Intervention de André Gattolin

Réunion du 8 décembre 2016 à 10h30
Le massif central un enjeu de développement territorial — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe du RDSE d’avoir pris l’initiative de ce débat.

Notre pays se trouve dans une situation extrêmement rare, celle d’héberger, en son centre, un vaste espace, qui représente près de 15 % du territoire et cumule malheureusement les handicaps en matière d’aménagement : relief difficile ; climat parfois rude, allant du très chaud au très froid, et pluvieux ; absence de métropole polarisante ; divisions historiques… Les raisons abondent pour expliquer les difficultés que connaît le Massif central. Et malheureusement, la politique d’aménagement du territoire n’a pas permis jusqu’à présent de corriger efficacement ces handicaps, hérités tant de la géographie que de l’histoire. En particulier, deux de ses axes principaux – la régionalisation et la métropolisation – n’ont pas su prendre en compte les particularités du Massif central.

Son éclatement entre six régions, puis quatre, avec le regroupement, empêche d’entretenir une véritable dynamique régionale. Cela est d’autant plus problématique que cet échelon joue un rôle de premier plan en matière d’aménagement du territoire.

Certes, le Massif central est un territoire aux identités plurielles, au confluent des terres de langues d’oc et de langues d’oïl, ce qui rend difficile son regroupement en une région unique. Pour autant, la réforme de la carte régionale a totalement occulté cet enjeu, avec pour simple objectif, la rationalisation administrative.

Il est vrai qu’un schéma interrégional ainsi que des structures telles que le commissariat à l’aménagement du Massif central ou le groupement d’intérêt public interrégional ont été mis en place, mais ils ne sont que des palliatifs, inaptes à remplacer une organisation régionale plus cohérente.

Cet éclatement est renforcé par une logique de métropolisation, dont le Massif central ne profite pas. Ni Clermont-Ferrand ni Limoges n’ont un rayonnement suffisant pour polariser leur territoire.

Le Massif central est donc tiraillé entre différentes métropoles, situées à ses marges et au-delà. Le Bourbonnais et Clermont-Ferrand sont plutôt orientés vers Paris ; du Forez au Velay, l’influence de Lyon se fait sentir ; le sud-ouest du territoire regarde plutôt vers Toulouse, tandis que le Limousin est tourné vers Bordeaux et la façade atlantique.

En filigrane transparaît donc un des besoins principaux du Massif central : la cohérence et le maillage du territoire.

À cet égard, la logique du tout-routier, qui prévaut depuis plusieurs décennies dans cette région, doit laisser place à un renouveau du chemin de fer dans une logique qui concilie organisation de l’espace et désenclavement.

Une desserte fine, en chapelet, sur le modèle des trains à haut niveau de service, est ici une solution pertinente. De tels trains induisent un désenclavement des gares majeures grâce à des temps de trajet raisonnables, sans pour autant délaisser les arrêts intermédiaires. Un effort préalable, y compris sur le réseau des trains express régionaux, doit cependant être consenti sur deux plans.

Tout d’abord, un effort doit être réalisé pour ce qui concerne l’entretien et l’amélioration des lignes, notamment leur électrification, puisque la traction diesel est une aberration, sur le plan tant écologique qu’économique. Ensuite, il convient de se préoccuper de la mise à niveau de celles-ci, afin d’augmenter des vitesses moyennes bien trop faibles.

L’enjeu du désenclavement rejoint bien évidemment la question de l’attractivité du territoire, sans, toutefois, la recouvrir totalement. Là aussi, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer.

Premièrement, cela passe par un encouragement de l’essor de formations universitaires d’excellence, notamment celles comprenant un bicursus, en partenariat avec des universités françaises dont le rayonnement est plus important, ainsi qu’avec des établissements internationaux. Celles-ci sont trop rares dans la région, alors qu’elles sont le moyen d’y attirer et d’y maintenir une population, par définition, jeune et dynamique.

Deuxièmement, il convient de corriger le déficit de notoriété dont souffre l’artisanat local, vivier d’emplois et manifestation du savoir-faire français. Pour n’en citer qu’un, la coutellerie de Thiers offre un bon exemple. Ces filières font d’ailleurs vivre un enseignement professionnel bien implanté dans la région et constituent des parcours d’excellence, qui ne demandent qu’à être développés.

Troisièmement, on ne peut évoquer l’attractivité du territoire sans souligner la nécessité d’étendre l’accès au haut débit, voire au très haut débit, en priorité dans les bourgs-centres, afin de réduire la fracture numérique et faciliter l’implantation des PME dans les petits centres urbains.

Enfin, on oublie parfois, au gré de la vindicte contre les dépenses publiques, que, en assurant la présence des services publics sur tout le territoire, l’État non seulement répond aux besoins d’une administration égale et continue, mais assure aussi une fonction primordiale en termes d’aménagement du territoire.

À titre d’exemple, la réforme de la carte judiciaire semble avoir occulté l’importance que peut revêtir, dans des villes ne comptant que quelques milliers d’habitants, la simple présence d’un tribunal d’instance.

On le voit, il existe, en matière de développement, de nombreux leviers susceptibles de valoriser les atouts qui caractérisent, aussi, le Massif central : des indicateurs sociaux favorables ; un taux de chômage plus faible que la moyenne nationale ; des dossiers de surendettement moins nombreux ; une nature préservée qu’il est souhaitable de valoriser dans le respect – bien évidemment – de l’environnement

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