Les plus cinéphiles d’entre vous auront reconnu cette réplique sortie tout droit de la bouche du Dabe, alias jean Gabin, dans Le Cave se rebiffe, film réalisé en 1961.
Oui, le monde entier nous enviait les PTT devenus La Poste. Si je dis « nous enviait », c’est que, à cause de la casse des services publics organisée par les technocrates bruxellois, La Poste est en train de perdre cette place toute particulière qu’elle avait dans la vie des Français, notamment dans celle et ceux qui habitent les territoires les plus reculés.
L’histoire moderne du service postal dans notre pays est le cas d’école parfait pour illustrer la destruction organisée de nos services publics par l’Union européenne au nom du dogme de la concurrence.
La privatisation de La Poste et l’ouverture progressive à la concurrence, loin d’avoir amélioré le service, l’ont en réalité dégradé ; il est loin le temps où l’on pouvait être assuré de la distribution du courrier du jour pour le lendemain. Elles ont entraîné une hausse importante des tarifs pour les usagers, la fermeture de nombreux bureaux, développant les inégalités d’accès à ce service public sur notre territoire.
Oui, lorsque la notion de rentabilité prend le pas sur celle de service, lorsque l’usager devient un client, nos compatriotes des campagnes, des petites villes, des montagnes, bref de la France des oubliés, trinquent. Trinquent également les agents de La Poste, qui ont du mal à remettre en cause leur engagement auprès des Français pour un engagement à remplir des objectifs chiffrés ; la vague de suicides qui a malheureusement touché nos postiers en est un marqueur ! La mise en place d’une politique du chiffre a toujours heurté ceux qui s’étaient engagés pour la politique du service. Ce qui est vrai pour les postiers l’est aussi pour les policiers comme leur mouvement de contestation le souligne.
Certes, si La Poste doit évoluer et s’adapter, elle n’est pas pour autant obligée de sombrer dans les excès du privé. En effet, la force d’un service public, c’est de ne pas être soumis aux seules contingences de la rentabilité.
Quel est, d’ailleurs, le bilan de cette privatisation larvée, privatisation, je le rappelle, rendue possible par la réforme des PTT qui a scindé l’administration en deux, La Poste et France Télécom, un premier pas vers la privatisation effectuée par le gouvernement Rocard ? Depuis, est-ce que La Poste est plus performante dans son métier initial ? Les usagers sont-ils davantage satisfaits de la prestation ? Les agents s’épanouissent-ils davantage dans leur travail ? De toute évidence, non ! Qui a gagné quelque chose ? Les financiers peut-être, les idéologues de la concurrence sûrement !
Aussi, seul le patriotisme économique permettra à La Poste de retrouver les moyens d’assurer pleinement sa mission de service public tout en affrontant un monde de plus en plus concurrentiel, une concurrence qui ne se porte, d’ailleurs, que dans les activités les plus rentables.
Un patriotisme économique qui garantira l’égalité et la continuité territoriale et qui fera évoluer les obligations des opérateurs privés relevant d’une mission de service public.
Un patriotisme économique qui tournera le dos au dogme imposé par l’Union européenne de la concurrence libre et non faussée et qui pousse un ancien Premier ministre aujourd’hui candidat à la présidence de la République à vouloir supprimer 500 000 fonctionnaires, dont beaucoup de postiers. Un dogme qui a entraîné la dégradation du service rendu aux usagers en même temps que la dégradation profonde des conditions de travail des agents.
Bref, il est temps de restaurer les services publics, héritiers, en particulier pour La Poste, de plusieurs siècles d’histoire, pour qu’ils remplissent à nouveau leur mission de services au bénéfice de tous les Français et non au service de la seule financiarisation de notre société qui a déjà fait tant de dégâts !