Intervention de Patrick Chaize

Réunion du 12 décembre 2016 à 15h00
Modernisation développement et protection des territoires de montagne — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Patrick ChaizePatrick Chaize :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux, pour commencer, remercier le rapporteur, Cyril Pellevat, de m’avoir confié la partie du projet de loi ayant trait au numérique. Cela devrait permettre de maintenir une cohérence avec les textes antérieurs. C’est en tout cas l’état d’esprit qui a été le mien dans ce travail.

Les dispositions du texte relatives au numérique démontrent la transversalité de ce sujet, qui s’invite au centre de toutes les politiques. Je réitère d’ailleurs, monsieur le président, ma suggestion d’anticiper, au sein de notre institution, une organisation prenant en compte cette nouvelle donnée.

Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, mon propos se concentrera sur le numérique, à savoir sur l’article 9 et ses déclinaisons.

Si la loi Montagne de 1985 était novatrice à bien des égards, elle était dépourvue de mesures significatives sur les communications électroniques, à une époque où internet et la téléphonie mobile n’existaient pas dans notre pays. La seule disposition de la loi dans ce domaine visait des aménagements techniques, afin de permettre une bonne réception des émissions des services de radio dans les zones de montagne.

Le présent projet de loi est donc le bienvenu : il permet de prévoir des mesures spécifiques en faveur de la couverture numérique de ces territoires. Il faut noter qu’il succède à plusieurs lois comprenant des dispositions importantes pour l’aménagement numérique du territoire, en particulier la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et la récente loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

La couverture numérique des territoires ruraux reste très contrastée, même s’il est difficile de disposer de données spécifiques aux zones de montagne. La progression de la couverture fixe en très haut débit est constatée au niveau national, mais elle bénéficie encore très largement aux zones urbaines. La contribution des réseaux d’initiative publique s’accélère au profit des zones rurales, mais les collectivités territoriales ne pourront pas couvrir les territoires les plus difficiles d’accès, en particulier en montagne, sans aides supplémentaires de l’État si la fibre optique jusqu’à l’utilisateur reste la priorité.

Par ailleurs, en attendant le très haut débit, le réseau téléphonique connaît certains désagréments et ne permet pas toujours aux habitants de disposer d’un haut débit de qualité, alors que les usages et les standards technologiques évoluent à très grande vitesse.

En matière de téléphonie et d’internet mobiles, la montagne est particulièrement exposée aux problèmes des zones blanches, en termes de couverture de la population et du territoire. Des initiatives ont été prises par le Gouvernement depuis 2015, mais leur mise en œuvre doit être accélérée. Je pense notamment à l’achèvement du programme « zones blanches en centres-bourgs », qui a enregistré certains retards. Si le déploiement de sites hors centres-bourgs, qui a été lancé aujourd'hui même à Vesoul, est une initiative intéressante, ses modalités de mise en œuvre doivent être rapidement précisées avec les opérateurs.

Le présent projet de loi offre ainsi l’opportunité d’améliorer le déploiement des réseaux fixes et mobiles en faveur de la couverture des territoires de montagne. À cet égard, l’Assemblée nationale a enrichi le projet de loi initial, qui se limitait à un seul article, pour transmettre au Sénat un texte en comportant neuf. Deux préoccupations ont guidé ces ajouts : l’utilisation des réseaux d’initiative publique par les fournisseurs d’accès à internet pour apporter des services fixes à très haut débit aux utilisateurs et le déploiement de points hauts mutualisés en zone de montagne pour améliorer la couverture mobile.

L’article 9 prévoit une adaptation de l’aménagement numérique du territoire en zone de montagne et en confie la responsabilité aux ministres compétents et à l’ARCEP.

Si l’article prévoit de favoriser le recours à un « mix technologique » pour déployer des solutions technologiques optimales, je rappelle qu’il est important de privilégier – autant que possible – la fibre optique, qui reste la frontière technologique du très haut débit et la seule architecture véritablement pérenne. Ce que confirme la Commission européenne à travers les nouvelles directives de son paquet Télécom, qui imposent le gigabit dès 2025.

Cet article, à dimension programmatique, devra se traduire par des mesures concrètes et tangibles pour un aménagement numérique adapté à ces territoires. L’Assemblée nationale a ajouté des dispositions utiles comme l’élaboration de cartes de couverture spécifiques aux zones de montagne et l’évaluation du déploiement du très haut débit en montagne pour améliorer la connaissance de la couverture de nos territoires.

Il me semble également intéressant de cibler en priorité les territoires de montagne dans le cadre du programme de construction de sites hors centres-bourgs pour les réseaux mobiles.

En commission, nous avons souhaité préciser les dispositions relatives au développement de services et d’usages numériques adaptés aux besoins des populations de montagne et confier à l’État, plutôt qu’à l’ARCEP, le suivi annuel du très haut débit en zone de montagne eu égard aux publications déjà effectuées par l’Agence du numérique en la matière.

Afin d’accélérer l’utilisation des réseaux d’initiative publique par les fournisseurs d’accès à internet, l’article 9 bis permet aux collectivités territoriales de proposer des tarifs préférentiels d’accès en cas d’insuffisance de l’offre privée pour commercialiser des services sur ces réseaux. Nous avons souhaité sécuriser cette possibilité en rappelant les principes que doivent respecter ces tarifs promotionnels au lancement de la commercialisation des réseaux.

Avec la même préoccupation d’assurer l’utilité de ces infrastructures publiques, l’Assemblée nationale a inséré l’article 9 nonies, qui prévoyait une obligation générale pour les opérateurs de communications électroniques d’intégrer les réseaux d’initiative publique existants. Problématique au regard de la Constitution et du droit européen, cette disposition a été réécrite en commission afin de confier à I’ARCEP une mission de suivi et de promotion des systèmes d’information entre opérateurs pour améliorer la fourniture de services sur les réseaux à très haut débit.

Enfin, toujours sur ce même enjeu, l’article 9 quinquies prévoit la publication périodique par I’ARCEP d’informations sur la commercialisation de services sur les réseaux publics, ce qui permettra de suivre leur utilisation effective par les opérateurs de services et la diversité des offres proposées aux utilisateurs finals.

L’article 9 ter rend obligatoire en zone de montagne la mise en place d’une stratégie de développement des usages et services numériques, créée par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et adossée au schéma directeur territorial d’aménagement du territoire. Nous avons souhaité préciser les conditions de déclenchement de cette obligation, qui permettra de soutenir la création d’usages et de services adaptés aux territoires de montagne et favorables au développement local.

Afin d’accélérer la couverture mobile, l’article 9 quater prévoit une exonération de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux en faveur des stations radioélectriques de téléphonie mobile construites en zone de montagne à partir du 1er janvier 2017. En vue de doter cette mesure d’un véritable effet d’accélération sur la couverture mobile, nous avons souhaité qu’elle bénéficie aux équipements mis en place entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2020.

L’article 9 sexies crée une obligation générale à la charge des opérateurs de faire droit aux demandes raisonnables d’accès à leurs points hauts en zone de montagne pour favoriser la mutualisation des infrastructures passives de téléphonie mobile. Notre commission a apporté des précisions à ce dispositif, notamment pour améliorer la répartition des coûts entre opérateurs et pour élargir le périmètre des réseaux radioélectriques concernés.

Afin d’accélérer le déploiement des équipements, l’article 9 septies allège les obligations d’information du maire ou du président de l’intercommunalité en cas de modification sur un point haut ou de travaux sur un point haut situé en zone de montagne et ne faisant pas l’objet d’une extension ou d’une rehausse substantielle. L’objectif de cette disposition est de fluidifier le déploiement des équipements mobiles. Je sais qu’elle soulève certaines inquiétudes. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des articles.

Enfin, l’article 9 octies prévoit la prise en compte, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, des contraintes géographiques inhérentes aux zones de montagne lors de l’encadrement de la puissance d’émission pour la diffusion des radios.

En commission, un article 9 nonies A a été inséré en vue de faciliter l’octroi d’autorisations temporaires d’utilisation de fréquences lors d’événements exceptionnels ou pendant les pics de fréquentation touristique.

En outre, deux articles additionnels ont été insérés en commission.

L’article 9 ter A prévoit la mise à disposition, à partir du 1er juillet 2017, d’une base harmonisée des adresses au niveau national, dans le cadre du service public de la donnée créé par la loi pour une République numérique. Il s’agit d’une disposition très attendue. La constitution progressive de cette base doit notamment faciliter la fourniture de services à très haut débit aux utilisateurs.

L’article 9 ter B, quant à lui, fixe au 1er juillet 2017 le terme du processus de conventionnement des projets privés de déploiement de réseaux fixes à très haut débit. L’objectif est d’actualiser et de formaliser les intentions d’investissement des opérateurs pour mettre fin à l’incertitude, qui n’a que trop duré, entourant la réalité des projets dans la zone délimitée par l’appel à manifestation d’intentions d’investissement de 2011.

Par ces différents ajouts, la commission a donc souhaité renforcer et enrichir les dispositions du volet numérique afin d’améliorer l’accès aux différents réseaux en montagne. Pour ces territoires, les technologies numériques sont une source de fracture territoriale supplémentaire lorsqu’elles sont absentes, mais elles constituent également une opportunité formidable de désenclavement et de développement si elles sont déployées en temps utile et pour l’ensemble des habitants.

Ce texte, vous le constaterez, a été construit de façon équilibrée. Il envoie des signes positifs aux opérateurs en simplifiant des procédures et en améliorant certaines dispositions fiscales. Il renforce néanmoins leurs obligations pour donner aux territoires de montagne et, par extension, aux territoires ruraux, des garanties d’amélioration de leur couverture, indispensable à la population. Au cours de ce débat, faisons en sorte que le numérique avance !

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