Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les six massifs que compte le territoire métropolitain ainsi que les trois massifs ultramarins – je ne compte pas les montagnes Noires et les monts d’Arrée – sont un élément incontournable de notre géographie. Ils occupent 30 % du territoire et regroupent 15 % de sa population. Ils sont donc un enjeu de premier plan en matière d'aménagement du territoire, tout en étant plus que d'autres confrontés à l'éloignement des services publics, à l'enclavement ou encore à la désertification médicale. Ils sont aussi une richesse inestimable en matière de biodiversité et de patrimoine naturel. Ils abritent ainsi vingt-quatre des cinquante et un parcs naturels régionaux et six des dix parcs nationaux.
Conscient de ces réalités, le groupe écologiste ne peut que souscrire à l'ambition de ce texte : forger des outils adaptés pour un développement des territoires de montagne, répondant à leurs spécificités et difficultés particulières. À cet égard, le texte est, malgré quelques points sur lesquels je reviendrai, satisfaisant dans son économie générale. Il complète utilement la loi Montagne de 1985. Nous saluons notamment l'effort de précision des politiques qui peuvent faire l'objet d'adaptations en territoire de montagne ou encore les progrès de l'administration consultative, via l’extension des prérogatives confiées au Conseil national de la montagne et aux comités de massif.
Je veux particulièrement insister sur deux points.
Premier point, d’ailleurs évoqué par M. le ministre dans son intervention : le problème dit des « lits froids », c'est-à-dire durablement inoccupés, est enfin abordé. J'avais pour ma part eu l'occasion de soulever ce sujet lors de l’examen d'un précédent texte.
Pour lutter contre ce phénomène, le présent projet de loi vise à assouplir le dispositif des opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir, ou ORIL, afin d'ouvrir le bénéfice des aides des collectivités aux propriétaires qui s'engagent à louer par eux-mêmes leur logement.
Toujours afin d'encourager la réhabilitation, le projet de loi de finances pour 2017 prévoira une réorientation du fameux dispositif fiscal dit « Censi-Bouvard ».
Ces deux dispositions devraient avoir un impact concret pour les propriétaires de résidences en montagne et favoriser ainsi la rénovation de l'existant plutôt que d'encourager sans discernement les constructions neuves. Nous espérons en effet qu’ils suffiront à enrayer ce phénomène qui a pris de l'ampleur dans les dernières années. Je me permets de rappeler quelques chiffres édifiants : en Tarentaise, chaque année, 5 000 lits sont créés, autant sortent du marché, et moins de 50 % des lits touristiques sont ouverts en pleine saison. Cette situation favorise l'artificialisation et l'étalement, la pression sur le foncier, sur la ressource en eau et en énergie, en plus d’accroître les difficultés de logement pour les populations locales.
Deuxième point : la vulnérabilité de la montagne face au changement climatique est inscrite dans la loi, de même que la prise en compte du changement climatique dans le développement économique et touristique en milieu montagnard.
C'est une bonne chose, car le changement climatique est plus rapide et brutal en montagne qu'ailleurs. Il est ainsi deux fois plus rapide dans les Alpes que la moyenne mondiale et quatre fois plus rapide au-dessus de 1 500 mètres d'altitude. Selon un programme de recherche coordonné par Météo-France, dont je ne suis pas certain que nous ayons pris la mesure, « À l'horizon 2080 et avec le scénario le plus pessimiste, les simulations prédisent une baisse de la durée de l'enneigement sur les Alpes de 60 à 85 % selon les massifs […] à basse altitude » – autant dire qu’il n’y aura plus de modèle économique possible pour les stations de moyenne montagne – « et de 40 à 75 % à moyenne altitude ».
Compte tenu de la situation particulière de la montagne face au changement climatique, je me permettrai de rappeler devant vous tout l'intérêt qu'il y aurait à créer une « dotation climat » dont je vous parle, mes chers collègues, depuis quelque temps déjà. Cette dotation serait financée par l'augmentation de la recette de la contribution climat-énergie et reversée aux collectivités territoriales, pour la mise en place de leur plan climat, y compris pour le volet adaptation. Les collectivités montagnardes auront particulièrement besoin d'une telle recette nouvelle pour mener à bien leur plan d’adaptation et anticiper l’avenir.
Les députés ont d'ailleurs reconnu la nécessité d'une spécificité montagnarde en matière de dotations, en faisant adopter un article additionnel prévoyant que « la dotation globale de fonctionnement et le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales intègrent les surcoûts spécifiques induits par des conditions climatiques et géophysiques particulières en montagne et les services, notamment écologiques et environnementaux, que la montagne produit au profit de la collectivité nationale ».
Nous avons eu quelques secondes seulement pour en parler à Marrakech, monsieur le ministre. Votre soutien serait le bienvenu pour la réussite de cette entreprise au sein du projet de loi de finances rectificative, que nous commencerons d’examiner en séance dans deux jours. Nous pourrions enfin débloquer ce projet de dotation additionnelle climat, soutenu par tous les réseaux de collectivités territoriales françaises, mais à propos duquel Bercy est beaucoup moins enthousiaste. Ce serait envoyer aux intercommunalités un signal extrêmement positif, qui leur permettrait de s’engager pleinement dans la réalisation des plans climat-énergie, désormais obligatoires.
J’en viens à un autre sujet abordé par le projet de loi.
Le groupe écologiste déplore le travail de sape des opérateurs téléphoniques contre la loi Abeille, auquel, malheureusement, certains parlementaires de l'Assemblée nationale se sont montrés réceptifs.
Le groupe écologiste n’est pas opposé à ce qu'on débatte d'aménagements spécifiques aux zones de montagne sur ces questions. Le débat à ce sujet est légitime. En revanche, il a été pris prétexte du présent projet de loi pour restreindre, sur tout le territoire, et non pas seulement en zone de montagne, l'information des élus locaux en cas de modification substantielle d'une antenne-relais existante, en limitant les possibilités de recours à la médiation par le préfet, ce qui est inacceptable. La méthode consistant à revenir de manière incidente sur ces dispositifs, sur tout le territoire – et donc bien au-delà du champ de ce texte –, est clairement manipulatrice ; elle flirte avec le cavalier législatif.
Le groupe écologiste espère que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, saura faire preuve de sagesse et reviendra sur ces dispositions, notamment celles qui diminuent l'information des élus locaux. Nos concitoyens sont demandeurs de transparence au sujet des antennes-relais ; il est donc paradoxal de vouloir réduire l'information des maires et présidents d’EPCI, qui mettent justement ces informations à disposition de leurs administrés. C'est, de plus, probablement contre-productif, et cela fait courir le risque de remobiliser des associations de riverains, dont la principale demande est celle de la transparence.
Le temps qui m’est imparti étant presque écoulé, je n’aborderai que rapidement mes derniers points ; nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles.
Nous sommes par exemple inquiets de la remise en cause du principe de continuité écologique des cours d’eau. Par ailleurs, les zones de tranquillité dans les parcs nationaux ont fait l’objet d’un compromis à l’Assemblée nationale ; revenir dessus n’était pas nécessaire.
Ces réserves apportées, et si des reculs supplémentaires ne sont pas introduits, le groupe écologiste votera pour ce texte, très positif dans les grands principes qu’il pose.