Intervention de Jean-Michel Baylet

Réunion du 12 décembre 2016 à 15h00
Modernisation développement et protection des territoires de montagne — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Michel BayletJean-Michel Baylet :

Monsieur le président, avant d’entamer l’examen du projet de loi relatif à la montagne, je souhaite, au nom du Gouvernement, m’associer aux propos que vous venez de tenir et saluer la mémoire de Jean-Claude Frécon.

Il aurait été heureux de participer à ce débat, lui qui avait une véritable passion pour les territoires, pour leur défense, pour la protection des services publics, en particulier – vous l’avez dit, monsieur le président – la présence postale, tellement indispensable en ces secteurs.

Je l’ai connu lorsque je siégeais au sein de la Haute Assemblée. C’était un homme d’engagement, d’enthousiasme, de rigueur, de convictions et de tolérance.

Je veux donc, au nom du Gouvernement, présenter toutes mes condoléances à sa famille et exprimer mon amitié au groupe socialiste, dont Jean-Claude Frécon était l’un des membres très actifs, ainsi qu’à son président, Didier Guillaume.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, historiquement, les territoires de montagne ont toujours constitué une marge, une marche et une périphérie. Leurs habitants ont, quant à eux, longtemps été plus pauvres qu’ailleurs, marginalisés et régulièrement, disons-le franchement, méprisés.

Le plus souvent situés aux frontières, nos massifs n’en ont pas moins été stratégiques, en matière de défense notamment.

Par leurs positions, ils ont pu constituer des abris dans les temps troublés. La région autour, par exemple, du village du Chambon-sur-Lignon résume à elle seule ce statut de « montagne refuge », elle qui fut la terre d’accueil, successivement, des huguenots, des républicains espagnols, et de milliers de juifs, au point d’être érigée au rang de « village de Justes ».

Mais, au-delà de la majesté de ces paysages, les hommes, grâce à leur génie, ont su tirer profit des fortes contraintes de ces espaces – altitude, dénivelés, climats… – pour les développer et les sortir de l’enclavement. L’hydroélectricité, l’industrie, la sidérurgie, puis le tourisme ont été autant de vecteurs d’attractivité et de prospérité.

Mais on ne saurait appréhender correctement les massifs français sans reconnaître leur caractère profondément hétérogène, tant de leur topographie que de leurs paysages, de leurs atouts et de leur histoire.

Par leur fragilité et leur diversité, ces espaces appellent une attention adaptée et sans cesse renouvelée.

En cela, la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, ou loi Montagne, a constitué un acte fondateur en établissant le principe « d’adaptation, en tant que de besoin, aux spécificités » de nos reliefs.

Intervenant après les décennies du « plan neige », de 1964 à 1977, elle reposait sur un juste équilibre entre le nécessaire développement de ces territoires et l’impératif de protection de leur environnement.

Trente ans, plus tard, nous pouvons mesurer le caractère visionnaire de ce texte et l’ampleur des innovations qu’il comportait : définition des zones de montagne, mise en place d’instances représentatives, comme le Conseil national de la montagne ou les comités de massif. En matière d’aménagement, il introduisait aussi d’indispensables dispositifs de maîtrise de l’urbanisme et créait les unités touristiques nouvelles.

Tout précurseur qu’il fut, et qu’il demeure, ce texte d’envergure a besoin d’être actualisé. Ce constat est, je le crois, partagé de tous.

Depuis 1985, nombreuses furent les mutations sur les plans économique, environnemental et social. Les modes de vie ont changé, les besoins des habitants ont évolué. Il devenait impérieux de donner aux territoires de montagne la capacité d’y apporter des réponses adaptées.

Afin de défricher le terrain, Manuel Valls, alors Premier ministre, avait commandé aux députées Annie Genevard et Bernadette Laclais un rapport, remis au mois de septembre 2015. Il y était proposé de refonder le pacte entre l’État et les territoires de montagne, afin de répondre aux grands enjeux actuels.

Le projet de loi que je présente devant vous s’en inspire largement, même s’il ne résume pas à lui seul la politique que le Gouvernement met en œuvre en faveur de nos massifs.

Pour aboutir à ce texte, une approche transpartisane a toujours prévalu, associant directement et constamment les acteurs de la montagne : parlementaires – le rapport a été commandé, je le disais, à une députée de la majorité, Bernadette Laclais, et à une députée de l’opposition, Annie Genevard, et elles ont travaillé main dans la main pour l’élaborer –, élus locaux, associations représentatives d’élus locaux, et tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés.

Cette approche a permis de définir un cadre d’échanges, mais aussi un calendrier, fixant une adoption avant la fin de l’année. C'est la raison pour laquelle nous essayons d’aller vite en ces derniers jours de l’année 2016.

Cet esprit de responsabilité et cette recherche du consensus ont perduré tout au long des débats à l’Assemblée nationale. Il fut notamment facilité, je l’ai dit, par la désignation inédite de deux corapporteurs, l’une de l’opposition, l’autre de la majorité.

Cet « attelage », si vous me permettez l’expression, a permis d’enrichir substantiellement le texte, qui est passé de vingt-cinq articles lors de sa présentation à l’Assemblée nationale à soixante-quinze articles lors du vote.

Permettez-moi donc de vous en présenter les grandes orientations. Nous pouvons les regrouper autour de quatre grands axes, correspondant chacun à un titre du projet de loi.

Le titre Ier traite de la prise en compte des spécificités des zones de montagne et de celles qui peuvent exister dans chaque massif.

Montesquieu n’écrivit-il pas, dans De l’Esprit des lois, que ces spécificités « doivent être relatives au physique du pays ; au climat glacé, brûlant ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur; au genre de vie des peuples laboureurs, chasseurs ou pasteurs » ?

Ce texte réaffirme donc le principe d’adaptation des politiques publiques à ces particularités, éventuellement sous la forme d’expérimentations.

Dans cette partie, les députés ont apporté plusieurs améliorations.

Ils ont précisé les objectifs spécifiques des politiques publiques, en détaillant les différents domaines d’intervention, comme l’usage partagé de la ressource en eau, la prise en compte des temps de trajet dans l’organisation scolaire en montagne ou la représentation équitable des territoires de montagne.

De la même manière sont détaillés les domaines pour lesquels s’applique le principe d’adaptation de l’action publique.

Le titre Ier vient également renforcer le CNM, le Conseil national de la montagne, dans ses missions et dans sa représentation. Il sera désormais doté d’un vice-président, par ailleurs président de la commission permanente, qui assurera un fonctionnement plus régulier de cette instance. Ce vice-président pourra en outre saisir directement le Conseil national de l’évaluation des normes.

Le renforcement des institutions concerne également les comités de massif.

Sur la thématique de la santé, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs dispositions complétant le schéma régional de santé d’un volet de prise en compte des besoins spécifiques aux populations des territoires de montagne et des temps raisonnables d’intervention des secours. Elles prévoient également la participation d’un membre du comité de massif au conseil territorial de santé.

La difficile et déterminante question du numérique et de l’accès à la téléphonie mobile, qui se pose avec plus d’acuité encore dans les zones de montagne, est évidemment abordée.

Le premier chapitre du titre II vise à adapter les investissements publics aux fortes contraintes du relief. Il facilite l’expérimentation de technologies de substitution à la fibre, comme les connexions radio ou satellitaires, qui ont connu des innovations notables, ces dernières années.

J’en profite pour rappeler, en sortant un peu du cadre de ce texte, qu’avec le programme de résorption des zones blanches, dont beaucoup se situent en altitude, l’État prend en charge l’intégralité du coût de construction des pylônes permettant aux opérateurs de relier les centres-bourgs au réseau mobile, au minimum en 3G, d’ici à mi-2017.

En dehors des centres-bourgs, 1 300 sites seront également équipés en 3G, puis en 4G, d’ici à 2019. Je le rappelle, à l’origine, la date prévue était 2022.

L’État participe, là aussi, au financement des pylônes, jusqu’à 75 000 euros pour ceux qui sont situés en zone de montagne ; cela représente plus de 42, 5 millions d’euros de subventions.

À l’Assemblée nationale, comme ici, cette partie du texte a donné lieu à des échanges intenses et à de nombreux amendements, priorisant la montagne dans le cadre du programme de couverture des zones blanches ou incitant au déploiement des services numériques.

Cela ne fait que confirmer l’importance et la sensibilité de ces thématiques ; je le savais déjà. Nous aurons largement l’occasion de revenir sur vos propositions pour accélérer l’accès à ces technologies sur tout le territoire.

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