Intervention de Cyril Pellevat

Réunion du 12 décembre 2016 à 15h00
Modernisation développement et protection des territoires de montagne — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la montagne nous réunit aujourd’hui. Elle est en effet un véritable trésor national, qui doit être préservé et valorisé par tous. L’objectif principal du présent projet de loi est de relancer la politique nationale de la montagne, en faveur d’un aménagement et d’un développement durables de ces territoires, ce dont je me réjouis.

Si la montagne est une destination touristique majeure en France et dans le monde, elle est d’abord un lieu de vie et d’activité pour plus de 6 millions de Français, soucieux de bénéficier de conditions de vie comparables à celles de leurs concitoyens dans d’autres territoires, tout en conservant les spécificités de ce cadre unique.

La montagne accueille également une économie riche et diversifiée. L’industrie de montagne représente 600 000 entreprises et 4 millions d’actifs. Le secteur du tourisme participe à hauteur de 15 % du PIB touristique du pays. Quant à l’agriculture, une exploitation sur six se trouve en montagne, qui regroupe 17 % de la surface agricole utile.

Enfin, grâce à son patrimoine naturel et culturel exceptionnel, la montagne occupe une place particulière dans l’identité de notre pays. Sa biodiversité unique, la beauté de ses paysages, l’immensité de ses forêts et son rôle de château d’eau naturel en font un bien commun de la nation.

Une politique de la montagne est donc indispensable pour aménager ces espaces en prenant en compte leurs spécificités, aussi bien en termes d’atouts que de contraintes. Car si la montagne partage avec la ruralité certaines caractéristiques, elle se singularise par des difficultés permanentes très fortes, liées au relief et au climat.

Le socle d’une telle politique a été créé par la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Je souhaite rappeler le caractère particulièrement novateur de ce texte, qui plaçait la montagne à l’avant-garde du développement durable, en lui traçant un avenir fondé sur des équilibres subtils, entre dynamisme économique et protection du patrimoine naturel.

Trente ans après, la montagne a globalement bien résisté à l’épreuve du temps. Toutefois, de nouveaux enjeux, comme le numérique et le réchauffement climatique, doivent être mieux pris en compte. Par ailleurs, la ligne de crête entre protection et développement des territoires de montagne reste étroite. Enfin, le droit commun a évolué, rattrapant parfois les dispositifs spécifiques adoptés par le législateur en 1985.

La loi Montagne s’est donc quelque peu affaiblie. C’est pourquoi les élus de la montagne souhaitaient depuis plusieurs années une relance de l’action publique, afin d’éviter toute banalisation de leurs territoires.

Prenant acte de ce souhait très vif, le Gouvernement a confié à nos collègues députées Annie Genevard et Bernadette Laclais la réalisation d’un rapport, pour identifier des solutions concrètes permettant l’actualisation de la loi de 1985. Remis au Premier ministre en septembre 2015, ce travail remarquable formulait une centaine de propositions, pour lancer un acte II de la politique de la montagne.

À partir de ce rapport, le Gouvernement a élaboré le présent projet de loi, en concertation étroite avec les élus et avec la mobilisation très forte de l’Association nationale des élus de la montagne et du Conseil national de la montagne, dont je souhaite souligner le rôle majeur pour accompagner la préparation et l’examen du texte. Une véritable démarche de coconstruction a ainsi guidé ce travail dès ses origines. Cette approche a été prolongée à l’Assemblée nationale, avec des échanges constructifs et transpartisans entre les différents groupes politiques, qui ont abouti à un texte particulièrement consensuel, adopté à la quasi-unanimité, comme l’a rappelé M. le ministre.

Témoignage de l’importance de la montagne pour notre assemblée et du souhait partagé par tous de poursuivre un examen transversal, cinq commissions permanentes du Sénat se sont mobilisées. Je souhaite, à cet égard, saluer mes collègues rapporteurs pour leur engagement et leur contribution sur ce texte : Patricia Morhet-Richaud pour les affaires sociales, Gérard Bailly pour les affaires économiques et Jean-Pierre Vial pour les lois.

Malgré des délais contraints, les différents rapporteurs ont mené au total plus d’une soixantaine d’auditions. Nous avons conjointement souhaité ouvrir nos travaux à l’ensemble des sénateurs de montagne, en vue de permettre au plus grand nombre de participer aux réflexions du Sénat sur ces sujets. Je salue, à cet égard, notre collègue Jean-Yves Roux, président du groupe d’études Développement économique de la montagne, pour sa mobilisation sur ce texte.

À l’issue de mes auditions, j’ai constaté que la grande majorité des organismes et personnalités entendus souhaitaient une stabilisation du texte adopté par l’Assemblée nationale, qui a été étendu à plusieurs sujets majeurs, comme l’accès à l’école et à la santé, l’aménagement numérique, le soutien aux activités agricoles ou encore la politique de l’eau. Si nous pouvons nous en féliciter, nous devons également être vigilants sur la qualité de la loi que nous adoptons. Comme vous le savez, il s’agit d’une priorité pour le président du Sénat. Ainsi, sans vouloir bouleverser les équilibres existants du projet de loi, nous avons conjointement souhaité apporter des améliorations au texte transmis.

En termes de méthode, je rappelle que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, saisie au fond sur le texte, a délégué une trentaine d’articles du projet de loi à la commission des affaires économiques, relatifs aux activités pastorales, agricoles et forestières, à l’urbanisme et au tourisme. Elle a également délégué une dizaine d’articles à la commission des affaires sociales, relatifs à la santé et au droit du travail. La commission des lois s’est de son côté saisie pour avis d’une large partie du texte. Enfin, la commission de la culture a procédé à une communication en commission sur les articles relatifs à l’enseignement scolaire. Au total, 115 amendements ont déjà été adoptés et intégrés au texte.

Notre commission a examiné au fond la majorité des articles du titre Ier, relatifs aux principes de la politique de la montagne, à la gouvernance de ces territoires et à l’accès aux services publics.

Sur cette partie du texte, nous avons apporté plusieurs précisions, notamment sur les objectifs de la politique de la montagne, sur les prestations de secours sur les pistes de ski et sur la prise en compte des délais d’accès dans l’organisation scolaire. Nous avons également supprimé quelques articles, jugés redondants par rapport au droit en vigueur.

Nous avons aussi ajouté une prise en compte des spécificités de montagne par le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. En termes de zonage, nous avons souhaité garantir le maintien du classement « montagne » dans les communes nouvelles et insérer un dispositif transitoire pour les communes sortant du classement en zone de revitalisation rurale.

Enfin, nous avons inséré des dispositions relatives à la gestion et à la prévention des risques naturels, en vue de renforcer l’expertise apportée par l’Office national des forêts aux collectivités de montagne.

Sur le titre II, relatif au développement économique, nous avons renforcé le volet numérique du texte, en apportant des précisions sur l’élaboration des stratégies de développement des usages et services numériques, sur l’exonération d’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ou IFER, en faveur de la téléphonie mobile et sur la mutualisation des infrastructures passives. Nous avons également inséré des dispositions relatives à la constitution rapide d’une base nationale des adresses et à la contractualisation des projets privés de déploiement à très haut débit, en vue d’accélérer la couverture numérique des territoires.

Toujours dans ce même titre, nous avons adopté des précisions à l’article 16, relatif à la prédation des animaux d’élevage, afin d’assurer la conformité de cette disposition au cadre international et européen et d’éviter de nouveaux contentieux, tout en rappelant l’importance de préserver les activités d’élevage. Cet article nous semble désormais équilibré.

Enfin, au titre IV, relatif aux enjeux environnementaux, la commission a conservé les ajouts adoptés à l’Assemblée nationale sur la politique de l’eau et a souhaité supprimer l’inscription dans la loi de la possibilité de créer des zones de tranquillité dans les parcs nationaux, comme l’avait prévu l’Assemblée nationale pour les parcs naturels régionaux, constatant que ces initiatives sont déjà permises par le droit en vigueur.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, sur les articles examinés par notre commission, nous avons souhaité améliorer et renforcer le texte transmis à notre assemblée, sans le dénaturer ni bouleverser son périmètre général. Tout en souhaitant résolument poursuivre avec vous tous une démarche d’élaboration constructive et transpartisane, notre priorité lors de cet examen en séance est de permettre au Sénat d’adopter une loi utile, équilibrée et pérenne pour les territoires de montagne.

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