Dans ce contexte, le monde s’arme de plus et plus, et les tensions se multiplient.
Et, pendant ce temps, M. Trump remet en cause les trois bonnes nouvelles que nous avaient apportées les mois précédents : l’accord de Paris, dans le cadre de la COP21 ; l’accord nucléaire avec l’Iran ; la nomination d’un nouveau secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui, pour nous, avait toute pertinence pour assumer cette fonction.
M. Trump veut remettre en cause l’accord de Paris, remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien et court-circuiter l’ONU, qui ne servirait à rien. Si on supprime le multilatéral, on supprime le dialogue, et on a toutes les chances d’aller un jour ou l’autre au conflit !
Alors que les tensions se multiplient, tout le monde construit, tout le monde invente son Europe ! Nos amis chinois, qui pensent à la route de la soie, ont choisi seize pays européens avec lesquels ils vont investir. Nos amis russes, qui, pensant à l’Europe, ont tendance à confondre l’Europe avec l’OTAN, redessinent l’Europe qui leur convient. Et M. Trump, lui, ne veut pas entendre parler de l’Union européenne ; il veut seulement des pays européens amis des États-Unis, et il constitue son Europe.
Tout le monde dessine l’Europe depuis le Brexit, sauf les Européens ! Tout le monde pense l’Europe, son Europe, mais nous, nous ne nous pensons pas à notre Europe !
Tel le contexte dans lequel il faut appréhender ce Conseil européen. Nous le voyons, la situation est extrêmement grave et il nous faut aujourd'hui réagir.
Nous devons penser l’Europe de demain ! C’est ce que fait le Sénat. Avec la commission des affaires européennes, au sein de la commission des affaires étrangères, nous essayons de penser la refondation européenne.
Il va de soi que la refondation ne pourra pas s’y limiter, mais l’Europe de la défense est essentielle.
Monsieur le secrétaire d’État, nous apporterons des contributions, sans doute à la fin du mois de février. Le sujet est extrêmement difficile. Mais c’est tout de même notre première responsabilité. Nous n’allons pas laisser les autres penser l’Europe à notre place !
Nous espérons que le Conseil européen ne nous décevra pas. Les trois derniers qui ont été consacrés à la défense au cours de ces quatre années nous ont plutôt déçus.
Cependant, le plan d’action présenté par la Commission le 30 novembre va dans le bon sens. D’ailleurs, il s’inspire d’un rapport remis par nos collègues de la commission des affaires étrangères : en 2013, Jacques Gautier, André Vallini, Daniel Reiner et Xavier Pintat ont défini un certain nombre de principes que l’on retrouve dans le plan d’action européen. Je pourrais également évoquer la résolution qui a récemment été votée sur ces sujets.
Il y a des bonnes perspectives. Le fonds européen de défense s’inspire – je l’espère, et je pense que c’est positif – de la proposition qu’avait formulée en son temps Thierry Breton. Le semestre européen de défense est, je le crois, une étape aussi importante ; nous pouvons saluer ce signal. Les fonds structurels et d’investissement sont un élément essentiel pour nos industries de défense. Si nous devons renforcer ces industries, ce n’est pas pour faire la guerre ; c’est pour faire la paix. Revenons aux sources de notre stratégie de dissuasion. Les pôles régionaux d’excellence constituent aussi un signal positif.
De notre côté, il y a l’accord franco-allemand de 2016. Et nous voulons faire avancer cette idée, même si cela prendra évidemment du temps. C’est une sorte de Lancaster House élargi. Nous ne voulons pas couper les liens avec le Royaume-Uni en matière de défense ; nous en avons besoin pour notre propre défense. Il faudra sans doute associer d’autres pays.
De même, nous pouvons, me semble-t-il, nous réjouir de la compréhension qu’il commence à y avoir sur la nécessaire complémentarité entre l’OTAN et l’Europe. Ce n’est évidemment pas parce que nous voulons défendre des positions sur l’OTAN qu’il faut abandonner les ambitions européennes de défense !
À mon sens, c’est le sujet majeur pour nous. Nous devons bien mesurer que nous avons besoin d’un effort de défense. Mais cet effort doit s’inscrire dans une ambition de paix ! Souvenons-nous comment la force de dissuasion française a été créée, comment nous avons fait en sorte que ce pays fasse des efforts financiers considérables pour sa défense ! Mais « sa défense », cela ne signifie pas la guerre !
On entend prononcer le mot « guerre » à tout bout de champ : guerre des religions ; guerre des civilisations ; guerre des monnaies. Comme si la guerre devenait banale…
Ce qui est au cœur de la construction européenne, ce qui fait que l’Europe aura toujours une légitimité plus forte que le reste, c’est son combat pour la paix !
Aujourd'hui, nous avons plus que jamais besoin d’un continent qui se lève pour dire : « Ce que nous voulons, c’est la paix ! » Cela ne nous empêche pas, au contraire, de vouloir nous protéger ou d’investir dans la défense, puisque nous avons une conception dissuasive de la défense et de l’effort militaire. Mais cet effort-là, nous le voulons pour la paix.
Depuis le temps que je fais de la politique, c’est la première fois que je pense à mes petits-enfants en me demandant : « Dans quel monde vont-ils vivre ? » C’est la première fois que nous pouvons nous dire que nous ne sommes pas assurés de la paix, car la menace est multiple.
La paix est très importante. Elle passe évidemment par le combat européen, puisque c’est son essence. Elle passe aussi par un effort de défense, car c’est la protection que nous devons assumer.
Nous sommes dans un moment de gravité. L’Europe doit trouver sa place. Puisqu’elle cherche sa refondation, c’est sans doute dans la gravité qu’elle est la meilleure !