Intervention de Claude Raynal

Réunion du 7 décembre 2016 à 14h30
Généralisation des contrats de ressources — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe écologiste nous invite à nous intéresser à la possible généralisation des contrats de ressources.

Dans notre système économique, toute production de service a un coût ; l’eau n’échappe pas à cette règle.

Le cadre juridique actuel de production et de gestion de cette « chose commune » qu’est l’eau au sens du code civil est relativement riche.

Il y a tout d’abord la loi : je pense à celle de 1992 ou encore à celle de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, qui permet, au travers de la déclaration d’utilité publique, de prélever, de protéger et d’assurer la distribution de l’eau.

Il y a ensuite la juridiction administrative, qui a, à plusieurs reprises, donné une définition de ce qu’il fallait entendre par « propriété » en matière d’eau.

Il y a enfin la voie réglementaire, grâce à laquelle ont été mises en place des mesures de protection au niveau de l’aire d’alimentation du captage ou des périmètres de protection de captage autour des zones de captage d’eau pour la consommation humaine. Ces mesures sont obligatoires depuis une vingtaine d’années.

Il existe donc bien déjà un certain nombre de règles juridiques pour accompagner la gestion de l’eau.

Les auteurs de cette proposition de résolution affirment que, dans le cadre des règles existantes, la répartition des coûts en matière de travaux au niveau des champs captants n’est pas équilibrée. Selon eux, pour qu’elle le soit, il faudrait généraliser les contrats de ressources.

Nous entendons et nous comprenons la problématique qui est soulevée par cette proposition de résolution. L’idée que le coût des travaux des champs captants d’eau de surface pour protéger les nappes phréatiques soit supporté par l’ensemble des usagers, via un reversement de toutes les communes concernées, et non plus seulement par la seule commune effectuant les travaux, nous apparaît légitime.

Toutefois, je souhaiterais que l’on revienne ensemble sur les outils déjà à la disposition de nos collectivités, car, comme bien souvent, les territoires, les collectivités ont dans ce domaine, comme dans d’autres, fait preuve d’ingéniosité et se sont organisés pour mutualiser les coûts.

Depuis de nombreuses années, les collectivités mutualisent les actions de mobilisation de la ressource et de sa préservation. Comment cela s’est-il traduit concrètement ?

Tout d’abord, par la constitution de regroupements que nous connaissons tous, à savoir les syndicats de production d’eau. L’objectif premier de ces structures est de mettre en commun l’ensemble des coûts entre tous les bénéficiaires, de la production à la protection de la ressource.

Conformément à cette idée de mutualisation entre les collectivités, lorsque pour des raisons sanitaires, de captage déficient ou tout simplement de gestion une commune productrice organise une vente d’eau, elle peut mettre à contribution les nouveaux bénéficiaires de cette ressource ; à ce moment-là, les coûts seront répartis sur l’ensemble des usagers.

Il me semble qu’on est alors assez proche du but visé par cette proposition de résolution.

L’autre réalité à prendre en compte, et que soulève le texte de cette proposition, est celle du coût de production de l’eau potable. Celui-ci dépend de nombreux facteurs, ce qui donne in fine des prix très différents. La qualité de l’eau, les traitements obligatoires, les conditions du sol font que les variations de coûts sont très importantes d’une commune à l’autre.

Là encore, il me semble que les textes actuels dotent les collectivités d’un arsenal suffisant.

Je pense, tout d’abord, aux syndicats départementaux, lesquels ne sont pas autre chose qu’une fédération de collectivités compétentes en matière d’eau potable qui mutualisent leurs ressources financières pour assurer une relative péréquation des prix.

Dans ce registre, il est également possible d’évoquer les agences de l’eau. Je rappelle tout de même que la mission des six agences de l’eau de notre territoire est de mettre en œuvre, dans les sept bassins hydrographiques métropolitains, les objectifs et les dispositions des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, en favorisant notamment une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau, tout cela autour d’un principe directeur dans leur organisation, qui est celui de la gestion concertée par bassin versant.

Ces agences aident donc au quotidien les collectivités dans leurs investissements et contribuent à limiter les écarts de coûts restant à la charge des usagers.

Par ailleurs, ce texte souligne légitimement ce qui relève sans doute plus de la sensation que de la réalité : certaines collectivités, souvent celles qui prélèvent dans des zones différentes des zones de distribution, peuvent avoir l’impression qu’elles supportent des travaux et réalisent des investissements pour leur territoire, mais également pour le bénéfice d’autres territoires.

Là encore, il me semble que les dispositions actuelles permettent de répondre à cette crainte. Aujourd’hui, il est vrai, par exemple, que les mesures de protection des captages sont supportées par la commune qui en bénéficie, ce qui paraît assez logique puisque c’est ensuite elle qui va l’exploiter. Mais, au-delà, tous les frais liés à la qualité de l’eau exploitée sont systématiquement cofinancés par les agences de l’eau.

J’irai même un peu plus loin dans mon analyse : il me semble que la loi NOTRe du 7 août comporte une sécurité supplémentaire en ce qui concerne le coût des travaux à supporter par une commune. Le transfert de la compétence eau potable à l’échelle des EPCI à fiscalité propre prévu par cette loi apporte un certain nombre de solutions pérennes en matière de gestion de l’eau.

Tout d’abord, l’accroissement mécanique du périmètre sur lequel la collectivité sera compétente limite les cas où une collectivité fournit de l’eau à une autre et, par voie de conséquence, les cas où il y a une différence importante en matière de coûts d’exploitation, et cela sans que soient remis en cause les syndicats départementaux non plus que le principe même du financement par les usagers du service.

Il est vrai qu’avec l’augmentation de la qualité et l’efficacité d’un service, prévue dans la loi NOTRe, à l’horizon 2020 en matière d’eau potable, se pose la question de l’évolution du prix de ce service. La surveillance de l’eau devrait être meilleure, les contrôles qualité aussi, et ce à un prix équivalent pour plusieurs raisons : tout d’abord, l’obligation de parvenir à une convergence tarifaire sur cinq ans ; ensuite et surtout, la possibilité de poursuivre à une plus grande échelle la mutualisation des coûts, car, selon toutes les études, cela aura un impact positif, à la fois, sur la capacité de la collectivité à négocier les coûts auprès des prestataires et sur le rapprochement de la qualité du service entre secteurs ruraux et urbains.

Face à l’ensemble de ces outils de soutien financier, de mutualisation, d’action concertée, de péréquation, il ne semble pas évident que la généralisation des contrats de ressources constitue un apport majeur. C’est d’autant plus vrai que, pour l’instant, nous ne sommes même pas capables d’identifier les éventuelles failles du dispositif existant, si faille il y a.

La loi NOTRe a à peine plus d’un an d’existence. Or il me semble que le rôle d’un parlementaire est aussi de parvenir à une forme d’efficacité législative, ce qui passe par la capacité à laisser du temps à la mise en œuvre des textes élaborés.

Par ailleurs, se pose à nos yeux un problème important pris en compte dans la proposition de résolution, mais qui ne nous semble toutefois pas réglé : celui de la constitutionnalité de cette proposition. En effet, l’article 72 de la Constitution prévoit la libre administration des collectivités territoriales. Or il est dit dans le texte qui nous est proposé que « le cadre constitutionnel ne semble pas s’opposer à ce que soient adoptées des dispositions législatives venant généraliser de tels contrats en obligeant que les collectivités concernées y aient recours ».

Nous ne sommes pas de cet avis, même si cela est justifié par les « fins d’intérêt général » que poursuivrait ce texte. Il existe en effet déjà, comme nous venons de le démontrer, des dispositifs permettant de préserver cet intérêt général sans contrevenir à la libre administration de nos collectivités.

Mes chers collègues, parce que nous comprenons l’idée qui sous-tend cette proposition de résolution du groupe écologiste, mais parce que nous pensons également que le droit actuel permet de résoudre la quasi-totalité des problèmes de financement de la gestion communale de l’eau, nous faisons le choix d’une abstention bienveillante.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion