat à l’aménagement du Massif central ou le groupement d’intérêt public interrégional ont été mis en place, mais ils ne sont que des palliatifs, inaptes à remplacer une organisation régionale plus cohérente.

Cet éclatement est renforcé par une logique de métropolisation, dont le Massif central ne profite pas. Ni Clermont-Ferrand ni Limoges n’ont un rayonnement suffisant pour polariser leur territoire.

Le Massif central est donc tiraillé entre différentes métropoles, situées à ses marges et au-delà. Le Bourbonnais et Clermont-Ferrand sont plutôt orientés vers Paris ; du Forez au Velay, l’influence de Lyon se fait sentir ; le sud-ouest du territoire regarde plutôt vers Toulouse, tandis que le Limousin est tourné vers Bordeaux et la façade atlantique.

En filigrane transparaît donc un des besoins principaux du Massif central : la cohérence et le maillage du territoire.

À cet égard, la logique du tout-routier, qui prévaut depuis plusieurs décennies dans cette région, doit laisser place à un renouveau du chemin de fer dans une logique qui concilie organisation de l’espace et désenclavement.

Une desserte fine, en chapelet, sur le modèle des trains à haut niveau de service, est ici une solution pertinente. De tels trains induisent un désenclavement des gares majeures grâce à des temps de trajet raisonnables, sans pour autant délaisser les arrêts intermédiaires. Un effort préalable, y compris sur le réseau des trains express régionaux, doit cependant être consenti sur deux plans.

Tout d’abord, un effort doit être réalisé pour ce qui concerne l’entretien et l’amélioration des lignes, notamment leur électrification, puisque la traction diesel est une aberration, sur le plan tant écologique qu’économique. Ensuite, il convient de se préoccuper de la mise à niveau de celles-ci, afin d’augmenter des vitesses moyennes bien trop faibles.

L’enjeu du désenclavement rejoint bien évidemment la question de l’attractivité du territoire, sans, toutefois, la recouvrir totalement. Là aussi, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer.

Premièrement, cela passe par un encouragement de l’essor de formations universitaires d’excellence, notamment celles comprenant un bicursus, en partenariat avec des universités françaises dont le rayonnement est plus important, ainsi qu’avec des établissements internationaux. Celles-ci sont trop rares dans la région, alors qu’elles sont le moyen d’y attirer et d’y maintenir une population, par définition, jeune et dynamique.

Deuxièmement, il convient de corriger le déficit de notoriété dont souffre l’artisanat local, vivier d’emplois et manifestation du savoir-faire français. Pour n’en citer qu’un, la coutellerie de Thiers offre un bon exemple. Ces filières font d’ailleurs vivre un enseignement professionnel bien implanté dans la région et constituent des parcours d’excellence, qui ne demandent qu’à être développés.

Troisièmement, on ne peut évoquer l’attractivité du territoire sans souligner la nécessité d’étendre l’accès au haut débit, voire au très haut débit, en priorité dans les bourgs-centres, afin de réduire la fracture numérique et faciliter l’implantation des PME dans les petits centres urbains.

Enfin, on oublie parfois, au gré de la vindicte contre les dépenses publiques, que, en assurant la présence des services publics sur tout le territoire, l’État non seulement répond aux besoins d’une administration égale et continue, mais assure aussi une fonction primordiale en termes d’aménagement du territoire.

À titre d’exemple, la réforme de la carte judiciaire semble avoir occulté l’importance que peut revêtir, dans des villes ne comptant que quelques milliers d’habitants, la simple présence d’un tribunal d’instance.

On le voit, il existe, en matière de développement, de nombreux leviers susceptibles de valoriser les atouts qui caractérisent, aussi, le Massif central : des indicateurs sociaux favorables ; un taux de chômage plus faible que la moyenne nationale ; des dossiers de surendettement moins nombreux ; une nature préservée qu’il est souhaitable de valoriser dans le respect – bien évidemment – de l’environnement

M. Jean Desessard approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Imposant en superficie et en topographie, au centre de gravité de la France, le Massif central mérite vraiment bien son nom. Cependant, il est encore loin, malheureusement, de bénéficier d’un intérêt correspondant dans nos politiques publiques.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du RDSE et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour débattre du Massif central en tant qu’enjeu de développement territorial.

La notion de développement territorial a supplanté celle de développement local, en permettant d’intégrer l’ensemble des acteurs d’un territoire dans la description de sa dynamique. Le concept ne se réduit pas non plus au simple développement économique ou technologique, mais permet aussi de mettre en valeur l’innovation sociale ou l’innovation dans l’organisation.

La notion géographique de Massif central a réussi à devenir progressivement une véritable notion institutionnelle, en particulier grâce à des outils comme les comités de massif. Accomplissant le rôle de conseil économique et social de la montagne au niveau d’un territoire pertinent, les neuf comités de massif représentent l’un des outils essentiels créés par la loi Montagne de 1985, dont l’actualisation sera débattue lundi prochain au Sénat.

Sur le plan institutionnel, je faisais partie de ceux qui défendaient, lors des débats sur le redécoupage, une région transversale regroupant le Limousin, le Poitou-Charentes et l’Auvergne, afin de coller, le plus possible, à une identité « Massif central » en train de se forger.

La zone de moyenne montagne que constitue le Massif central est soumise à plusieurs défis de taille pour l’avenir.

La métropolisation est un phénomène structurel prégnant sur tout le territoire national, qui touche également notre zone, si l’on regarde les dynamiques urbaines et périurbaines de villes comme Clermont-Ferrand, Saint-Étienne ou Limoges, trois villes qui structurent leur espace environnant, mais qui, aujourd’hui, ne bénéficient pas du statut de métropole au sens de la loi MAPTAM de janvier 2014, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Évoquons maintenant le rôle majeur des infrastructures dans cette ambition de développement territorial.

Une grande partie du territoire du Massif central souffre encore d’un certain enclavement, bien que l’investissement de l’État ait permis de progresser face à ce handicap. Les autoroutes A71, A75 et A20 dessinent deux axes nord-sud traversant cette zone et relient Paris à Montpellier, en passant par Clermont-Ferrand, et Paris à Toulouse, par Limoges. De plus, l’autoroute A89, au sud, relie Bordeaux à Clermont-Ferrand.

Ces axes routiers se trouvent complétés par la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT. Avec la ligne Paris–Clermont-Ferrand, elle fait partie des trois « lignes structurantes à haute performance » retenues par le secrétariat d’État aux transports, et nous avons accueilli très favorablement la décision de renouveler la totalité de son matériel roulant à l’horizon de 2020.

Cependant, le rejet, par le Conseil d’État, de la déclaration d’utilité publique de la ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges appelle, de la part du Gouvernement, une accélération du processus de modernisation de l’axe Paris-Toulouse.

Un décret du 5 décembre dernier charge notre collègue Michel Delebarre d’une mission temporaire ayant pour objet « l’amélioration de l’accessibilité de Limoges, du Limousin et des territoires limitrophes ». Ce décret évoque donc « l’accessibilité », ce qui sous-entend une étude comparée de l’ensemble des moyens ferroviaires, routiers et aériens. Je formule le souhait de voir cette mission contribuer efficacement au désenclavement de toute la partie ouest du Massif central notamment.

J’aborderai également le projet de ligne TGV visant à désaturer l’actuelle LGV entre Paris et Lyon. Cette ligne TGV entre Paris, Orléans, Clermont-Ferrand et Lyon, dite POCL, est encore à l’étude.

Toutefois, au regard des deux scénarios actuellement en lice, je veux dire ma préférence pour le tracé ouest, par rapport à celui dit « médian », car il permettra d’englober nettement Orléans, Vierzon, Châteauroux, Bourges, Moulins, etc. Cette option me semble la plus favorable pour la zone du Massif central. L’avenir des deux lignes, POLT et POCL, me paraît indissociable. Je prône ainsi le retour au fameux Y renversé à partir de Vierzon, qui avait été rejeté par la SNCF dans les années soixante-dix, avec une branche vers Limoges et une autre vers Clermont-Ferrand.

La fonctionnalité du Massif central passe notamment par une bonne interrelation entre les deux métropoles : Bordeaux et Lyon. Il importe, dans une vision d’ouverture au sein de l’espace européen et de coopération interrégionale, de les relier, en particulier par un axe ferroviaire.

Je veux parler de la ligne Bordeaux-Lyon, via Limoges, Guéret et Montluçon. Plus importante liaison ferroviaire transversale française desservant le Massif central, ancienne et nécessitant une impérieuse modernisation, cette liaison a disparu, en décembre 2012, entre Limoges et Lyon, à l’occasion des travaux décidés dans le cadre du plan Rail Auvergne et Limousin. Son rétablissement serait étudié pour le service annuel de 2017 ou 2018. Où en est-on, monsieur le secrétaire d’État, car il n’existe plus, aujourd’hui, de ligne intégrale Lyon-Bordeaux ? Les deux régions – Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes – se retrouveront-elles à gérer seules, demain, cet enjeu de liaison transversale ?

Pour poursuivre sur l’enjeu des infrastructures, il nous faut souligner l’importance fondamentale du déploiement d’un réseau numérique et de téléphonie mobile ne faisant l’impasse sur aucun territoire. Là encore, le Gouvernement a été pleinement mobilisé, en particulier à travers le plan France très haut débit, qui devrait permettre de disposer d’une couverture satisfaisante en 2022. Dans ce domaine, la pérennité d’un effort d’investissement particulier de la part de l’État est vitale. Il y va bien sûr de l’égalité des territoires dans la République.

En effet, certains universitaires, de nouveau, pointent le risque d’une préjudiciable fracture territoriale et la constitution d’une France périphérique. Des travaux de nos collègues sénateurs évoquent une France hyper-rurale, menacée de déclassement.

Par ailleurs, soulignons l’intérêt et l’efficacité des politiques publiques visant, ces dernières années, à maintenir les forces vives sur le territoire du Massif central et accueillir de nouveaux habitants. Le solde naturel est structurellement défavorable à ces zones en raison d’une population âgée, mais aujourd’hui, il est souvent supplanté par un solde migratoire positif, qui reflète les efforts déployés pour rendre ces espaces attractifs.

Au niveau des activités économiques, l’importance de l’agriculture est évidente.

Nous ne sommes pas dans l’agriculture céréalière de la Beauce ou des plaines de Picardie. Celle du Massif central se concentre d’abord sur l’élevage, mais peut également offrir des écosystèmes cohérents et efficaces : je pense, par exemple, à la plaine de la Limagne ou aux terroirs viticoles, comme ceux de Cahors ou de Saint-Pourçain.

Le maintien de l’enveloppe financière de la politique agricole commune est une nécessité pour l’agriculture du Massif central. Les mesures agro-environnementales et climatiques ou les aides pour l’agriculture biologique constituent des avancées utiles. C’est surtout une orientation plus prononcée en faveur des zones d’élevage et le maintien d’une aide comme l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, qui sont essentiels.

À l’inverse, des politiques imprudentes, comme la suppression des quotas laitiers, peuvent déséquilibrer toute une production, le lait représentant 20 % de l’activité d’élevage du massif.

Il n’est pas évident de parler globalement du Massif central. Comme dans d’autres domaines, l’agriculture offre un visage contrasté avec des zones orientées vers des productions de qualité créant de la valeur ajoutée ou d’autres en proie à des difficultés structurelles profondes.

En ce qui concerne notre tissu de PME-PMI et de très petites entreprises dans le secteur de l’industrie ou des services, la situation reflète la répartition démographique. Nous avons quelques grands pôles industriels dynamiques. On pense notamment à Clermont-Ferrand avec Michelin, à Limoges avec Legrand ou à Saint-Étienne. Il s’agit effectivement des plus grandes villes du territoire, mais de petits écosystèmes industriels fonctionnent également bien autour des villes moyennes : Rodez, Brive, Thiers, Montluçon ou Aurillac. Globalement, la carte de l’activité économique épouse celle de l’urbanisation.

La nature du tissu économique du Massif central, constitué essentiellement de PME-PMI, voire de très petites entreprises, appelle du discernement dans les décisions nationales. On ne peut appréhender de la même manière une société du CAC 40, comme Michelin ou Legrand, qui démontre d’ailleurs qu’une firme multinationale française peut fort bien avoir son siège hors de l’Île-de-France, et une entreprise artisanale de trois salariés du Forez. Je voudrais, par exemple, mentionner le succès remporté par le plan Embauche PME, succès trop faiblement popularisé, ou les dispositions bénéficiant à l’économie sociale et solidaire, plus dense ici que dans la moyenne nationale.

Non, les territoires ruraux ne sauraient être considérés comme des espaces à vocation seulement récréative ! À un moment où la désindustrialisation touche prioritairement les villes petites et moyennes, qui structurent l’espace rural, et non les métropoles, une stratégie autonome de développement rural visant la valorisation des ressources locales constitue une impérieuse nécessité. L’équilibre ville-campagne et l’harmonie de notre société en dépendent.

Une foultitude de colloques ou rapports évoque la ruralité comme étant une chance et un atout pour la France. Cette affirmation demeurera une simple déclaration d’intention, si certaines conditions ne sont pas remplies : la puissance publique doit en être le garant et l’impulsion, elle doit être animée par le souci d’une mise en œuvre efficace du nouveau contexte institutionnel, par celui d’une contribution majeure à la lutte contre le réchauffement climatique ou bien encore par un usage optimal des nouvelles technologies, en particulier le numérique.

Le service public, qu’il soit d’État ou local, tient un rôle irremplaçable dans un « vivre ensemble » de qualité.

France Stratégie écrit ainsi : « Le système redistributif et la répartition de l’emploi public réduisent significativement les écarts territoriaux. » D’où l’importance des schémas départementaux d’accessibilité aux services publics.

Oui, grâce à l’engagement coordonné de l’État et des collectivités territoriales, on parvient à des investissements publics qui changent en profondeur le cadre de vie de nos concitoyens et suscitent un dynamisme économique dont le Massif central a besoin.

Nous devons lui donner toutes ses chances, et le rôle du comité de massif reste majeur dans les grands choix, lui donnant une identité plus affirmée, qui synthétise nos spécificités et les aspirations de nos concitoyens, par exemple au travers des aménités environnementales, liées à nos ressources naturelles d’excellence : la qualité de l’air et des eaux superficielles, les produits du terroir, les paysages, la biodiversité, le massif forestier, les services touristiques, la sécurité publique…

Notons également l’importance de la filière bois dans la région avec un fort potentiel économique, maintes fois relevé par la Haute Assemblée.

Le développement du tourisme reste un autre grand facteur d’avenir pour le Massif central. L’authenticité des paysages et un cadre de vie préservé sont fortement appréciés. C’est le gage du développement d’un tourisme vert toujours plus rayonnant. Il se fonde en particulier sur la promotion des activités physiques de pleine nature et la préservation d’un patrimoine bâti de qualité épousant les aspirations et les attentes des touristes d’aujourd’hui.

Le tourisme culturel est doublement bénéfique pour le Massif central. Il apporte une certaine activité sur les territoires qui le mettent en place et permet de valoriser l’image de ces mêmes sites : le festival international du court métrage de Clermont-Ferrand – le deuxième de France après celui de Cannes –, le festival international de théâtre de rue d’Aurillac – le plus grand d’Europe dans sa catégorie –, le festival de musique de La Chaise-Dieu, qui fête ses cinquante ans cette année, ou encore la cité internationale de la tapisserie d’Aubusson, qui concrétisa, en 2009, l’inscription des savoir-faire de la tapisserie au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Formulons d’ailleurs le vœu de voir celle-ci bientôt rejointe par d’autres dans ce classement !

Le droit à la santé doit être exercé comme un service public. Le ministère de la santé multiple les incitations permettant de faire face au risque de désertification médicale, avec, par exemple, les contrats territoriaux d’installation. Mais nous n’échapperons pas à des mesures coercitives si nous voulons être réellement efficaces sur cet enjeu, souvent considéré par les élus de nos campagnes comme étant absolument vital pour fixer la population.

En dépit du décret du 20 mai 2016 reconnaissant la spécificité des hôpitaux de proximité, la fragilité financière de nombreux établissements publics de santé demeure. La vigilance doit rester de mise, car ces établissements accueillent, soignent et accompagnent les Français près de chez eux.

La population, souvent âgée, bénéficie d’EHPAD, des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui méritent d’être accompagnés dans leurs efforts de modernisation, en particulier pour intégrer les nouvelles technologies dans la prise en charge de la dépendance, telles que la domotique.

Je profite de cette occasion pour saluer l’action du ministère de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, depuis 2014 notamment. Je pense en particulier à la méthode retenue reposant sur la concertation, avec les assises de la ruralité de 2014, aux nombreux engagements pris lors des trois comités interministériels aux ruralités – Laon en mars 2015, Vesoul en septembre 2015 et Privas en mai 2016 – et à l’évaluation présentée en conseil des ministres le 9 novembre dernier.

Nous pouvons maintenant, au jour le jour, département par département, suivre, sur le site du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, l’état d’avancement de ces comités interministériels, en particulier sur les questions liées aux maisons de services au public, aux maisons de santé, aux conventions ruralité avec l’éducation nationale, au déploiement territorial de la téléphonie mobile ou au plan France très haut débit.

Lors des débats présidant à la mise en place des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, beaucoup d’élus exprimèrent la nécessité de formaliser et d’appliquer de réels projets de territoire, si possible structurés autour de bassins de vie.

Une possibilité leur est donnée, avec la mise en place des contrats de ruralité, portés par les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, ou les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR. Abondant les financements de droit commun, une part du Fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL, de 216 millions d’euros leur est consacrée, élément déclencheur de leur concrétisation, en 2017, sur les territoires volontaires.

Le Massif central, par sa caractéristique profondément rurale, est directement concerné par cette démarche, adossée à des référents ruralité, en général des sous-préfets, clairement identifiés comme interlocuteurs privilégiés des élus locaux.

Cette nouvelle procédure complète tout un arsenal de dispositifs, structures et financements appropriés, dont la coordination optimale sur le terrain ne va pas toujours de soi : ZRR, zones de montagne, PER, pôles de compétitivité, réseau rural français, volets territoriaux des CPER, FEDER, FEADER, DETR, DSR, DSV, FNADT, FSIL…

La performance économique et l’attractivité de nos territoires, une intense politique d’accueil d’actifs et d’activités, l’accès facilité aux services publics doivent être les corollaires de notre République décentralisée ; celle-ci mérite une politique d’aménagement du territoire ambitieuse.

Le désir de campagne, jamais aussi fort que dans la période actuelle, débouchera sur de regrettables frustrations si le volontarisme politique ne lui donne pas satisfaction. Il y va du désir d’épanouissement et de projet de vie de centaines de milliers de familles.

Concernant cette nécessaire complémentarité ville-campagne, je veux dire ici mon inquiétude inhérente au contenu des futurs contrats de réciprocité, que le CGET a opportunément intégrés aux pactes entre l’État et les métropoles.

En effet, l’un des trois défis majeurs de ces pactes est de « favoriser leur rôle de locomotive de l’économie nationale. Les métropoles doivent devenir des catalyseurs du développement régional et soutenir le développement des territoires ruraux et périurbains ».

Or ces contrats de réciprocité ne semblent globalement concerner qu’une infime partie des territoires ruraux situés dans la proche périphérie des pôles urbains signataires. Comme facteur de solidarité territoriale, l’impact serait alors mince.

L’égalité des chances entre les territoires doit rester un objectif clé de la cohésion nationale. Oui, l’égalité ! Nous rapprochons cette exigence de ce que Jean-Jacques Rousseau en écrivait : « Cette égalité, disent-ils, est une chimère de la spéculation qui ne peut exister dans la pratique. Mais si l’abus est inévitable, s’ensuit-il qu’il ne faille pas au moins le régler ? C’est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l’égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir. »

Si le Massif central, formé il y a 500 millions d’années, est essentiellement hercynien, la volonté des hommes et des femmes qui l’habitent aujourd’hui est d’en faire un territoire d’avenir, un espace de montagne cohérent et ouvert, économiquement dynamique et socialement solidaire, prêt à relever les défis du développement territorial.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du RDSE et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis satisfait de la tenue de ce débat sur le Massif central, et je remercie nos collègues du groupe du RDSE d’avoir pris cette initiative.

Les principaux chiffres ont été rappelés : 3, 8 millions d’habitants, quatre régions dorénavant, vingt-deux départements, des grandes métropoles situées en dehors du massif, trois villes importantes – Clermont-Ferrand, Limoges et Saint-Étienne.

Malgré d’incontestables atouts et une forte authenticité de vie, ce vaste territoire, très rural, apparaît de manière globale comme singulièrement défavorisé par rapport à d’autres zones de la nation, plus peuplées, plus industrialisées, plus connues à l’extérieur de ses frontières et donc considérées comme plus attirantes, et ce, même si les autoroutes A20, A89, A71 et A75 permettent aujourd’hui de le traverser. À cet égard, permettez-moi de rendre hommage à Jacques Chirac !

Par où commencer ?

Sans doute par l’agriculture. Le Massif central représente 15 % du territoire français, où sont élevés près de 30 % et 55 % des cheptels bovins et ovins nationaux. La prairie occupe 70 % de la surface agricole utile et le troupeau allaitant représente 35 % du cheptel national.

La situation des éleveurs de cette région est, aujourd’hui, très préoccupante. La filière de la viande et celle du lait connaissent des prix de vente souvent inférieurs à ceux de la production. On note aussi des difficultés pour le ramassage du lait pour certaines laiteries et des charges plus importantes que dans d’autres pays, ce qui entraîne de nombreuses faillites.

Le fait que le projet de réforme des zones défavorisées prévoit de diminuer leur périmètre et le retard, désormais chronique, du versement des aides agricoles n’augurent rien de bon.

La conjonction de l’ensemble de ces éléments a pour inévitable conséquence l’aggravation, au fil des ans, de la désertification du territoire : 90 000 actifs agricoles aujourd’hui dans le Massif central, exploitant 3, 5 millions d’hectares. Combien demain ?

À ces difficultés s’ajoutent les évolutions sociétales et la baisse de la consommation de viande. Les agriculteurs locaux et le président du service interdépartemental pour l’animation du Massif central, le SIDAM, en sont bien conscients et travaillent sur la valorisation de la production. La piste la plus avancée consisterait à valoriser et différencier, auprès des consommateurs, les viandes produites à base d’herbe, la véritable spécificité du Massif central. L’État et la politique agricole commune doivent les soutenir davantage dans ce projet.

La situation des exploitants forestiers n’est pas non plus reluisante. Il y a beaucoup de forêts dans le Massif central et elles sont confrontées à de lourds problèmes de gestion, d’investissement, de transformation, de promotion et, donc, de compétitivité. C’est dire si nous attendons beaucoup du projet de loi Montagne, bientôt examiné par le Sénat, en particulier dans ses volets relatifs à l’exonération de taxes et de compensations forestières lors de déboisement et à la suppression de la notion de zones de tranquillité pour les espèces animales et végétales sauvages.

Les emplois agricoles diminuant, nous devons soutenir, par des aides spécifiques de l’État, que ce soit dans le cadre des zones de revitalisation rurale, les ZRR, ou des zones franches rurales, et de la région, les porteurs de projets et le développement de l’artisanat et des PME.

Cela est absolument indispensable pour maintenir la vie en zone rurale, au travers de la mise en place d’un guichet unique – idée chère au sénateur Alain Bertrand –, dans lequel sont impliqués l’État, la région, les départements et les chambres consulaires.

Si nous voulons attirer les jeunes dans ces territoires et maintenir la vie, nous devons soutenir les bourgs-centres, en particulier en ce qui concerne le maintien des commerces, mais aussi apporter une aide au tourisme rural, qui est très fragile et doit être valorisé : pôles de pleine nature, développement des événements, aides à la mise en place de nouveaux équipements, requalification des hébergements, développement de l’e-tourisme et valorisation de l’idée de destinations touristiques.

L’un de nos collègues a indiqué précédemment qu’il n’y avait pas beaucoup de chômage dans cette région, mais il y a en fait moins d’actifs et davantage de retraités que dans les autres territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

La baisse démographique, aggravée par les grandes difficultés pour obtenir un certificat d’urbanisme dans les communes n’ayant pas de plan local d’urbanisme, entraîne une disparition progressive des services publics. Accélérons au moins, monsieur le secrétaire d’État, la création de maisons de services au public et conservons les écoles rurales !

Un point particulier est encore à souligner : la diminution du nombre de médecins…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

… qui, malgré ce qu’on répète ici ou là, est bien réelle, puisque 25 % des nouveaux praticiens ne s’installent pas. Et, quand ils s’installent, ce n’est pas dans le milieu rural !

Si l’on ne veut pas, pour l’instant, remettre en cause le principe de la liberté d’installation, il nous faut inventer des mesures attractives, en plus des aides financières et fiscales, et poursuivre le développement des maisons de santé. Il faut augmenter la durée des stages de formation des jeunes médecins en rural. Les maîtres de stage doivent avoir une place plus importante à la faculté ; il convient de valoriser leurs fonctions dans le cadre de la mise en place de centres ambulatoires universitaires, adapter le numerus clausus à la réalité des territoires régionaux et, enfin, donner un rôle plus important aux groupements hospitaliers de territoire dans la médecine de premier recours.

Les petites communes, qui constituent l’essentiel du maillage de l’habitat du Massif central, souffrent, comme les autres collectivités, de réductions budgétaires qui sont pénalisantes pour l’investissement et, donc, pour l’emploi.

De plus, leurs charges ont augmenté du fait de la réforme des rythmes scolaires ou des nouveaux services mis en place avant la diminution de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, par exemple à destination des enfants ou pour le maintien à domicile des personnes âgées. Devons-nous stopper ces services gérés par les communes ou les communautés de communes ? Je ne le crois pas.

Il en est de même pour la vie économique, puisque, en milieu rural ou hyper-rural, le respect des normes est toujours plus difficile à mettre en œuvre : normes agricoles pénalisantes, normes environnementales, qui entraînent des surcoûts, normes européennes et françaises, qui, avec les charges supplémentaires, pénalisent les petits commerces, les artisans, les restaurants ou les petits hôtels et les oblige à fermer faute de pouvoir, pour des raisons financières, les satisfaire.

Comme l’ont relevé tous les orateurs qui m’ont précédé, il convient de souligner la mauvaise couverture de téléphonie mobile en zone rurale ou du haut débit, dont le contrôle par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, est une farce : il suffit d’un point dans une commune pour qu’elle soit considérée comme couverte. De ce fait, il n’y aurait, selon l’État, que très peu de zones blanches, alors que nous savons que c’est faux !

Le numérique doit être très rapidement accessible en zone rurale, sous peine d’une désertification.

Pas de téléphonie mobile ou de haut débit équivaudrait, monsieur le secrétaire d'État, à une absence d’électricité, et personne ne viendra s’installer dans ces régions : ni des retraités, ni des jeunes, ni des entreprises !

En revanche, quelque chose fonctionne bien, je veux parler de l’énergie hydraulique, qui est aussi efficace que le nucléaire. Cette énergie parfaitement propre, qui peut encore être développée, est toujours remise en question par une certaine idéologie écologiste, laquelle s’oppose systématiquement à tout nouveau projet d’investissement ou d’aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je pense, notamment, à la prorogation des concessions hydrauliques sur la Truyère et la Dordogne, qui pourrait entraîner de grands travaux.

Je voudrais à présent, après Jean-Jacques Lozach, évoquer l’enclavement ferroviaire : le principe d’un TGV limousin, via Poitiers-Limoges, a été récemment totalement enterré par le Conseil d’État, qui a annulé l’enquête d’utilité publique.

Nous devons proposer d’autres solutions. Jean-Jacques Lozach et d’autres amis creusois, ainsi que des élus de l’Indre, suggèrent que la ligne Paris-Vierzon suive un Y renversé avec une branche vers Clermont-Ferrand et une autre vers Toulouse, via Limoges et Brive. Peut-être cette piste est-elle maintenant la bonne. En tout cas, je souhaite que nous trouvions enfin une solution réalisable et efficace. Car il y a urgence : le Massif central, dont les trains subissent des retards chroniques, apparaît comme une sous-région ferroviaire. Cet aspect est très défavorable pour l’économie et le tourisme. Alors que Limoges était reliée à Paris en deux heures cinquante en 1980, cette durée atteint trois heures et demie en 2016, monsieur le secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Il en est de même pour ce qui concerne la disparition de certaines lignes secondaires, comme la ligne Brive-Tulle-Ussel-Clermont-Ferrand, que la SNCF n’a pas compensée.

En ce qui concerne la desserte aérienne, il existe, me semble-t-il, assez d’aéroports. Il faut absolument les conserver, car ils jouent un rôle important.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Un autre problème est le classement du Massif central en zone vulnérable, un classement dont la portée normative n’est pas connue et qui est donc très anxiogène ; il ne recueille l’approbation ni des responsables agricoles ni des élus, lesquels l’ont fait savoir à plusieurs reprises.

Monsieur le secrétaire d'État, dès que l’on parle de ruralité – et le Massif central en constitue, à mes yeux, l’exemple le plus éloquent ! –, la solidarité nationale ne doit pas être un vain mot, et l’égalité des territoires dans l’aménagement doit être une règle.

Le Gouvernement propose la mise en place de contrats de ruralité, outil à première vue intéressant pour le monde rural. Après étude, nous nous apercevons, selon les informations dont je dispose, qu’ils seront financés par un redéploiement d’enveloppes et que les crédits de paiement sont très faibles – les autorisations d’engagement n’engagent pas ! – : 215 millions d’euros en autorisations d’engagement et seulement 30 millions d’euros en crédits de paiement, lesquels seront d'ailleurs retirés au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Comme l’enveloppe de ce fonds reste quasiment stable, cela signifie que la partie non contractualisée subit une baisse significative et passe, en réalité, au contrat de ruralité.

Ma première question est la suivante : comment allez-vous, monsieur le secrétaire d'État, mettre en œuvre les modalités de ces contrats de ruralité ? Quelle sera la place des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR, dans ces contrats ? Quelle sera la place de l’économie ?

Par ailleurs, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, qui devrait être augmenté pour dynamiser le commerce et l’artisanat en zone rurale, n’a pratiquement plus de fonds : 10 millions d’euros en autorisations d’engagement, en 2017, contre 65 millions d'euros en 2010. Les pôles d’excellence rurale, les PER, ne sont pas renouvelés. Une enveloppe de 1 milliard d’euros destinée à l’investissement local sera-t-elle reconduite en 2017, avec 300 millions d’euros en plus pour les centres-bourgs ?

J’en viens à ma seconde question : concernant ces fonds, quel est le bilan de 2016 et comment seront-ils redéployés en 2017 ?

Les aides accordées au dispositif des ZRR, les zones de revitalisation rurale, ont été divisées par trois : 155 millions d’euros en 2017, contre 500 millions d'euros en 2009. La prime d’aménagement du territoire diminue de 30 % par rapport à 2016, avec 19 millions d’euros, contre 27. Et sans compter, bien sûr, la baisse de la DGF !

Monsieur le secrétaire d'État, nous avions espéré, dans le droit-fil des projets présentés devant les comités interministériels, un budget dynamique pour les zones rurales et hyper-rurales que sont les territoires du Massif central. Nous l’avions espéré, après Vesoul, avec l’annonce de zones franches rurales ou de ZRR pour l’économie et le social. Ces projets, il n’en était plus question à Privas, et nous sommes déçus !

À cet égard, j’en viens à ma troisième question : où en sommes-nous de la réforme des ZRR, prévue à Vesoul, pour les zones hypodenses et à faible revenu ? Les zones hyper-rurales attendent une réponse avec le plus grand intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

M. Daniel Chasseing. Monsieur le secrétaire d'État, soit une nouvelle politique nationale est rapidement mise en place, dès 2017, pour les territoires ruraux tels que celui du Massif central, pour l’élevage, l’implantation d’entreprises, le tourisme rural, le numérique, la médecine, les centres-bourgs, avec le FISAC, la ZRR, les contrats de ruralité, soit nous irons vers une désertification de certains territoires. Pourtant, le Massif central ne doit pas devenir une réserve d’Indiens ne se réveillant qu’à la saison touristique ! Il doit rester un élément essentiel de la Nation !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens, à mon tour, à remercier sincèrement le groupe du RDSE d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.

Le Massif central est une montagne habitée, avec près de quatre millions d’habitants, répartis entre villes et communes rurales et hyper-rurales. Ces habitants sont administrés par plus de 4 000 communes, 22 départements, 4 régions, contre 6 auparavant.

Pendant dix ans, j’ai siégé au comité de massif – et nous nous y sommes croisés, mon cher collègue Alain Bertrand ! –, au groupement d’intérêt public des régions, pour travailler des projets structurants portant sur les déplacements, l’emploi, le numérique, sans oublier la culture et l’éducation. J’y ai découvert les forces de ces territoires du Massif central, mais aussi leurs faiblesses.

En 2011, l’INSEE notait une hausse de la population, qui marque une inversion d’une courbe sans cesse en baisse depuis les années cinquante. L’étude le notait, ces nouvelles populations sont majoritairement des personnes en âge de travailler, qualifiées, confortant, voire renforçant les commerces et services présents.

Une telle inflexion de la courbe démographique est due en partie aux politiques publiques d’accueil des nouvelles populations, mais aussi au maintien d’un maillage important et fondamental des différents services publics. Ce n’est pas un hasard si c’est à Guéret qu’eut lieu, le 5 mars 2005, la grande manifestation pour les services publics, qui a permis de gagner le principe selon lequel aucun service public ne peut être supprimé sans consultation des élus locaux.

Depuis lors, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, au nom de la modernisation de l’action publique, a malheureusement fragilisé leur présence. Cependant, partout, les mobilisations sont fortes pour garantir leur maintien et leur développement – les écoles, les hôpitaux, La Poste, les perceptions, les gares SNCF…

Ces services sont vitaux pour demain. Eux seuls articulent services aux populations et aménagement du territoire là où le secteur privé ne cherche que rentabilité. D’ailleurs, nous avons tous en tête un fâcheux exemple, celui de la privatisation du secteur des télécommunications. Le déploiement de l’accès au numérique se fait dans de telles conditions qu’il laisse derrière lui de grandes zones blanches et grises, comme l’ont souligné de nombreux collègues.

Le Massif central dispose d’une réelle spécificité industrielle. La présence de petites entreprises maille l’ensemble de ce territoire. Aujourd'hui, celles-ci sont parfois fragilisées par une hyperspécialisation – mécanique, textile – et une hypermondialisation. La présence de plus grosses entreprises, parfois de rang mondial, doit donc conforter ce maillage. Il appartient à ces grandes entreprises d’assumer leurs responsabilités sociale et territoriale en aidant à la coopération plus qu’à la compétitivité ravageuse.

Les habitants et les élus le savent, le dynamisme de ces territoires ne peut se résumer à l’emploi touristique et tertiaire. Il y a donc besoin de préserver et de développer cette mosaïque industrielle. Les régions doivent jouer leur rôle pour lui permettre d’être moins dépendante des grands donneurs d’ordre, pour lui permettre de ne pas être soumise à l’appétit de quelques actionnaires qui, pour augmenter la courbe de leurs profits, n’hésitent pas à faire une croix pour fermer telle ou telle usine.

Dans ces territoires, les communes sont essentielles. Je prendrai pour exemple leur rôle premier dans la lutte contre la spéculation forestière, que connaissent de nombreuses forêts de résineux dans le Massif central et les transforme en refuges fiscaux. Ce sont bien les maires qui se battent, au contraire, via leur droit de préemption et leurs faibles moyens pour préserver les aménités positives de la forêt dans nos régions.

En matière agricole, enfin, il nous faut préserver l’élevage qui, là aussi, connaît une crise profonde, pour maintenir près de 58 000 exploitations, lesquelles fournissent plus de 30 % de la production française de races à viande dont les labels de qualité font partie de notre patrimoine.

Bref, ces territoires de grands espaces sont aussi et surtout des lieux de vie quotidienne.

L’avenir des territoires du Massif central nécessite un vrai travail en réseau. Pour le réussir, l’ingénierie territoriale – autrement dit, des femmes et des hommes – est indispensable. À l’heure où, au nom des économies budgétaires, on veut faire fi de cette richesse humaine dans un certain nombre de collectivités, il me semble important de le rappeler ici.

Si de nombreux territoires sont passés du handicap au principe d’aménité positive, je sais – je le mesure au quotidien – que les fractures territoriales sont encore très fortes entre des espaces dynamiques et des espaces en déclin, encore trop nombreux. Comme je l’ai déjà dit, les politiques publiques des communes, des intercommunalités, des départements, des régions, de l’État et de l’Europe sont indispensables pour les réduire.

Il faut, en outre, soutenir dans nos territoires la présence d’une culture partagée, qui irrigue les territoires et attire de l’extérieur : je veux citer les résidences d’artistes, le Centre national des arts de la rue en Ardèche, les festivals structurants, comme celui des arts de la rue d’Aurillac, mais aussi les festivals locaux, ou encore les initiatives portées par les parcs naturels nationaux et régionaux sur les bistrots de pays, qui allient culture et dynamisme du dernier bistrot communal.

Les parcs naturels et l’association Inter-PArcs-MAssif Central sont des acteurs essentiels. Ils travaillent au quotidien la conciliation entre activité humaine, développement touristique et préservation environnementale. Ils accompagnent des projets structurants, innovants socialement et reproductibles à l’échelle du Massif.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, lors du lancement du « grand Pari des nouvelles ruralités », devenu aujourd’hui une association nationale pour les nouvelles ruralités, trois des quatre départements fondateurs sont situés dans ce massif – je salue d'ailleurs ici la présence de l’un de ces fondateurs ! Aujourd’hui, ce pari est réussi, et il est repris, y compris par ceux qui, hier, regardaient d’un air amusé – parfois même moqueur ! – ces quatre mousquetaires fondateurs.

Vivre dans le Massif central, c’est aussi s’y déplacer. Haut lieu du développement ferroviaire il y a plus d’un siècle, le ferroviaire demeure un enjeu dans un aménagement structurant du territoire, car il permet les déplacements quotidiens, de week-end ou de vacances.

Là encore, ce n’est donc pas un hasard si des comités pluralistes se battent pour le maintien d’une présence ferroviaire – je pense à la récente mobilisation du Lot et du Cantal pour la défense de la ligne Aurillac-Brive. L’avenir de nos voies ferrées ne saurait se résumer à une simple transformation en vélo-rail.

Je terminerai mon propos en évoquant le tourisme.

Cela a été dit, le Massif central regorge de qualités touristiques : de gorges en volcans, nos espaces se sont façonnés depuis des millénaires. Le tourisme des quatre saisons s’y développe. Il bénéficie du regain pour les chemins de grande randonnée. Un tourisme longtemps développé par le tourisme social aujourd’hui fragilisé, mais qui possède encore de nombreuses structures, un tourisme social qui est l’initiateur d’un tourisme durable, qui réponde aux défis des enjeux climatiques, aux enjeux humains, avec la sécurisation professionnelle pour les saisonniers, et aussi au développement territorial.

Monsieur le secrétaire d'État, c’est bien tout cela qu’il nous faut préserver et développer encore. Or, aujourd’hui, c’est un territoire que les grandes politiques d’aménagement du territoire cherchent le plus souvent à contourner entre vallée du Rhône, arc alpin et façade atlantique, entre débordement de l’attractivité parisienne et de la façade méditerranéenne. Nous devons collectivement lui trouver son avenir, assurer à ces populations leur avenir pour demain.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité organiser, sur l’initiative du groupe du RDSE, un débat spécifiquement consacré aux enjeux du Massif central. Il est vrai que, au lendemain de réformes territoriales importantes, nous devons de nouveau nous interroger sur la place et le rôle de cet espace.

Permettez-moi au préalable de vous demander de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, M. Jean-Michel Baylet, retenu par un colloque sur la coopération décentralisée. Je suis d’autant plus heureux de le remplacer que je m’intéresse beaucoup aux questions territoriales : j’ai été chargé de la réforme territoriale que vous connaissez bien, et je suis élu local comme vous. Lors de l’accomplissement de cette mission, j’ai toujours veillé à me rendre en priorité dans les départements les plus ruraux, notamment dans plusieurs départements du Massif central, à commencer par la Lozère – cher sénateur Alain Bertrand ! –, sans oublier le Cantal ou la Haute-Loire, mais aussi les contreforts du Massif central, dans le Tarn, la Nièvre ou le Gard.

Le débat a été très riche et prouve que l’attachement au territoire du Massif central reste fort ici, au Sénat.

Le Massif central est en effet un espace identifié par tous. Nous avons tous le souvenir de ces cartes de France qui, lorsque nous étions sur les bancs de l’école primaire, montraient les reliefs montagneux au milieu desquels se trouvait naturellement le Massif central.

Le Massif central, c’est, en France, un espace porteur de symboles historiques – avec Vercingétorix ! – et de valeurs. C’est un espace ancré dans l’imaginaire collectif depuis des générations. Le socle topographique du massif, c’est-à-dire son relief, a été caractérisé par plusieurs géographes dès le XIXe siècle. Puis, la notion même de « Massif central » a été progressivement démocratisée, notamment par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, la DATAR.

Aujourd’hui, cet espace correspond non pas à une simple zone de moyenne montagne, délimitée par son relief, mais à un territoire vécu, aux problématiques communes, malgré la diversité des enjeux qui le traversent.

Concrètement, cela a été dit avant moi, le Massif central s’étend sur 15 % du territoire national. Il accueille près de 4 millions d’habitants sur quatre régions et vingt-deux départements.

Ce territoire est soumis à de nombreuses contraintes. Vous avez tous souligné ses difficultés, mais aussi ses perspectives de développement. Je crois que cette démarche est la bonne. Faire le bon diagnostic d’un territoire permet en effet de fonder une action publique efficace, de qualité, qui puisse prendre acte de ses dynamiques socio-économiques et d’envisager leur accompagnement et, si nécessaire, leur transformation.

Sans rendre exhaustif ce constat, on peut distinguer deux contraintes majeures sur ce territoire.

La première est, bien sûr, celle de l’enclavement : les caractéristiques géographiques de cet espace rendent difficile la construction de réseaux de transports rapides et l’éloignement relatif des grandes métropoles du pays renforce encore cette réalité.

La seconde contrainte est liée à la dynamique démographique. Même si l’lNSEE prévoit une croissance de la population à l’horizon de 2030, elle restera bien inférieure à la moyenne nationale et le vieillissement de la population est marqué dans ce territoire où 30 % des chefs d’entreprise devraient partir à la retraite d’ici à 2020.

Pour autant, le Massif central a de nombreux atouts, qu’il faut souligner et réaffirmer, comme vous l’avez fait.

Je commencerai par l’économie.

Loin des clichés largement répandus, le Massif central connaît un taux de chômage plus faible que la moyenne nationale – d’environ 8 % –, même s’il existe évidemment des disparités importantes selon les bassins d’emploi. L’emploi est concentré sur des secteurs spécialisés comme la mécanique, la métallurgie, le textile, l’agroalimentaire ou encore le bois, qui peuvent être confrontés à des difficultés, mais l’embauche y reste satisfaisante.

L’agriculture constitue, bien sûr, une richesse de ce territoire. Avec une surface agricole stable malgré un nombre décroissant d’exploitants, l’agriculture demeure un secteur économique important. Le Massif central symbolise le modèle agricole vers lequel nous devons aller, celui d’une agriculture peu intensive, qui développe les circuits courts et des produits de qualité.

Également doté d’une ressource forestière très importante – la forêt y occupe un tiers du territoire –, le Massif central pourrait en tirer un bénéfice plus important que ce n’est le cas aujourd'hui. En effet, même si ce secteur représente près de 42 000 emplois, de nombreux progrès restent à faire sur le territoire pour ancrer l’ensemble de la filière – de la production à la transformation. Monsieur Bertrand, je rejoins votre vision sur ce point, comme sur beaucoup d’autres.

Le patrimoine naturel, historique et culturel du Massif central est lui aussi très riche. Vous l’avez souligné, monsieur Cigolotti, le tourisme constitue ainsi un atout majeur – y compris le tourisme social, madame Cukierman – et offre des perspectives de développement importantes.

Le célèbre guide de voyage Lonely Planet a d’ailleurs placé l’Auvergne en sixième position du classement des régions à visiter au sein de son Best of mondial, entre la Nouvelle-Zélande et Hawaï. §C’est bien le signe que cette région n’a rien à envier à ces destinations paradisiaques !

Après ce bref constat, plusieurs enjeux peuvent être identifiés. Je commencerai par le renforcement de l’attractivité.

À ce titre, il est primordial de garantir la présence des services publics, essentiels à nos concitoyens. Il est également nécessaire de créer les conditions du développement économique, en renforçant l’accessibilité, la couverture numérique, la formation et les conditions d’implantation des entreprises.

Le second enjeu est celui de la valorisation des ressources naturelles, agricoles, culturelles et patrimoniales. Il doit également répondre à un enjeu sous-jacent, l’adaptation au changement climatique.

Que fait l’État pour répondre à ces défis et pour être à la hauteur de ces enjeux ?

L’État est présent aux côtés des territoires, en particulier au travers du comité de massif. Cette structure originale, copilotée par l’État et les élus, est dédiée au développement et aux enjeux du Massif central. À ce titre, près de 150 projets sont financés chaque année. Ils permettent d’accompagner les collectivités de manière très concrète sur l’ensemble des enjeux du massif.

C’est, notamment, le cas concernant les politiques d’accueil où une animation et une ingénierie dédiées ont été mises en place auprès des collectivités. Un appel à projets, doté de 3 millions d’euros, visant à redynamiser les centres-bourgs, a également été lancé. Il permettra de conforter l’action déjà mise en œuvre tant par l’État que les collectivités locales, dont les effets se font déjà sentir.

S’agissant de la mobilité, le Massif central bénéficie d’une expérimentation pour la mise en place d’actions de mobilité innovante. Vous le savez, Mme la commissaire de massif est bien entendu à votre disposition pour vous informer de l’ensemble de ces actions.

J’en viens aux financements.

Cette politique spécifique se traduit également par des moyens importants, monsieur Requier. Entre 2015 et 2020, la convention interrégionale du Massif central mobilise plus de 106 millions d’euros, dont 43 millions de l’État et des régions, 10 millions des départements et 10 millions d’EDF.

Par ailleurs, le programme opérationnel interrégional du Massif central rassemble 40 millions d’euros de crédits européens sur la valorisation des ressources naturelles, le développement de la filière bois et la promotion des nouveaux modes de développement.

Au-delà de ces crédits, les contrats de plan État-régions viennent en complément financer les grands projets d’investissement sur les territoires. À titre d’exemple, ces crédits permettent de financer le théâtre de Privas, le campus de Saint-Eloi à Rodez, la rénovation de l’ancienne cathédrale d’Alès ou encore le désenclavement de l’agglomération du Puy-en-Velay.

Monsieur Chasseing, je crois que vous faites une erreur quant au financement par redéploiement des contrats de ruralité. Il s’agit bien de crédits nouveaux, à hauteur de 216 millions d'euros. Ces crédits interviennent dans le cadre du Fonds de soutien à l’investissement local, créé en 2015, à l’issue du comité interministériel sur les ruralités. Ce fonds a été doté de 1 million d’euros en 2016 et disposera de 1, 2 milliard d’euros en 2017. Ces crédits nouveaux permettent donc de financer les contrats de ruralité, un instrument qui va, selon vous – je l’ai noté ! –, dans la bonne direction et peut se révéler efficace.

J’ajoute que la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, tellement appréciée des élus locaux, répartie par les préfets après concertation, a augmenté de 62 % en trois ans, entre 2014 et 2016.

Quant à la réforme des zones de revitalisation rurale, les ZRR, elle a été adoptée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015. Faisant suite au rapport des députés Alain Calmette, élu d’Aurillac, et Jean-Pierre Vigier, elle entrera en vigueur le 1er juillet 2017. Le nombre de communes classées sera stable – environ 14 000 –, même si certaines communes devront sortir pour permettre l’entrée de nouvelles.

Le Massif central est également pris en compte dans les différentes lois adoptées ou en cours d’examen. Je pense, d’abord, au projet loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, dit loi Montagne. Il a été élaboré à la suite d’un rapport transpartisan et consensuel de Mmes Bernadette Laclais, députée de Savoie, et Annie Genevard, députée du Doubs. Ce texte, après avoir été approuvé à l’unanimité par l’Assemblée nationale, sera examiné en séance publique au Sénat la semaine prochaine.

Ce projet de loi conforte précisément le rôle et les missions des institutions représentatives de ces territoires, en particulier les comités de massif et le Conseil national de la montagne. C’est lors du Conseil national de la montagne de Chamonix, auquel je participais, que le Premier ministre Manuel Valls avait annoncé qu’il y aurait bien une nouvelle loi Montagne. C’est donc en cours !

Le texte va renforcer la prise en compte des spécificités de ces espaces dans nos politiques publiques et apporter des réponses concrètes à toute une série d’enjeux, comme le développement de la téléphonie mobile et de l’internet à haut débit – vous en avez tous beaucoup parlé, à juste titre, notamment M. Bertrand –, le logement des travailleurs saisonniers, la préservation des activités agricoles et pastorales, la lutte contre la prédation des élevages ou bien encore la réhabilitation de l’immobilier de loisirs.

Trente ans après la première loi Montagne, que l’on devait, entre autres, à Louis Besson, élu de la Savoie, ce nouveau projet de loi, coconstruit avec tous les acteurs de ces territoires, entend ainsi refonder le pacte entre la Nation et ses massifs et donner toute leur place à ces espaces dans une logique conciliant développement et préservation de l’environnement.

J’en viens à la fameuse réforme territoriale et à l’adaptation des territoires ruraux, dont ceux du Massif central, dont a notamment parlé M. Gattolin.

Cette loi transforme l’architecture territoriale de la République, en particulier, au travers de la nouvelle carte des régions. Elle procède aussi à la clarification des compétences des collectivités territoriales et – je parle à des connaisseurs, ici, au Sénat ! – au renforcement des intercommunalités.

À titre personnel, et pour avoir porté, avec d’autres, cette réforme, je regrette que le grand public n’en ait retenu que les grandes régions. D’abord, toutes les régions n’ont pas changé de périmètre. Ensuite, le plus important dans cette réforme territoriale est, selon moi, la clarification des compétences, partielle – elle n’est pas encore totale –, et, surtout, le renforcement des intercommunalités, avec l’agrandissement de leur périmètre, pour la plupart, et la montée en puissance de leurs compétences.

On a cherché à simplifier et à moderniser l’architecture territoriale de la République. Dans ce cadre, le Gouvernement veille à ce que la mise en œuvre de cette réforme se traduise par davantage de cohésion territoriale et garantisse dans les faits le principe d’égalité des territoires.

Dans le Massif central, deux territoires sont particulièrement concernés : l’Auvergne, qui a fusionné – le mot n’étant pas très heureux, je préfère dire qu’elle s’est mariée ! – avec Rhône-Alpes, et le Limousin, qui a rejoint Poitou-Charentes et Aquitaine. De la même façon, des départements ont été impactés, notamment le vôtre, monsieur Bertrand : la Lozère appartenait à la région Languedoc-Roussillon, qui s’est mariée avec la région Midi-Pyrénées pour former l’Occitanie.

Pour ce qui concerne ses services déconcentrés, l’État a veillé à ne pas concentrer tous ses effectifs dans les nouvelles capitales. Tout ne sera pas déplacé à Toulouse, certains services vont rester à Montpellier. De même, tout ne sera pas centralisé à Bordeaux, puisque des services vont demeurer à Poitiers et d’autres à Limoges.

S’agissant de la région Nouvelle-Aquitaine, par exemple, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, la DREAL, restera à Poitiers, et la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, la DRAAF, demeurera à Limoges, tandis que les autres directions régionales ont maintenu ou vont maintenir des antennes dans les anciennes capitales régionales. Des unités départementales resteront bien sûr implantées dans tous les territoires.

La réforme territoriale a également permis de rationaliser le nombre d’EPCI à fiscalité propre, avec une diminution de près de 42 %, soit un taux légèrement supérieur à la moyenne nationale, laquelle s’établit à 38 %, et même de 50 % si l’on prend en compte les onze départements compris en totalité dans le périmètre du massif. Le Massif central est exemplaire dans ce domaine. Je parle là de la rationalisation de la carte intercommunale par regroupements, que vous recommandiez, monsieur Bertrand, dans votre rapport sur l’hyper-ruralité.

Les schémas départementaux de coopération intercommunale adoptés ont généralement été réalisés sans opposition majeure. Même s’il a certes fallu procéder à quelques ajustements et surmonter quelques frictions dans les commissions départementales de coopération intercommunale, présidées par les préfets, les choses se sont, dans l’ensemble, bien passées, notamment dans mon département de l’Isère, et continuent de bien se passer. C’est le signe que les élus ont su mettre en œuvre un processus de co-élaboration de ces nouveaux schémas avec l’État.

Cette évolution permettra aux intercommunalités, dont les pouvoirs ont également été renforcés, de consolider leurs capacités d’action et de répondre aux attentes locales.

De ce point de vue, j’avais été particulièrement intéressé et convaincu par le rapport de M. Bertrand, que j’ai souvent cité lors du débat sur la réforme territoriale. Dans le chapitre consacré aux intercommunalités, il est indiqué que, pour permettre à l’intercommunalité de faire, en milieu rural, beaucoup de choses en lieu et place des communes qui n’ont plus les moyens de remplir toutes leurs compétences, il faut des intercommunalités suffisamment grandes, puissantes et dotées financièrement. Il fallait éviter – et nous y avons veillé, conformément aux recommandations de ce rapport – de voir l’émiettement intercommunal succéder à l’émiettement communal.

Sur la question des métropoles, qui font évidemment partie de la réforme, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand seront toutes les deux reconnues comme métropoles, monsieur Lozach, dans le cadre du projet de loi en cours de discussion à l’Assemblée nationale. Il y aura donc sept métropoles de plus par rapport à la première vague, si j’ose dire : Toulon, Saint-Étienne, Dijon et Orléans, qui faisaient partie du projet de loi initial –, auxquelles les parlementaires ont souhaité ajouter Tours, Clermont-Ferrand et Metz.

Concernant les contrats de réciprocité, qui visent à favoriser la coopération entre territoires ruraux et urbains, je veux dire à M. Lozach que nous sommes encore en phase expérimentale. Le premier contrat a été signé le mois dernier ; tous les territoires pourront s’engager dans cette démarche, et nous les y encourageons vivement.

Beaucoup d’entre vous ont évoqué le développement de l’agriculture et de la filière bois, car il s’agit à l’évidence d’une richesse du Massif central. Des moyens importants sont mobilisés en faveur de la filière agricole, afin de créer de l’emploi et de développer une agriculture montagnarde de qualité. Cela n’est pas forcément synonyme de production à perte, comme on l’entend parfois. L’exemple de la marque Mont Lait, qui regroupe, depuis 2013, 571 exploitations sur huit départements, en est la preuve. Cette marque, dont les propriétaires sont les producteurs, est actuellement présente dans 177 points de vente et devrait dépasser les 2 millions de litres vendus en fin d’année. Cette agriculture de terroir est, à nos yeux, appelée à un grand avenir, notamment en termes de consommation dans les milieux urbains.

La problématique des prédateurs, dont j’ai moi-même l’expérience, dans les Alpes, avec le loup, est prise en compte avec beaucoup de sérieux. En effet, 700 000 euros ont été mobilisés en 2016 pour la lutte contre les campagnols terrestres – même si cet animal est moins dangereux que le loup, il fait des dégâts ! –, et des crédits d’urgence ont été mobilisés par le ministère de l’agriculture pour réaliser des études sur l’impact de la présence du loup dans le territoire aveyronnais. Vous n’ignorez pas, concernant ce prédateur, que le nombre de tirs de prélèvement autorisés par l’État est en augmentation.

Concernant la filière bois, le Massif central accueillera notamment douze chantiers démonstrateurs visant à mettre en valeur des projets innovants et exemplaires, qui pourront ensuite se diffuser plus largement.

J’en viens aux transports et à l’accessibilité. La ligne Paris-Clermont-Ferrand a vu son existence confirmée au début de 2016, dans le cadre de la nouvelle convention d’exploitation des trains d’équilibre du territoire, les TET. La ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse est également pérennisée.

La région Nouvelle-Aquitaine a, quant à elle, trouvé un accord avec l’État pour la reprise des lignes Bordeaux-Ussel et Bordeaux-Limoges. Les lignes de l’Aubrac et du Cévenol, pour leur part, font actuellement l’objet de discussions entre l’État et les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes, dans le cadre de la concertation État-régions menée par le préfet François Philizot.

S’agissant du projet de ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Lyon, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a été confirmé, au mois d’avril 2016, en tant que préfet coordonnateur du projet. Le secrétaire d’État chargé des transports, M. Alain Vidalies, lui a demandé de reprendre la concertation et les études sur ce projet, avec, pour objectif, de parvenir à un accord entre toutes les régions concernées sur un scénario de tracé, condition préalable à l’avancée du projet.

Par ailleurs, certaines lignes aériennes, comme celle qui relie Paris à Aurillac, bénéficient d’aides publiques pour leur exploitation. L’État finance ainsi plus de 50 % du déficit d’exploitation de cette ligne, soit environ 3, 3 millions d’euros par an.

Concernant le soutien au développement économique, nous réunissons toutes les conditions pour encourager les créations d’entreprise. Lorsque des fermetures sont – hélas ! – envisagées, le Gouvernement s’engage à trouver des solutions alternatives. Le cas de l’usine de Seita à Riom est, de ce point de vue, extrêmement difficile, car la seule motivation du groupe semble être la recherche de profits. Le secrétaire d’État chargé de l’industrie, Christophe Sirugue, est, vous le savez, mobilisé sur ce dossier.

Au-delà de ces actions très spécifiques, le Massif central bénéficie pleinement de la politique d’aménagement du territoire menée par l’État et de l’action résolue du Gouvernement en faveur des territoires ruraux. Comme l’a rappelé M. Lozach, entre mars 2015 et mai 2016, M. Manuel Valls, alors Premier ministre, a organisé trois comités interministériels aux ruralités: à Laon, dans l’Aisne, auquel j’ai participé, à Vesoul, en Haute-Saône, et à Privas, en Ardèche. Il en est résulté 104 mesures, qui embrassent tous les domaines de la vie quotidienne, parmi lesquelles quatre grandes orientations peuvent être dégagées.

La première est relative à l’accès aux services publics. Nous avons trouvé, avec les maisons de services au public, les MSAP, une vraie réponse à cet enjeu. D’ici à la fin de l’année, comme cela avait été annoncé par le Premier ministre, 1 000 MSAP seront en fonctionnement. Dans le Massif central, environ 150 maisons sont déjà ouvertes.

La deuxième priorité est l’accès aux soins. Il s’agit de faire face au problème de la désertification médicale. Parmi les nombreuses mesures incitatives offertes, j’évoquerai les maisons de santé, qui accueillent en un lieu unique plusieurs praticiens. Elles connaissent un vrai succès : 830 d’entre elles sont actuellement opérationnelles, 1 000 le seront d’ici à la fin de l’année, et 1 400 en 2018. Dans le Massif central, une centaine de maisons de santé sont déjà en fonctionnement.

La troisième priorité concerne l’accès à la téléphonie mobile. Depuis que les usages mobiles ont envahi nos quotidiens, il s’agit d’une attente extrêmement forte de nos concitoyens, qu’ils habitent ces territoires ou qu’ils y viennent en vacances, comme l’a rappelé M. Bertrand. Dans ce cadre, les 3 600 centres-bourgs concernés par le programme de résorption des zones blanches seront couverts en 3G par l’ensemble des opérateurs d’ici au milieu de l’année 2017. En dehors des centres-bourgs, nous avons aussi obtenu l’engagement des opérateurs de couvrir 1 300 sites, sur une période de cinq ans, avec la participation de l’État.

Enfin, l’accès au numérique est une autre priorité impérieuse. Là aussi, les usages se développent à une vitesse accélérée, et il est nécessaire de fournir une connexion en très haut débit aux entreprises, aux infrastructures et aux habitants. Le plan France très haut débit, lancé en 2013, vise à couvrir l’ensemble du territoire d’ici à 2022. L’effort est considérable, puisque l’État, les collectivités locales et les opérateurs se mobiliseront, sur cette période, à hauteur de 20 milliards d’euros. Dans ce cadre, le comité de massif veille à l’interconnexion des réseaux d’initiative publique du Massif central, ce qui permettra de créer une plaque unique plus attractive pour les opérateurs et favorable au développement des opérateurs locaux.

Afin de renforcer plus encore l’impact, la visibilité et la cohérence de notre action, le dernier comité interministériel aux ruralités de Privas a décidé la création des contrats de ruralité, qui sont appelés à devenir le pendant des contrats de ville.

Aujourd’hui, plus de 280 contrats sont en cours d’élaboration avec des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR, et des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI. Près d’une centaine de contrats seront signés dans les prochaines semaines. Il s’agit d’une attente forte des acteurs sur le terrain. Ce nouveau dispositif est d’autant plus attractif qu’il sera doté, en 2017, de 216 millions d’euros de crédits nouveaux, issus du Fonds de soutien à l’investissement local.

À l’échelle des 22 départements du Massif central, près de 60 contrats de ruralité sont en cours d’élaboration ; une trentaine d’entre eux seront validés dans les prochaines semaines. Si l’on s’en tient aux 11 départements intégralement compris dans le Massif central, ce sont 30 contrats qui sont en cours d’élaboration.

En conclusion, je soulignerai que, si le Massif central a beaucoup de défis à relever, s’il rencontre bien des difficultés, il a aussi – vous en êtes convaincus, car vous l’avez tous souligné – beaucoup d’opportunités de développement et d’atouts à faire valoir. Le Gouvernement est mobilisé pour aider ce territoire, si cher au cœur des Français, à saisir toutes ses opportunités, à faire valoir tous ses atouts. Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, y compris en termes financiers, le Gouvernement est loin d’oublier le Massif central. Au contraire, au nom de l’égalité entre tous les territoires de la République, il veut l’accompagner, tout en faisant évidemment confiance à l’intelligence et au courage des hommes et des femmes qui y vivent !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Le Massif central, un enjeu de développement territorial. »

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.