Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens, à mon tour, à remercier sincèrement le groupe du RDSE d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.
Le Massif central est une montagne habitée, avec près de quatre millions d’habitants, répartis entre villes et communes rurales et hyper-rurales. Ces habitants sont administrés par plus de 4 000 communes, 22 départements, 4 régions, contre 6 auparavant.
Pendant dix ans, j’ai siégé au comité de massif – et nous nous y sommes croisés, mon cher collègue Alain Bertrand ! –, au groupement d’intérêt public des régions, pour travailler des projets structurants portant sur les déplacements, l’emploi, le numérique, sans oublier la culture et l’éducation. J’y ai découvert les forces de ces territoires du Massif central, mais aussi leurs faiblesses.
En 2011, l’INSEE notait une hausse de la population, qui marque une inversion d’une courbe sans cesse en baisse depuis les années cinquante. L’étude le notait, ces nouvelles populations sont majoritairement des personnes en âge de travailler, qualifiées, confortant, voire renforçant les commerces et services présents.
Une telle inflexion de la courbe démographique est due en partie aux politiques publiques d’accueil des nouvelles populations, mais aussi au maintien d’un maillage important et fondamental des différents services publics. Ce n’est pas un hasard si c’est à Guéret qu’eut lieu, le 5 mars 2005, la grande manifestation pour les services publics, qui a permis de gagner le principe selon lequel aucun service public ne peut être supprimé sans consultation des élus locaux.
Depuis lors, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, au nom de la modernisation de l’action publique, a malheureusement fragilisé leur présence. Cependant, partout, les mobilisations sont fortes pour garantir leur maintien et leur développement – les écoles, les hôpitaux, La Poste, les perceptions, les gares SNCF…
Ces services sont vitaux pour demain. Eux seuls articulent services aux populations et aménagement du territoire là où le secteur privé ne cherche que rentabilité. D’ailleurs, nous avons tous en tête un fâcheux exemple, celui de la privatisation du secteur des télécommunications. Le déploiement de l’accès au numérique se fait dans de telles conditions qu’il laisse derrière lui de grandes zones blanches et grises, comme l’ont souligné de nombreux collègues.
Le Massif central dispose d’une réelle spécificité industrielle. La présence de petites entreprises maille l’ensemble de ce territoire. Aujourd'hui, celles-ci sont parfois fragilisées par une hyperspécialisation – mécanique, textile – et une hypermondialisation. La présence de plus grosses entreprises, parfois de rang mondial, doit donc conforter ce maillage. Il appartient à ces grandes entreprises d’assumer leurs responsabilités sociale et territoriale en aidant à la coopération plus qu’à la compétitivité ravageuse.
Les habitants et les élus le savent, le dynamisme de ces territoires ne peut se résumer à l’emploi touristique et tertiaire. Il y a donc besoin de préserver et de développer cette mosaïque industrielle. Les régions doivent jouer leur rôle pour lui permettre d’être moins dépendante des grands donneurs d’ordre, pour lui permettre de ne pas être soumise à l’appétit de quelques actionnaires qui, pour augmenter la courbe de leurs profits, n’hésitent pas à faire une croix pour fermer telle ou telle usine.
Dans ces territoires, les communes sont essentielles. Je prendrai pour exemple leur rôle premier dans la lutte contre la spéculation forestière, que connaissent de nombreuses forêts de résineux dans le Massif central et les transforme en refuges fiscaux. Ce sont bien les maires qui se battent, au contraire, via leur droit de préemption et leurs faibles moyens pour préserver les aménités positives de la forêt dans nos régions.
En matière agricole, enfin, il nous faut préserver l’élevage qui, là aussi, connaît une crise profonde, pour maintenir près de 58 000 exploitations, lesquelles fournissent plus de 30 % de la production française de races à viande dont les labels de qualité font partie de notre patrimoine.
Bref, ces territoires de grands espaces sont aussi et surtout des lieux de vie quotidienne.
L’avenir des territoires du Massif central nécessite un vrai travail en réseau. Pour le réussir, l’ingénierie territoriale – autrement dit, des femmes et des hommes – est indispensable. À l’heure où, au nom des économies budgétaires, on veut faire fi de cette richesse humaine dans un certain nombre de collectivités, il me semble important de le rappeler ici.
Si de nombreux territoires sont passés du handicap au principe d’aménité positive, je sais – je le mesure au quotidien – que les fractures territoriales sont encore très fortes entre des espaces dynamiques et des espaces en déclin, encore trop nombreux. Comme je l’ai déjà dit, les politiques publiques des communes, des intercommunalités, des départements, des régions, de l’État et de l’Europe sont indispensables pour les réduire.
Il faut, en outre, soutenir dans nos territoires la présence d’une culture partagée, qui irrigue les territoires et attire de l’extérieur : je veux citer les résidences d’artistes, le Centre national des arts de la rue en Ardèche, les festivals structurants, comme celui des arts de la rue d’Aurillac, mais aussi les festivals locaux, ou encore les initiatives portées par les parcs naturels nationaux et régionaux sur les bistrots de pays, qui allient culture et dynamisme du dernier bistrot communal.
Les parcs naturels et l’association Inter-PArcs-MAssif Central sont des acteurs essentiels. Ils travaillent au quotidien la conciliation entre activité humaine, développement touristique et préservation environnementale. Ils accompagnent des projets structurants, innovants socialement et reproductibles à l’échelle du Massif.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, lors du lancement du « grand Pari des nouvelles ruralités », devenu aujourd’hui une association nationale pour les nouvelles ruralités, trois des quatre départements fondateurs sont situés dans ce massif – je salue d'ailleurs ici la présence de l’un de ces fondateurs ! Aujourd’hui, ce pari est réussi, et il est repris, y compris par ceux qui, hier, regardaient d’un air amusé – parfois même moqueur ! – ces quatre mousquetaires fondateurs.
Vivre dans le Massif central, c’est aussi s’y déplacer. Haut lieu du développement ferroviaire il y a plus d’un siècle, le ferroviaire demeure un enjeu dans un aménagement structurant du territoire, car il permet les déplacements quotidiens, de week-end ou de vacances.
Là encore, ce n’est donc pas un hasard si des comités pluralistes se battent pour le maintien d’une présence ferroviaire – je pense à la récente mobilisation du Lot et du Cantal pour la défense de la ligne Aurillac-Brive. L’avenir de nos voies ferrées ne saurait se résumer à une simple transformation en vélo-rail.
Je terminerai mon propos en évoquant le tourisme.
Cela a été dit, le Massif central regorge de qualités touristiques : de gorges en volcans, nos espaces se sont façonnés depuis des millénaires. Le tourisme des quatre saisons s’y développe. Il bénéficie du regain pour les chemins de grande randonnée. Un tourisme longtemps développé par le tourisme social aujourd’hui fragilisé, mais qui possède encore de nombreuses structures, un tourisme social qui est l’initiateur d’un tourisme durable, qui réponde aux défis des enjeux climatiques, aux enjeux humains, avec la sécurisation professionnelle pour les saisonniers, et aussi au développement territorial.
Monsieur le secrétaire d'État, c’est bien tout cela qu’il nous faut préserver et développer encore. Or, aujourd’hui, c’est un territoire que les grandes politiques d’aménagement du territoire cherchent le plus souvent à contourner entre vallée du Rhône, arc alpin et façade atlantique, entre débordement de l’attractivité parisienne et de la façade méditerranéenne. Nous devons collectivement lui trouver son avenir, assurer à ces populations leur avenir pour demain.