Séance en hémicycle du 13 décembre 2016 à 14h15

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs, Paul Vergès nous a quittés le 12 novembre.

Mme la ministre des outre-mer, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La nouvelle de son décès a provoqué sur l’île une onde de choc et une intense émotion, qui a trouvé son expression très forte lors de ses funérailles célébrées devant des milliers de Réunionnais dans l’enceinte émouvante du cimetière paysager de la commune du Port, dont Paul Vergès avait été le maire et qu’il avait profondément transformée.

Je sais l’émotion que le président Thierry Foucaud, qui me représentait à cette cérémonie, et nos deux collègues qui l’accompagnaient – la présidente de son groupe, Mme Éliane Assassi, et M. Pierre Laurent – ont eux-mêmes ressentie à cette occasion.

« La Réunion est orpheline », a ainsi titré le journal Témoignages, journal fondé un 5 mai 1944 par le docteur Raymond Vergès et dirigé, dès 1954, par son fils Paul.

C’est aussi avec une grande tristesse que les sénatrices et les sénateurs ont appris la disparition de Paul Vergès, qui était notre doyen et qui fut sénateur de La Réunion à deux reprises, d’avril 1996 à juillet 2004 et depuis le 1er octobre 2011.

Nous avons en mémoire les mots par lesquels il avait conclu ici même, le 1er octobre 2014, son allocution de président d’âge. Il avait rappelé ces propos de Jean Jaurès : « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent et une confiance inébranlable pour l’avenir. », avant d’ajouter : « Que cette nouvelle ère illustre la volonté de voir enfin se réaliser pour le monde la devise de notre République : ″ Liberté, Égalité, Fraternité″ ».

Homme de conviction et de courage, Paul Vergès était un militant de toujours et un résistant. Il s’était ainsi engagé dès 1942, à l’âge de 17 ans, aux côtés de son frère Jacques, dans les Forces françaises libres. Il intégra l’école d’officiers parachutistes de Ribbesford en 1943, avant d’être parachuté en 1944 dans la Vienne auprès des résistants du maquis.

Paul Vergès s’était également engagé très tôt dans la vie politique de La Réunion, suivant la voie tracée par son père, proche du parti communiste français, qui avait œuvré à la départementalisation de l’île et des Antilles-Guyane en 1946. Il fut ainsi un militant et un responsable politique d’une longévité exceptionnelle, étant durant plus de soixante ans l’élu incontournable de son île.

Paul Vergès commença son ascension politique dès les années 1950, alors que l’île souffrait de grandes inégalités sociales et d’un important retard de développement économique. Il fut élu conseiller général en 1955 puis, pour la première fois, député en 1956, et c’est en 1959 qu’il fonda le parti communiste réunionnais, afin de mieux ancrer la revendication identitaire réunionnaise.

Paul Vergès exerça ensuite, durant plus d’un demi-siècle, tous les mandats électoraux locaux et nationaux, étant conseiller général, député à trois reprises, parlementaire européen durant treize ans, président du conseil régional de La Réunion de mars 1998 à mars 2010 et, bien sûr, notre collègue, sénateur durant quatorze années.

Il fut maire de la commune du Port, qui lui était si chère et où ses proches et ses amis se sont retrouvés pour lui rendre un dernier hommage.

Paul Vergès fut, tout au long de sa vie, une figure emblématique de son île, dont il parlait toujours avec chaleur et un enthousiasme inépuisable. Je me souviens de l’échange que nous avions eu à ce sujet.

Son nom restera attaché à nombre de transformations qu’a connues l’île depuis les années 1950.

Paul Vergès conduisit ainsi, lors de son mandat à la tête du conseil régional, une politique de grands travaux, l’amélioration du réseau routier et les chantiers de modernisation des politiques sociales étant au premier rang de ses préoccupations.

Il fut un bâtisseur, concrétisant des projets majeurs de développement de l’île, tout en menant son combat pour l’égalité, pour changer la vie quotidienne des Réunionnaises et des Réunionnais.

Il prônait aussi une vision à long terme et voyait dans l’île un « laboratoire » illustrant, avec ses caractéristiques propres, les problèmes démographiques, économiques et environnementaux du monde. Il estimait que La Réunion concentrait « toutes les contradictions, celles de la société capitaliste et celles du tiers-monde ».

Notre doyen était un homme politique d’une incontestable hauteur de vues, qui se projetait toujours dans l’avenir et le long terme. Son message pour La Réunion, qui conciliait désir d’autonomie et besoin de France dans les outre-mer, restera pour lui toujours d’actualité.

Il fut au Sénat le porte-parole inlassable de son île, déposant encore, en juin 2014, une proposition de résolution relative à une nouvelle politique énergétique et à un codéveloppement durable et solidaire dans l’océan Indien et, en octobre 2015, une proposition de loi constitutionnelle visant à étendre à La Réunion la possibilité accordée à la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane de fixer les règles applicables sur leur territoire dans des matières limitées relevant de la loi.

Mais Paul Vergès attachait plus globalement une importance majeure aux conséquences, insuffisamment prises en compte à ses yeux, de la transition démographique mondiale, dont il maîtrisait toutes les données et dont il faisait une analyse pénétrante.

Permettez-moi de rappeler les termes dans lesquels il évoquait le 1er octobre 2011, à cette tribune, les évolutions démographiques actuelles : « En 1950, la population totale de la planète était de 2, 5 milliards […]. Or, en soixante ans, la population mondiale a augmenté de 4, 5 milliards. Et, dans quatre décennies, soit six mandats de sénateur, la seule augmentation de la population sera égale au nombre total d’humains que comptait la planète en 1950. […] Ce phénomène est la plus grande révolution de l’histoire humaine […] et nous en vivrons tout au long de ce siècle les conséquences sur les plans économique, social, culturel et politique ».

Paul Vergès fut aussi – et les choses sont naturellement liées – l’un des premiers à alerter sur les conséquences du réchauffement climatique. Il exprimait inlassablement cette préoccupation.

Il fit ainsi adopter ici même, le 29 mars 2000, son rapport sur la proposition de loi, qu’il avait déposée, tendant à conférer à la lutte contre l’effet de serre la qualité de priorité nationale et portant création d’un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France et dans les départements et territoires d’outre-mer, cet ONERC qu’il présida sans interruption depuis sa création, en 2001.

Il souligna encore avec force, à notre tribune, peu de temps avant les accords de Paris sur le climat, l’importance majeure de cette problématique : « Le réchauffement climatique au cours du siècle, expliquait-il, a des conséquences dans tous les domaines pour la vie humaine : climat, santé, vie économique, sociale et politique, environnement terrestre, aérien et maritime, et l’adaptation nécessaire à ce nouvel ordre. Rien n’est acquis, tout est à faire. Et l’enjeu est une nouvelle civilisation planétaire ! »

Paul Vergès laissera ainsi son empreinte dans les très longues négociations internationales sur le climat qui ont conduit, d’une conférence des parties à l’autre, aux accords de Paris.

Un grand Réunionnais nous a quittés, par l’œuvre impressionnante qu’il a accomplie pour La Réunion et les Réunionnais et, bien au-delà des limites de notre pays, sur le sujet climatique.

C’est cette figure dont portent aujourd’hui le deuil tous ses amis du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, ses collègues membres de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, ceux de notre délégation à l’outre-mer et tous les sénateurs de la République.

J’ai bien sûr aussi une pensée particulière pour les sénatrices et sénateurs de La Réunion, à commencer par notre collègue Gélita Hoarau, à qui revient une nouvelle fois la lourde charge de succéder dans notre hémicycle à Paul Vergès, comme elle l’avait déjà fait entre 2005 et 2011.

Mes chers collègues, de par sa personnalité et l’action qu’il a conduite tout au long de sa vie publique, notre doyen restera toujours présent dans nos mémoires, et ce indépendamment de la diversité de nos sensibilités politiques.

J’exprime à ses enfants – en particulier à sa fille, Françoise –, à ses petites-filles, Amalia et Djamila, à leur famille et à tous leurs proches, à tous ses camarades de La Réunion, les condoléances sincères du Sénat.

C’est une figure qui s’en est allée, une figure qui a marqué La Réunion, mais aussi la vie politique de notre pays !

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Éricka Bareigts, ministre des outre-mer

Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les vice-présidents du Sénat, monsieur le président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec une vive émotion que nous sommes aujourd’hui réunis pour honorer la mémoire du sénateur Paul Vergès.

En tant que ministre des outre-mer, au nom du chef de l’État, François Hollande, et de l’ensemble du Gouvernement, j’ai témoigné, lors des funérailles organisées à La Réunion, la reconnaissance qu’avait la République pour la vie d’audace et d’engagements de Paul Vergès.

Je tiens également à vous adresser mes plus sincères condoléances. Vous avez perdu un collègue, un ami, un compagnon de débats et de combats.

Élu au Sénat de 1996 à 2004, puis réélu en 2011, je crois savoir que Paul Vergès a passé ici de belles et riches années, fortes de rencontres stimulantes et d’échanges enrichissants.

Il fut particulièrement honoré, en sa qualité de doyen d’âge du Sénat, de présider à deux reprises, en 2011 et en 2014, à l’élection du président du Sénat. Il vécut ainsi aux premières loges la petite révolution que constitua, en 2014, le premier changement de majorité de l’histoire du Sénat.

Cet homme remarquable nous a tous profondément impressionnés par son courage, par sa prescience et ses valeurs. Il a consacré sa vie à servir l’intérêt général.

Nous nous souviendrons longtemps de Paul Vergès.

Nous nous souviendrons de son combat pour l’égalité, qui lui était chevillé au corps.

Scandalisé par les écarts et les retards entre les outre-mer et l’Hexagone, il a, durant toute son existence, défendu l’égalité réelle.

Comment ne pas vivre comme un scandale le fait que les Français soient considérés différemment selon leur lieu de vie ? Il s’agit là sans doute d’un héritage familial car la grande loi de départementalisation du 19 mars 1946, qui abolit le régime colonial pour la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane, fut portée par son père Raymond Vergès !

Tout au long de son parcours politique, notamment ici, au Sénat, Paul Vergès s’est insurgé contre le renoncement, contre tous ceux qui lui expliquaient que l’égalité, notamment sociale, serait trop chère, surviendrait trop tôt ou semblerait trop dure à conquérir.

Ainsi, il n’hésite pas à démissionner en 1987 de l’Assemblée nationale, avec Élie Hoarau – lequel partage son engagement déterminé en faveur des outre-mer –, pour protester contre la loi de « parité sociale » qui, au nom de la discipline budgétaire, prive les Réunionnais de leur droit à l’égalité sociale.

Sa grande éloquence et ses talents de stratège lui permettent de peser sur les décisions gouvernementales. Paul Vergès obtient l’alignement des allocations familiales, puis du salaire minimum interprofessionnel de croissance – le SMIC – en 1996, voilà vingt ans, du revenu minimum d’insertion – le RMI –, enfin de l’allocation de parent isolé – l’API – en 2007.

Lors de l’examen du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, ce matin, en commission des lois du Sénat, j’ai eu une pensée émue pour Paul Vergès. En harmonisant les prestations sociales sur les montants perçus dans l’Hexagone, nous parachevons aujourd’hui son long combat pour cette égalité des outre-mer. Il s’agit là, je crois, du plus bel hommage que nous pouvions lui rendre.

Nous nous souviendrons également du courage à toute épreuve de Paul Vergès.

À 17 ans, alors qu’il n’est encore qu’un adolescent, il décide de s’engager, en compagnie de son frère Jacques, dans les Forces françaises libres.

De ce choix, se dessine toute une conception de vie. Ses valeurs et ses principes devaient guider ses actes, et non l’inverse. Son destin me fait penser aux mots de Victor Hugo : « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ».

Paul Vergès part donc lutter contre le nazisme, cette lèpre qui s’est étendue sur l’Europe. Avec son frère, il suit une formation militaire en Angleterre. Faisant preuve là encore d’un grand courage, l’adolescent saute d’un avion britannique pour rejoindre le Poitou en 1944.

Nous nous souviendrons de son attachement à nos principes de liberté, d’égalité et de fraternité, un attachement viscéral, entier, charnel.

Lorsqu’il prend la direction du journal Témoignages, Paul Vergès se mobilise en faveur des planteurs et des ouvriers de l’usine sucrière de Quartier Français menacée de fermeture. Il réussit non seulement à maintenir l’usine ouverte, mais aussi à négocier un accord favorable aux planteurs de canne.

Ce sont les mêmes valeurs qui le poussent à déposer, ici, au Sénat, une résolution visant à faire reconnaître publiquement à la France sa responsabilité dans les terribles massacres des Algériens à Paris et ses environs, le 17 octobre 1961. En ce jour funeste, des manifestants pacifiques réclamant le droit à l’indépendance pour leur pays furent l’objet d’une sanglante répression organisée par Maurice Papon.

Grâce au charisme du sénateur, la résolution fut adoptée. La France s’honore toujours à regarder son passé avec lucidité !

Ce sont, enfin, ses valeurs d’ouverture et de tolérance qui l’amènent à porter, en 1999, avec Marie-Claude Tjibaou, l’appel de Nouméa en faveur de la diversité culturelle. Ensemble, ils rappellent que « la culture unique est la mort de toute culture » et disent « oui à l’universel, non à l’uniformité ».

Nous nous souviendrons de la prescience qui caractérisait Paul Vergès.

Je veux notamment souligner sa clairvoyance sur le climat. Celle-ci est d’autant plus marquante aujourd’hui, alors que nous avons connu un pic de pollution en région parisienne la semaine dernière et alors que l’accord de Paris, fruit de la vingt et unième conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la COP21, commence à entrer en vigueur.

Le sénateur s’inquiète, avant tout le monde, de la progression des gaz à effet de serre au sein de notre atmosphère.

Les outre-mer sont des sentinelles du changement climatique. Mille signes montrent qu’une évolution est en cours ; il les perçoit rapidement. Il prend alors à bras-le-corps le combat et participe à la création de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en 2001, observatoire qu’il présidera par la suite sans discontinuer.

Il fonde par ailleurs l’Agence régionale de l’énergie Réunion, l’ARER, qui doit œuvrer à l’autonomie énergétique de l’île et au développement des énergies renouvelables. Il sait que les outre-mer ne sont pas que des sentinelles ; ce sont également des pionniers.

Comme toujours, Paul Vergès dispose d’un temps d’avance.

Nous nous souviendrons de son esprit libre et précurseur.

Déployant sa pensée sans contrainte de temps ou d’espace, Paul Vergès réfléchit d’emblée sur le long terme. Dans son discours d’ouverture de séance au Sénat en 2011, il conseille ainsi de « porter notre regard au-delà de l’immédiat ». Cette belle recommandation vaut pour nous tous, mesdames et messieurs, nous tous qui avons en charge les destinées de ce pays.

En inscrivant sa vision dans les grandes évolutions démographiques, économiques et culturelles de ce monde, il affiche sa singularité et marque par son non-conformisme.

Nous nous souviendrons de son profond attachement, de son amour, dirais-je même, pour La Réunion.

Toute sa vie, il fut au service de notre île.

En tant que sénateur, maire, président du syndicat intercommunal à vocations multiples de La Réunion – le SIVOMR –, président du conseil régional, il réorganise l’île, développe ses infrastructures et défend ses intérêts. Il bouleverse ainsi, pendant plusieurs décennies, le quotidien des Réunionnais.

En tant que député européen, il participe à une meilleure prise en compte des outre-mer au sein de l’Union européenne et à la création du statut des régions ultrapériphériques.

Nous nous souviendrons, enfin, de sa fierté revendiquée d’être réunionnais, ultramarin et membre de l’Indiaocéanie.

C’est avec orgueil qu’il proclame ses parts de son identité, de notre identité. Durant tout son parcours politique, il œuvre à donner une autre image de La Réunion, en particulier, et de nos outre-mer, en général. Il défend une société ouverte, diverse et métissée. Lui-même issu d’une double ascendance française et vietnamienne, il décrit les Réunionnais – mais il aurait pu dire les Ultramarins – comme « le résultat d’un brassage d’hommes et de femmes venus de tous les coins du monde ».

Toute sa vie, il promeut La Réunion, accroît son développement et son influence dans l’Hexagone comme dans l’océan Indien.

La pensée de Paul Vergès est, en effet, naturellement ouverte sur le monde.

Il conçoit son île de cœur comme une part d’un plus vaste ensemble. Située à la confluence de plusieurs routes maritimes et entre plusieurs continents, l’île de la Réunion est finalement la partie d’un plus grand archipel. Paul Vergès la voit avec un destin nécessairement mondial, comme en atteste son livre D’une Île au monde.

À l’heure où, dans le monde entier, de plus en plus de projets politiques se dessinent comme des volontés de fermeture, la pensée de Paul Vergès, généreuse et curieuse, ouverte et tolérante, nous manquera.

Mesdames, messieurs les sénateurs, Paul Vergès s’est passionnément investi tout au long de son parcours politique. Il a défendu son territoire – La Réunion – et ses valeurs – la tolérance, la liberté et la justice. Il a par ailleurs su, au Sénat comme au conseil régional de La Réunion ou au Parlement européen, développer une pensée qui portait au-delà des contingences de son époque.

Je le disais, sa vie, son parcours me faisaient penser à la belle sentence de Victor Hugo. Je me dois de citer la suite du poème.

« Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont

« Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front. […]

« Ceux qui marchent pensifs, épris d’un but sublime. »

Ces vers me paraissent bien correspondre à Paul Vergès, que l’on voyait déambuler dans ces couloirs, tantôt préoccupé, tantôt rêveur, pensant sans doute aux grandes et puissantes évolutions de ce monde.

Voilà comment nous pouvons rendre hommage, de la plus belle des façons, à Paul Vergès, en concevant notre pensée comme notre action sur le temps long, non pas sur des mois, mais bien sur des décennies, au-delà des échéances immédiates, au service de nos valeurs et de nos concitoyens.

À Claude, à Pierre et à Françoise, ses enfants, et à ses petits-enfants, je dis toute notre affection et présente nos sincères condoléances.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de Paul Vergès.

Mme la ministre des outre-mer, mesdames, messieurs les sénateurs observent une minute de silence.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Conformément à notre tradition, en signe d’hommage à Paul Vergès, nous allons suspendre nos travaux.

Notre séance sera reprise à quinze heures, pour la lecture de la déclaration de politique générale du Gouvernement.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la lecture de la déclaration de politique générale du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais vous donner connaissance du discours de politique générale que prononce en ce moment à l’Assemblée nationale Bernard Cazeneuve.

Le Premier ministre m’a confirmé qu’il viendrait demain au Sénat pour débattre avec vous.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires, le Président de la République m’a confié la responsabilité de conduire l’action du Gouvernement. J’ai reçu cette marque de confiance avec gravité et la conscience de l’honneur que représente une telle mission au service de la France.

« Je sais que cette mission sera brève, mais je veux l’exercer pleinement.

« Au moment où je vous parle, une tragédie humanitaire effroyable frappe la ville d’Alep et sa population civile. Les femmes et les enfants d’Alep, après des mois de siège, fuient sous les bombes et sont les victimes d’innombrables atrocités. Selon divers témoignages, les hommes de moins de quarante ans sont arrêtés, enrôlés de force, parfois exécutés, par l’armée syrienne avec l’appui des forces favorables au régime de Bachar al-Assad, à commencer par la Russie. Ces atrocités, qui peuvent être constitutives de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité, sont accomplies avec un cynisme et une cruauté inouïs.

« C’est l’honneur de la France d’avoir été l’une des seules nations à tenter de s’opposer, dès l’été 2013, à la guerre totale menée par Bachar al-Assad contre son propre peuple. Jamais nous n’accepterons, au nom d’un prétendu réalisme, de nous allier aujourd’hui avec les responsables du martyre d’Alep. Ce sont les mêmes qui ont laissé Daech reprendre Palmyre. Au nom du Gouvernement de la France, et, j’en suis sûr, en votre nom à tous, je dénonce l’horreur de ces massacres, et j’affirme que ceux qui les ont perpétrés auront à rendre compte, devant la communauté internationale, des crimes dont ils sont les auteurs. Avec vous, je sais qu’ils connaîtront le jugement sévère de l’Histoire.

« Voilà ce que les circonstances me conduisent à vous déclarer de façon solennelle, en préambule à cette déclaration de politique générale.

« Depuis plus de quatre ans, sous l’impulsion du Président de la République, les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls ont agi pour donner toutes ses chances à notre pays. Chaque jour compte pour poursuivre leur action de redressement de la France, de ses comptes publics, de son appareil industriel et productif.

« Comme toutes les grandes démocraties, la France doit affronter les défis de son temps, sociaux, environnementaux et sécuritaires.

« Le chômage demeure un immense défi, qui nourrit la peur du déclassement. Les classes moyennes et populaires aspirent pour leurs enfants à un avenir meilleur. Croire au progrès, c’est rendre cet avenir possible.

« Le défi environnemental oblige nos contemporains à protéger les générations futures. Dans ce combat, la France doit rester en avant-garde, comme elle l’est depuis l’accord historique de Paris, issu de la COP21. Assurer la mise en œuvre de cet accord, emporter toujours plus loin l’ambition, voilà ce que je veux faire.

« Le défi sécuritaire, c’est d’abord de faire face à la menace du terrorisme djihadiste. Vaincre l’islam radical implique de jeter toutes nos forces dans le combat pour la République et de rassembler toute la nation autour de ses valeurs.

« Élection après élection, en France et en Europe, comme aux États-Unis, les populismes montent. Partout, y compris chez plusieurs de nos grands partenaires, les égoïsmes nationaux et les antagonismes prospèrent. Après le Brexit, le projet européen lui-même connaît un risque de dislocation. Il y a urgence à convaincre les citoyens de se détourner des fausses promesses, qui sont d’abord de vraies impasses.

« Ces défis, les Français en ont conscience. Ils en observent l’ampleur. Ils savent que, pour les relever, le pays doit d’abord se rassembler.

« Face à ces défis, dans le moment politique où nous nous trouvons, avec le souci de la méthode et l’affirmation de mes convictions, je veux agir. Je veux agir dans le respect des opinions de chacun, avec la volonté de créer les conditions de l’apaisement. Je veux agir pour protéger les Français des menaces d’un monde devenu plus incertain pour progresser vers une société plus juste. Et j’entends bien utiliser chaque instant pour préparer l’avenir.

« En juin 1954, dans des circonstances qui n’étaient pas non plus particulièrement faciles, Pierre Mendès France concluait ainsi le discours par lequel il venait de demander la confiance du Parlement : “Les difficultés et les périls ont rendu chacun plus conscient des efforts à fournir ; c’est pourquoi, plus encore qu’hier, je crois à la renaissance nationale, vigoureuse et rapide”.

« Il nous faut aujourd’hui agir avec la même lucidité et la même confiance. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, je sollicite celle de votre assemblée.

« Notre responsabilité est d’abord de protéger tous les Français.

« Protéger les Français, c’est poursuivre la modernisation de notre protection sociale pour en garantir la pérennité face aux risques de la vie – la maladie, le chômage –, et face à la vieillesse. Sur ces questions, notre majorité a des valeurs et un bilan. Elle croit au beau mot de la solidarité.

« La politique déterminée de réduction du déficit que nous avons menée depuis quatre ans a permis de ramener le déficit du régime général de la sécurité sociale à 400 millions d’euros en 2017, alors qu’il était de 17, 4 milliards en 2011. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Dont 4 milliards d’euros pour l’assurance maladie !

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Pour la première fois depuis 2002, la sécurité sociale se désendette.

« Ce résultat est une victoire pour la France. Il couronne bien des efforts consentis, notamment par les fonctionnaires et les personnels hospitaliers. C’est pourquoi le Gouvernement est au rendez-vous des créations de postes dans les hôpitaux, avec 31 000 postes de personnels soignants ouverts depuis le début du quinquennat. De même, l’amélioration des conditions de travail à l’hôpital fait l’objet de discussions conduites par la ministre des affaires sociales, dont je salue le travail et l’engagement.

« Au cours de ces cinq mois qui viennent, mon gouvernement sera pleinement mobilisé pour consolider ces résultats.

« Nous allons poursuivre avec détermination la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté pour l’inclusion sociale. Nous allons engager la première étape de la réforme des minima sociaux, adoptée avec un objectif clair : garantir à chacun l’accès à ses droits sociaux, a fortiori lorsqu’il s’agit d’accéder à un revenu minimum vital. Nul ne doit être laissé sur le bord du chemin. Pour les plus pauvres de nos concitoyens, la complexité d’accès aux prestations finit toujours par se transformer en une inégalité supplémentaire, et cela nous ne pouvons l’accepter.

« Dès le début de l’année 2017, le Gouvernement prendra de nouvelles mesures pour assurer l’accès des patients aux soins dans les territoires, pour lutter contre les déserts médicaux et inciter les professionnels de santé à y exercer à la suite du pacte territoire-santé. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Au 1er janvier prochain, le tiers payant deviendra un droit pour les femmes enceintes et pour les personnes souffrant d’une affection de longue durée. Ce droit devra être étendu à l’ensemble des patients le 30 novembre 2017. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Il s’imposera rapidement comme un immense progrès pour tous.

« Le Gouvernement mobilisera par ailleurs 200 millions d’euros pour l’amélioration du remboursement des soins dentaires au premier trimestre 2017. Quand certains se situent dans une perspective de déremboursement des dépenses de santé, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Grosdidier n’a toujours pas compris le programme de M. Fillon !

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … le Gouvernement, lui, agira inlassablement, pour renforcer le droit de nos concitoyens à se faire soigner. »

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. Vous gérez les affaires courantes !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. Le discours était meilleur au début !

Rires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

Il faut les laisser un peu s’exprimer, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

Prononcez plutôt le discours de politique générale !

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. J’ai conscience que c’est une épreuve pour vous d’entendre certaines vérités, et je compatis.

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

Mais je poursuis.

« Tel est le sens du combat du Gouvernement : garantir l’équilibre des comptes, et ouvrir de nouveaux droits.

« Protéger les Français, cela passe aussi par une fonction publique reconnue et respectée.

Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

Proposer de supprimer des centaines de milliers de postes de fonctionnaires en quelques mois, c’est remettre tout simplement en cause la capacité de l’État à assumer ses missions les plus élémentaires

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Comment garantir l’égalité des chances avec moins d’enseignants ? Comment accompagner les enfants handicapés dans leur scolarité avec moins d’auxiliaires de vie scolaire ? »

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Certes, notre fonction publique doit se réformer, et elle le fait en permanence. Mais on peut réformer sans abîmer, on peut moderniser sans détruire.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Protéger les Français, c’est réaffirmer que l’État doit être fort afin de lutter contre le terrorisme et contre la délinquance. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Face à la menace terroriste, les Français savent pouvoir compter sur le professionnalisme et sur le dévouement des policiers et des gendarmes, des sapeurs-pompiers, des personnels hospitaliers, sur celui des militaires engagés dans le cadre de l’opération Sentinelle, ainsi que sur celui des magistrats qui conduisent les enquêtes et prononcent les condamnations.

« Je tiens à saluer une nouvelle fois devant vous l’engagement de ces hommes et de ces femmes, que j’ai côtoyés au quotidien pendant près de trois ans et qui ont la modestie des véritables héros.

« Dès le 1er janvier 2017, ces forces qui veillent sur notre sécurité seront renforcées par la Garde nationale dont les effectifs atteindront progressivement 85 000 membres.

« Depuis 2012, le Gouvernement s’est employé à donner à nos forces de sécurité intérieure et à nos services de renseignement davantage de moyens pour leur permettre de mieux remplir leur mission.

« Nous avons renforcé notre arsenal législatif et réglementaire, par l’adoption de nouveaux dispositifs antiterroristes, et je veux saluer le très large soutien que ces textes ont toujours trouvé auprès du Parlement. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Les attentats qui ont endeuillé notre pays nous ont conduits à déclarer puis à prolonger, à quatre reprises, l’état d’urgence. Depuis le début de l’année 2016, 420 personnes liées à l’islamisme radical ont été arrêtées et dix-sept projets d’attentats ont été déjoués sur notre sol.

« Face à l’ampleur de la menace, le conseil des ministres a adopté, samedi dernier, le projet de loi prolongeant l’état d’urgence, dont vous êtes à présent saisis.

« Les mesures de l’état d’urgence, comme l’ensemble de notre arsenal antiterroriste, sont assorties d’un contrôle juridictionnel rigoureux, destiné à protéger les droits des citoyens. Il a été complété par un contrôle parlementaire exigeant et innovant, mis en œuvre par les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est la force de notre République que de se défendre avec les armes de l’État de droit.

« Mais, réarmer l’État, c’est également donner aux forces de sécurité les moyens nécessaires à leur action : 9 000 postes de policiers et gendarmes auront été créés entre 2012 et 2017. En tout, ce sont plus de 1, 1 milliard d’euros qui leur auront été alloués pendant le quinquennat. En outre, pour permettre à la justice d’accomplir sa mission, 6 235 postes auront été créés dans la magistrature, aux greffes des tribunaux et dans l’administration pénitentiaire. Le plan pour la sécurité publique de 250 millions d’euros, décidé par le Président de la République en octobre dernier, sera intégralement mis en œuvre avant la fin du quinquennat.

« Enfin, parce que nos forces de sécurité sont confrontées chaque jour, non seulement aux défis du terrorisme, mais également à la violence sans limites de certains criminels, le Gouvernement adoptera lors du conseil des ministres du 21 décembre prochain un projet de loi relatif à la sécurité publique, précisant notamment les règles d’usage des armes, dans le respect de nos principes constitutionnels.

« Mais la protection des Français, mesdames, messieurs les parlementaires, ne s’arrête pas aux frontières du territoire national.

« Sous l’autorité du Président de la République, les armées françaises sont engagées sur de nombreux théâtres d’opérations extérieures, et je veux saluer devant vous leur courage et leur sens du devoir. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« En Irak, nos armées sont engagées depuis septembre 2014 avec nos partenaires de la coalition. Daech y perd chaque jour du terrain.

« Au Mali, nos armées ont empêché début 2013 que les djihadistes s’emparent de Bamako. Le prochain sommet Afrique-France qui s’y tiendra sera l’occasion de témoigner du chemin parcouru depuis lors.

« C’est le Président de la République qui a pris les décisions lucides et courageuses d’engager nos armées sur les théâtres extérieurs au nom des valeurs universelles que nous portons et des intérêts qui sont les nôtres. C’est aussi lui qui a donné à nos armées les ressources nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Pour la première fois depuis des décennies, leurs effectifs ont été rehaussés comme en témoigne le budget de la défense pour 2017.

« Protéger les Français, c’est aussi agir à l’échelle de l’Europe.

« Je suis un Européen convaincu. Mais je suis aussi un Européen exigeant.

« Nous devons porter sur l’Europe un diagnostic juste et sans complaisance. Car le Brexit n’est pas simplement une crise de plus. C’est l’expression de l’immense crise de confiance des peuples vis-à-vis du projet européen.

« L’Europe à laquelle je crois, c’est une Europe qui protège, qui investit, qui innove pour préparer l’avenir.

« Depuis 2012, en lien constant avec l’Allemagne, la France porte un agenda exigeant dans le domaine de la sécurité.

« L’agence Frontex, avec ses gardes-côtes et ses gardes-frontières, est montée en puissance, ses budgets et ses effectifs ont augmenté. Nous finalisons actuellement, en lien avec nos partenaires européens, la révision du code frontières Schengen.

« L’Europe doit apporter des réponses plus efficaces à la crise migratoire, en conjuguant mieux solidarité et responsabilité. La solidarité, c’est celle qui lie tous les États membres dans la mise en œuvre des décisions prises par l’Union pour relocaliser et réinstaller les réfugiés. La responsabilité suppose que les États de première entrée des migrants prennent toutes les mesures, avec le soutien de l’Union européenne, pour assurer l’accueil des réfugiés et le retour de ceux qui n’ont pas vocation à rester sur notre continent.

« En réussissant l’évacuation de Calais, en procédant à la mise à l’abri des migrants qui s’y trouvaient depuis longtemps, en remplissant ses obligations devant l’Union européenne pour la relocalisation et la réinstallation des réfugiés, la France a été à la hauteur du message universel que les peuples du monde ont appris à aimer d’elle.

« L’Europe doit aussi agir au service de la croissance durable et de l’emploi. Nous avons obtenu que le plan Juncker en faveur de l’investissement soit doté d’une capacité de financement de 300 milliards d’euros, qui a notamment permis de financer près de cinquante projets français. Nous voulons à présent porter sa capacité à plus de 500 milliards d’euros d’ici à 2020 pour développer des projets en faveur de la transition énergétique, du numérique, de la santé et de l’éco-mobilité.

« Nous devons également protéger, sur le plan européen, les droits des travailleurs. Les fraudes au détachement sont délétères pour notre modèle social. Ces fraudes minent, mois après mois, la confiance que les salariés ont dans la capacité de l’Europe à les protéger. Elles ne sont tout simplement pas acceptables. Après le succès obtenu sur la directive de 2014, nous poursuivrons le combat de la France pour obtenir une révision ambitieuse de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, en traquant en particulier les sociétés “boîtes aux lettres”. Les contrôles seront encore renforcés pour lutter contre l’emploi illégal de travailleurs détachés. En décembre seront lancées les premières cartes dans le secteur du bâtiment, que tout ouvrier sur un chantier devra posséder et qui permettra de mieux contrôler les fraudes au détachement.

« L’Europe doit enfin défendre ses intérêts dans la mondialisation. Je crois à l’Europe ouverte. Je refuse l’Europe offerte. Les accords commerciaux doivent garantir la loyauté des échanges, la réciprocité dans l’accès aux marchés publics, la prise en compte des normes sociales et environnementales. C’est pour cela que nous avons clairement dit non au traité transatlantique. C’est aussi pour cela que nous avons accepté l’accord avec le Canada, qui fait droit à toutes nos demandes.

« Protéger est indispensable. Mais je veux aussi continuer à réformer pour poursuivre le redressement de notre pays.

« Depuis 2012, l’économie française se redresse. »

Ah oui ? sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

Avec un peu de bonne foi, chacun le reconnaîtra !

« Nos entreprises sont plus compétitives et 240 000 emplois marchands ont été créés depuis un an et demi. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« La pauvreté et les inégalités ont été réduites : nos mesures ont contribué à augmenter le niveau de vie des ménages les plus modestes. Celui des classes moyennes a été préservé. »

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. Et avec tout cela, le Président ne se représente pas ?

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Je veux à mon tour poursuivre les réformes engagées par les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls pour assainir nos finances, restaurer notre compétitivité, lutter contre le chômage et construire de nouveaux droits pour les Français.

« Réduire les déficits, c’est préserver notre souveraineté et notre capacité à faire des choix économiques.

« Le déficit reviendra sous la barre des 3 % en 2017, comme l’a reconnu la Commission européenne. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « Ce n’était pas arrivé depuis 2008

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Renforcer la compétitivité de nos entreprises, c’est soutenir la croissance et l’emploi.

« Depuis 2012, par l’effet du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du pacte de responsabilité et de solidarité, 40 milliards d’euros ont été consacrés chaque année à renforcer notre appareil productif. Les entreprises du secteur industriel ont retrouvé le niveau de marges du début des années deux mille. Et le coût du travail dans l’industrie est désormais plus faible en France qu’en Allemagne.

« Le CICE sera donc renforcé à compter de janvier 2017, avec un taux porté à 7 %. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés sera progressivement ramené à 28 %, d’abord pour les PME, puis pour l’ensemble des entreprises. Ce taux, je le rappelle, correspond exactement à la moyenne des taux d’imposition dans la zone euro.

« Nous devons aussi continuer à soutenir l’investissement des entreprises. C’est là la vocation de la Banque publique d’investissement, qui est unanimement reconnue. C’est pourquoi j’engagerai aussi 10 milliards d’euros dans le troisième volet du programme d’investissement d’avenir. Il sera organisé de manière plus souple et devra dynamiser des secteurs industriels les plus porteurs jusqu’alors peu couverts, comme l’agroalimentaire, les industries de sécurité, le tourisme et le développement durable.

« Le Gouvernement fera aussi, dès cet hiver, des propositions pour mieux accompagner les TPE et les PME dans la transition numérique. Des ressources en ligne et un accompagnement humain seront mis en place pour que les entreprises puissent bénéficier d’un diagnostic et financer leurs projets avec une participation de l’État.

« Lutter contre le chômage restera évidemment la priorité de ce gouvernement.

« Le Président de la République l’a rappelé voilà quelques jours, notre politique porte désormais ses fruits. Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits chez Pôle emploi a baissé de 101 700 depuis le début de l’année et le taux de chômage mesuré par l’INSEE est revenu à son niveau de la fin de 2012.

« Il faut amplifier cette évolution. L’une des clés du retour au plein emploi, c’est la formation des demandeurs d’emploi. Le plan portant sur 500 000 formations supplémentaires, lancé en 2016, serait prolongé pour au moins un semestre, afin d’offrir une formation à ceux qui en ont le plus besoin. L’État, les régions, les partenaires sociaux, j’en suis convaincu, seront au rendez-vous de cette mobilisation.

« Début janvier, nous engagerons également l’expérimentation Zéro chômeur de longue durée dans dix territoires. Cette expérimentation, qui est issue d’une initiative parlementaire que je veux saluer, permettra d’accompagner des demandeurs d’emploi de longue durée. Nous en attendons beaucoup.

« Assainir et renforcer l’économie française nous a donné les moyens d’améliorer la vie des Français : à travers de nouveaux dispositifs comme la garantie jeunes, la prévention de la pénibilité, le compte personnel d’activité, le pouvoir d’achat, le logement social.

« Dès le 1er janvier 2017, le Gouvernement généralisera la garantie jeunes, qui s’adresse aux jeunes les plus précaires, sans emploi ni formation. Ce parcours d’accompagnement vers la formation et l’emploi est assorti d’une allocation de 460 euros. C’est la vie de ces jeunes de moins de vingt-cinq ans qui va changer, car auparavant ils n’avaient droit à aucune aide. Par ailleurs, en 2017, 210 000 apprentis de moins de vingt et un ans percevront une aide exceptionnelle de 335 euros.

« Le compte de prévention de la pénibilité apportera une réponse forte à l’injustice que constitue l’inégalité face à la vie et à la mort résultant du métier exercé. D’ores et déjà, en 2016, un demi-million de salariés ont bénéficié du droit de se former pour sortir de la pénibilité, ou de partir plus tôt en retraite. En 2017, ils seront encore plus nombreux. C’est une avancée fondamentale pour ceux qui exercent les métiers les plus durs.

« Le compte personnel d’activité engage une révolution de notre modèle social. Au fil de sa carrière, chacun accumulera des droits et pourra décider de leur utilisation pour la formation, l’accompagnement dans un projet de création d’entreprise, un bilan de compétences, le passage à temps partiel ou le départ anticipé pour ceux qui ont occupé des emplois pénibles. C’est un chantier immense. C’est là une nouvelle protection adaptée à notre temps.

« Nous avons agi pour la justice sociale en baissant à quatre reprises les impôts des classes moyennes et des retraités modestes. En 2017, ce sont plus de 5 millions de ménages qui bénéficieront d’une baisse supplémentaire de 1 milliard d’euros de leur impôt sur le revenu, notamment les retraités modestes. En 2017, nous irons plus loin dans la protection des plus pauvres. Au total, depuis 2012, nous aurons procédé à une revalorisation exceptionnelle de 10 % pour le RSA, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

« Nous » ? Dites plutôt « les départements » !

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

… de 25 % pour les prestations familiales des parents isolés et de 50 % pour celles des familles nombreuses. »

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Les coûts sont payés par les finances locales !

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Certains qualifient cela d’assistanat. Pour ma part, j’y vois la nécessaire solidarité qui fonde notre pacte républicain…

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … et à laquelle les Français, je le sais, demeurent attachés.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Enfin nous poursuivrons notre mobilisation pour le logement. Le nombre de logements mis en chantier cette année est le plus élevé depuis dix ans. Le projet de loi Égalité et citoyenneté, qui sera adopté avant la fin de l’année, favorisera l’accès à un logement abordable pour tous, de même que la mixité sociale dans l’habitat et dans les quartiers. Ainsi, avec 150 000 logements sociaux prévus, la programmation de l’année qui s’ouvre est historique.

« Nous avons engagé le redressement du pays et nous l’avons fait avec le souci constant de la justice. Ce gouvernement continuera sans relâche à se battre pour notre modèle social. La répartition juste de l’effort, c’est ce qui scelle le pacte républicain. L’État qui protège, c’est ce qu’incarne notre engagement pour le pouvoir d’achat des Français comme pour le logement des plus fragiles.

« Enfin, nous devons préparer l’avenir en amplifiant les réformes stratégiques engagées depuis 2012 pour la transition énergétique, pour l’agriculture et la pêche, pour la politique territoriale, pour l’éducation et la recherche.

« Préparer l’avenir, c’est réussir la mutation écologique. En accueillant la COP21, en vous proposant de bâtir et de voter la loi de transition énergétique, la France s’est placée à l’avant-garde de la protection de la planète et de la croissance verte. Dès le mois de janvier, l’Agence française de la biodiversité sera à pied d’œuvre.

« Beaucoup reste à faire. Nous devons décarboner notre économie, pour la rendre plus durable, plus innovante et plus compétitive. Nous devons soigner nos villes, protéger la qualité de l’air et la santé de nos concitoyens. Nous avons mesuré ces derniers jours les conséquences qu’entraîne dans nos aires urbaines la présence de trop nombreux véhicules diesel d’ancienne génération. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« C’est pour cela que, comme l’a annoncé samedi la ministre de l’environnement, mon gouvernement renforcera son soutien à la conversion du parc automobile vers la propulsion électrique.

« Notre chaîne énergétique doit être consolidée. Notre parc nucléaire est un bien public précieux ; nous le surveillons de près, mais nous développerons plus encore les énergies renouvelables. Nous continuerons à soutenir l’effort de rénovation énergétique de l’habitat, pour diminuer nos consommations, mais aussi pour donner plus de confort et de pouvoir d’achat aux Français. Pour le parc de logements privés, les subventions de l’Agence nationale de l’habitat ont atteint cette année des niveaux inégalés. Pour le logement social, les prêts à 0 % de la Caisse des dépôts et consignations permettront aux organismes HLM de multiplier les travaux d’efficacité énergétique dans tout le pays.

« Toutes les décisions qui peuvent être prises pour développer les transports en commun le seront. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. « En Île-de-France, nous devons soulager des réseaux saturés : le chantier d’extension du RER E vient de démarrer.

Murmures sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Dans d’autres villes, comme à Marseille, nous continuerons d’accompagner la métropole et l’aiderons à créer ses solutions de mobilité durable Nous serons les partenaires des collectivités territoriales qui le souhaitent pour innover et pour adapter les cadres réglementaires.

« Construire un modèle de développement plus durable, c’est une responsabilité qui nous engage face aux générations futures, et chaque secteur de notre économie doit pouvoir y contribuer.

« Préparer l’avenir, c’est amener les secteurs de l’agriculture et de la pêche à faire face à de nouveaux enjeux.

« Notre agriculture contribue fortement à notre balance commerciale. Mais tous les grands secteurs de l’agriculture française ont subi ces deux dernières années des crises économiques ou sanitaires. Dans des délais très brefs, en lien permanent avec la profession, nous avons mis en œuvre les plans de soutien nationaux et un plan de refinancement et de consolidation des entreprises agricoles. Pour le secteur de l’élevage en crise, nous avons su convaincre l’Union européenne, grâce à l’engagement sans faille du ministre de l’agriculture, de mettre en place des dispositifs communautaires de régulation des marchés.

« Je souhaite également que l’agriculture soit en mesure de participer à une économie moins dépendante du carbone fossile et qu’un plan en faveur de la bio-économie soit établi pour développer les bio-matériaux, la production d’énergie renouvelable et la chimie du vivant. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« La pêche française bénéficie actuellement d’une conjoncture favorable, qui permet de renouveler les outils de pêche pour l’avenir. Je connais toutefois les inquiétudes que suscite chez les pêcheurs français la perspective du Brexit. Je veux qu’ils sachent que mon gouvernement sera mobilisé pour défendre leurs intérêts, comme cela a toujours été le cas depuis 2012. En outre, nous allons créer une véritable filière maritime, comme celles qui ont fait la fierté de la France pour l’énergie ou l’espace, où la pêche aura naturellement toute sa place.

« Préparer l’avenir, c’est aussi dynamiser nos territoires. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Le regroupement des régions a conforté leur capacité à investir dans des équipements et des projets structurants.

« Les quinze métropoles déjà constituées, celles qui le seront demain, à la suite du projet de loi relatif au statut de Paris, que l’Assemblée nationale va examiner cette semaine, ont, elles aussi, les moyens de créer des richesses, …

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

… de rayonner à l’international, et d’entraîner les autres territoires. Je l’ai vu à Lyon ; je l’ai vu à Bordeaux où la recherche universitaire, l’industrie, les collectivités s’unissent dans une même ambition d’innovation.

« Les nouvelles intercommunalités, opérationnelles au 1er janvier 2017, vont pouvoir développer l’investissement public local, grâce à la mutualisation de leurs services. Pour soutenir leur investissement, nous allons augmenter le fonds de soutien aux investissements locaux et la dotation aux équipements des territoires ruraux, à hauteur de 1, 2 milliard d’euros.

« Mais la réforme territoriale a aussi pour ambition de renforcer la solidarité entre les territoires.

M. Jacques Mézard manifeste son exaspération.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Les contrats de ruralité viennent soutenir cette ambition, en complément des contrats de plan État-régions et des pactes métropolitains d’innovation. Pour les quartiers sensibles des villes, nous poursuivrons le déploiement du nouveau plan de rénovation urbaine.

« L’atout des territoires, c’est aussi leur identité, leur histoire, leur culture, parfois leur insularité. Nous les prenons en compte, dans le cadre de la République, en créant la collectivité unique de Corse. Nous les prenons en compte, outre-mer, à travers le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, qui a été adopté à une très large majorité et sera examiné au Sénat début 2017, pour être définitivement adopté avant la fin de la mandature.

« La force de nos territoires, c’est leur capacité à profiter de la révolution numérique. Le Président de la République a fixé un cap : 100 % de la population en très haut débit d’ici à 2022 et 50 % dès la fin 2017.

« Cet objectif intermédiaire sera tenu avec un an d’avance, dès la fin de cette année : 100 départements sont impliqués dans le plan France très haut débit, qui est le plus grand plan d’infrastructures de cette décennie avec 20 milliards d’euros d’investissement, 30 000 emplois directs créés.

M. Jean-Louis Carrère applaudit.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Préparer l’avenir, c’est investir dans l’éducation, dans la culture et dans la science.

« L’école est au cœur du projet républicain. Elle est le lieu de formation du citoyen. Elle doit tenir sa promesse de promotion par le mérite. Or trop de jeunes quittent encore le système scolaire sans diplôme, et notre système demeure trop inégalitaire.

« Pour enrayer cette mécanique d’exclusion, la loi de refondation de l’école a été adoptée en 2013. Elle donne davantage de moyens à ceux qui en ont le plus besoin, forme et valorise davantage les équipes enseignantes et éducatives. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« En 2015, l’éducation nationale est redevenue le premier poste budgétaire de l’État. La création de 60 000 postes couvrant tous les métiers de l’éducation a été engagée sur l’ensemble du quinquennat. En 2017, nous conforterons les lycées professionnels, où nous créerons 500 nouvelles formations sur des métiers d’avenir.

« La culture est un autre élément fondamental de liberté et d’émancipation. Parce que l’inégalité dans l’accès à la culture se noue dès le plus jeune âge, le Gouvernement a commencé à donner corps à l’ambition d’une véritable éducation artistique et culturelle à l’école, à travers l’opération Création en cour. Dès le début de l’année prochaine, 100 artistes seront invités en résidence dans les écoles et les collèges.

« L’effort que nous avons engagé au bénéfice de l’enseignement supérieur et de la recherche a permis à 40 000 étudiants supplémentaires d’entrer chaque année dans nos universités. Le budget des bourses a été augmenté de 500 millions d’euros depuis 2012. Aujourd’hui, un étudiant sur trois bénéficie d’une bourse sur critères sociaux.

« Nous allons poursuivre la politique de construction de pôles d’excellence de niveau mondial financés par le programme des investissements d’avenir. Je pense aux pôles d’excellence créés à Bordeaux, Aix-Marseille, Strasbourg, mais aussi à ceux qui doivent aboutir à Paris, Saclay, Grenoble et Nice. Lille et Lyon présenteront des projets en 2017.

« Pour soutenir l’enseignement supérieur, pour donner à la recherche française la place la plus éminente dans la compétition scientifique internationale, l’effort budgétaire annuel devra se situer durablement autour de 1 milliard d’euros. Seul un tel investissement permettra à la fois d’accompagner l’autonomie des établissements, d’améliorer l’accueil des bacheliers dans l’enseignement supérieur et de maintenir notre recherche au plus haut niveau. Cette ambition sera au cœur des priorités des prochains mois.

« Enfin, je voudrais rappeler l’importance stratégique que présente la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025. Je m’impliquerai personnellement dans cette double bataille, afin d’aider notre capitale à la gagner. »

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’arrive à la conclusion du discours de M. le Premier ministre. Je vais maintenant lire le passage, en quelque sorte « plus personnel », qui s’adresse à vous, mesdames, messieurs les parlementaires.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« J’ai évoqué les crises que doit affronter notre société et les dangers qui menacent notre pays, car, dans les épreuves, j’ai vu le pays de près.

« J’ai vu sa force, son courage, ses ressources presque infinies de sang-froid, de lucidité, de volonté et de fraternité. J’ai vu une nation digne dans le deuil. J’ai vu de la sincérité dans la compassion. J’ai puisé de la force dans cette volonté farouche de notre peuple de résister face à ceux qui souhaitent l’atteindre. J’ai vu son attachement aux valeurs de la démocratie et à la devise de la République. Je parle de cet amour de la France qui transcende toutes les origines, toutes les cultures et toutes les religions.

« Notre pays est un grand pays. Une fois encore, il s’est montré capable de résister à la violence déchaînée contre lui par le terrorisme, sans céder à la panique, ni à la haine ni à la tentation d’un lâche renoncement aux valeurs et aux vertus qui le fondent. Une fois encore il a suscité, au-delà de la sympathie, l’admiration de ses amis partout dans le monde, qui ont senti qu’en s’attaquant à la France le terrorisme s’en prenait à leur propre liberté. Une fois encore, il a su se rassembler, surmonter ses divisions, comprendre que ce qui unit les Français est infiniment plus fort que ce qui les sépare. Car la France n’est jamais plus grande ni plus unie que dans l’épreuve.

« Mais les ressources de notre peuple ne se révèlent pas seulement dans les circonstances douloureuses ou dramatiques. La volonté de créer et d’être utile, la persévérance dans l’effort, la solidarité sont des vertus qui s’exercent quotidiennement, sans bruit, dans les entreprises, dans les administrations, dans les associations, dans les universités et les laboratoires. Ce sont les atouts d’une société vivante et solidaire, qui me semble très différente du portrait désabusé qu’en font les polémistes et les prophètes du déclin.

« Si notre pays se redresse, jour après jour, c’est bien sûr parce que cette majorité a engagé les réformes nécessaires pour préparer l’avenir. §Mais c’est avant tout parce que les Français eux-mêmes ont la volonté de progresser, de travailler, de créer, de s’entraider et ne demandent à leurs élus, quelles que soient leurs préférences partisanes, que de les soutenir dans leur dessein de bâtir cette France plus forte, plus belle et plus juste à laquelle ils aspirent, pour eux et pour leurs enfants. Je veux parler de cette France qui est en nous et qui doit nous réconcilier avec l’espérance.

« Je me présente donc devant vous aujourd’hui avec un engagement. Celui de faire de chaque journée une journée utile à notre pays. »

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

« Celui de mettre en œuvre sans délai chacune des mesures que l’Assemblée nationale a décidées. Celui de contribuer, par l’action de ce gouvernement, au confortement de notre pacte républicain. Celui de défendre et de faire vivre la laïcité, ce joyau qui rend possible notre vivre-ensemble. Celui, enfin, de placer au cœur de mon action le respect.

« Le respect qui proscrit le cynisme, le mensonge, les postures, les violences, les outrances. Le respect que l’on doit à l’enseignant, à l’infirmière, au policier, aux acteurs et aux serviteurs du bien commun. Le respect que l’on doit à l’ouvrier, à l’artisan, au commerçant, au paysan, à tous ceux qui produisent et entreprennent. Le respect que l’on doit à ceux qui ne sont pas nés ici, mais qui ont choisi la France, qui respectent ses lois et contribuent par leur travail et leur talent à sa prospérité.

« L’engagement que je prends est de chercher chaque jour à nous montrer à la hauteur des ambitions de nos concitoyens, en s’adressant à leur intelligence plutôt qu’à leurs instincts, en leur proposant des débats dignes et des choix clairs.

« La campagne pour l’élection présidentielle devra proposer des débats de fond et mettra en lumière les différences de conception qui nous opposent les uns aux autres. Pour convaincre les Français de la justesse de nos choix, je veux consolider, conforter, amplifier l’action engagée par la majorité depuis 2012, parce que cette majorité s’est employée à redresser l’économie et les comptes publics, qu’elle a renforcé notre modèle social et préparé l’avenir de notre pays à travers l’école, les territoires, le numérique, la transition énergétique.

« À cette tribune, devant les représentants de la Nation, je songe à celui qui fut l’un des hommes les plus admirables qui ait siégé dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Je pense à Jean Jaurès et à l’exigeant message qu’il délivra aux élèves du lycée d’Albi un jour de 1903. Ce jour-là, Jaurès, …

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

… qui avait quarante-cinq ans et venait d’être réélu député de Carmaux, s’est adressé à la jeunesse de France et, par-delà le temps, à nous tous. Et voilà ce qu’il nous a dit : “Le courage, c’est de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense.”

« Mesdames, messieurs les parlementaires, l’engagement ne se compte pas en mois, ni le dévouement en semaines. L’engagement et le dévouement ne cherchent pas la récompense. Ils s’estiment en réformes poursuivies, en actions menées, en progrès accomplis.

« Dans les mois qui sont devant nous, …

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, ministre

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … je vous propose de nous consacrer aux grandes causes. Et il n’en est pas de plus grande que de servir la France ! »

Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d’être fait lecture au Sénat.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire qui s’est réunie sur le projet de loi de finances pour 2017 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique (176, 2016-2017), dont la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les mesures d’accompagnement en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna pour leur permettre d’appliquer les principaux dispositifs de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de l’aménagement du territoire, à celle des affaires économiques et à la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, par lettre en date du 8 décembre 2016 :

- un avis formulé sur le projet d’ordonnance relatif à l’aptitude médicale à la navigation des gens de mer et à la réglementation de l’alcoolémie en mer ;

- un avis formulé sur le projet d’ordonnance portant transposition de la directive 2014/92/UE sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base ;

- un avis sur le projet d’ordonnance portant réforme du dispositif de gels d’avoirs ;

- et un avis formulé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie sur le projet d’ordonnance relative aux espaces maritimes français.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (projet n° 47 rectifié, texte de la commission n° 192, rapport n° 191 et avis n° 182, 185, 186).

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre II, à l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 9 sexies.

Titre II

SOUTENIR L’EMPLOI ET LE DYNAMISME ÉCONOMIQUE EN MONTAGNE

Chapitre Ier

Favoriser le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Delcros, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L’amendement n° 252 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 9 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article L. 34-8-1-1 du code des postes et des communications électroniques est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l’autorité constate que cela est nécessaire à la réalisation des objectifs mentionnés au 4° du II de l’article L. 32-1, elle peut demander la mise en œuvre d’un partage de réseaux radioélectriques ouverts au public.

« Après consultation publique, l’autorité précise les opérateurs tenus de mettre en œuvre ce partage, le délai dans lequel la convention de partage doit être conclue et le périmètre géographique, ainsi que les principales caractéristiques contractuelles, techniques, économiques et financières, qui fondent la convention de partage. Elle approuve la convention de partage et peut, le cas échéant, en demander sa modification dans des termes et un délai qu’elle détermine. Le refus de négocier de bonne foi, le non-respect ou le défaut de mise en œuvre de la convention de partage sont sanctionnés par l’autorité, conformément à l’article L. 36-11.

« En cas d’échec des négociations entre les parties, l’autorité peut exiger d’un ou de plusieurs opérateurs la publication d’une offre d’accès à leur réseau en vue de permettre la mise en œuvre d’un partage de réseaux radioélectriques ouverts au public.

« Après consultation publique, l’autorité précise les opérateurs qui doivent formuler une telle offre d’accès, le délai dans lequel l’offre doit être formulée et rendue publique et le périmètre géographique, ainsi que les principales caractéristiques contractuelles, techniques, économiques et financières, qui fondent cette offre d’accès. Elle peut demander la modification de cette offre dans des termes et un délai qu’elle détermine. Le refus de formuler une offre, de négocier de bonne foi avec un opérateur tiers la signature d’une convention d’accès sur cette base, ou le défaut de mise en œuvre de cette convention sont sanctionnés par l’autorité, conformément à l’article L. 36-11.

« Sans préjudice de l’article L. 34-8-1, lorsque la prestation permet la fourniture de services de communications électroniques sur une des zones identifiées en application du III de l’article 52 ou des articles 52-1 et 52-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des articles 119, 119-1 ou 119-2 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ou de l’article L. 34-8-5 du présent code, elle est assurée dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Nous revenons cet après-midi sur la question essentielle de la couverture mobile en montagne, qui a occupé nos débats hier soir. Un amendement que nous avions déposé et permettant de définir les zones blanches au niveau législatif a été adopté. Je m’en félicite.

L’objet du présent amendement est de prévoir la possibilité pour l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, lorsque cela est justifié au titre de l’objectif d’aménagement du territoire, d’enjoindre les opérateurs à négocier un accord de mutualisation de leurs infrastructures mobiles dont elle encadre les termes.

À défaut d’accord, le régulateur pourra amener chaque opérateur à proposer une offre de référence d’accès à son réseau mobile en zone rurale.

L’ensemble du mécanisme pourra également donner lieu à des sanctions de la part du régulateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Alain Bertrand, pour présenter l’amendement n° 252 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Le présent amendement a pour objet de renforcer la mutualisation des infrastructures de réseaux mobiles afin d’améliorer la couverture et la qualité de service dans les zones de montagne et les zones rurales.

Il apparaît nécessaire de prévoir la possibilité pour l’ARCEP d’enjoindre les opérateurs à négocier un accord de mutualisation de leurs infrastructures mobiles, lorsque cela est justifié au titre de l’objectif d’aménagement du territoire.

À défaut d’accord, l’ARCEP pourrait contraindre chaque opérateur à proposer une offre de référence d’accès à son réseau mobile.

Le non-respect de ces dispositions ferait l’objet de sanctions prononcées par l’ARCEP.

Le présent amendement reprend une disposition qui avait été votée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique qui avait été supprimée par la commission mixte paritaire.

Le libellé de cet amendement est très clair : il vise à fixer les conditions de droit pour parvenir à cet accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Ce sujet a en effet déjà été examiné voilà quelques mois par le Sénat dans le cadre de la loi pour une République numérique. Notre assemblée avait été très partagée lors du vote sur cette disposition, qui avait finalement été supprimée lors de la commission mixte paritaire.

En ciblant la mutualisation des réseaux, ces amendements visent davantage à améliorer la couverture des zones grises que celle des zones blanches. Toutefois, il n’est pas certain qu’ils contribuent sur la durée à un meilleur aménagement du territoire.

Comme vous le savez sans doute, ils font beaucoup réagir les opérateurs. Ils opposent en particulier ceux qui ont déployé l’essentiel des réseaux existants et le dernier arrivant sur le marché mobile.

Les adopter reviendrait à privilégier l’opérateur qui a, de fait, le moins contribué à la couverture des territoires, compte tenu de son arrivée tardive. Je ne suis pas certain que le Parlement doive intervenir dans ces rapports de marché.

Par ailleurs, certains opérateurs se sont déjà engagés dans la mutualisation de leurs réseaux sur certaines parties moins denses du territoire, sur la base du volontariat.

Enfin, sans parler d’un mécanisme de « passager clandestin », car l’accès ne serait pas gratuit, l’argument selon lequel un dispositif de ce type constituerait une désincitation à l’investissement n’apparaît pas complètement infondé.

Sur le fond, je partage l’intention des auteurs d’accroître la vigilance des pouvoirs publics quant aux efforts de couverture des opérateurs et au respect de leurs obligations.

J’ajoute que c’est parce que nous avions évoqué cet amendement durant la discussion du projet de loi pour une République numérique que les opérateurs ont accepté d’augmenter leur contribution au déploiement des sites complémentaires hors centre-bourg.

Techniquement, toutefois, nous ne sommes pas certains que ce mécanisme soit le plus pertinent pour traiter durablement les problèmes de la couverture mobile.

La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Le Gouvernement partage l’analyse du rapporteur.

En effet, il s’agit d’une vraie problématique. Nous en avons longuement parlé hier soir, il est incontestable que la couverture mobile n’est satisfaisante pour personne. Malgré les demandes réitérées des élus, des parlementaires et de l’ARCEP, nous n’avançons pas.

Pourtant, qu’on le veuille ou non, des solutions existent, et ces amendements vont dans le bon sens, même si nous connaissons les difficultés qu’ils posent aux opérateurs.

Monsieur le rapporteur, je vous ai bien écouté. Parce qu’ils nous disent à tous la même chose, je sais qu’un opérateur menace de cesser d’investir si nous le forçons à mutualiser, parce qu’un autre opérateur, arrivé plus tard, viendrait alors profiter de ses infrastructures, ce qui lui paraît ne pas être équitable, le remède risquant, selon lui, d’être pire que le mal.

J’ai saisi l’ensemble des opérateurs, que j’ai rencontrés plusieurs fois, et la Fédération française des télécoms. Après le débat en séance à l’Assemblée nationale, ils se sont engagés à nous faire des propositions, mais elles ne nous sont jamais parvenues.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Après le passage du texte devant votre commission, nous nous trouvons dans la même situation, et nous faisons une fois de plus le constat en séance que nos concitoyens sont victimes de fractures téléphonique et numérique. Ils se tournent naturellement vers leurs élus, qui se voient répondre par les opérateurs que des solutions vont être trouvées, mais rien n’avance.

Nos débats portaient cette nuit sur les zones blanches. Je suis certain que l’amendement qui a été adopté contribuera à accélérer le mouvement, mais nous savons très bien, monsieur Bertrand, qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et que la réalité ne correspond pas du tout à ce que l’on nous présente.

Nous discutons maintenant d’amendements qui visent à rechercher la mutualisation. Lors du passage du texte devant l’Assemblée nationale, nous avions attendu que les opérateurs réagissent. Force est de constater qu’ils n’ont rien fait.

Même si je sais que cela risque de contrarier les uns ou les autres, je vais adopter la même position que celle du rapporteur et m’en remettre à la sagesse du Sénat, en espérant qu’enfin, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire dans quelques jours, les acteurs se réveilleront et que nous parviendrons à trouver la bonne solution.

J’ai bien vu, dans les votes exprimés cette nuit comme dans les propos tenus durant le débat dans tous les groupes, que la détermination des sénateurs était forte et qu’elle le restera. Je les comprends ! Ils sont excédés d’entendre de belles paroles sans jamais obtenir de résultats efficaces qui convaincraient nos compatriotes qu’enfin ce dossier avance.

On a mis quatre-vingts ans pour amener l’eau potable en zone rurale et un peu moins pour l’électricité, mais nous ne vivons plus à la même époque. Il n’y a pas de raison pour que les territoires de montagne soient une fois de plus défavorisés au motif qu’en l’absence de cahier des charges à l’origine les opérateurs les ont délaissés pour se précipiter vers les secteurs urbains.

J’ai conscience de ne peut-être pas adopter la position officielle dans les hautes sphères, mais je sais prendre mes responsabilités – c’est aussi le devoir d’un ministre.

Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur le banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Merci, monsieur le ministre, d’avoir adopté cette position, qui va d’ailleurs dans le sens des propositions qu’a émises Mme Axelle Lemaire, puisqu’il y a maintenant des procédures contradictoires pour évaluer la couverture mobile dans les différents bassins de vie de ce pays. Il s’agit, à mon sens, d’une avancée intéressante.

Le problème est sérieux. Nous travaillons tous, en ce moment, sur le schéma d’accessibilité aux services publics. Si nous voulons que nos services publics soient dignes du XXIe siècle, la téléphonie, le très haut débit mobile et le très haut débit fixe – deux solutions technologiquement complémentaires – sont indispensables. À cet égard, il y a des territoires à deux vitesses.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Près des villes, il n’y a aucun problème de téléphonie mobile.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary. Tout se passe bien, même si certains villages n’ont pas la 3G, mais, dès qu’ils vont dans les territoires ruraux, les élus se font engueuler, et c’est normal ! Être à portée d’engueulade, c’est d’ailleurs important pour mener une politique de proximité

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il faut leur proposer des solutions. En matière de très haut débit fixe, c’est maintenant le cas : des échéances sont fixées, on connaît le coût des opérations, il est possible d’avancer des propositions. En ce qui concerne le très haut débit mobile, en revanche, les élus ont perdu la main.

Nous ne pouvons pas continuer à laisser cette question aux mains des opérateurs. Nous devons impérativement être en mesure d’influer sur la politique à mener : il en va de la solidarité entre chacun des territoires. C’est la raison pour laquelle je suis sensible à vos propos, pour une fois, monsieur le ministre !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Je goûte avec délectation l’argumentaire développé par M. le ministre. D’une part, il avance des arguments supplémentaires en faveur de cet amendement et, d’autre part, en s’en remettant à la sagesse du Sénat, il affirme que le travail d’écriture de la loi appartient aux parlementaires, et non pas aux opérateurs.

Comme celui que nous avons adopté hier soir, cet amendement vise à rompre avec le scandale national que constitue la couverture mobile notre pays ou, plutôt, la non-couverture mobile de tant de territoires, qu’on les appelle zones blanches ou zones grises.

Il s’agit d’envoyer un message législatif et politique fort et coercitif en imposant aux opérateurs de se mettre d’accord et de définir entre eux les modalités financières nécessaires à l’ouverture mutuelle de leurs réseaux, en tenant compte de l’historique de leur création. À ce propos, monsieur le rapporteur, il est possible de définir ces modalités économiques et financières dans leurs relations contractuelles. Si les opérateurs ne résolvaient pas d’eux-mêmes cette situation, il appartiendrait alors au régulateur de définir les sanctions à leur infliger.

Nous avons tous reçu des coups de téléphone de la part de ces opérateurs ces derniers jours. Ils ont le droit de défendre leurs intérêts économiques et financiers, mais il me semble que c’est l’honneur du Parlement de se saisir de cette question.

Nous qui représentons les élus locaux de nos différents territoires ; nous qui avons entendu le message du congrès de l’Association nationale des élus de la montagne, à Saint-Dié-des-Vosges ; nous qui avons dans les territoires ruraux tant de collègues, maires, adjoints ou conseillers municipaux, qui n’en peuvent plus ; nous qui sommes régulièrement en contact avec des chefs d’entreprise et des citoyens excédés, nous avons la responsabilité d’avancer et d’envoyer un message politique fort. De ce point de vue, une disposition législative m’apparaît comme la meilleure option !

M. Vincent Capo-Canellas applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je voterai les amendements identiques.

Monsieur le rapporteur, vous dites que le dispositif proposé est difficile à mettre en œuvre d’un point de vue financier, mais il y a une solution que je vais vous donner, et reconnaissons que, sur le plan technique, il est quand très intéressant.

Ces amendements visent à mutualiser les installations. Plutôt que trois opérateurs n’installent trois antennes dans le même bloc, une seule antenne servirait à tous. Cela coûte moins cher à la collectivité et c’est utile, puisque l’on peut ainsi installer ces trois antennes dans trois endroits différents, pour bâtir un relais.

Financièrement parlant, l’intérêt pour la collectivité est évident. Il reste à répartir les investissements entre les opérateurs. Il suffit de calculer l’investissement à consacrer à un territoire en fonction du nombre d’antennes. On obtient ainsi, à peu près, le coût par antenne. Un opérateur venant se greffer au dispositif et utiliser les équipements déjà installés participerait à cette hauteur à l’investissement et aux coûts d’amortissement.

Cette proposition paraît sensée et simple à réaliser, mais elle se heurte aux opérateurs et à leurs propres intérêts financiers. Il est donc important que le Parlement prenne une décision afin de les aider à mettre en œuvre un peu plus de mutualisation technique et financière, pour le bien des collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je vais être obligé de complimenter le ministre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Quel bonheur d’entendre enfin un ministre de la République dire cela ! Depuis des années, je rêve d’entendre un ministre, de droite, de gauche ou du centre, dire qu’il faut privilégier les territoires avant les opérateurs. Monsieur le ministre, vous l’avez dit et je vous en félicite !

Je soutiens les amendements identiques. Mon ami Loïc Hervé l’a déposé dans le même esprit que celui de notre amendement adopté la nuit dernière. Nous avons alors envoyé un message fort pour dire que nous en avions assez que l’on nous serve des histoires et que l’on nous affirme que des territoires sont couverts quand ils ne le sont pas.

Dans la logique de cet acte politique fort, et avec le soutien du ministre, nous avons la possibilité d’obtenir cette mutualisation, proposée dans des termes raisonnables et mesurés, puisque nous ne proposons pas de la généraliser, mais seulement de permettre à l’ARCEP de la mettre en œuvre lorsque c’est nécessaire.

Quel dommage que le Gouvernement n’ait pas adopté cette position plus tôt ! Nous aurions gagné beaucoup de temps si le gouvernement de Jean-Marc Ayrault n’avait pas fait retoquer en novembre 2012 à l’Assemblée nationale la proposition de loi adoptée par le Sénat : les territoires auraient bénéficié d’une bonne couverture beaucoup plus tôt…

Je sais que la moindre chose dérange les opérateurs, qui n’acceptent aucune contrainte. Il me semble toutefois que cette proposition est tout à fait supportable pour eux. Si cela les crispe, ce n’est pas grave. Ce qui compte, c’est que l’on se préoccupe enfin de nos territoires et de leur couverture en téléphonie mobile.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Cet amendement est très important, nous devons en avoir conscience.

Nous allons lancer un appel fort aux opérateurs. Ils ont toujours décidé et fait ce qu’ils souhaitaient. Avec cette mesure, nous allons effectivement les inciter à mutualiser. Comme l’ont dit Jean Desessard et Hervé Maurey, ce processus est important pour les territoires, car il est inutile de dépenser de l’argent public pour installer un, deux ou trois pylônes pour que chacun en ait un. Il est donc indispensable d’adopter cet amendement, qui vise à enfin enjoindre les opérateurs à négocier un accord de mutualisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Il me semble que l’unanimité s’est faite pour affirmer que la couverture en téléphonie mobile, en numérique et en très haut débit constituait un enjeu majeur pour les territoires, pour leur développement et pour leur avenir et qu’il était temps, M. le ministre le rappelait, de passer des paroles aux actes.

Nous le disions hier, s’il y a un domaine dans lequel il importe de faire preuve de volontarisme politique et de fermeté envers les opérateurs, c’est bien celui-là ! Il faut donc le faire par la force de la loi pour que les choses avancent enfin.

Les amendements n° 22 rectifié et 252 rectifié bis sont complémentaires de l’amendement n° 20 que nous avons adopté hier pour définir les zones blanches selon des critères très précis de couverture en téléphonie mobile. Aujourd’hui, nous apportons les moyens et les outils pour répondre à l’objectif que nous avons fixé hier. Il est donc extrêmement important que nous adoptions ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

J’ai la conviction que la téléphonie et le très haut débit constituent les points les plus importants de cette loi Montagne.

C’est en effet dans ce domaine que nous pouvons apporter du progrès, parce que nous pouvons peser, j’en ai la conviction, par exemple en adoptant ces amendements. Nous ne pouvons pas laisser passer ce texte sur la montagne sans adopter une attitude offensive, bénéfique et constructive sur ce sujet.

Tous les aspects de la montagne, notamment son économie, sont directement liés au niveau d’équipement en téléphonie et en très haut débit, qui sera déterminant pour l’avenir, nous en sommes tous d’accord.

On ne peut pas laisser dire que la puissance publique serait démunie sur ce sujet. Certes, les opérateurs sont puissants, mais considérer que le Sénat – car beaucoup de sénateurs sont très sensibles à ce sujet – ne disposerait d’aucun moyen de pression pour accélérer le processus est inacceptable à mes yeux. Nous ne pouvons pas nous résoudre à déclarer notre impuissance pour des raisons techniques.

Dans le passé, au Sénat, à l’Assemblée nationale ou au Gouvernement, nous avons traité les aspects techniques de dossiers beaucoup plus complexes que celui-ci. Les arguments mis en avant ne sont donc pas suffisants pour que ces amendements ne soient pas votés. Notre responsabilité est d’afficher cette volonté politique.

Quels signes forts resteront de cette loi Montagne ? À mon sens, le téléphone mobile et le numérique. Il s’agit de ne pas laisser dans l’ombre la montagne, les citoyens qui l’habitent et toutes ses perspectives de développement !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

C’est vrai pour tous les territoires ruraux, pas seulement pour la montagne !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Je suis d’accord, le constat est unanime. Tout le monde peut avancer des exemples indiquant que la situation n’est pas satisfaisante.

Néanmoins, je crains que le remède choisi ne soit pas le bon. Nous revenons à la discussion d’hier : la situation n’est pas neuve, elle préexiste, et le passé a créé certaines contraintes, découlant notamment des contrats entre le Gouvernement et les opérateurs, contrats qui ne peuvent pas être effacés d’un revers de manche !

Malheureusement, imposer la mutualisation, comme cela nous est proposé ici, est parfaitement inefficace, car impossible. Nous nous faisons plaisir, c’est très bien, continuons, mais je ne suis pas persuadé que la décision que nous allons prendre passe toutes les étapes.

M. le ministre disait que des solutions allaient être trouvées d’ici à la commission mixte paritaire, mais celle-ci aura lieu lundi prochain. Je doute que nous trouvions beaucoup de solutions dans un tel délai, en admettant que celles-ci existent, ce qui n’est pas certain.

Je ne suis pas persuadé non plus que l’on ait fait l’analyse de ce qui s’est passé depuis la loi pour une République numérique. Je vous rappelle que Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État au numérique, a présenté hier certaines réponses à ces questions.

Ce débat est important, car il faut montrer que les élus sont sensibles à ces sujets et qu’ils sont attentifs. Il me semble toutefois qu’en prenant maintenant cette décision, nous risquons de contrecarrer, voire de freiner, les progrès en cours.

Je ne suis pas le défenseur des opérateurs, et je vous invite à examiner mon passé en tant que directeur de structures intercommunales pour constater à quel point je les ai combattus. Je continuerai à le faire quand il le faudra. Nous devons cependant être cohérents et responsables : nous ne pouvons pas effacer le passé !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Si j’ai apprécié les propos de M. le ministre, je suis surpris par la chute : pourquoi a-t-il donné un avis de sagesse ? Puisque le Parlement s’est exprimé et que son avis semble partagé, je ne comprends pas que le ministre n’ait pas donné un avis favorable sur ces amendements. Cela m’inquiète, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé, à juste titre, que, lorsque les bandes passantes ont été mises en vente, le cahier des charges n’a pas prévu d’itinérance. Il fallait faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État. Je rappelle que M. Fabius était le Premier ministre à l’époque.

Habitant les Hauts-de-France, je peux vous dire qu’il n’y a aucun problème en Belgique, alors que ce n’est pas le cas en France, cinquième puissance mondiale.

Dans le cadre des accords signés par Emmanuel Macron avec les opérateurs, 230 zones blanches ont été reconnues. De nombreux maires de la Somme sont obligés de prendre leur voiture pour téléphoner du haut de la première colline venue. Cette situation est ubuesque !

On nous promet le très haut débit. Nous demandons déjà le téléphone mobile et qu’Orange continue à entretenir son réseau filaire, qui lui-même n’est plus entretenu aujourd'hui.

Pour ces raisons, je voterai les amendements n° 22 rectifié et 252 rectifié bis.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

M. Gérard Roche. Je commencerai par une anecdote. Sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle se trouve le domaine du Sauvage, qui s’étend sur des vingtaines d’hectares : seul point d’où l’on puisse passer des appels, un arbre, sur lequel le gérant a écrit « cabine téléphonique » !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

En Haute-Loire, pendant les dix ans où j’étais président du conseil général, nous avons fait trois projets successifs pour la téléphonie mobile. Nous menons aujourd'hui un grand projet avec la région Auvergne-Rhône-Alpes sur le numérique. Mais, malgré tout cela, rien ne fonctionne et il y a toujours autant de mécontentement. Nous sommes très amers.

Le fond du problème est que l’accès à la téléphonie mobile doit dépendre du service public.

Mme la sénatrice Didier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Or les opérateurs nous « balancent » des arguments techniques qui ne sont que des prétextes. La vérité est qu’ils veulent rester dans une économie de marché, et non pas aller vers le service public. Nous n’y arriverons pas tant que nous n’aurons pas une grande loi sur l’accès au numérique et à la téléphonie mobile. En attendant, l’adoption de ces amendements constituerait un pas vers cette grande loi et pourrait déjà l’amorcer.

C’est pour cette raison que je les voterai et que j’estime que l’avis de sagesse n’est pas suffisant.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Mme Évelyne Didier. Je n’en attendais pas tant, cher Gérard Roche !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Tout d’abord, mon groupe votera bien entendu tous les amendements qui lui sembleront aller dans le sens d’une amélioration de la situation.

Patrick Chaize nous dit que nous sommes liés par les contrats passés sans qu’il y ait de cahier des charges avec les opérateurs lors de la vente des fréquences. Cela s’appelle une privatisation ! Or, chers collègues des différents groupes ici présents, qui a voté contre cette privatisation ? Vous en voyez les conséquences aujourd'hui !

Nous avons besoin d’une maîtrise publique ! Je rejoins complètement les excellents propos de Gérard Roche : les opérateurs n’interviendront pas dans les zones non rentables. Vous le savez bien, ne faites pas semblant ! C’est la conséquence de la privatisation que vous avez votée.

Faisons en sorte d’avoir un débat serein, raisonnable. Essayons de faire avancer les choses ensemble, mais, de grâce, soyons honnêtes !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Luche

Il y a quelques minutes nous écoutions le ministre Jean-Marc Ayrault, porte-parole du Premier ministre. En ce qui concerne le très haut débit, il a dit qu’en 2020 la France entière serait couverte. Il a même ajouté qu’à ce jour 50 % du territoire était couvert par le très haut débit.

Monsieur le ministre, je voudrais que vous invitiez rapidement le Premier ministre en Aveyron pour qu’il puisse constater, d’une part, qu’un habitant sur deux n’a pas le très haut débit – nous en sommes loin ! – et, d’autre part, qu’il est inutile sur la moitié du territoire aveyronnais qu’il se promène avec son téléphone portable parce qu’il ne pourra pas s’en servir !

À mes collègues des territoires urbains, je dis que nous sommes très heureux de les accueillir en juillet et en août en Aveyron, mais qu’ils ne rouspètent pas s’ils ne peuvent pas téléphoner, ou alors qu’ils nous aident à faire en sorte que le département soit totalement couvert en matière de téléphonie mobile !

Gérard Roche a raison, monsieur le ministre : s’il vous plaît, intervenez au plus haut niveau pour que France Télécom entretienne les réseaux filaires existants ! C’est une catastrophe, et nos administrés ne comprennent pas. Ils sont révoltés et ils en veulent aux élus que nous sommes alors que nous n’avons absolument aucun moyen d’agir.

Pour ces raisons, j’appelle vivement M. le ministre à soutenir ces amendements dont l’adoption me semble indispensable pour l’équilibre du territoire.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

À la première lecture, les amendements n° 22 rectifié et 252 rectifié bis me sont apparus comme des amendements de bon sens, ce bon sens paysan qui anime tous les sénateurs.

Cependant, l’intervention de Patrick Chaize m’interpelle. Pour être complètement éclairé dans mon vote, je souhaite que M. Baylet nous éclaire sur les difficultés éventuelles qui pourraient résulter de leur adoption. Il ne faudrait pas que nous enfoncions des portes ouvertes ou que nous donnions des coups d’épée dans l’eau. Le Gouvernement a-t-il le pouvoir de réviser les contrats pour intégrer dans les futurs cahiers des charges cet objectif de mutualisation qui me paraît sain ? Je m’étonne d’ailleurs qu’il n’ait pas été retenu plus tôt…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Notre débat s’articule autour de la question de savoir si le contrat a une force supérieure au droit que nous sommes en train de construire.

Le droit contemporain n’hésite pas, pour des motifs qu’il juge supérieurs, à malmener en certaines circonstances la force obligatoire du contrat conclu par les parties. Le plus souvent, ces exceptions n’ont d’autre but que de lutter contre les déséquilibres les plus flagrants et les plus insupportables. Il existe ainsi des exceptions, d’origine légale, d’une part, et d’origine jurisprudentielle, d’autre part.

Dans certains cas, et peut-être dans celui qui nous occupe, la force du droit est donc supérieure à celle du contrat. J’invite les juristes à se pencher sur la question, mais je crois qu’en la matière il serait de bon aloi de voter ces amendements pour corriger les déséquilibres que nous constatons sur le territoire.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Manable

La téléphonie mobile et le numérique sont des facteurs essentiels de l’aménagement du territoire. Dans notre discussion, il conviendrait de distinguer entre, d’une part, la téléphonie mobile et, d’autre part, le numérique avec la fibre optique.

S’agissant de la téléphonie mobile, force est de constater que des opérateurs tout-puissants imposent leur loi. Je crois d’ailleurs que nous le reconnaissons unanimement dans cet hémicycle.

S’agissant en revanche du numérique, du haut et plus particulièrement du très haut débit et du FTTH, c'est-à-dire de la fibre optique amenée à chaque porte, permettez-moi de rappeler qu’il y a quelques années, sous un quinquennat différent, une loi avait prévu une répartition géographique confiant aux opérateurs privés le numérique en milieu urbain, c'est-à-dire dans les zones où il est facile et « juteux » de tirer de la fibre optique, laissant le soin à la puissance publique de régler ce problème en milieu rural, où, on le sait c’est beaucoup plus coûteux, difficile et long à réaliser. Je voulais le rappeler, car cela semble avoir été totalement oublié.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Ce débat est très intéressant. L’on demande aux opérateurs de faire des efforts supplémentaires pour couvrir des zones qui ne le sont pas encore. Très bien ! Je rappelle que, comme cela a été dit, une erreur originelle a été commise, puisque l’itinérance n’a pas été incluse dans les cahiers des charges lorsque la couverture a été confiée aux opérateurs privés dans les années 2000.

J’ajoute que les deux dernières lois de finances ont alourdi la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet, qui est passée de 0, 6 à 0, 9 % du chiffre d’affaires, et qui va passer à 1, 3 %, c'est-à-dire que cette taxe a doublé en l’espace de deux ans. L’État ne peut pas tenir un discours schizophrénique, en attendant toujours plus des opérateurs tout en leur coupant les jarrets. Il y a là une contradiction que je ne m’explique pas.

Quant au Président de la République, je rappelle que, en 2013, il a déclaré de manière solennelle aux opérateurs téléphoniques que la taxe sur les FAI ne bougerait pas parce que, disait-il, ceux-ci avaient besoin de lisibilité pour prévoir leurs investissements. On voit ce qu’il est advenu de cette promesse !

Je m’amuse d’entendre le ministre dire tout le bien qu’il pense de ces amendements, tout en donnant un simple avis de sagesse. Il se trouve que nous sommes originaires du même département, le Tarn-et-Garonne, et je le vois tenir exactement le discours inverse devant l’Association des maires de France ! Il dit pis que pendre des opérateurs, mais les laisse faire et continuer à aller là où c’est le plus rentable, alors que dans le même temps l’État ne se dote ni de moyens ni de nouvelles règles de compétence pour intervenir là où il devrait exercer sa mission.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Je tiens à répondre à ces propos. Je veux bien que M. Bonhomme colporte inepties et propos mensongers de manière permanente, mais je souhaite lui rappeler qu’en tant que président du conseil général j’ai fait un schéma directeur territorial d’aménagement numérique, pour lequel nous avons obtenu 25 millions d’euros de l’État. Ce SDTAM est poursuivi par mes successeurs et il se déroule dans les meilleures conditions. Le Tarn-et-Garonne est justement l’un des départements pilotes en la matière, même si, hélas, nous prenons désormais un peu de retard.

Puisque j’ai repris la parole alors que je ne pensais pas le faire, je reviendrai également sur le fait que j’ai émis un avis de sagesse. Nous avons annoncé dans cet hémicycle ainsi qu’à l’Assemblée nationale que nous voulions coconstruire la loi Montagne entre la majorité et l’opposition. En dehors de quelques trublions – dont nous venons d’avoir une démonstration à l’instant –, nous y arrivons dans les meilleures conditions. Il n’est qu’à voir l’excellent travail que nous avons fait tous ensemble hier soir.

Quand on coconstruit, on se respecte les uns les autres. Sur ce sujet extrêmement épineux, le rapporteur a donné lui-même un avis de sagesse et, en vertu de ce principe de recherche consensuelle, j’ai pris naturellement la même position. On ne peut pas demander de sortir de l’affrontement permanent que certains affectionnent au nom de l’intérêt général, en l’occurrence l’intérêt des territoires de montagne, et s’étonner ensuite quand nous nous tendons la main les uns les autres. C’est ce que nous faisons dans le cadre de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je mets aux voix les amendements identiques n° 22 rectifié et 252 rectifié bis.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9 sexies.

L'amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Perrin, Raison, P. Leroy, de Raincourt, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :

Après l’article 9 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 47-1 du code des postes et communications électroniques est ainsi modifié :

1° Au cinquième alinéa, les mots : « ladite autorisation » sont remplacés par les mots : « la demande » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

La parole est à M. Patrick Chaize.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Le présent amendement vise à réduire à deux mois le délai de quatre mois consenti à l’autorité concessionnaire ou gestionnaire des réseaux publics relevant du domaine public routier ou non routier pour se prononcer sur une demande de partage et signer une convention.

Cette modification favorisera le partage d’infrastructures et devrait accélérer la mise en place de ces nouvelles structures.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Sur le fond, cette disposition technique peut accélérer le déploiement des réseaux. Elle crée toutefois une contrainte de temps pour les autorités qui gèrent le domaine public et qui doivent traiter ces demandes, notamment les collectivités territoriales pour le réseau routier.

La commission émet a priori un avis de sagesse, mais elle sollicite l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Même avis de sagesse.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9 sexies.

(Non modifié)

Le II de l’article L. 34-9-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le mot : « fréquences », la fin du deuxième alinéa du B est ainsi rédigée : « fait l’objet d’une information annuelle au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale sur le territoire duquel est implantée l’installation qui en a fait la demande à l’opérateur concerné. » ;

2° Le même B est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, les travaux ayant pour objectif de permettre l’installation d’un ou de plusieurs opérateurs sur une installation existante ne relèvent pas du régime prévu aux deux premiers alinéas du présent B dès lors que le support ne fait pas l’objet d’une extension ou rehausse substantielle. » ;

3° À la première phrase du E, les mots : « existante ou » sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes inquiets de la disposition prévue au présent article.

En effet, sous couvert de simplification, cette disposition limite l’information des élus locaux, alors même que ces derniers sont évidemment favorables à une amélioration de la couverture en téléphonie mobile sur leur territoire.

Ainsi, cet article modifie l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, qui précise actuellement que : « Toute modification substantielle d’une installation radioélectrique existante nécessitant une nouvelle demande d’accord ou d’avis auprès de l’Agence nationale des fréquences et susceptible d’avoir un impact sur le niveau de champs électromagnétiques émis par celle-ci fait également l’objet d’un dossier d’information remis au maire ou au président de l’intercommunalité deux mois avant le début des travaux. »

La modification proposée conduit à supprimer l’information obligatoire du maire ou du président de l’intercommunalité avant le début des travaux ainsi que la transmission du dossier d’information. Sous couvert de vouloir alléger les procédures, c’est l’information des élus locaux qui est visée. Or, nous savons tous que la question des ondes et de leur multiplication est un dossier particulièrement sensible.

Lors de l’examen de la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, nous avons déjà dit que cette question méritait toute notre attention.

Actuellement, en France, c’est un décret de mai 2002 qui fixe les taux limites d’émission pour les antennes relais. Ceux-ci vont de 41 à 61 volts par mètre, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et de la Commission européenne.

Nous portons l’idée qu’il faut réduire le seuil à 0, 6 volt par mètre. Cette mesure est réclamée par plusieurs associations et proposée par une résolution du Conseil de l’Europe. Évoquée lors du Grenelle des ondes, plusieurs villes l’ont adoptée.

Sur ces questions très sensibles, nous souhaitons donc que le maire reste informé en amont des procédures sur les projets d’installation radioélectriques et sur l’évolution du niveau d’émission d’ondes, tout simplement parce que c’est à lui que la population demande des comptes.

C’est la raison pour laquelle nous voterons les amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 128 est présenté par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 220 est présenté par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l’amendement n° 128.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Mes chers collègues, je vous demande de supprimer cet article qui n’apporte rien concernant le comblement des zones blanches ou grises, mais qui dessaisit les élus de l’information.

Le code prévoit actuellement que les maires des territoires concernés sont informés, lorsqu’une demande d’autorisation est transmise à l’Agence nationale des fréquences, deux mois avant toute modification relative à une installation radioélectrique existante.

Ceux d’entre vous qui sont en zone blanche n’ont pas encore été confrontés à des habitants contre tout, notamment contre les ondes.

Avec l’Association des maires de France, nous avons souhaité aboutir à un accord décliné sous la forme d’une charte type dont chaque maire peut demander l’application sur son territoire par les opérateurs. C’était donc une obligation.

Or, avec cet article 9 septies, le maire serait mis devant le fait accompli puisqu’il ne serait plus informé que de manière annuelle. Mes chers collègues, je souhaite bien du plaisir à ceux qui parmi vous sont maires dans les territoires concernés lorsqu’ils seront confrontés à ce genre de situation sans pouvoir, du coup, jouer le rôle de médiateur !

Cet article, qui constitue donc une régression en matière d’information des élus, supprime également la possibilité d’une médiation d’un représentant de l’État quand une installation, qu’elle soit existante ou proposée, suscite un conflit.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 220.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je crois qu’il y a une grande contradiction entre les débats précédents et cet article. On ne peut pas dire, d’un côté, que l’on veut recréer un rapport de force entre les élus et les opérateurs et, de l’autre, revenir en arrière sur l’obligation faite aux opérateurs de discuter avec les élus locaux.

Cet article affaiblit le rapport de force et le cadre de dialogue entre les élus locaux et les opérateurs. Nous sommes tous conscients qu’il faut au contraire que les élus locaux aient plus de poids.

De plus, je rappelle que nous examinons le projet de loi Montagne. Or cet article généralise un dispositif qui n’est plus du tout lié à la situation de montagne en revenant sur un autre article de loi qui a créé un cadre de dialogue entre élus et opérateurs. Il est donc à la limite du cavalier législatif.

L’Association des maires de France est contre cet article, car, s’il n’y a pas transparence, il y aura effectivement opposition, comme Daniel Raoul vient de le dire.

Un travail important a été fait en amont pour rédiger une charte et créer un cadre de discussion entre les opérateurs et les élus locaux. Ce cadre permet de renforcer l’acceptation, et donc la couverture du territoire. Si nous le déstructurons, non seulement les oppositions seront de plus en plus nombreuses, mais nous aurons envoyé aux opérateurs un signal contradictoire avec nos discussions de cet après-midi et d’hier soir en leur laissant à penser qu’ils n’ont pas à s’occuper des élus locaux.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer cet article, ce qui nous permettra par ailleurs d’avancer de dix amendements d’un coup !

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai l’avis de la commission sur ces deux amendements, mais aussi sur les huit autres amendements déposés sur l’article 9 septies .

L’article 9 septies vise à assouplir les obligations d’information au niveau local pour les opérateurs en vue de faciliter le déploiement des équipements de téléphonie mobile. L’objectif est d’accélérer la couverture des territoires en recherchant un équilibre entre la maîtrise de l’exposition aux ondes et l’amélioration de l’accès aux réseaux mobiles. Je précise que, d’une part, ces dispositions ne portent que sur des modifications relatives aux sites existants, et non sur la création de sites nouveaux, et que, d’autre part, elles ne remettent aucunement en cause l’encadrement des autorisations d’installation par l’Agence nationale des fréquences.

Sur ces sujets, il y a cependant parfois des injonctions et des demandes souvent contradictoires, au niveau national comme au niveau local. Nous entendons toutefois les inquiétudes exprimées par les auteurs des différents amendements déposés sur cet article.

J’ai rappelé lors de la discussion générale notre souhait d’une démarche constructive et transpartisane sur ce texte. Je propose donc le compromis suivant.

Nous sommes défavorables aux amendements n° 128 et 220 de suppression de l’article, qui reviennent par ailleurs sur des votes exprimés sur plusieurs bancs à l’Assemblée nationale.

Nous avons donné un avis favorable à l’amendement n° 131 de M. Raoul, qui propose de systématiser l’information annuelle du maire par les opérateurs, et non de prévoir cette transmission à la demande des élus locaux.

Par conséquent, nous demandons le retrait des amendements n° 221, 129 et 222, qui nous sembleraient alors satisfaits ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Nous sommes défavorables aux amendements n° °132 et 247, car la modulation, prévue exclusivement pour les travaux d’aménagement sur des sites en montagne pour accueillir de nouveaux équipements, nous semble raisonnable.

Quant aux amendements n° 133 et 223, nous avons émis un avis favorable, car nous considérons qu’il est en effet souhaitable de ne pas limiter les instances de concertation aux nouveaux sites, car des besoins de médiation peuvent légitimement porter sur des sites existants.

Le cas échéant, nous pourrons trouver des améliorations en commission mixte paritaire.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Madame la présidente, si vous le permettez, je vais, comme vient de le faire M. le rapporteur, globaliser ma réponse : l’avis du Gouvernement est, sur chaque amendement, le même que celui du rapporteur pour les raisons qu’il vient d’exposer avec talent.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

À la lecture de cet article, on peut d’abord estimer qu’il est intéressant, puisqu’il s’agit d’informer les élus, sauf que, comme le disait Daniel Raoul, il s’agit d’une information annuelle.

Or il est normal de devoir informer les élus lorsqu’on crée ou que l’on modifie une installation. Ils doivent être informés en tant qu’élus, mais aussi pour répondre aux inquiétudes que peut susciter chez les citoyens l’installation d’une antenne.

En outre, les antennes ne sont pas installées qu’en haute montagne, mais, dans sa rédaction actuelle, l’article 9 septies concerne l’intégralité du territoire national, y compris les grandes villes.

Il prévoit qu’une déclaration annuelle sera faite par les opérateurs alors qu’aujourd'hui la loi les oblige à informer les élus et, au-delà d’eux, les membres de la communauté de toute modification ou création d’installations. Ce retour en arrière est une aberration. Je ne comprends pas pourquoi il a été voté par l’Assemblée nationale.

L’amendement présenté par Ronan Dantec, qui vise à rétablir l’obligation d’information, est identique à celui de Daniel Raoul, qui a rapporté la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, connaît bien le problème. Nous voulons revenir à cette obligation d’information non seulement en montagne, mais sur tout le territoire, et surtout dans les agglomérations.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Je voudrais évoquer une facette du problème soulignée par nos collègues Évelyne Didier et Daniel Raoul. Beaucoup de gens s’interrogent, ont des incertitudes ou des inquiétudes tout à fait légitimes à l’égard des ondes.

La question est très simple : peut-on vivre dans un monde imbibé, saturé par les ondes sans qu’il y ait des effets sur les personnes ? Je suis médecin, mais je n’en sais rien.

Puisque nous avons accepté de vivre dans cette société et que nous sommes demandeurs, il faut avant tout rassurer les gens. Il faut être transparents et si possible faire du préventif. Et quand je dis du préventif, ce n’est pas anodin. Il faut faire de l’information sur tout ce qui touche à l’électromagnétique.

Le texte initial prévoyait une « information obligatoire du maire et des habitants ». Celle-ci deviendrait une information « annuelle, s’il y a demande des élus », c'est-à-dire une information éventuelle.

Cela rend les choses un peu incertaines et assez floues. Or, quand il y a un flou, il y a un loup, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

M. Ronan Dantec. …ce qui est très inquiétant en zone de montagne.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Ce n’est pas comme cela qu’on va rassurer les gens sur l’effet des ondes et les élus sur la toute-puissance des lobbys et des opérateurs. Maintenons un minimum d’obligations administratives !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

L’article 9 septies procède d’une bonne intention : simplifier pour faire gagner du temps. À première vue, il y a donc tout lieu de l’adopter.

Toutefois, l’objectif même du gain de temps me conduit à soutenir les amendements de suppression. En effet, nous savons combien ces dossiers sont délicats et nécessitent un travail de communication. Dans les petits villages, on visite les familles une par une, dans les communes plus importantes on procède différemment. Dans tous les cas, les travaux concernant la téléphonie suscitent des inquiétudes dans la population. À vouloir aller trop vite, on risque de les compromettre !

Il ne s’agit pas de défendre le maire et ses pouvoirs pour eux-mêmes, mais, en quelque sorte, de défendre l’opérateur, de lui simplifier la tâche et de lui faire gagner du temps, en permettant que, passé deux mois, les travaux soient réalisés dans un climat plus paisible.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Je crains que l’on n’ait pas exactement saisi de la portée de cet article. Comme M. le rapporteur l’a expliqué, l’article 9 septies ne concerne pas l’installation de pylônes, mais la modification d’antennes sur un pylône existant.

Autant je puis comprendre qu’une consultation soit nécessaire pour favoriser l’acceptation du projet, comme M. Raison vient de le souligner, lorsqu’il s’agit d’installer un pylône, autant il me semble que, lorsqu’on change de technologies sur un pylône sans apporter à celui-ci de modification substantielle, on peut essayer de gagner du temps. En effet, notre motivation, aux uns et aux autres, est aussi de faire avancer les technologies et d’encourager le passage de la 3G à la 4G sur nos territoires le plus rapidement possible. Cet article peut y contribuer.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Votre intervention, monsieur Chaize, plaide au contraire en faveur de la suppression de l’article 9 septies

S’il est adopté, que se passera-t-il ? Un opérateur pourra, sans prévenir personne, grimper sur un pylône pour y changer des installations. Aussitôt, les riverains appelleront la mairie. Or que le maire pourra-t-il leur répondre ? Que, d’après la loi, l’opérateur doit l’informer avant la fin de l’année… Imaginez un peu que la situation se présente au mois de mars ! En réalité, cet article aggraverait les difficultés des maires en les privant d’informations.

Monsieur Chaize, pour bien connaître les opérateurs, vous savez ce qu’ils sont en mesure de faire. Qui imagine qu’ils n’ont pas un planning à deux mois et qu’ils ne peuvent pas adresser une lettre au maire deux mois avant une intervention ?

Nous avons adopté hier soir des mesures qui répondent à la volonté des élus locaux de montrer leurs muscles, de faire savoir qu’il y a des règles et qu’il faut les respecter. Nous devons poursuivre dans cette logique, car c’est ainsi que nous mettrons fin aux zones blanches et que les opérateurs cesseront de se moquer royalement des élus locaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur Chaize, cet article ne vise pas seulement les modifications apportées à des installations existantes ; il concerne toute installation sur tout le territoire.

Mes chers collègues, sans vous faire un cours sur la propagation, j’attire votre attention sur le fait que changer l’azimut de l’axe d’un lobe d’émission pour donner de la place à un nouvel opérateur modifie le périmètre couvert par ce lobe. Or des règles existent qui protègent les équipements sensibles, notamment les établissements destinés aux jeunes enfants ou aux personnes âgées. Le maire doit donc être informé, ne serait-ce que pour savoir où créer de nouveaux équipements, ou pour demander une correction d’azimut de l’axe du lobe.

Si l’information n’est pas fournie bien en amont, nous aurons des problèmes de conformité aux dispositions législatives sur les équipements sensibles et d’incompatibilité avec le droit de l’urbanisme !

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

En conséquence, l’article 9 septies est supprimé, et les amendements n° 221, 129, 131 et 222, ainsi que les amendements identiques n° 132 et 247 et les amendements identiques n° 133 et 223, n’ont plus d’objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.

L'amendement n° 221, présenté par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

1° Le B est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, toute modification substantielle d’une installation radioélectrique existante nécessitant une nouvelle demande d’accord ou d’avis auprès de l’Agence nationale des fréquences fait l’objet d’une information annuelle au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale sur le territoire duquel est implantée l’installation qui en a fait la demande à l’opérateur concerné. » ;

L'amendement n° 129, présenté par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 131, présenté par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

qui en a fait la demande à l’opérateur concerné

L'amendement n° 222, présenté par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

qui en a fait la demande à l’opérateur concerné

par les mots :

par le ou les opérateurs concernés

Les amendements identiques n° 132 et 247, présentés respectivement par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain, et par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, sont ainsi libellés :

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

Les amendements identiques n° 133 et 223, présentés respectivement par MM. Raoul, Roux, Duran, Jeansannetas, Richard et Guillaume, Mme Cartron, M. Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle et Miquel, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et républicain et par MM. Dantec, Poher, Labbé et les membres du groupe écologiste, sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 157 rectifié, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Perrin, Raison, P. Leroy, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Panunzi, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :

Après l’article 9 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 421-5 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) De leur rôle dans la communication à destination ou en provenance des populations en cas de sinistres, catastrophes naturelles ou autres situations de crise. »

La parole est à M. Patrick Chaize.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Cet amendement vise à permettre au Gouvernement d’étendre par décret, dans des cas strictement justifiés par la protection des populations, les constructions, aménagements, installations et travaux dispensés des formalités prévues au titre des articles L. 421-1 à L. 421-4 du code de l’urbanisme.

Toute infrastructure permettant la communication réactive et efficace des populations en cas de sinistre, de catastrophe naturelle ou dans toute autre situation de crise, notamment en zone de montagne, est bien évidemment primordiale ; son déploiement doit donc être accéléré.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’amendement n° 24, présenté par MM. Delcros, L. Hervé, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 9 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 421-5 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) De leur rôle en zone de montagne dans la communication à destination ou en provenance des populations en cas de sinistres, catastrophes naturelles ou autres situations de crise. »

La parole est à M. Bernard Delcros.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

L’article L. 421-5 du code de l’urbanisme prévoit que, en cas de sinistre, de catastrophe naturelle et dans certaines autres situations de crise précisément définies, des installations et travaux provisoires peuvent être dispensés de demande d’autorisation préalable. Nous proposons d’actualiser la liste de ces installations en y incluant celles qui jouent un rôle en matière de communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L’article L. 421-5 du code de l’urbanisme ne vise que des cas très spécifiques, comme les projets de très faible importance, les projets temporaires ou ceux qui nécessitent le secret pour des raisons de sûreté.

Malgré l’importance de la couverture mobile pour les territoires de montagne, la mesure proposée nous semble excessive, car elle priverait les pouvoirs publics, en particulier les maires, de toute maîtrise sur le déploiement de ces installations.

Je sollicite donc le retrait de ces amendements et j’y serai défavorable s’ils sont maintenus.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Alors que la fibre optique n’est soumise à aucune autorisation au titre du code l’urbanisme, les antennes de communication sont soumises à déclaration préalable ou à permis de construire, vu qu’elles ont une incidence sur le paysage. S’agissant en outre d’installations sensibles pour les riverains, le Gouvernement considère qu’il ne peut être envisagé de les dispenser de toute formalité.

L’avis est donc défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

Le 3° de l’article 25 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En zone de montagne, il est tenu compte des contraintes géographiques pour appréhender la limite supérieure de la puissance apparente rayonnée ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’amendement n° 248, présenté par M. Desessard, Mmes Aïchi, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’amendement n° 248 est retiré.

Je mets aux voix l'article 9 octies.

L'article 9 octies est adopté.

L’article 28-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces autorisations peuvent notamment être attribuées à l’occasion de manifestations, d’événements exceptionnels ou pendant les périodes de fréquentation touristique. » –

Adopté.

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes promeut la mise en place et la gestion efficace de systèmes d’information et processus de commandes entre opérateurs pour l’accès aux réseaux à très haut débit en fibre optique permettant de fournir des services de communications électroniques à un utilisateur final.

L’Autorité veille au développement des travaux de normalisation de ces systèmes d’information et processus de commandes et, le cas échéant, à la mise en place d’une entité unique chargée de leur gestion centralisée entre opérateurs.

Elle rend compte de son action à la Commission supérieure du numérique et des postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’amendement n° 161 rectifié, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Perrin, Raison, de Raincourt, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

en fibre optique

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment pour les réseaux en fibre optique

La parole est à M. Patrick Chaize.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Le présent amendement vise à étendre à tous les réseaux à très haut débit, au-delà de la seule technologie de la fibre optique, la mission confiée à l’ARCEP de promouvoir et de suivre les travaux de normalisation pouvant tendre vers une gestion centralisée, notamment des processus de commandes.

L’article 9 nonies facilite la commercialisation de services sur les différents réseaux à très haut débit en levant progressivement différentes barrières techniques. Il s’agit d’ouvrir ce mécanisme à d’autres réseaux que ceux en fibre optique. En effet, certains blocages peuvent concerner également d’autres technologies, notamment le satellite, qui est commercialisé par une pluralité de distributeurs.

Cet amendement vise ainsi à assurer le respect du principe de neutralité technologique, sans rien enlever au mécanisme prévu à l’article 9 nonies.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

L’ajout proposé est utile : il permettra l’intégration de nouvelles technologies, notamment le satellite. L’avis est donc favorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Il est également favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 155 rectifié bis, présenté par MM. Chaize et de Nicolaÿ, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. B. Fournier et Doligé, Mme Imbert, M. de Legge, Mme Lamure, MM. Rapin, Vaspart, Raison, Perrin, P. Leroy, de Raincourt, Charon, Houpert, Bonhomme, Mandelli, Magras, Genest et Darnaud, Mme Canayer et M. Cornu, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

À cette fin, l’autorité veille au développement des travaux de normalisation des systèmes d’information et processus de commandes entre opérateurs.

La parole est à M. Patrick Chaize.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

La précision que cet amendement vise à apporter permettrait d’inscrire le régulateur dans les travaux en cours.

Les opérateurs sont organisés pour assurer la cohérence et la sécurisation des flux entre leurs systèmes d’information. La coopération est déjà opérationnelle, et l’ensemble des opérateurs sont déjà interfacés pour la commercialisation. Pour autant, les opérateurs ont exprimé de manière unanime la nécessité d’approfondir l’interopérabilité de leurs systèmes d’information. À cet effet, ils ont décidé, à la suite des travaux menés au sein du groupe Interop’Fibre, de renforcer la gouvernance de leurs travaux, notamment pour renforcer l’harmonisation des protocoles, et de mettre en place une plateforme commune de test.

Si l’approfondissement de l’interopérabilité des systèmes d’information exige la recherche du consensus le plus large possible entre les opérateurs et si, à cet égard, c’est à eux qu’il revient de convenir des formes d’organisation les plus adéquates, il est nécessaire que l’ARCEP s’inscrive en tant qu’observatrice dans les travaux menés. Ce suivi étroit permettra au régulateur de prendre toute décision qu’il estimera nécessaire en termes de process pour favoriser une interopérabilité approfondie entre les opérateurs et, ainsi, encourager la commercialisation des réseaux d’initiative publique.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Avis favorable également.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l'article 9 nonies, modifié.

L'article 9 nonies est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 172 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti et Delahaye, Mme Férat, MM. Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.

L'amendement n° 302 est présenté par Mme Espagnac.

L'amendement n° 414 est présenté par M. Bouvard.

L'amendement n° 435 est présenté par MM. Carle et Savin.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 9 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En zone de montagne, il est tenu compte des contraintes géographiques pour faciliter l’attribution d’iso-fréquences et permettre aux services de radios de surmonter ces difficultés. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 172 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Cet amendement vise à permettre aux radios locales de bénéficier des iso-fréquences.

Des antennes relais reprennent le signal principal pour le relayer de l’autre côté de la vallée, un bassin de vie en montagne est parfois difficile à couvrir avec un seul émetteur.

Les radios locales de montagne font face à des obstacles naturels, à commencer, évidemment, par le relief, qui rendent plus difficile la diffusion de leurs programmes. Or ces radios sont une composante essentielle du tissu économique et humain dans nos territoires de montagne, comme le savent tous les élus de ces territoires. Elles développent un lien social en assurant la connexion entre les différentes vallées et la diffusion d’informations essentielles aux populations dans leur vie quotidienne, comme l’état du réseau routier.

La référence législative aux obstacles géographiques permettra au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’accorder cet outil aux radios confrontées à de telles difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Les amendements n° 302, 414 et 435 ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 172 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

En réalité, le droit en vigueur permet déjà au CSA de procéder à l’attribution d’iso-fréquences.

Les députés ont rejeté des amendements visant à rendre obligatoire pour le CSA l’octroi d’iso-fréquences. Le présent amendement a une portée normative faible, puisqu’il rappelle une faculté dont le CSA dispose déjà, même s’il mentionne explicitement les services de radio locale en montagne comme bénéficiaires possibles, compte tenu des contraintes géographiques qui pèsent sur eux.

Son adoption pourrait toutefois s’avérer problématique, dans la mesure où l’attribution d’iso-fréquences reste une mesure dérogatoire, qui doit être justifiée par des circonstances particulières, afin de prévenir toute atteinte aux principes d’égalité, de pluralisme et de concurrence entre services.

Le CSA nous a alertés sur le risque de contentieux en cas d’introduction d’une mention spécifique des radios locales de montagne dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Au demeurant, l’absence d’iso-fréquences ne fait aucunement obstacle à ce que la même radio puisse être retenue, le cas échéant, sur deux fréquences de régions voisines non affectées de contraintes, afin, par exemple, de permettre la prise en compte des bassins de population.

J’ajoute enfin que, en commission, nous avons déjà inséré dans le projet de loi une mesure favorable aux radios locales, en prévoyant l’octroi à celles-ci par le CSA d’utilisations temporaires lors d’occasions exceptionnelles ou saisonnières, afin qu’elles puissent faire face aux pics de fréquentation.

Dans ces conditions, je sollicite le retrait de cet amendement et j’y serai défavorable s’il est maintenu.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

L’iso-fréquence consiste à attribuer une même fréquence à un service sur plusieurs zones adjacentes. Cette question n’est pas spécifique à la montagne, ni aux radios locales ; songeons à la fréquence 107.7, accordée aux radios d’autoroutes.

Le CSA peut déjà attribuer des iso-fréquences à certaines radios. Du reste, cette solution ne nous paraît pas forcément pertinente pour les radios locales en zone de montagne. En outre, pour tenir compte du pluralisme, le CSA peut préférer autoriser une autre radio dans la seconde zone plutôt que la même radio dans les deux zones.

On ne peut donc envisager d’inciter le régulateur audiovisuel à recourir à cette technique qui, au surplus, pourrait être très coûteuse pour les radios locales.

Comme M. le rapporteur, je sollicite donc le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, le Gouvernement y sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Je le maintiens d’autant plus que des amendements identiques avaient été déposés par des collègues de différents groupes.

Notre attention a été attirée sur la question des radios locales de montagne. Souvent associatives, ces radios participent à la vie quotidienne des habitants de nos territoires ; il suffit d’allumer sa radio en voiture pour se rendre compte de leur utilité.

Qui peut le plus peut le moins : je ne vois pas en quoi cette précision empêcherait le CSA de jouer pleinement son plein rôle d’autorité administrative indépendante.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Les occasions de souligner le rôle des radios locales dans l’aménagement du territoire, la cohésion des territoires et la vie quotidienne de leurs habitants sont trop rares pour que je ne vote pas l’amendement.

Que la portée normative de la disposition soit relativement faible, nous l’avons bien compris. Malgré tout, adresser ce signal au CSA facilitera la vie de radios associatives qui ne sont pas toujours entendues de lui, contrairement à d’autres opérateurs, beaucoup plus puissants.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Notre groupe votera lui aussi cet amendement. Les radios locales de montagne jouent un rôle utile aux populations et un rôle d’alerte. Elles contribuent à mettre en valeur la vie propre de ces territoires. Je ne vois pas en quoi le CSA pourrait être contrarié par l’adoption de cet amendement. Il est important de laisser aux territoires la liberté de s’organiser autour de leurs radios locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je ne suis pas un spécialiste des radios locales, et mon département n’est que modestement montagneux… Je tiens toutefois à exprimer le soutien que j’apporte, à titre personnel, à l’amendement qu’a défendu Loïc Hervé.

Les radios locales jouent un rôle utile, et il est important de marquer notre reconnaissance aux bénévoles qui les font vivre, des passionnés qui œuvrent avec beaucoup de conviction et de cœur. Ces personnes qui se dévouent sans mesurer leur temps méritent nos encouragements, tout particulièrement dans les territoires de montagne, où elles contribuent grandement à la bonne communication et à l’aménagement du territoire.

M. Loïc Hervé opine.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 nonies.

Chapitre II

Encourager la pluriactivité et faciliter le travail saisonnier

(Non modifié)

L’article 11 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 11. – Les établissements de formation professionnelle situés en zone de montagne tiennent compte, dans l’élaboration de leur offre de formation, des spécificités de l’économie montagnarde. Ils répondent aux enjeux de la pluriactivité, notamment en encourageant la bi-qualification, et aux enjeux, le cas échéant, des activités transfrontalières. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Avec cet article 10, nous abordons la question des travailleurs saisonniers, qui sont près de 2 millions dans notre pays, tous secteurs confondus.

Leur apport économique est souvent ignoré ou sous-estimé. Ils sont par définition précaires, puisque leurs contrats sont des CDD dits « par nature », c’est-à-dire sans prime de précarité.

Cette condition est à associer plus largement à la situation des salariés saisonniers en matière d’hygiène et de sécurité. La fréquence et la gravité des accidents du travail, des conditions de vie déplorables faute de pouvoir se loger décemment, un accès aux soins de santé compliqué pendant les saisons : autant de phénomènes sous-estimés, car la forte mobilité de l’emploi et la grande diversité des lieux de travail rendent très difficiles le suivi des saisonniers et la traçabilité de leur exposition aux risques professionnels.

Il est nécessaire d’actionner plusieurs leviers pour faire reculer la précarisation sociale et professionnelle liée à leurs conditions de travail et aux conditions spécifiques de l’exercice de leur métier. Les professionnels du tourisme ont vu leurs métiers se transformer, ce qui nécessite notamment la mise en place de formations adaptées aux exigences de ces évolutions.

À cet égard, une initiative novatrice est promue en Bretagne dans le secteur de l’hôtellerie de plein air, avec la mise en place d’une formation originale à destination des professionnels : alternant cours pratiques et cours théoriques sur trois ans, cette formation doit déboucher sur l’obtention d’un diplôme et, surtout, d’un contrat à durée indéterminée.

Ce dispositif pérennise l’emploi en le qualifiant, tout en permettant à nos territoires, à nos entreprises et à nos salariés d’envisager un développement économique durable. Cette expérience tendant à accroître la plus-value professionnelle pourrait être, d’une part, soutenue et, d’autre part, étendue à d’autres régions, notamment de montagne.

Les dispositions de l’article 10 sont une première reconnaissance pour les travailleurs saisonniers, mais il faut aller plus loin, par exemple en instituant, au-delà de la formation, une clause de reconduction des contrats pour les saisonniers fidélisés.

L'article 10 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’amendement n° 74, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail est complété par les mots : «, et qui sont effectués pour le compte d’une entreprise dont l’activité obéit aux mêmes variations ».

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Comme nous l’avons déjà souligné lors de précédents débats, il est impératif d’adopter une définition stricte de la saisonnalité, afin de lutter contre le recours abusif au travail saisonnier. Il s’agit d’éviter que les contrats de travail à caractère saisonnier ne soient utilisés en lieu et place des contrats à durée déterminée pour surcroît d’activité, ce qui permet à l’employeur de s’exonérer du paiement de certaines cotisations patronales, ainsi que du versement de la prime de précarité. En d’autres termes, il s’agit de lutter contre une forme de fraude patronale.

C’est pourquoi nous renouvelons notre proposition d’inscrire dans la loi la définition du travail saisonnier adoptée par le Défenseur des droits, qui précise que l’entreprise elle-même doit avoir une activité saisonnière. Sans cette précision, les centres commerciaux et les restaurants ouverts toute l’année, mais situés dans des zones touristiques pourront continuer à recourir à des contrats saisonniers en lieu et place de contrats à durée déterminée pour surcroît d’activité.

Il nous paraît essentiel que le critère des variations saisonnières s’applique non seulement à l’emploi, mais également à l’activité de l’entreprise elle-même. Ce critère est d’autant plus légitime que, pour définir le travail saisonnier, le juge a toujours pris en compte l’activité de l’entreprise. Dès lors, pourquoi refuser de l’inscrire dans la loi ?

L’argument d’une explosion du contentieux n’est pas pertinent, car, si cette formulation ne pose pas de problème pour définir les salariés saisonniers, pourquoi en poserait-elle pour définir les entreprises « dont l’activité obéit aux mêmes variations » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Cet amendement vise, selon ses auteurs, à limiter le recours aux contrats à durée déterminée saisonniers en réservant l’utilisation de ceux-ci aux entreprises dont l’activité varie en fonction des saisons.

Je ne souhaite pas que l’on revienne sur la définition du travail saisonnier inscrite pour la première fois dans le code du travail par l’article 86 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels : des tâches « appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ».

De surcroît, cet amendement pose un problème de forme, car il vient compléter la définition du CDD d’usage, et non celle du CDD saisonnier.

Quand un problème de fond se pose, c’est à l’inspection du travail de le régler.

Pour ces raisons, j’avais proposé à la commission des affaires sociales d’émettre sur cet amendement un avis défavorable. La commission ne m’a pas suivie et s’y est finalement déclarée favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’avis de la commission des affaires sociales est donc favorable…

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

C’est l’avis de la commission que vous devez exposer, ma chère collègue !

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Comme vient de l’expliquer Mme la rapporteur, ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen du projet de loi défendu par ma collègue Myriam El Khomri. Une définition du travailleur saisonnier a été adoptée qui reprend celle qui est issue de la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Maintenir cette définition est un enjeu de lisibilité, de clarté et donc de sécurisation, pour les salariés comme pour les employeurs.

L’ajout que vous proposez, madame la sénatrice, nous éloignerait de cette définition : il n’est pas opportun, car il contribuerait, à rebours de l’objectif que vous visez, à obscurcir les cas dans lesquels il peut être recouru aux contrats saisonniers.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je vais à nouveau tenter de vous convaincre de voter cet amendement, même si ce double avis défavorable rend ma tâche difficile, pour ne pas dire impossible.

Monsieur le ministre, vous faites valoir que la définition inscrite dans la loi reprend la jurisprudence constante en matière de travail saisonnier. Certes, mais la définition du Défenseur des droits est un peu plus précise.

Ajouter que l’activité de l’entreprise doit elle aussi être saisonnière empêcherait que des salariés travaillant pendant l’été dans des grandes surfaces ne soient embauchés sous contrat saisonnier. Mes chers collègues, trouvez-vous normal que des jeunes – nous en connaissons tous qui sont dans cette situation –, mais aussi des moins jeunes, soient employés dans une grande surface, un restaurant ou n’importe quel commerce d’une zone touristique dans le cadre de contrats saisonniers, ce qui les prive de prime de fin de contrat et dispense les entreprises de payer une partie de leurs cotisations, avec les conséquences qui en résultent sur notre système de protection sociale ?

Ces entreprises connaissent un surcroît d’activité pendant l’été, mais il n’est pas juste qu’elles en tirent argument pour recourir à des contrats saisonniers. Les salariés sont obligés de subir ce que les entreprises leur imposent et, quand ils essaient de se défendre, ils sont condamnés : il y a notamment une chasse aux syndicalistes qui essaient de défendre les droits des salariés. De leur côté, certains employeurs profitent de toutes les astuces pour bénéficier de toujours plus d’avantages, y compris d’avantages auxquels ils ne devraient normalement pas pouvoir prétendre.

Bien sûr, la loi El Khomri a marqué une avancée en matière de travail saisonnier ; j’ai modestement contribué au groupe de travail qui s’est penché sur la définition de cette forme de travail. Reste que nous nous sommes arrêtés au milieu du gué, ce que je regrette.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 73, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1244-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1244 -2. – Les contrats de travail à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 doivent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante.

« Une convention ou un accord collectif de travail prévoit que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante. La convention ou l’accord en définit les conditions, notamment la période d’essai, et prévoit en particulier dans quel délai cette proposition est faite au salarié avant le début de la saison ainsi que le montant minimum de l’indemnité perçue par le salarié s’il n’a pas reçu de proposition de réemploi.

« À défaut de convention ou d’accord collectif, l’indemnité prévue à l’article L. 1243-8 est versée au terme du contrat de travail à caractère saisonnier.

« Pour calculer l’ancienneté du salarié, les durées des contrats de travail à caractère saisonniers successifs dans une même entreprise sont cumulées. »

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je poursuis le débat engagé sur la situation des travailleurs saisonniers en évoquant cette fois-ci la reconduction du contrat de travail saisonnier, contrat dont vient de parler mon collègue Michel Le Scouarnec dans sa précédente intervention.

Qu’il s’agisse des députés lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale ou des auteurs des différents rapports établis sur le sujet tant au Sénat qu’ailleurs, tout le monde s’accorde pour reconnaître l’importance des travailleurs saisonniers pour les territoires de montagne.

Que les parlementaires soient de gauche ou de droite, il se dégage une belle unanimité autour de l’idée que l’emploi saisonnier accroît la précarité des travailleurs et qu’il est nécessaire d’améliorer les conditions de vie et de travail de ces salariés indispensables.

Par ailleurs, il a souvent été fait mention du profit économique que les employeurs pourraient tirer d’une forme de pérennisation de ces emplois, dès lors qu’ils n’auraient plus à chercher des personnels qualifiés d’une année sur l’autre.

Avec cet amendement, nous proposons de répondre à une réalité économique, d’améliorer la sécurité de l’emploi saisonnier et d’agir en faveur d’une meilleure stabilité des personnels.

En effet, cela fait plus de quinze ans que la faculté de conclure un accord ou une convention collective prévoyant la reconduction d’un tel contrat de travail existe, mais que cette clause est absente de la majorité des accords de branche. Il est temps de passer des paroles et des discours grandiloquents – je parle des discours de ceux qui soulignent combien les saisonniers sont précieux – aux actes et d’imposer cette clause de reconduction, en prévoyant le versement d’une indemnité dans le cas où le contrat ne serait pas renouvelé.

Les travailleurs saisonniers bénéficieront ainsi d’une situation plus stable. Ils n’auront plus à chercher un nouvel employeur chaque année et se verront reconnaître à la fois leur ancienneté et leur savoir-faire. Une telle obligation permettra également aux employeurs de fidéliser leurs salariés, de capitaliser sur leur formation et d’améliorer tout à la fois leur qualité de vie et la qualité du travail fourni. Il s’agit donc d’un amendement de bon sens, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

L’alinéa 6 de l’article 86 de la loi Travail du 8 août 2016 impose aux partenaires sociaux de lancer une négociation sur la reconduction du contrat de travail à caractère saisonnier et la prise en compte de l’ancienneté des salariés avant le début du mois de février 2017.

La même loi prévoit que le Gouvernement pourra prendre une ordonnance sur ce sujet avant le mois de mai 2017, et que celle-ci s’appliquera de manière supplétive si aucun accord de branche ou d’entreprise n’est conclu.

Les auteurs de l’amendement souhaitent aller plus loin et anticipent les résultats de cette négociation. Pour ma part, je considère qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et vous propose de faire confiance à la négociation entre partenaires sociaux.

Pour cette raison, la commission des affaires sociales vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement.

Madame David, vous proposez de récrire une partie du code du travail et de modifier les dispositions relatives à la reconduction du contrat saisonnier pour la saison suivante.

Or le sujet a déjà été débattu lors de l’examen du projet de loi Travail. À cette occasion, votre Haute Assemblée a voté en faveur de l’ouverture de négociations dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé, relatives aux modalités de reconduction des contrats à caractère saisonnier d’une saison sur l’autre et à la prise en compte de l’ancienneté des salariés pour les branches ou les entreprises qui emploient un grand nombre de salariés saisonniers. C’est l’article 86 de la loi du 8 août 2016.

Ces négociations sont actuellement en cours et le délai de six mois laissé aux partenaires sociaux n’est pas encore expiré.

De plus, je rappelle que, à défaut d’accord, il est prévu que le Gouvernement prendra une ordonnance. Il me semble donc prématuré, avant même l’issue des négociations, de prévoir la modification des règles qui figureront dans le code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je comprends l’impatience de notre collègue Annie David et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, mais il est vrai que nous avons déjà débattu de ce sujet lors de l’examen de la loi Travail.

Mme la rapporteur et M. le ministre ont rappelé que le Sénat, ou du moins le groupe socialiste et républicain, avait voté en faveur de l’ouverture d’une négociation entre partenaires sociaux.

Il nous avait d’ailleurs fallu batailler contre nos collègues de droite. Je ne veux pas relancer la polémique, mais ces derniers n’étaient alors pas tellement emballés à l’idée que ces travailleurs, en cas de reconduction quasi-systématique de leur contrat à durée déterminée, se voient reconnaître des droits à formation…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

En effet, ainsi qu’au logement !

Désormais, la négociation est lancée. Compte tenu du délai qui a été laissé au Gouvernement pour prendre une ordonnance, à défaut d’accord entre partenaires sociaux, nous devrons toutefois nous montrer extrêmement vigilants : il ne faut pas laisser passer cette échéance, mes chers collègues, dans la mesure où elle a été fixée au mois de mai prochain…

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

M. Loïc Hervé. Pourquoi ? Que se passe-t-il en mai prochain ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

En effet, je vous rappelle que la faculté pour le Gouvernement de prendre une ordonnance est encadrée : il n’est autorisé à agir que dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi Travail.

Étant donné la période en question, il faudra donc faire très attention et veiller à ce que l’État se substitue bien aux partenaires sociaux dans l’hypothèse où les négociations n’aboutiraient pas.

Cela étant, d’après ce que je sais, ces négociations se déroulent plutôt bien. Je partage donc la position de la rapporteur et du ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Votre intention est évidemment louable, madame David. Je partage d’ailleurs l’idée selon laquelle il est souhaitable d’améliorer l’encadrement du contrat de travail saisonnier.

Il faudrait également prendre en compte le fait que les employeurs d’un certain nombre de branches renouvellent déjà les contrats de leurs saisonniers depuis de nombreuses années. Il a été rappelé que tous les secteurs n’agissaient pas ainsi : certains secteurs sont certes restés un peu au point mort en la matière, mais d’autres ont été au contraire très volontaristes ! Je pense notamment à Domaines skiables de France, organisme qui regroupe les exploitants de remontées mécaniques : ses saisonniers ont désormais la garantie de voir leurs contrats reconduits d’une année sur l’autre, ne serait-ce que parce que leur employeur a intérêt à réemployer un certain nombre de travailleurs d’une année sur l’autre, compte tenu du niveau de formation demandé.

Les secteurs dans lesquels le renouvellement des contrats saisonniers est rare sont connus : il y a les hébergeurs, mais ils s’y mettent progressivement ; on trouve aussi le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, ainsi qu’un certain nombre de secteurs commerciaux dans lesquels les règles sont plus difficiles à mettre en œuvre, pas nécessairement parce que les employeurs font preuve de mauvaise volonté, mais parce que ce sont des secteurs très atomisés, dans lesquels on trouve une multitude de structures professionnelles et où l’on observe parfois la plus totale inorganisation.

La saison d’hiver est désormais entamée. Sous réserve des observations exprimées par notre collègue Nicole Bricq, il me paraît donc préférable d’attendre l’échéance du mois de mai prochain pour évaluer ce qu’il se sera passé, puis nous efforcer de faire avancer les choses.

Faire en sorte que les contrats des saisonniers soient plus régulièrement renouvelés est dans l’intérêt collectif, et ce pour plusieurs raisons : non seulement cela contribue à fidéliser le personnel de l’employeur, mais, dès lors que ce sont les mêmes personnes qui viennent travailler d’une année sur l’autre, cela lui permet de trouver plus facilement les solutions les plus adaptées en matière d’hébergement – par exemple, il sait alors si ces personnes viennent seules ou en famille, ou si leurs enfants seront présents ou pas. La question de la reconduction du contrat des travailleurs saisonniers relève donc véritablement de l’intérêt général.

Pour autant, une disposition vient d’être votée et il convient par conséquent de stabiliser les conditions actuelles de sa mise en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je tiens à dire que je ne retirerai pas mon amendement. En effet, cela fait très longtemps que je travaille avec un grand nombre de saisonniers, que ce soit lors du Forum des emplois saisonniers ou avec l’Association des lieux d’accueil des travailleurs saisonniers, l’ALATRAS – je les salue d’ailleurs à cet instant.

À vous écouter, chers collègues, monsieur le ministre, les saisonniers de cette année devraient être les derniers à ne pas bénéficier de la reconduction de leur contrat : en effet, vous venez d’affirmer que les négociations sont en cours, qu’elles vont aboutir et que, même si elles n’aboutissaient pas, le Gouvernement prendrait une ordonnance ou une mesure réglementaire d’ici à la fin du mois de mai pour que la mesure entre en vigueur.

Selon vous, ce sont donc les derniers saisonniers qui connaîtront cette situation. Pour ma part, je vous donne rendez-vous l’an prochain, mes chers collègues, dans une station de ski, pourquoi pas ! Nous verrons alors si cette reconduction des contrats saisonniers est effective ou non.

J’ai organisé ici même un colloque sur l’emploi saisonnier : M. Matthias Fekl y a participé et a reconnu la nécessité qu’il y avait à se préoccuper de salariés qui sont indispensables à nos territoires, que ce soit à la montagne ou à la mer.

S’il n’y avait pas tous ces saisonniers, une grande part de l’activité économique de nos territoires n’existerait pas. Je crois que nous sommes tous d’accord pour le dire. Alors, comment agir pour préserver cette armée de l’ombre, ces gens invisibles ? Sans eux, rien ne pourrait se faire et, pourtant, on ne les reconnaît pas !

C’est pourquoi je ne retirerai pas mon amendement. Mes chers collègues, j’espère vraiment que vous aurez l’occasion de vous réjouir l’an prochain et de vous congratuler : ce serait la preuve que la reconduction des contrats saisonniers est devenue effective !

L'amendement n'est pas adopté.

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, une évaluation des conditions de gestion des travailleurs pluriactifs ou saisonniers par les régimes de protection sociale est présentée par le Gouvernement au Parlement. Cette évaluation établit les conditions d’une prise en charge mutualisée de la protection sociale de ces travailleurs en vue notamment de la mise en place des guichets uniques mentionnés au troisième alinéa de l’article 59 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. –

Adopté.

(Non modifié)

La deuxième phrase du premier alinéa de l’article 87 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est ainsi rédigée :

« Le cas échéant, le contrat précise que la rémunération versée mensuellement au salarié est indépendante de l’horaire réel effectué et qu’elle est lissée sur l’année. »

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 75, présenté par Mmes David, Cukierman et Didier, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Comme je le disais à l’instant, j’ai participé au groupe de travail interministériel sur les saisonniers. À l’occasion de la loi Travail, nous avions obtenu une première avancée grâce à l’introduction de la notion de « saisonnalité » dans le code du travail, même si cette définition ne me convient pas complètement.

L’objectif du groupe de travail était d’encadrer l’utilisation abusive des contrats de travail à caractère saisonnier par les employeurs. Ces derniers les utilisaient en lieu et place des CDD pour surcroît de travail, afin de s'exonérer du paiement de certaines cotisations et du versement de la prime de précarité.

L’article 11 bis représente un retour en arrière pour les droits des travailleurs saisonniers. En effet, le lissage de la rémunération des saisonniers tout au long de l’année a des conséquences négatives. À première vue, la modulation du temps de travail et le lissage de la rémunération qu’elle entraîne sur une année peuvent apparaître comme un élément de stabilité financière pour les travailleurs. En réalité, ce lissage évite surtout aux entreprises qui emploient des travailleurs saisonniers de payer les heures supplémentaires qu’elles devraient régler en temps normal.

Autre effet pervers : le lissage du temps de travail et donc de la rémunération entraînera la perte des indemnisations que perçoivent les saisonniers pendant l’intersaison.

Si, en apparence, l’article 11 bis apporte davantage de sécurité aux saisonniers, il sera en réalité à l’origine de pertes de revenus importantes. Pour ces raisons, mon groupe demande la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Je rappelle que l’article 11 bis supprime une disposition qui est source de rigidité et qui risquait de faire échouer l’expérimentation prévue par la loi Travail.

Une expérimentation sera bientôt lancée pour autoriser les employeurs de travailleurs saisonniers à conclure des CDI intermittent, en cas d’absence d’accord ou de convention au niveau de la branche ou de l’entreprise, alors que le droit commun n’autorise la conclusion de tels contrats de travail que dans les conditions fixées par un accord ou une convention.

L’article 11 bis apporte de la souplesse, car il prévoit que le lissage de la rémunération des salariés qui participeront à cette expérimentation sera facultatif, et non plus obligatoire.

La commission est donc défavorable à l’amendement de Mme David.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

L’article 11 bis vise à laisser de nouveau l’employeur et le salarié choisir les modalités de la rémunération versée dans le cas d’un CDI intermittent saisonnier. La rémunération ne peut être lissée sur l’année que dans les cas où le salarié et l’employeur sont tous deux d’accord.

La suppression de cet article, madame la sénatrice, rigidifierait le dispositif et imposerait au contraire le lissage de la rémunération, car il n’y aura alors plus d’autre solution possible.

Le Gouvernement considère qu’il est préférable de laisser le choix du mode de rémunération aux deux parties au contrat de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je voudrais tout d’abord faire remarquer que c’est notre collègue députée Mme Bernadette Laclais qui a rendu le lissage de la rémunération facultatif, et que ce lissage n’est donc plus obligatoire.

J’ajoute que les institutions représentatives du personnel ont également leur mot à dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Compte tenu des deux précisions que je viens d’apporter, j’estime que nous pouvons accorder la souplesse que le dispositif requiert.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. L. Hervé, Delcros, Lasserre et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - La première phrase du premier alinéa de l'article 87 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation du parcours professionnel est complétée par les mots : « pour les entreprises qui en sont pourvues ».

La parole est à M. Loïc Hervé.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Cet amendement a pour objet d’apporter une précision à l’article 87 de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi El Khomri.

Cet article prévoit que, dans les branches dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé, les emplois à caractère saisonnier peuvent donner lieu jusqu’au 31 décembre 2019 à la conclusion d’un contrat de travail intermittent en l’absence de convention ou d’accord d’entreprise ou d’établissement, ou en l’absence d’accord de branche, après information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.

Cet amendement vise à préciser que cette dernière procédure d’information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel ne doit bien sûr être observée que lorsque l’entreprise est pourvue d’un comité d’entreprise ou de délégués du personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

L’article 87 de la loi Travail prévoit une expérimentation dans des branches saisonnières que le Gouvernement devra désigner par arrêté autorisant les employeurs à avoir recours au CDI intermittent, même si aucun accord de branche ou d’entreprise n’est conclu, ainsi que le requiert le droit commun.

L’amendement vise à préciser que l’information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel dans le cadre de la mise en œuvre de cette expérimentation ne se fera que pour « les entreprises qui en sont pourvues ».

Cette précision me semble superflue : l’absence de ces institutions représentatives du personnel, soit parce que l’entreprise n’a pas atteint le seuil à partir duquel leur constitution est obligatoire, soit en raison d’un défaut de candidatures, n’empêchera pas celle-ci de bénéficier de l’expérimentation.

C’est pourquoi la commission vous demande de retirer votre amendement, mon cher collègue. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Aujourd’hui, il importe surtout que le Gouvernement désigne les branches qui participeront à l’expérimentation. Peut-être pourrez-vous nous donner des précisions à ce sujet, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui lui semble satisfait.

En effet, une expérimentation du CDI intermittent saisonnier est déjà prévue dans le cadre de la loi Travail, dans une rédaction identique à celle qui est proposée. Cette disposition figure à l’article 87 de cette loi.

Le Gouvernement, en particulier Mme la ministre du travail, s’attache actuellement à faire en sorte que la mise en œuvre de cette disposition soit rapide.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 11 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 180 rectifié est présenté par MM. L. Hervé, Bonnecarrère, Canevet, Capo-Canellas, Cigolotti, Delahaye, Gabouty et Guerriau, Mme Joissains et MM. Kern, Longeot et Médevielle.

L'amendement n° 254 rectifié est présenté par Mme Malherbe, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

L'amendement n° 331 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Morisset et Pillet, Mme Di Folco, M. Raison, Mme Imbert, MM. Pierre, Chasseing, Bizet, Chaize, Mandelli, Houpert, Dufaut, Pointereau, B. Fournier, Sido et de Raincourt et Mmes Lamure et Deromedi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 11 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 113-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La gestion des troupeaux exercée par les groupements pastoraux constitués exclusivement d’agriculteurs est considérée comme le prolongement de l’activité principale de leurs membres. Les dispositions législatives en matière du droit du travail applicables aux agriculteurs qui en sont membres bénéficient également auxdits groupements. »

La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Des groupements dits « groupements pastoraux » peuvent être créés dans les formes prévues par les lois et règlements en vigueur pour la constitution de sociétés, associations, syndicats et groupements d’intérêt économique, en vue de l’exploitation des pâturages.

Par principe, ces groupements pastoraux sont constitués exclusivement entre agriculteurs. Par exception, certains groupements peuvent compter des collectivités locales parmi leurs membres.

En tout état de cause, et quelle que soit sa composition, l’activité principale d’un groupement pastoral consiste à gérer des troupeaux composés d’animaux appartenant aux agriculteurs qui en sont membres. Cette activité s’inscrit donc dans le prolongement direct de l’activité principale desdits agriculteurs. C’est bien là l’unique raison d’être du groupement pastoral, dont l’activité principale est indissolublement liée à celle des éleveurs qui le composent.

Par conséquent, pour cette activité de gestion de troupeaux, et seulement pour celle-ci, le groupement pastoral peut, par extension, avoir recours aux contrats à durée déterminée dans les mêmes conditions que celles qui sont accordées aux agriculteurs qui en sont membres.

Les autres activités du groupement pastoral qui ne s’inscriraient pas dans le prolongement de l’activité desdits agriculteurs relèvent, eux, du droit commun des contrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour présenter l'amendement n° 254 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Hermeline Malherbe

Pour compléter le propos de mon collègue, j’ajoute que nous souhaitons trouver un équilibre entre les conditions accordées directement aux agriculteurs et aux éleveurs quand ils recourent à ce type de contrats et les dispositions qui s’appliquent aux groupements pastoraux, qui, bien qu’exclusivement constitués d’éleveurs ou d’agriculteurs, n’ont actuellement pas le droit de recourir à de tels contrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Les groupements pastoraux existent essentiellement dans les massifs et cet amendement concerne donc bien la montagne.

Nous voulons que ces groupements puissent bénéficier des mêmes avantages que ceux qui sont accordés aux exploitants agricoles. Comme le groupement pastoral est le prolongement d’une activité agricole, et dès lors qu’il est exclusivement composé d’exploitants agricoles, il est absolument stratégique et essentiel de leur permettre de recourir à des contrats à durée déterminée dans les mêmes conditions que celles dont profitent les exploitants à titre individuel. C’est d’abord important en termes d’aménagement du territoire. C’est surtout très important dans le contexte actuel, où les charges sont élevées et où il est primordial de ne décourager personne de se lancer dans l’exploitation de nos montagnes, qui sont des territoires parfois difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Ces trois amendements concernent les groupements pastoraux.

Ces groupements d’éleveurs, qui font l’objet d’un agrément accordé par l’État selon des règles fixées par le code rural et complétées selon des conditions établies dans chaque département, gèrent et valorisent collectivement des surfaces pastorales.

Ils peuvent choisir de se constituer sous la forme d’associations loi 1901, de sociétés civiles, de sociétés coopératives ou de syndicats professionnels.

En théorie, les groupements pastoraux peuvent mettre des locaux ou des véhicules, éventuellement du personnel – mais ce n’est pas nécessairement l’objectif principal –, à disposition des agriculteurs. Ils peuvent employer un salarié ou préférer recourir à un prestataire.

Selon les informations dont je dispose, rien dans le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime n’interdit à un groupement pastoral d’embaucher du personnel en CDD.

Dès lors qu’il respecte les règles de droit commun pour éviter la requalification du CDD en CDI – je pense au contrat écrit, aux cas de recours, ou au délai de carence –, il peut embaucher un salarié en CDD classique ou en CDD saisonnier.

Ces amendements me semblent satisfaits par le droit en vigueur. Je demanderai donc à leurs auteurs de bien vouloir les retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement partage l’avis de la commission.

En effet, les groupements pastoraux peuvent se constituer sous différentes formes juridiques, comme une association ou une société. Ils sont affiliés à la Mutualité sociale agricole, la MSA, comme le sont les employeurs agricoles à part entière. Ils peuvent donc tout à fait embaucher des salariés saisonniers en CDD pour garder les troupeaux, sous réserve évidemment de respecter les critères définis par le code du travail en matière d’emploi saisonnier.

Ces amendements qui assimilent les groupements pastoraux à des exploitants agricoles ne sécurisent nullement leur recours au CDD saisonnier, puisque cette faculté existe déjà. Mme la rapporteur a donc raison de dire que les trois amendements sont déjà satisfaits.

En outre, les conventions collectives applicables à ces groupements peuvent déjà définir par activité la nature des emplois saisonniers permettant le recours au CDD saisonnier.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Roux

Les auteurs de ces amendements revendiquent le droit d’inscrire dans le code du travail la possibilité pour les groupements pastoraux de conclure des CDD dans les mêmes conditions que celles dont bénéficient les agriculteurs qui en sont membres. Pourquoi les groupements pastoraux ne se constitueraient-ils pas en groupements d’employeurs, ce qui leur permettrait de conclure des CDI intermittents, comme le prévoient l’article 11 bis du projet de loi et l’article 87 de la loi Travail ?

S’il s’agit d’embaucher des bergers pour des estives, cette possibilité contribuerait au développement de la pluriactivité en zone de montagne, laquelle est bénéfique pour l’économie de ces régions. De plus, cela permettrait aux bergers de compléter leur formation et d’avoir une activité toute l’année.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

J’ai bien entendu les propos de Mme la rapporteur, ainsi que ceux de M. le ministre.

Si vous nous confirmez que le groupement pastoral peut aujourd’hui bénéficier des mêmes conditions pour recourir à un CDD que celles qui sont accordées aux exploitants agricoles qui composent le groupement, je retirerai évidemment mon amendement, car il sera satisfait.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Seulement, avant de le retirer, j’aimerais en être bien sûr. Pour le moment, ce n’est pas le cas et le propos que vient de tenir notre collègue Jean-Yves Roux crée de nouveau le doute dans mon esprit. Il semble dire qu’il serait nécessaire de créer une nouvelle structure. Or le monde agricole est arrivé à saturation et en a assez des complications administratives : faisons tout simplement en sorte que les groupements pastoraux bénéficient bien des mêmes droits que les exploitants agricoles !

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Baylet, ministre

Je vous confirme que c’est bien le cas, monsieur le sénateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L'amendement n° 254 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre, organisé à la demande de la commission des affaires européennes.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen qui se tiendra jeudi prochain à Bruxelles doit être une étape essentielle dans la mise en œuvre des priorités qui avaient été fixées au sommet de Bratislava, qu’il s’agisse de la réponse européenne à la crise des migrations, de la sécurité et de la défense européennes, des questions économiques et sociales ou du soutien à la jeunesse européenne.

Concernant les migrations, un pas important a été franchi au cours des derniers mois avec la transformation de l’agence FRONTEX en corps européen de gardes-côtes et gardes-frontières, dont le mandat est élargi et qui sera doté d’une réserve mobilisable permanente de 1 500 agents fournis par tous les États membres.

Nous avons également engagé devant le Parlement européen la révision du code frontières Schengen et des travaux législatifs doivent commencer sur le système ETIAS de contrôle systématique électronique des entrées et des sorties. Ces législations doivent être adoptées au plus vite. De même, la France insiste sur le respect des principes de responsabilité et de solidarité en matière de migration, donc d’asile, responsabilité des pays de première entrée pour ce qui concerne le contrôle et l’enregistrement des réfugiés comme l’organisation des réadmissions des immigrants illégaux – à cet égard, des accords doivent être établis avec les pays de provenance –, et solidarité de l’ensemble des États membres quant à l’accueil des réfugiés et au soutien au pays de premier accueil. De ce point de vue, je le souligne, la France, qui est le premier pays pour ce qui concerne les relocalisations des réfugiés en provenance de la Grèce, a montré qu’on pouvait assumer ses responsabilités. Nous demandons à tous les États membres de faire de même.

Le Conseil européen se penchera plus spécifiquement sur la dimension externe de la politique migratoire européenne. Il devrait souligner l’importance de mettre en œuvre, dans toutes ses dimensions, la déclaration conjointe de l’Union européenne et de la Turquie du mois de mars dernier, afin de poursuivre la maîtrise des flux migratoires en Méditerranée orientale. Malheureusement, nous assistons de nouveau à une certaine augmentation de ces flux, avec environ 200 arrivées par jour. Ce chiffre était descendu à moins de 100. Pour autant, nous sommes très loin des arrivées massives précédentes : avant cet accord, 1 500 à 2 000 personnes prenaient chaque jour la mer vers la Grèce, en provenance de la Turquie, ce qui occasionnait, vous le savez, de multiples drames. Quoi qu’il en soit, nous devons insister sur le fait que la Turquie doit respecter ses engagements en matière de lutte contre les passeurs et les migrations illégales.

Certains États membres pourraient être tentés, comme l’Autriche et les Pays-Bas l’ont fait ce matin au cours de la réunion du Conseil des affaires générales, alors que nous débattions de la politique d’élargissement, de soulever la question plus générale du dialogue avec la Turquie et d’une suspension éventuelle de celui-ci. Pour nous, il est clair que, si la Turquie a le droit de se défendre contre les putschistes, après la tentative de coup d’État du 15 juillet dernier, ou contre les terroristes, qui ont encore frappé le pays ces derniers jours et que nous combattons à ses côtés, elle doit le faire dans le respect de l’État de droit et de manière proportionnée.

Les évolutions de ces dernières semaines sont à cet égard graves et préoccupantes, et l’Union européenne a exprimé avec force, le 8 novembre dernier, son inquiétude face à la répression qui touche des députés kurdes, des journalistes, des universitaires, lesquels n’ont rien à voir ni avec le coup d’État du 15 juillet ni avec les attentats terroristes.

Le dialogue avec la Turquie doit donc se poursuivre sur la base de la clarté et de la fermeté. De ce point de vue, il a été convenu ce matin qu’aucun chapitre de négociation ne peut être ouvert dans les circonstances actuelles. Lors de la réunion du Conseil européen, il sera rappelé que la Turquie, qui est un partenaire stratégique de l’Union européenne en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, les migrations illégales et les trafiquants d’êtres humains, doit tenir les engagements qu’elle a pris dans le cadre de l’accord du 18 mars entre l’Union européenne et la Turquie.

Au-delà de cet accord, il faut agir sur les causes profondes des migrations en provenance d’Afrique, compte tenu notamment de ce qui se passe en Méditerranée centrale et des arrivées importantes sur les côtes italiennes de réfugiés.

Bien évidemment, une action diplomatique doit être menée pour trouver une solution à la situation de la Libye. Les chefs d’État ou de gouvernement feront aussi le point sur les premiers résultats du cadre de partenariat renforcé, engagé avec cinq pays prioritaires : l’Éthiopie, le Niger, le Nigeria, le Mali et le Sénégal. Un premier accord a ainsi été noué avec le Mali dimanche dernier ; il en sera rendu compte. L’élargissement géographique éventuel des pactes migratoires au-delà de ces cinq pays pourra être envisagé en fonction des premiers résultats concrets obtenus et en tenant compte des possibilités financières de l’Union européenne.

Il s’agit d’aider ces pays dans leur développement économique, en particulier de faire en sorte que les jeunes puissent y rester : ils doivent pouvoir trouver une formation, puis un emploi. Il s’agit également de renforcer leur capacité de contrôle de leurs propres frontières et de lutte contre les trafiquants d’êtres humains, et de mettre en place des accords en matière d’asile, de reconduite à la frontière des demandeurs non fondés à demander l’asile et des migrants en situation illégale.

Au titre de cette action en profondeur, il faut aussi saluer l’accord trouvé au Conseil sur le Fonds européen de développement durable, ainsi que sur le mandat externe de la Banque européenne d’investissement, ces dispositifs permettant de compléter les instruments dont dispose l’Union européenne, dans le prolongement des décisions prises lors du sommet de La Valette.

Le deuxième grand sujet à l’ordre du jour de ce Conseil européen sera la politique de défense commune et les questions de sécurité. C’est le point sur lequel sont attendues les avancées les plus nouvelles et d’une grande importance : l’Europe doit se donner les moyens d’assumer davantage de responsabilités en matière de défense. Personne n’assurera la sécurité des Européens à leur place. La France insiste depuis longtemps sur ce message, aujourd'hui repris par plusieurs de nos partenaires, notamment l’Allemagne. Vous le savez, les ministres des affaires étrangères et de la défense français et allemands ont publié cet été et cet automne des documents comportant des propositions qui ont fourni la base des débats du Conseil des affaires étrangères, qui s’est réuni le 14 novembre dernier.

Ce conseil constitue une étape particulièrement importante. Il a en effet permis d’enregistrer des avancées significatives dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune. La Commission a présenté le 30 novembre dernier un plan d’action européen pour la défense. Elle propose notamment la création d’un fonds européen de la défense, afin de soutenir les investissements dans la recherche et le développement conjoint d’équipements et de technologies de défense, ainsi qu’un recours aux fonds structurels et à la Banque européenne d’investissement, en appui à l’industrie de défense.

Il est donc important que le Conseil européen reprenne les conclusions du Conseil des affaires étrangères du 14 novembre sur la mise en œuvre de la stratégie globale de sécurité de l’Union européenne. Il faut que les impulsions nécessaires soient données, pour passer aux travaux pratiques, dans les domaines des financements, de l’organisation et de la coopération.

Nous souhaitons également qu’une revue européenne annuelle de défense soit désormais effectuée sous la coordination des États membres. Cela instaurera une sorte de semestre européen de défense, lequel permettra d’évaluer les besoins en matière de capacité, de coordination, d’interopérabilité et de soutien à nos industries de défense. Car les efforts doivent être mieux partagés sur le plan financier. Nous rappellerons l’objectif retenu par tous les États membres de l’Union européenne par ailleurs membres de l’OTAN de consacrer 2 % de leur PIB à la défense. La France s’est engagée en ce sens.

Les efforts doivent être mieux coordonnés et partagés. Je pense notamment à ceux qui visent à soutenir la base industrielle et technologique de défense. C’est aussi une condition de l’autonomie stratégique.

De même, nous devons avancer dans le domaine des opérations extérieures communes, menées sous l’égide de l’Union européenne, en révisant le mécanisme de financement Athena et en établissant une capacité de conduite et de planification permanente. Il s’agit de mettre en place un état-major européen, au-delà des actuels battle groups, lesquels n’ont d’ailleurs pas été utilisés. Nous devons également renforcer le soutien aux capacités de défense des États partenaires, notamment en Afrique, dans le cadre du CBSD, Capacity Building in Support of Security and Development. C’est un élément de notre projection de stabilité à partir de nos propres capacités.

Tout cela pourra conduire, le moment venu, si nécessaire, à la mise en place d’une coopération structurée permanente de la part des États membres prêts à avancer davantage dans ce domaine. Quoi qu’il en soit, l’ensemble des États membres est aujourd'hui concerné.

Quant aux enjeux de sécurité intérieure, beaucoup a aussi été fait, notamment sous l’impulsion des ministres de l’intérieur français et allemand. Je veux rappeler l’adoption de la directive relative à la lutte contre le terrorisme et les propositions sur les armes à feu et la lutte contre le blanchiment. La mise en œuvre effective de la directive sur le PNR, relative à l’utilisation des données des dossiers passagers, l’interopérabilité de nos systèmes d’information, ainsi que la mise en place de contrôles à l’entrée et à la sortie, dans le cadre du « paquet frontières intelligentes », sont très importantes.

Le Conseil européen reviendra sur les priorités fixées à Bratislava en matière de croissance, d’emploi et de soutien à la jeunesse. Nous sommes parvenus à un accord pour étendre le plan Juncker, qui passera de 315 milliards d’euros à 500 milliards d’euros. Il s’agit de prolonger et de développer l’initiative européenne pour la jeunesse et de financer la garantie pour la jeunesse.

Ce conseil sera l’occasion pour les Vingt-Sept de se retrouver pour faire le point sur la préparation des négociations en vue de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Nous nous appuierons sur les principes suivants : l’unité des Vingt-Sept, le lien entre les quatre libertés du marché unique et le fait qu’un État tiers ne pourra en aucun cas être dans une position plus favorable qu’un État membre.

Je serai bien évidemment à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour revenir sur les dispositions qui seront établies entre les Vingt-Sept concernant la conduite des négociations qui seront engagées avec le Royaume-Uni, dès que Mme Theresa May, comme elle s’y est engagée, soit au plus tard avant la fin du mois de mars prochain, aura engagé la procédure de l’article 50 du traité sur l’Union européenne.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux points qui seront débattus au cours de ce Conseil européen. Bien évidemment, nous reviendrons également sur la situation en Syrie, l’urgence humanitaire à Alep et la nécessité d’une solution politique à la crise syrienne.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de huit minutes aux orateurs de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des affaires européennes interviendront ensuite durant huit minutes chacune.

Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs. Puis nous aurons, pour une durée d’une heure maximum, une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.

Dans la suite du débat, la parole est M. Didier Marie, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la veille des soixante ans du traité de Rome, l’Europe est confrontée à la montée des populismes sur fond de crise des migrants, de crise économique et de crise institutionnelle.

Face à la mondialisation, qui, de promesse de prospérité, est devenue source d’insécurité, nos concitoyens s’inquiètent et le manifestent. La vague populiste et xénophobe frappe partout et défie tous les pronostics : Brexit, élection de M. Trump, refus de l’accord avec l’Ukraine par les Pays-Bas, non au référendum de Matteo Renzi, frayeur électorale en Autriche. La tentation du repli gagne du terrain, chez nous aussi.

Nos concitoyens entendent trop souvent dire, depuis des années, que l’Europe est la cause de leurs problèmes, rarement la solution. Et pourtant ! Qui peut croire que, séparément, les États de l’Union pourraient rivaliser avec les géants américains, russes ou chinois ? Qui peut croire que les banques italiennes aujourd’hui dans la tourmente pourront s’en sortir sans l’appui des mécanismes de stabilisation de la zone euro, en particulier des garde-fous de l’Union bancaire ?

Alors que, à nos frontières, MM. Trump, Poutine et Erdoğan n’aspirent qu’à l’affaiblissement de la maison européenne, l’Union doit se ressaisir, réagir, et ce dès le sommet du 15 décembre prochain. Il faut regagner la confiance, indiquer la route que l’on veut suivre, apporter des réponses aux inquiétudes.

Tout d’abord, il convient de répondre à l’urgence de l’arrivée massive des migrants, à la crise humanitaire qu’elle représente et à l’inquiétude qu’elle suscite auprès de l’opinion publique.

Si l’accord avec la Turquie a eu le mérite de stopper les flux vers la Grèce et les naufrages, il ne résoudra pas la crise des réfugiés à lui seul. À court terme, il ne peut être un prétexte pour ne pas exercer notre devoir de solidarité à l’égard des pays les plus exposés. Il ne peut y avoir de « solidarité à la carte », et encore moins de « solidarité flexible », pour reprendre les conclusions du sommet de Bratislava. Fermeté et solidarité, responsabilité et humanité, telles sont les valeurs qu’il faut porter !

À moyen terme, cet accord ne peut se substituer à la construction d’une politique commune d’immigration et d’asile. On ne peut pas se contenter d’externaliser le traitement de l’asile. L’Europe doit accueillir, réguler et protéger, en particulier les mineurs. Elle doit également prévenir les flux migratoires à venir, par conséquent muscler son aide au développement et coopérer avec ses voisins en déployant des partenariats et en mettant en œuvre son nouveau plan d’investissement extérieur, afin de soutenir la croissance et la stabilité de ces pays.

L’Europe doit s’ériger comme un rempart de l’État de droit. Elle doit donc être exigeante avec la Turquie : les purges continuelles menées depuis la tentative de coup d’État sont inacceptables. Progressivement, ce sont tous les principes de l’État de droit qui sont démantelés. Les atteintes à l’indépendance du pouvoir judiciaire et à la liberté d’expression ne sont pas tolérables. Et celles qui sont portées aux droits fondamentaux par certains gouvernements à l’intérieur même de l’Union européenne sont tout aussi inadmissibles.

Dans ce cadre, nous saluons le rapport adopté par le Parlement européen la semaine dernière qui plaide en faveur de la création d’un mécanisme de l’Union visant à garantir la démocratie dans l’ensemble de l’Europe et rappelle que nous partageons une communauté de valeurs.

L’Europe doit assurer sa sécurité. La crise migratoire et les attentats terroristes ont mis Schengen au banc des accusés et l’ont plongé dans un état comateux. Il est urgent de mettre en œuvre les mesures destinées à éviter sa disparition par l’effet de la réintroduction unilatérale, en dehors des règles communes, des contrôles aux frontières intérieures. Schengen est la solution, et non le problème !

L’environnement stratégique dans lequel l’Europe évolue nous conduit à nous poser la question de la sécurité sous un jour nouveau. La création d’un corps de gardes-frontières va dans ce sens ; ce corps doit être déployé rapidement. Au-delà, ce sont les outils Europol et Eurojust, ainsi que les capacités de renseignements qui doivent être confortés.

Par ailleurs, alors que le Royaume-Uni bloquait toute progression en matière de défense européenne, le Brexit éclaircit l’horizon des possibles. Le couple franco-allemand avance un certain nombre de propositions au sein d’une feuille de route susceptible d’être réalisée à court et moyen terme : une chaîne de commandement permanente, un renforcement de l’Eurocorps et une réforme du mécanisme Athena permettant d’étendre le champ du financement commun.

Même si les avancées du sommet de Bratislava restent timides, l’impulsion est là. La Commission européenne, avec la mise en œuvre de sa stratégie de sécurité et de défense, reprend une partie de ces propositions. Doté de 5 milliards d’euros, ce plan permettra de financer des activités de recherche, donc, de soutenir l’industrie européenne de l’armement.

Alors que le nouveau président américain semble rétrograder l’Europe dans la hiérarchie des priorités stratégiques des États-Unis, il est temps que les Européens se dotent d’une défense commune intégrée.

Le second défi concerne la croissance. Alors que nombre de citoyens reprochent, non sans raison, à l’Union européenne son orthodoxie budgétaire et ses politiques récessives, démontrons que l’Union dispose des leviers nécessaires à la relance de l’investissement et à la construction d’un véritable pilier social.

Saluons le doublement du plan Juncker, mais proposons d’aller plus loin en introduisant des conditions à l’accès aux garanties, notamment en faveur de l’embauche des jeunes.

Félicitons-nous des rallonges budgétaires pour 2017, de 500 millions d’euros pour l’emploi des jeunes et de 200 millions d’euros pour les programmes de soutien à la croissance. Soutenons la demande des États membres de créer un fonds commun pour la recherche.

S’il s’agit d’inflexions positives, le retour de la croissance nécessite plus. Pour augmenter les investissements, il faut un budget européen renforcé par des ressources propres assises sur l’impôt sur les sociétés et sur une taxe sur les transactions financières. Il convient également de renforcer l’Union économique et monétaire, de finaliser l’Union bancaire, de mettre en œuvre une gouvernance de la zone euro et une négociation pour un futur cadre financier pluriannuel plus ambitieux.

Plus de croissance, c’est moins de concurrence déloyale, c’est une réelle convergence fiscale et un projet social qui fixe un socle de droits sociaux pour lutter contre la course au moins-disant. Harmonisons la TVA, fixons un salaire minimum européen, luttons contre les fraudes au travail détaché qui minent la confiance des salariés, obtenons, comme le veut le Gouvernement, une rémunération équivalente des travailleurs détachés et des travailleurs du pays d’accueil, assurons-nous que les normes actuelles, comme l’accès à la sécurité sociale, s’appliquent aux nouveaux types d’emploi.

Dans le prolongement du succès de la Conférence de Paris sur le climat, menons aussi nos réformes au service de la transition énergétique.

L’Europe est à un tournant : la souveraineté partagée n’a pas suffi, ni à Schengen, pour construire une politique commune d’asile et d’immigration, ni à Maastricht, pour élaborer une politique économique européenne synonyme de croissance.

La politique des petits pas n’est plus adaptée ; elle se traduit par du « trop peu, trop tard » : il faut passer de la coopération et de la règle de l’unanimité à la réalité d’une véritable politique européenne. Ainsi convient-il d’aborder les questions institutionnelles, y compris les plus sensibles, en termes de transfert de souveraineté.

L’Union européenne a déçu, et bon nombre de ses citoyens s’en sont détournés. Aujourd’hui, à la veille de son anniversaire, soit elle se délite, soit elle décide d’être vraiment solidaire, d’agir pour l’intérêt général de ses peuples, de soutenir les jeunes et la transition écologique, de lutter vraiment contre l’évasion fiscale, d’accompagner la révolution numérique et d’élaborer une nouvelle doctrine de politique commerciale imposant la réciprocité et refusant l’Europe offerte.

L’Europe doit être recentrée autour des valeurs de citoyenneté, de solidarité, de lutte contre les inégalités et de défense des droits fondamentaux.

La soixantième année du traité de Rome est un rendez-vous d’étape pour enfin sortir des différentes crises européennes. C’est l’occasion à ne pas manquer pour réaffirmer les volontés, pour rappeler que c’est avec le citoyen et pour lui que l’Europe se construit. Avec l’Allemagne, la France porte l’immense responsabilité de faire bouger les lignes et nous comptons, monsieur le secrétaire d’État, sur votre engagement et sur celui du Gouvernement pour que ce sommet ouvre de nouvelles perspectives.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ordre du jour du prochain Conseil européen sera une nouvelle fois riche de sujets fondamentaux pour l’avenir d’une Europe toujours en grande difficulté.

Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, les chefs d’État et de gouvernement reviendront de nouveau sur la crise migratoire. Les chiffres des arrivées pour 2016 sont sans commune mesure avec ceux de 2015, mais ils restent à un niveau très élevé, en particulier pour ce qui concerne la route de la Méditerranée centrale.

Quant à la route de la Méditerranée orientale, elle demeure tributaire de notre relation avec la Turquie, laquelle ne cesse de se détériorer au fil des mois et de la dérive autoritaire d’Ankara. Alors que le président Erdoğan menace d’ouvrir en grand les frontières de son pays s’il n’obtient pas ce qu’il souhaite de l’Europe, il devient urgent que celle-ci soit capable de gérer les crises migratoires de manière autonome.

Rien ne permet à ce stade d’affirmer que tel soit le cas. En matière d’asile, par exemple, les difficultés liées à la réforme du système de Dublin ou le concept de « solidarité flexible » du groupe de Visegrád laissent perplexe quant à la capacité des États membres à développer une vision commune.

En matière de sécurisation des frontières également, les lacunes sont encore profondes. Le corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes a certes été mis en place en un temps record, ce dont nous nous réjouissons, mais celui-ci doit désormais faire ses preuves. Il devra surtout pouvoir s’appuyer sur une implication sans faille de tous les États membres.

Or, jusqu’à présent, celle-ci a fait défaut, en ignorant les enjeux, qu’ils soient strictement migratoires ou, plus largement, sécuritaires. Dans ce domaine, des progrès certains ont été réalisés à l’échelon communautaire. Toutefois, c’est avant tout des États que dépend la mise en œuvre des politiques et des décisions communes. C’est à eux de se saisir des outils européens qui leur permettront de renforcer leur coopération.

En particulier, le partage des informations contenues dans les fichiers de police et de sécurité est tout à fait crucial. Or nous constatons encore de trop fortes disparités à cet égard. Au-delà des améliorations à apporter à ces fichiers quant à leur accessibilité et à leur interopérabilité, il faut impérativement inciter les États à développer enfin une réelle culture du partage des informations et de la coopération opérationnelle qui est tellement essentielle.

Il en va de même pour la sécurité extérieure. La Commission européenne a récemment proposé un fonds européen de la défense, qui permettrait d’agir à la fois sur la recherche et les capacités. Mais cette initiative ne pourra prospérer, en particulier pour ce qui concerne son volet « capacités », que si les États membres se décident à engager des politiques d’investissement et d’acquisition à la fois communes et ambitieuses.

En matière de migrations comme de sécurité, une prise de conscience semble avoir eu lieu à l’échelle européenne. Elle doit désormais trouver dans chaque État membre un relais efficace pour répondre concrètement aux attentes extrêmement fortes de nos concitoyens.

Dans le domaine économique, j’évoquerai rapidement le fonds Juncker. Le doublement de sa durée et de sa capacité financière est très positif pour relancer l’investissement et favoriser la croissance et l’emploi. Son incidence économique, qui a été évaluée, semble aussi très positive.

Mais, dans un contexte économique toujours incertain, il faudra bien que les États membres assurent le relais de ce dispositif en mettant en place un environnement favorable à l’investissement, singulièrement en France, que ce soit par des réformes structurelles ou par la levée d’obstacles réglementaires.

Permettez-moi, mes chers collègues, d’aborder maintenant le sujet du Brexit, qui ne figure pas officiellement à l’ordre du jour des débats, mais dont il est prévu de discuter au cours du dîner – sacré menu !

Cette semaine, l’horizon s’est légèrement dégagé sur le front du Brexit. La stratégie britannique n’est pas encore claire, mais le calendrier est confirmé. Nous savons que l’article 50 du traité de Lisbonne sera mis en œuvre par le Royaume-Uni autour du 30 mars prochain.

La Haute Cour a contraint le gouvernement britannique à demander l’accord du Parlement pour mettre en œuvre cet article. Le Gouvernement, qui souhaite garder les mains libres, a fait appel devant la Cour suprême, laquelle délibère. Quelle que soit la position de celle-ci, il est clair que le gouvernement britannique ne craint plus, aujourd’hui, de passer devant le Parlement.

En effet, la semaine dernière, le parti travailliste a présenté une motion demandant que l’article 50 soit mis en œuvre fin mars 2017. Le Gouvernement a fait amender la motion, de sorte à faire déclarer aux députés qu’ils s’engageaient à « respecter le souhait exprimé par le Royaume-Uni lors du référendum du 23 juin ».

En contrepartie, le Gouvernement acceptait le butoir de fin mars, ainsi que la présentation au Parlement de sa feuille de route et de ses intentions sur la négociation à venir. La motion a été adoptée, avec 448 voix pour et 92 contre.

Bien qu’il ne s’agisse que d’une motion, sa signification est politiquement et symboliquement très forte. C’est un premier succès pour Mme May et le signe d’une réconciliation avec le Parlement qui ôte de la force à toute décision à venir de la Cour suprême. En effet, il sera difficile aux députés de revenir sur leur position au cours de l’examen du projet de loi qui leur sera soumis pour autoriser la mise en œuvre de l’article 50.

Deux autres dossiers évoluent favorablement, mes chers collègues.

Premièrement, Bruxelles évoque une négociation de dix-huit mois sur les modalités pratiques du divorce – ces modalités sont essentiellement financières.

Deuxièmement, l’idée d’un accord transitoire pour encadrer les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, après le divorce et avant un nouvel accord définitif, progresse.

En revanche, Bruxelles, qui est déterminée à maintenir la cohésion des vingt-sept États membres restants, maintient sa position de départ, qui consiste à n’accorder aucun accès au marché unique sans paiement d’un droit d’entrée et sans la contrepartie de la libre circulation des personnes.

Enfin, une très grande incertitude plane encore sur la future stratégie de négociation des Britanniques. Cette incertitude fait craindre un « hard Brexit », c’est-à-dire une sortie de l’Union européenne sans accord, sans accès au marché unique et sans union douanière.

Si l’on part sur la base d’un hard Brexit pour entamer les négociations, comme cela se profile aujourd’hui, il faudra considérer que Londres et Bruxelles sont gouvernées prioritairement par des considérations politiques, et non par leurs intérêts économiques bien compris.

Toutefois, l’absence de relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne n’étant pas concevable, vous me permettrez d’appeler solennellement de mes vœux la conclusion d’un accord, fût-il provisoire, sur la circulation des marchandises en libre-échange et sur une bonne coopération en matière de sécurité. Il s’agit de faire cesser l’incertitude !

Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais partager avec vous sur le Brexit, mais aussi sur les autres points à l’ordre du jour de cette réunion importante du Conseil européen. Comme l’orateur qui m’a précédée, je souhaite, sur ces dossiers, que des initiatives fortes puissent être engagées par ce couple qui nous manque tant depuis quelques années, le couple franco-allemand.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Europe est à un tournant, et il faudra bien que nous choisissions entre les tenants d’une Europe fédérale et ceux d’une Europe des nations, au sein de laquelle chacun respecte l’identité et la souveraineté des États voisins.

Les bien-pensants de la pensée dominante défendent une logique fédérale. Lorsque le peuple ou certains élus s’expriment pour formuler des avis divergents, ils sont immédiatement taxés de populisme. Sous couvert de défendre la démocratie, les tenants de la pensée unique veulent en réalité instaurer une véritable tutelle européenne sur les États.

Ils n’acceptent la démocratie que si le résultat des élections va dans leur sens. Ainsi, au Royaume-Uni, les électeurs, se sont prononcés pour le Brexit ; je trouve, pour ma part, que c’est très bien ! En Pologne, en Hongrie, ils se sont prononcés en faveur de gouvernements qui estiment qu’il faut parfois rétablir des frontières et maîtriser l’afflux d’immigrés – ceux-ci arrivent dans tous les sens, posant des problèmes immenses.

Comment les bien-pensants peuvent-ils d’un même geste donner des leçons de démocratie et se permettre de remettre en cause l’expression du suffrage universel ? Les Britanniques, les Américains qui ont élu M. Trump, les Polonais et les Hongrois qui ont élu leurs gouvernements respectifs n’auraient-ils pas le droit de s’exprimer, au motif qu’ils ne pensent pas comme les hérauts de la pensée dominante ? Je le dis, l’Europe, ça ne va vraiment plus !

Je me réjouis de certains votes intervenant un peu partout en Europe : petit à petit, le peuple se révolte. On l’injurie : les intelligents auto-proclamés le traitent de « bon à rien », de « populiste », d’« abruti ». « Il n’a rien compris », disent-ils ! Mais non ! Jour après jour, élection après élection, la pensée unique est désavouée.

Le plus bel exemple en a été, aux États-Unis, l’élection de M. Trump. Il est indécent que tous ces pro-européens, soi-disant défenseurs de la liberté et de la démocratie, et, parmi eux, des dirigeants européens, se soient permis de remettre en cause l’élection de M. Trump. Nous revient-il de juger ce qui se passe aux États-Unis ? D’une manière générale, comment ces soi-disant démocrates peuvent-ils avoir l’impudence de contester le résultat d’une élection ? C’est pourtant ce qui se passe pour les États-Unis, mais aussi s’agissant de M. Orban – je trouve pourtant que M. Orban a tout à fait raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

J’ai terminé, madame la présidente. La suite sera pour la prochaine fois…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen des 15 et 16 décembre prochains examinera les questions relatives aux migrations, à la sécurité, à l’économie et à la jeunesse, ainsi qu’aux relations extérieures.

Cette réunion du Conseil européen intervient alors que le budget européen pour 2017 vient d’être adopté, avec deux axes prioritaires : la question migratoire et le chômage.

Ce choix est révélateur des tensions qui traversent l’Union européenne, dans un contexte politique et économique difficile : la Cour suprême britannique débat du Brexit, le président du Conseil italien, Matteo Renzi, vient de démissionner après les résultats du référendum « anti-euro », la dette grecque doit, plus que jamais, être traitée de façon solidaire, la poussée des populismes inquiète et la question de la résolution de la vague migratoire pèse sur l’ensemble des pays de l’Union.

S’agissant de la réforme du régime d’asile européen commun et de la politique migratoire, le Conseil européen abordera la question de l’évaluation des cadres de partenariat pour les migrations et celle des pactes avec les pays africains ; il discutera des avancées législatives concernant le plan d’investissement extérieur et examinera la mise en œuvre de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie.

Permettez-moi, mes chers collègues, de consacrer quelques minutes à ce dernier sujet, qui pose la double question de la capacité de l’Union européenne à répondre avec responsabilité au mouvement migratoire et à ne pas brader les valeurs qui la constituent, face à un gouvernement brutal qui foule au pied l’État de droit tout en prétendant vouloir intégrer l’Union européenne.

Le rapport de la mission d’information du Sénat sur les conditions de la mise en œuvre de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, adopté à l’unanimité, rappelle que cet accord ne saurait constituer la réponse la plus appropriée aux migrations. Il est fragile, ambigu, ne répond que très partiellement aux difficultés rencontrées et, surtout, permet au président Erdoğan de se livrer à un chantage permanent face à ceux qui lui reprochent sa politique d’extrême répression de toute forme d’opposition.

Si l’accord peut, à la rigueur, répondre à une situation de crise – il a permis de freiner momentanément les déplacements de population –, il est loin de répondre à un mouvement migratoire pérenne, qui sera de plus en plus alimenté par la démographie, le réchauffement climatique, l’économie, les guerres ou les répressions politiques.

C’est pourquoi le rapport de la mission d’information recommande que l’Union européenne se dote rapidement des outils lui permettant d’anticiper et de gérer un phénomène migratoire qui est durable et structurel, mène une politique partenariale ambitieuse avec les pays d’origine et de transit et ouvre de nouvelles voies légales de migration dans les États membres. Il n’est pas acceptable, en la matière, de se limiter au renforcement de la protection des frontières extérieures.

L’Union européenne doit s’emparer de ces questions et les intégrer à sa politique extérieure, afin d’œuvrer à la résolution et à la prévention des crises entraînant les flux migratoires. Le drame que vit aujourd’hui la population civile d’Alep montre combien l’action de l’Union européenne, sur ces sujets, est inopérante.

Que penser, en outre, des relations qu’entretient l’Union avec la Turquie ?

Bien sûr, il nous faut condamner l’attentat d’Istanbul, comme tous les autres, de même que la tentative de coup d’État, avec la plus grande fermeté. Mais ces événements permettent-ils de justifier le déplacement forcé de 500 000 Kurdes turcs et la destruction ou confiscation de leurs biens, lesquels viennent d’être révélés par un rapport d’Amnesty International ? Permettent-ils d’accepter que 40 000 personnes aient été placées en détention, 1 125 associations, 35 hôpitaux, 15 universités, 19 syndicats et 934 écoles dissous ou fermés ? L’armée, l’éducation nationale et la justice sont particulièrement visées, et 80 000 fonctionnaires ont été suspendus ou révoqués, dont la moitié dans l’éducation nationale.

Plusieurs députés et dirigeants du HDP, le parti démocratique des peuples, ont été emprisonnés ; 37 conseils municipaux, dont 26 dans des localités kurdes, administrés par le HDP ont été démis de leurs fonctions, les maires emprisonnés et remplacés par des administrations placées sous le contrôle de l’AKP. Plus de 2 700 mandats d’arrêt ont été émis à l’encontre de juges et de procureurs. La Turquie détient aujourd’hui le triste record mondial du nombre de journalistes poursuivis et emprisonnés.

L’Union européenne reste bien silencieuse ! Certes, le Parlement européen a demandé la suspension de la procédure d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, mais cette dernière devra faire preuve de bien plus de fermeté si elle ne veut pas perdre toute crédibilité sur la scène internationale. Il n’est pas bon de laisser croire qu’elle a troqué le rejet d’êtres humains migrants contre une cécité coupable à l’égard d’une répression extrême et intolérable qui se développe aux portes de l’Europe.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si la question migratoire ne fait plus quotidiennement la une de l’actualité, elle demeure néanmoins, sur le terrain, une réalité préoccupante ; il n’est donc pas surprenant de la retrouver à l’agenda de l’Union européenne.

La feuille de route jointe à la déclaration de Bratislava rappelle un certain nombre d’objectifs à atteindre, réaffirmés à l’occasion de la dernière réunion du Conseil européen, parmi lesquels celui de prévenir la réapparition des flux incontrôlés qui se sont succédé depuis 2014.

Dans cette perspective, un certain nombre de mesures concrètes ont été mises en œuvre, tardivement certes, mais regardons plutôt, aujourd’hui, ce qui a bien marché.

D’une façon générale, si l’on s’en tient aux chiffres, on peut dire que l’Union européenne, aidée par la Turquie, a réussi à freiner la pression migratoire sur ses côtes : en Méditerranée orientale, entre la Turquie et la Grèce, on est passé d’environ 2 000 arrivées par jour à moins de 80. L’accord entre l’Union européenne et la Turquie du 18 mars dernier a donc permis d’opérer une déflation des flux, même si ceux-ci restent importants en Méditerranée centrale.

Dans le cadre de cet accord, la réinstallation des Syriens en Europe semble bien fonctionner, avec trois fois plus de personnes réinstallées que de migrants renvoyés depuis les îles grecques. Cependant, si l’on évalue d’un point de vue global la politique européenne de réinstallation menée depuis 2013, force est de constater que le seuil de 22 504 personnes défini au mois de juillet 2015 est loin d’être atteint. La dernière réunion du Conseil avait appelé à amplifier les efforts. Il faut tenir nos promesses, sachant surtout que, l’année dernière, le Canada a déjà intégré 25 000 Syriens et les Américains 85 000.

La maîtrise des flux, c’est avant tout, mes chers collègues, la surveillance des frontières communes de l’Union européenne et le maintien de l’espace Schengen – nous en reparlerons. Par-delà la seule gestion quantitative du problème migratoire, la mise en œuvre du système ETIAS, ou système européen d’autorisation et d’information de voyages, va permettre un meilleur filtrage des entrées, indispensable dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Nous pouvons également nous féliciter de la création du corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes, qui a enfin vu le jour le 6 octobre dernier. Les moyens financiers et humains de la nouvelle agence FRONTEX vont progressivement augmenter, la France contribuant honorablement à la construction de cet outil.

Mais le travail de l’agence n’a de sens que si, dans le même temps, l’Union européenne a la capacité juridique de traiter la question des migrants au-delà de leur contrôle, de leur accueil ou de leur éventuel refoulement. Je pense notamment au droit d’asile, dont nous souhaitons une meilleure harmonisation à l’échelon européen. Le 13 juillet dernier, la Commission européenne a présenté le nouveau « paquet asile » ; mais, de la Suède à l’Autriche, la tradition d’accueil des réfugiés n’est pas tout à fait la même. Il me semble difficile d’aboutir, à terme, à une véritable uniformisation, ce qui n’empêche pas cependant d’instaurer quelques règles devant être respectées par tous les États.

À cet égard, s’agissant de la convention de Dublin, la décision, prise par la Commission européenne la semaine dernière, de rétablir son fonctionnement normal ne doit pas empêcher un débat sur un mécanisme qui fait actuellement peser la charge sur un nombre limité d’États membres.

Lors de la prochaine réunion du Conseil européen sera également évoqué l’état des négociations devant mener à la conclusion de pactes avec les pays africains choisis. Il est bien évident que la gestion des flux migratoires doit se faire en relation avec les pays de départ, comme cela a été rappelé l’année dernière lors du sommet de La Valette.

Le RDSE partage l’idée que l’Union européenne doit, en la matière, adopter une approche stratégique, dans le cadre de partenariats avec des pays tiers, sous réserve que la coopération avec quelques pays africains choisis dans la lutte contre les migrations ne remette pas en cause notre tradition d’accueil des réfugiés.

Mes chers collègues, globalement, les mesures mises en œuvre par l’Union européenne vont dans le bon sens ; mais nous ne saurions oublier que, derrière les pics exceptionnels de migration, se dessine un phénomène durable. L’Union européenne sera toujours sous la pression de tous ceux qui n’ont aucune perspective ni aucun avenir chez eux.

Aussi, c’est presque sans transition que j’aborde le volet économique de ces débats ; l’Union européenne, en effet, sera d’autant plus accueillante qu’elle aura les moyens économiques d’offrir un avenir à ceux qui n’ont plus rien.

Sur le front de la croissance, on observe un redressement de la zone euro, mais le rythme de cette amélioration reste très modéré.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler lors du dernier débat préalable à la réunion du Conseil européen, l’action économique de l’Union européenne doit s’orienter selon trois axes.

Le soutien à la croissance est bien entendu une première nécessité ; de ce point de vue, le plan d’investissement, dit plan Juncker, a rempli son rôle, même s’il ne peut pas tout. Depuis 2015, l’investissement a repris, et cette hausse devrait se poursuivre en 2017. Certes, il est difficile, à ce stade, de mesurer les effets macroéconomiques de ce redécollage de l’investissement, mais près de 14 000 petites et moyennes entreprises, dans 26 États membres, bénéficieraient des financements du Fonds européen pour les investissements stratégiques. Peut-être pourrez-vous nous transmettre, monsieur le secrétaire d’État, des indications sur les effets en France de cette politique de soutien à l’investissement ?

Deuxième axe : la poursuite de la coordination des politiques économiques et budgétaires – c’est un objectif des différents traités.

J’en conviens, s’agissant des politiques budgétaires, nous avons progressé, avec l’instauration du semestre européen. Mais si la convergence comptable est une chose, l’harmonisation des règles en est une autre. Sur les plans fiscal et social, on a souvent regretté les conséquences de la concurrence intra-européenne. Aujourd’hui, les choses progressent certes lentement, mais on peut se réjouir de l’avancée de dossiers comme ceux de la nouvelle proposition d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, ACCIS, ou de la révision de la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, même si les désaccords entre États membres ne sont pas tous éteints.

Enfin, mes chers collègues, le troisième axe que je souhaite évoquer est celui de la protection du marché européen, au moment où celui-ci est clairement menacé. Ce débat, nous l’avons eu dans le cadre des discussions liées au CETA, l’accord économique et commercial global, et au TTIP, le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ; nous avons souvent déploré, dans ce contexte, la faiblesse de l’Union européenne.

On peut pourtant observer un changement de paradigme, illustré par la position de l’Europe à l’égard de la Chine. En effet, Pékin ne bénéficiera pas, dans le cadre de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, du statut d’économie de marché qui devait lui être reconnu le 11 décembre dernier. Sans appeler au protectionnisme, qui n’est bon pour personne, l’Union européenne n’a pas intérêt à voir déferler sur son marché des produits qui pourraient lui coûter 2 % de croissance.

Mes chers collègues, la prochaine réunion du Conseil européen sera la dernière d’une année qui aura vu l’un des membres de l’Union, le Royaume-Uni, se détourner du projet européen. D’autres États membres sont tentés par le repli, comme l’indique la montée en leur sein des mouvements populistes et eurosceptiques. Comme il est mentionné dans la déclaration de Bratislava, « l’Europe n’est pas parfaite mais c’est le meilleur instrument dont nous disposons pour relever les nouveaux défis ».

Tâchons, alors, de lui donner du sens, afin de rétablir la confiance de tous nos concitoyens européens. Nous n’avons pas le choix : la solution à nos crises passe par l’Europe, par plus d’Europe, et surtout par « mieux d’Europe » ! Oui, l’Europe reste notre meilleure protection, et devrait être en même temps notre rêve commun !

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe UDI-UC.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une nouvelle fois, la commission des affaires européennes du Sénat nous donne l’occasion de débattre en amont de la réunion du Conseil européen qui clôturera l’année 2016. Si nous y associons la réunion informelle des vingt-sept dirigeants, c’est le dernier temps fort d’une année faite de rebondissements pour l’Union européenne.

Si le Grexit a largement vampirisé les débats en 2015, le Brexit a pris le relais en 2016, dans un contexte toujours plus tendu, lié notamment à la crise migratoire et au terrorisme, cela sur fond d’instabilité politique générale, entre la menace de l’accession de l’extrême droite à la présidence autrichienne, l’éviction de Matteo Renzi en Italie, l’élection de Donald Trump aux États-Unis et la poursuite du conflit en Syrie.

Dans ce contexte, l’Europe et ses dirigeants poursuivent leur chemin : le chemin vers la dislocation. J’ose le dire, mes chers collègues : la dislocation ! Nous n’avons jamais tant parlé d’Europe que depuis qu’elle va de mal en pis, et je le regrette, comme tous les membres du groupe UDI-UC, lequel, vous le savez, a l’Europe chevillée au corps.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Pour autant, aucune solution politique forte ne se dégage aujourd’hui. Bien sûr, aucune n’est évidente.

S’agissant de la crise migratoire qui fragilise l’équilibre des dispositifs assurant la libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen, elle ne pourra trouver que des réponses complexes et multiples au sein de l’Union européenne, aux portes de l’Union, mais aussi sur les continents africain et asiatique, meurtris par les guerres et l’instabilité politique.

Néanmoins, sur certains terrains, nous disposons de davantage de marges de manœuvre, à court terme. Le renforcement de la coopération avec la Turquie, dont il a été pris acte au printemps, a constitué une avancée considérable ; mais je pense qu’il faut aller plus loin. Pour limiter les flux, la Turquie doit désormais aligner sa politique de visas sur celle de l’Europe, et cesser d’accorder des exemptions de visas aux ressortissants étrangers musulmans.

Cependant, mes chers collègues, il est une réalité : les relations entre Bruxelles et Ankara se détériorent de jour en jour, et le président turc n’hésite pas, notamment, à verser dans le chantage à l’ouverture des frontières. La diplomatie est certes affaire d’équilibre, mais l’apaisement des relations ne peut se faire à n’importe quel prix, et je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, d’être intransigeant sur le respect des droits de l’homme, bafoués au quotidien, depuis des mois, par le président Erdoğan.

Mme Marie Mercier et MM. Loïc Hervé, André Gattolin et Bernard Fournier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Un autre levier pourrait être actionné à l’échelle européenne, avec des effets à moyen terme : il est à mon sens indispensable, monsieur le secrétaire d’État, que nous nous dotions rapidement d’une politique commune de l’asile et que les contrôles aux frontières Schengen soient renforcés, via la création d’une véritable police des frontières.

Ce sont là des pistes parmi d’autres ; certes, aucune n’est simple, toutes sont techniques. Mais au-delà des mesures techniques, c’est bien une réponse politique qu’il faut apporter à la crise des migrants.

Le constat est le même s’agissant de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme : à quand une coopération pleine et entière entre les États membres en matière de sécurité extérieure et de défense ?

Je veux à ce propos souligner le travail efficace de notre collègue Yves Pozzo di Borgo, qui a soutenu une résolution européenne sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune. Cette résolution a fait son chemin jusqu’à Varsovie, au sommet de l’OTAN ; elle a trouvé un écho récent, le 14 novembre dernier, dans la déclaration des ministres de la défense.

Le problème est toujours le même : seule la volonté politique nourrit le changement ; or, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes loin, très loin, de l’Europe politique !

Les preuves sont nombreuses, mais la gestion du Brexit, avant et après le vote des Britanniques, a révélé à quel point l’Europe manque cruellement de pilotage politique. Nous attendons sur ce sujet des avancées concrètes, à l’issue de la réunion informelle dédiée à cette question des vingt-sept dirigeants européens.

L’actuel statu quo, en effet, n’est plus supportable. Or je crains fort, monsieur le secrétaire d’État, que l’agenda électoral du couple franco-allemand, à supposer que ce dernier existe encore vraiment, ne mette l’Europe encore plus à mal. De fait, la situation politique est gelée dans ces deux pays d’ici aux élections générales, qui n’ont pourtant lieu qu’en mai et juin en France, et en septembre en Allemagne. Autrement dit, une longue année nous attend, au cours de laquelle aucune décision courageuse ne pourra être envisagée pour l’Europe. Mais le monde ne s’arrête pas de tourner pendant que la France et l’Allemagne renouvellent leur personnel politique !

L’Europe est aujourd’hui à un nouveau tournant de son histoire, un entre-deux qui explique qu’elle suscite fascination et rejet, qu’elle nourrisse espoirs et frustrations.

L’Europe unie est le seul vecteur d’une autre mondialisation, plus progressiste et plus humaniste. L’Union européenne a besoin d’un nouveau projet, d’une nouvelle étape : celle de l’intégration politique. C’est la condition pour répondre aux crises que nous traversons et pour faire de l’actuelle Europe, simple entité économique, une Europe puissance, capable de peser dans les affaires du monde.

La seule manière de sauver l’Europe et de lui donner, véritablement, du sens, c’est de la sortir du gué dont elle peine toujours plus à s’extraire. Il devient urgent de poser les bases d’une véritable Europe politique.

Or, dans cette perspective, monsieur le secrétaire d’État, il faut se dégager de l’enlisement dans lequel nous nous trouvons. Aussi, je souhaite connaître votre position sur les conditions de la sortie du Royaume-Uni. Il faut, à mon sens, faire preuve de la plus rigoureuse des vigilances pour ne pas céder au chantage des Britanniques, qui, depuis l’origine, ne cessent de vouloir nous imposer leur calendrier et leurs conditions.

Par ailleurs, je tiens à vous interroger à propos d’un tout autre théâtre : quelles mesures envisagez-vous pour mettre un terme aux crimes de génocide perpétrés en Syrie ?

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette réunion de fin d’année du Conseil européen risque fort d’être expéditive : exceptionnellement, elle ne durera en fait qu’une seule journée.

Au terme de cette réunion raccourcie, rabotée, pour ne pas dire amputée – son ordre du jour est pourtant, comme toujours, pléthorique –, nul doute que le Conseil européen laissera toute latitude aux techniciens de la Commission et des États membres pour qu’ils puissent s’en donner à cœur joie.

L’Europe est en crise politique, institutionnelle et démocratique, mais surtout ne changeons rien, docteur Folamour !

Ainsi, à l’aube de l’année 2017, l’Europe bute notamment sur deux dossiers explosifs : le Brexit, naturellement, apparu en cours d’année, dont les contours et le calendrier demeurent encore des plus flous, et la crise des réfugiés qui s’éternise et s’aggrave, en particulier au sud de l’Europe.

Par manque de temps, je me concentrerai essentiellement sur ce dernier sujet.

En la matière, plusieurs axes de la politique européenne seront évoqués lors de cette réunion du Conseil.

Sera d’abord abordée la question des pactes avec les cinq pays africains que sont l’Éthiopie, le Mali, le Niger, le Nigeria et le Sénégal, dans la continuité du plan d’action adopté en 2015 au sommet de La Valette sur la migration qui a réuni les chefs d’État et de gouvernement européens et africains.

En échange d’une politique migratoire ferme et de retour des migrants illégaux, ainsi que d’une surveillance accrue des frontières, l’Union européenne s’engage à renforcer la coopération économique avec les États concernés. Le premier accord a d’ailleurs été signé dimanche dernier avec le Mali.

Le groupe écologiste soutient évidemment le renforcement de la politique d’aide au développement aux pays les plus pauvres, mais pas dans le cadre d’un mélange des genres des plus douteux qui amène à attacher aussi sommairement aide au développement et contrôle migratoire. Ces accords constituent d’ailleurs une première un peu inquiétante dans la politique européenne d’aide !

Rappelons que l’objet de la coopération au développement, telle qu’elle est inscrite dans les traités européens, est la réduction de la pauvreté, et non la gestion internationale de la migration ou la protection de nos frontières extérieures !

Vouloir s’attaquer aux racines des causes migratoires est un objectif fort louable. Mais, monsieur le secrétaire d’État, la méthode utilisée est-elle vraiment la bonne ? N’aurait-il pas été préférable de lier cette aide au respect des droits humains et à la lutte contre la corruption ?

N’oublions pas que la plupart des régimes africains concernés sont connus pour être instables, loin de briller par leur respect des droits humains, et trop souvent gangrénés par une corruption endémique.

Il n’y a qu’à regarder du côté de l’Éthiopie. Au début du mois de septembre, la Commission européenne a dû démentir l’information selon laquelle Addis-Abeba recevait directement de l’argent du Fonds fiduciaire d’urgence en faveur de l’Afrique. Elle l’a fait sous la pression des organisations non gouvernementales, les ONG, à la suite de la répression sanglante de manifestants par les forces de l’ordre. Et, voilà à peine dix jours, après l’arrestation arbitraire d’un opposant politique, la Commission est enfin sortie de son silence pour dénoncer les exactions du gouvernement éthiopien.

Au passage, la philosophie de ces cadres de coopération est quasi identique à celle qui a guidé l’accord controversé conclu au mois de mars dernier avec la Turquie. Et, que ce soit en Éthiopie ou en Turquie, l’Union européenne semble prête à fermer les yeux sur les violations des droits humains. Si la Commission européenne se réjouit des retombées de cet accord, qu’elle se rende bien compte que la mise en œuvre sera en l’espèce bien différente !

L’envers du décor de ce pacte avec la Turquie cache d’ailleurs une réalité plus qu’inquiétante. Certes, les arrivées se sont taries. Mais le nombre de migrants, tassés sous des tentes de fortune sur les îles grecques, est toujours aussi alarmant. De plus, les retours vers la Turquie s’élevaient à la fin du mois de septembre à 578, loin de l’objectif affiché de 14 000.

Ces difficultés de mise en œuvre tiennent à plusieurs raisons.

Malgré l’envoi d’une quarantaine d’experts nationaux de l’asile de toutes les parties de l’Europe, la Grèce reste sous-équipée pour traiter toutes les demandes. Et, fait plus marquant, les officiers grecs de l’asile ont refusé de renvoyer en Turquie un certain nombre de migrants, estimant à juste titre que le pays n’était pas sûr, et ce, malgré une position contraire du Parlement grec.

Nous avons là une bombe à retardement que nous avons créée en déléguant nos responsabilités en matière d’asile et de migration à des pays tiers n’offrant que peu de garanties de respect des droits de l’homme.

À défaut de solidarité et au mépris des valeurs inscrites dans nos traités fondateurs, nous nous sommes surtout focalisés sur une gestion extérieure et souvent coercitive de la crise, ainsi que sur la protection de nos frontières extérieures.

Nous sous-estimons aussi une autre bombe à retardement sur la route de la Méditerranée : celle de l’Italie ! La situation de ce pays en matière de migration est dramatique.

M. le président de la commission des affaires européennes et moi-même faisions partie de la délégation qui est rentrée d’Italie cet après-midi. Nous avons pu rencontrer les responsables politiques, mais aussi les responsables des Nations unies chargés des réfugiés.

Aujourd'hui, ce point n’est même pas à l’ordre du jour du Conseil européen à venir. Quelle est la situation en Italie ? Cette année, 180 000 migrants au moins y sont arrivés, battant le triste record de l’année 2014 de 170 000 migrants. Le chiffre a explosé. Les conditions d’accueil sont insupportables. Au cours des quatre dernières années, 600 000 à 700 000 personnes sont arrivées dans ce pays.

On se targue, on se félicite, on se gargarise à l’envi de l’incroyable effort européen qui est fait pour renforcer l’agence FRONTEX ou l’opération Triton. Mais de qui se moque-t-on ? Qui paie cette solidarité ?

Qui assume le sauvetage en mer sur les larges côtes italiennes et, au-delà, dans leur zone économique, alors qu’il est de la responsabilité du droit international de venir en aide aux personnes en danger de mort ? C’est à 60 % l’Italie, à 25 % les ONG, et à 10 % ou 15 % à peine l’agence FRONTEX ! Voilà la réalité.

Qui paie pour l’accueil des migrants ? C’est à 80 % l’Italie seule ! Cette année, cela lui coûtera 1, 5 milliard d’euros, après 1, 3 milliard d’euros l’an dernier !

Dans quel monde vivons-nous ? Sommes-nous proches de nos voisins ? Aidons-nous l’Italie ? Non ! C’est : « Débrouillez-vous ! Assurez vous-mêmes les frontières ! »

Nous discutons avec M. Stéphane Jacquemet, responsable du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés pour l’Europe du Sud ; je parle sous le contrôle de mon collègue René Danesi, qui faisait partie de notre délégation. Nous avons de quoi être inquiets, et pas seulement à cause de ce qui se passe en Italie ou de la situation des migrants. Nous devrions nous inquiéter de nous-mêmes, de ce que nous sommes et de ce que nous prétendons représenter.

La réalité, c’est que les routes de la migration sont aujourd'hui fermées. En Italie, ce ne sont plus 180 000 personnes qui passent pour traverser la France ou aller au Royaume-Uni ; cette année, sur ces 180 000, 100 000 ont demandé l’asile, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à l’année précédente !

Nous pouvons parler de solidarité, nous gargariser, dire que le Conseil européen avance… Mais tout est inquiétant.

Je terminerai en évoquant la situation à Alep, car c’est le pire. Les gens qui sont massacrés individuellement, collectivement, familialement à Alep, ce sont ceux qui ne peuvent pas partir, ceux qui sont bloqués, parce qu’ils sont trop pauvres. Les seuls biens qui leur restent, c’est leur bout de toit. On est en train de les laisser massacrer.

La formulation de l’ordre du jour du Conseil européen est un scandale. On évoque de manière sibylline « la situation avec les autres pays », en faisant une référence à la Russie. Car on ne veut pas mettre en cause la Russie… Cela va être comme la Turquie. Les Russes vont être nos meilleurs alliés, nos « policiers de l’Europe », tandis que notre Europe, dans ses valeurs démocratiques, s’effondrera !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Michel Billout s’étant exprimé sur les sujets qui sont inscrits à l’ordre du jour du prochain Conseil européen, je centrerai pour ma part mon propos sur un autre thème.

Hier, au cœur de l’Europe, s’ouvrait le procès en appel des lanceurs d’alerte Antoine Deltour et Raphaël Halet.

Il est reproché à ces deux lanceurs d’alerte d’avoir dévoilé des accords fiscaux secrets consentis à de grandes multinationales, accords qui ont eu pour conséquence de faire perdre des milliards d’euros à tous les partenaires européens du Luxembourg. Rappelons-le, l’évasion fiscale coûte chaque année 1 000 milliards d’euros au sein de l’Union européenne. Ce montant, qui manque aux budgets des États, représente presque six fois le budget annuel de l’Union européenne. C’est autant d’argent qui pourrait servir pour une Europe solidaire, une Europe du progrès social.

Nous avons tous entendu les discours très volontaristes de M. Juncker sur le sujet.

Les révélations permises par les découvertes d’Antoine Deltour ont mis en évidence la faiblesse du taux d’imposition dont ont pu bénéficier les grands groupes : 2 % ou 3 %. Nous sommes très loin des 29 % qui sont censés être réclamés par l’administration du Grand-Duché.

Antoine Deltour a expliqué plus tard qu’il n’avait pas d’idée précise de ce qu’il pourrait faire de ces informations, déclarant : « Je n’ai jamais été un militant. » Non, visiblement, il s’agissait juste de civisme, de dénoncer une pratique qui le choquait.

L’affaire LuxLeaks a provoqué un véritable séisme, comme cela fut le cas après les Panama Papers, les affaires OffshoreLeaks, UBS, HSBC, ou encore Cahuzac. Décidément, oui, les affaires se suivent et se ressemblent !

Monsieur le secrétaire d’État, un rapport récent publié par de nombreuses ONG internationales le 15 novembre dernier et qui associe en France les associations CCFD Terre Solidaire et Oxfam France met en évidence la progression spectaculaire du nombre de rescrits fiscaux dans les mois qui ont suivi l’affaire LuxLeaks. Ce nombre, étant de 547 en 2013, puis de 972 en 2014, a atteint finalement 1 444 à la fin de 2015, soit une augmentation de 160 % entre 2013 et 2015. Les hausses les plus fortes sont constatées en Belgique, 248 %, et au Luxembourg après le scandale LuxLeaks, 50 % en un an.

Le projet européen solidaire et social auquel les peuples aspirent est miné par cette compétition fiscale sans fin qui prive les États des ressources qui leur permettraient de répondre aux besoins des peuples.

Il est urgent d’avancer dans le chantier de l’harmonisation fiscale par l’assiette et par les taux, d’une part, par la transparence des grands groupes, d’autre part. Faute d’engager cet immense chantier, nous pouvons craindre les pires replis, l’exacerbation des tensions, un accroissement d’une forme de désespérance qui peut mener, chacun le sait, aux pires excès.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons l’impression que si le chantier de la construction de l’Union européenne avait commencé par l’harmonisation fiscale et sociale voilà soixante ans, nous y serions aujourd'hui, avec un autre horizon. Mais, comme l’aurait dit Paul Éluard, le passé est « un œuf cassé », et l’avenir « un œuf couvé » !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous nous pardonnerez cette sortie d’agenda, mais la préoccupation relative à la situation des lanceurs d’alerte est une constante dans nos interventions. Le groupe CRC, par la voix de mes collègues Patrick Abate et Jean-Pierre Bosino, s’est saisi de ces sujets lors de l’examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ou du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Compte tenu de l’actualité, le débat européen était une belle occasion d’évoquer une nouvelle fois une telle thématique.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous rentrons de notre mission annuelle à l’ONU, où nous avons rencontré une dizaine d’ambassadeurs des grands pays. Or depuis que je fais de la politique, je n’ai jamais vu une situation internationale aussi dégradée.

Le Conseil européen va se tenir à un moment où la menace de désordre mondial est généralisée. Je ne crois pas que nous prenions celle-ci suffisamment au sérieux.

Les foyers d’explosion sont multiples. L’horreur d’Alep, ce n’est pas l’horreur d’une crise locale ; c’est l’horreur d’une stratégie visant à faire en sorte de terminer cette guerre pour que des vainqueurs soient désignés à la mi-janvier. L’objectif, c'est que, à cette date, quand le président Trump s’installera, il ait en face de lui une coalition ayant gagné cette guerre du Levant, c'est-à-dire une coalition autour de Bachar al-Assad, avec, d’un côté, la Russie et, de l’autre, l’Iran !

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La situation est d’une extrême gravité. Outre les multiples foyers d’explosion, il faudrait mentionner tous les foyers que l’Histoire nous a montrés ; parfois, ce sont tout simplement des foyers de stupidité.

Regardons aujourd'hui le monde ! Voyons ce qui se passe au Levant ou en Libye ! Songeons aux menaces qui pèsent sur ce pays frère – je dirais même ce peuple frère – qu’est la Tunisie ; cette jeune démocratie est la première cible de l’État islamique. L’Ukraine, la mer de Chine, le Soudan ou le Mali sont autant de foyers d’explosion mondiale.

Contrairement à ce que l’on nous dit, il n’y a pas une crise des réfugiés. Ce que certains appellent la « crise des réfugiés », c’est d’abord la crise de la guerre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Il faut bien voir où est le mal. Le mal, ce n’est pas le réfugié ; le mal, c’est la guerre ! Pour nous, c’est cela le plus grave !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Dans ce contexte, le monde s’arme de plus et plus, et les tensions se multiplient.

Et, pendant ce temps, M. Trump remet en cause les trois bonnes nouvelles que nous avaient apportées les mois précédents : l’accord de Paris, dans le cadre de la COP21 ; l’accord nucléaire avec l’Iran ; la nomination d’un nouveau secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui, pour nous, avait toute pertinence pour assumer cette fonction.

M. Trump veut remettre en cause l’accord de Paris, remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien et court-circuiter l’ONU, qui ne servirait à rien. Si on supprime le multilatéral, on supprime le dialogue, et on a toutes les chances d’aller un jour ou l’autre au conflit !

Alors que les tensions se multiplient, tout le monde construit, tout le monde invente son Europe ! Nos amis chinois, qui pensent à la route de la soie, ont choisi seize pays européens avec lesquels ils vont investir. Nos amis russes, qui, pensant à l’Europe, ont tendance à confondre l’Europe avec l’OTAN, redessinent l’Europe qui leur convient. Et M. Trump, lui, ne veut pas entendre parler de l’Union européenne ; il veut seulement des pays européens amis des États-Unis, et il constitue son Europe.

Tout le monde dessine l’Europe depuis le Brexit, sauf les Européens ! Tout le monde pense l’Europe, son Europe, mais nous, nous ne nous pensons pas à notre Europe !

Tel le contexte dans lequel il faut appréhender ce Conseil européen. Nous le voyons, la situation est extrêmement grave et il nous faut aujourd'hui réagir.

Nous devons penser l’Europe de demain ! C’est ce que fait le Sénat. Avec la commission des affaires européennes, au sein de la commission des affaires étrangères, nous essayons de penser la refondation européenne.

Il va de soi que la refondation ne pourra pas s’y limiter, mais l’Europe de la défense est essentielle.

Monsieur le secrétaire d’État, nous apporterons des contributions, sans doute à la fin du mois de février. Le sujet est extrêmement difficile. Mais c’est tout de même notre première responsabilité. Nous n’allons pas laisser les autres penser l’Europe à notre place !

Nous espérons que le Conseil européen ne nous décevra pas. Les trois derniers qui ont été consacrés à la défense au cours de ces quatre années nous ont plutôt déçus.

Cependant, le plan d’action présenté par la Commission le 30 novembre va dans le bon sens. D’ailleurs, il s’inspire d’un rapport remis par nos collègues de la commission des affaires étrangères : en 2013, Jacques Gautier, André Vallini, Daniel Reiner et Xavier Pintat ont défini un certain nombre de principes que l’on retrouve dans le plan d’action européen. Je pourrais également évoquer la résolution qui a récemment été votée sur ces sujets.

Il y a des bonnes perspectives. Le fonds européen de défense s’inspire – je l’espère, et je pense que c’est positif – de la proposition qu’avait formulée en son temps Thierry Breton. Le semestre européen de défense est, je le crois, une étape aussi importante ; nous pouvons saluer ce signal. Les fonds structurels et d’investissement sont un élément essentiel pour nos industries de défense. Si nous devons renforcer ces industries, ce n’est pas pour faire la guerre ; c’est pour faire la paix. Revenons aux sources de notre stratégie de dissuasion. Les pôles régionaux d’excellence constituent aussi un signal positif.

De notre côté, il y a l’accord franco-allemand de 2016. Et nous voulons faire avancer cette idée, même si cela prendra évidemment du temps. C’est une sorte de Lancaster House élargi. Nous ne voulons pas couper les liens avec le Royaume-Uni en matière de défense ; nous en avons besoin pour notre propre défense. Il faudra sans doute associer d’autres pays.

De même, nous pouvons, me semble-t-il, nous réjouir de la compréhension qu’il commence à y avoir sur la nécessaire complémentarité entre l’OTAN et l’Europe. Ce n’est évidemment pas parce que nous voulons défendre des positions sur l’OTAN qu’il faut abandonner les ambitions européennes de défense !

À mon sens, c’est le sujet majeur pour nous. Nous devons bien mesurer que nous avons besoin d’un effort de défense. Mais cet effort doit s’inscrire dans une ambition de paix ! Souvenons-nous comment la force de dissuasion française a été créée, comment nous avons fait en sorte que ce pays fasse des efforts financiers considérables pour sa défense ! Mais « sa défense », cela ne signifie pas la guerre !

On entend prononcer le mot « guerre » à tout bout de champ : guerre des religions ; guerre des civilisations ; guerre des monnaies. Comme si la guerre devenait banale…

Ce qui est au cœur de la construction européenne, ce qui fait que l’Europe aura toujours une légitimité plus forte que le reste, c’est son combat pour la paix !

Aujourd'hui, nous avons plus que jamais besoin d’un continent qui se lève pour dire : « Ce que nous voulons, c’est la paix ! » Cela ne nous empêche pas, au contraire, de vouloir nous protéger ou d’investir dans la défense, puisque nous avons une conception dissuasive de la défense et de l’effort militaire. Mais cet effort-là, nous le voulons pour la paix.

Depuis le temps que je fais de la politique, c’est la première fois que je pense à mes petits-enfants en me demandant : « Dans quel monde vont-ils vivre ? » C’est la première fois que nous pouvons nous dire que nous ne sommes pas assurés de la paix, car la menace est multiple.

La paix est très importante. Elle passe évidemment par le combat européen, puisque c’est son essence. Elle passe aussi par un effort de défense, car c’est la protection que nous devons assumer.

Nous sommes dans un moment de gravité. L’Europe doit trouver sa place. Puisqu’elle cherche sa refondation, c’est sans doute dans la gravité qu’elle est la meilleure !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous avez été très convaincant, monsieur Raffarin !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen se réunira dans un contexte difficile. Beaucoup de nuages se sont accumulés dans le ciel européen. Les forces centrifuges se développent à un moment où l’Europe aurait, au contraire, besoin de cohésion, d’ambition et de réactivité face aux défis qu’elle doit affronter collectivement. M. le président de la commission des affaires étrangères nous en a donné de nombreux exemples. C’est dire l’importance des sujets qui sont inscrits à l’ordre du jour.

Je commence mon propos en évoquant les migrations. L’Europe a subi de plein fouet la crise des réfugiés, faute d’avoir pris les dispositions préalables. Elle doit désormais rattraper le temps perdu. Nous souhaitons que la nouvelle agence de gardes-frontières et de gardes-côtes soit opérationnelle au plus vite. Nos concitoyens doivent mesurer concrètement que, lorsque l’Europe se mobilise, elle peut démontrer sa valeur ajoutée.

L’Europe doit aussi agir sur les causes des migrations. C’est l’intérêt des cadres de partenariat pour les migrations ; ils doivent recouvrir toutes les dimensions de la question et inclure l’acceptation par les pays concernés du retour de leurs ressortissants qui n’ont pas vocation à demeurer en Europe ; c’est là tout l’esprit du sommet de La Valette.

Nous approuvons aussi l’idée d’un plan d’investissement extérieur. Mais plusieurs aspects restent à approfondir. Nous l’avons indiqué dans une résolution préparée par nos collègues Jean-Paul Émorine et Didier Marie. Nous voulons des clarifications sur les modalités de mise en œuvre de ce plan et sur les critères d’évaluation de ses résultats. Nous voulons des précisions sur le rôle dévolu à la Banque européenne d’investissement. Enfin, ce plan doit être articulé avec les stratégies extérieures de l’Union européenne, notamment l’Union pour la Méditerranée et le Partenariat oriental.

L’accord avec la Turquie a eu un effet incontestable sur les flux de migrants. La mission d’information sénatoriale présidée par Jacques Legendre en a toutefois mis en évidence les fragilités, à travers le rapport de notre collègue Michel Billout. Comme le souligne ce document, cet accord doit trouver place dans une politique migratoire européenne fondée sur des partenariats avec les pays d’origine et de transit. Mais, en aucun cas, l’Europe ne peut accepter une forme de chantage autour de cet accord !

Le Conseil débattra également des enjeux de sécurité. Nous voulons une Europe qui affiche sa puissance, qui prenne toutes ses responsabilités en matière de sécurité. Nous l’avons indiqué au Sénat dans notre résolution sur la lutte contre le terrorisme. C’est ce que nous venons de réaffirmer dans une résolution préparée par Michel Delebarre et Joëlle Garriaud-Maylam. Il faut mieux exploiter les capacités d’Europol et inciter les services nationaux à échanger plus systématiquement les informations nécessaires entre eux et avec Europol.

De mémoire, seuls cinq pays de l’Union européenne, me semble-t-il, fournissent les informations sur l’ensemble de ce qui se passe à l’échelon des vingt-sept États membres.

Nous espérons aussi de ce Conseil européen des progrès tangibles en matière de défense européenne ; M. le président de la commission des affaires étrangères en a largement parlé. Nous avions formalisé avec cette commission une résolution sur le sujet au mois de juin dernier.

Nos collègues Gisèle Jourda, Yves Pozzo di Borgo, Jacques Gautier et Daniel Reiner y avaient beaucoup travaillé. Nous en avons débattu la semaine passée au sein du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l’Union européenne. Nous devons nous appuyer sur la stratégie proposée par Mme Mogherini et élaborer un plan de mise en œuvre ambitieux. Nous devons préciser les enjeux et les priorités de la relation entre l’Union européenne et l’OTAN. Les rôles sont absolument complémentaires. Dans un contexte où notre partenaire allemand fait mouvement sur ce sujet, nous devons favoriser un dialogue permanent. Le traité de Lisbonne a par ailleurs prévu des outils, les coopérations structurées permanentes par exemple : à nous de les utiliser. Nous devons aussi renforcer les instruments de cohérence opérationnelle européenne et développer des capacités européennes de financement de la défense.

Enfin, le Conseil européen fera le point sur les questions économiques. Permettez-moi de souligner les premiers résultats très positifs du plan Juncker. Le rapport de Jean-Paul Émorine et Didier Marie en a fait l’évaluation. Le pari de mobiliser des fonds privés – ils existent – à travers un mécanisme astucieux de garanties publiques fonctionne. Ces garanties publiques ne devraient pas logiquement être décaissées ; c’est ça toute l’originalité du concept du plan Juncker. Cela lève les doutes initiaux. Nous approuvons la prolongation de sa durée, ainsi que le doublement de sa capacité financière. Mais le principe d’additionnalité doit prévaloir. Des instruments innovants doivent être mobilisés. Le plan doit soutenir des projets assurant un équilibre tant sectoriel que géographique. Le financement d’infrastructures ne saurait négliger celui de l’innovation ni de la mise en œuvre des priorités du marché unique. Je pense qu’il y a tout un champ d’investigation qui pourrait être précisément bénéfique à l’innovation qui a lieu en France à travers des start-up ; nous sommes assez innovants en la matière pour faire naître des start-up, mais nous ne savons pas les faire grandir. Il faut pour cela précisément trouver les financements correspondants de l’autre côté de l’Atlantique.

Nous demandons une plus grande formalisation des plateformes d’investissement et une meilleure implication des collectivités territoriales. Une plus grande combinaison du plan d’investissement et de la politique de cohésion à travers les fonds structurels est nécessaire. Nous sommes plusieurs à l’avoir signalé à la commissaire chargée de ce sujet la semaine dernière. Cet effort d’investissement ne pourra porter tous ses fruits qu’avec un environnement plus favorable aux investissements, c'est-à-dire en levant les obstacles réglementaires.

Je termine en insistant sur la nécessité de concrétiser la stratégie pour le marché unique. Le numérique sera, on le devine, au cœur de l’industrie et de l’économie du XXIe siècle et, à ce titre, un enjeu essentiel pour permettre à l’Europe d’afficher toute sa puissance. Nous voulons une Europe productrice, et non simplement consommatrice en la matière. Nous travaillerons avec nos amis allemands pour proposer une feuille de route dans les prochains mois.

C’est là la valeur ajoutée de l’Union européenne. C’est là un grand message, un message fort adressé à la jeunesse de notre pays.

Je souhaite le rappeler, à l’heure actuelle, les institutions de l’Union européenne gardent toute leur pertinence.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite remercier l’ensemble des orateurs. Leurs interventions ont, je le crois, éclairé les différents enjeux de ce Conseil européen.

M. Marie a voulu souligner le caractère historique de ce moment. À l’instar d’autres intervenants, il a insisté sur la nécessité de ne pas en rester à une Europe des petits pas face à l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés. Je partage toutes les priorités qu’il a énumérées : affirmation économique de l’Europe ; nécessité pour elle de se protéger et de se défendre dans la mondialisation ; politique de défense et de sécurité…

Mme Keller a évoqué l’enjeu de solidarité de la période, montrant que, face à la crise des réfugiés, le concept, parfois avancé, de « solidarité flexible » ne pouvait pas être une réponse satisfaisante, car cela ne veut finalement rien dire ! Ce dont l’Europe a besoin, c’est de solidarité tout court, de cohésion, de détermination et de volonté d’affronter ensemble les grands défis auxquels nous sommes confrontés.

Mme Keller a également mentionné le dîner qui aura lieu entre les vingt-sept États membres en fin de Conseil européen, au cours duquel sera abordée la manière dont doit s’engager la négociation avec le Royaume-Uni dès que celui-ci aura activé l’article 50 du traité de Lisbonne.

Elle a rappelé la décision très importante qui a été prise par la Chambre des communes : même si, compte tenu des décisions de la Cour suprême et des tribunaux britanniques, le Parlement du Royaume-Uni doit être consulté, le choix qui a été fait par les citoyens britanniques ne saurait être remis en cause.

Pour ma part, ce choix ne me réjouit pas, contrairement à Jean Louis Masson. Il n’est bon ni pour le Royaume-Uni ni pour l’Union européenne. Néanmoins, il s’agit d’une décision démocratique. Nous devons donc la respecter et organiser la séparation, en ayant pour préoccupation de protéger l’intérêt et la cohésion de l’Union européenne.

Les Vingt-Sept devront décider, même si la négociation ne pourra s’ouvrir qu’au mois de mars, lorsque l’article 50 aura été activé par le Royaume-Uni, d’un certain nombre de principes quant à l’organisation des pourparlers. Dès que le Royaume-Uni aura notifié officiellement sa décision de sortir de l’Europe, le Conseil européen adoptera des directives de négociation et des orientations générales. Il mandatera alors la Commission européenne pour mener les discussions. Il y aura donc un seul négociateur, mandaté par les vingt-sept États membres.

Aujourd'hui, Michel Barnier a été chargé de préparer ces travaux, nous nous en réjouissons. La négociation sera ensuite conduite en permanence sous le contrôle du Conseil européen et, de façon plus quotidienne, du Conseil des affaires générales, ainsi que des représentants des chefs d’État et de gouvernement. Car il ne s’agit pas d’une négociation classique comme les négociations commerciales, qui ont d’ailleurs posé beaucoup de difficultés lorsqu’on a fixé des orientations et demandé ensuite que, en fin de discussion, la Commission vienne faire état d’un accord à prendre ou à laisser.

Si l’on veut s’assurer que le Royaume-Uni n’ait pas la possibilité, même s’il peut en avoir la tentation, de négocier séparément avec chaque État membre, il faudra que les Vingt-Sept assurent un suivi extrêmement précis de la façon dont la négociation sera menée par un seul négociateur, qui aura pour mission de veiller à l’intérêt général de l’ensemble des États membres et de l’Union européenne.

Très clairement, nous souhaitons que l’article 50 soit activé le plus rapidement possible afin d’éviter que, en 2019, au moment du renouvellement des institutions européennes, nous n’ayons pas dénoué cette sortie du Royaume-Uni de l’Union.

Michel Barnier l’a déjà indiqué lors de sa première conférence de presse, les négociations devront être menées dans des délais très brefs. Mme Keller a parlé de dix-huit mois ; en réalité, il s’agira plutôt de quinze mois. Moyennant quoi, le Parlement européen et les différentes procédures légales permettront au Royaume-Uni de quitter réellement l’Union au terme des deux ans prévus par l’article 50, soit avant les élections européennes et le renouvellement de la Commission européenne au milieu de l’année 2019.

M. Jean Louis Masson a essayé de poser le débat en opposant Europe fédérale et Europe des nations. En réalité, l’Europe est une union de nations souveraines ayant compris que, pour soutenir leurs intérêts dans la mondialisation, pour défendre la stabilité et la paix du continent, elles avaient avantage à partager un certain nombre d’éléments de leur souveraineté, sur le plan économique ou sur le plan de la défense. Cela ne remet en rien en cause le fait que ces nations demeurent souveraines ; Jacques Delors avait parlé de « fédération d’États-nations ».

Oui, nous avons besoin sur le plan commercial, sur le plan du marché unique, sur le plan de notre modèle social, mais aussi sur le plan de la défense de notre sécurité et de la paix d’être unis et d’agir de façon très coordonnée, en partageant ensemble un certain nombre de politiques. C’est ce principe qui aujourd'hui est en crise.

En tout état de cause, je ne crois pas que la sortie d’un État membre de l’Union européenne favorisera sa participation à un certain nombre de politiques du continent. Pour ce pays, se posera la question de savoir comment il pourra continuer à collaborer à des programmes comme Erasmus ou Horizon 2020. Quid également de son accès au marché intérieur ? Comment continuera-t-il à coopérer en matière de lutte contre le terrorisme, voire en matière de sécurité et de défense ?

Oui, nous assistons à une montée des populismes. Oui, nous devons entendre ce que disent les électeurs lorsqu’ils s’expriment à l’occasion de référendums, même si ces derniers ne portent pas sur l’Europe. Oui, il faut écouter cette colère et cette insatisfaction. Oui, il convient de prendre en compte les fractures sociales et géographiques qui se sont exprimées au moment du référendum britannique, mais aussi d’autres élections. Il importe que, en responsabilité, nous apportions des réponses. Nous ne pouvons pas nous contenter de constater qu’il existe un risque de dislocation.

M. Michel Billout a souhaité attirer l’attention sur les relations entre l’Union européenne et la Turquie. Il a évoqué la situation très dégradée des droits de l’homme dans ce pays et a fait état de la répression qui touche, comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, des parlementaires du parti kurde HDP, mais aussi des journalistes et des universitaires, qui n’ont pris absolument aucune part au coup d’État du 15 juillet dernier ou aux attentats terroristes perpétrés en Turquie par Daech ou par le PKK.

Pour autant, nous devons continuer à travailler avec la Turquie. Cependant, nous le faisons dans la clarté et en restant fermes par rapport à nos valeurs. Le rétablissement de la peine de mort, évoqué par les autorités turques, constituera évidemment une rupture complète avec les valeurs et les principes sur lesquels sont fondées nos relations.

En tout état de cause, ces relations sont aujourd'hui marquées par un éloignement, qui relève de la responsabilité de la politique des autorités turques. La voie dans laquelle s’est engagée la Turquie constitue une impasse, car ce pays a besoin du partenariat avec l’Union européenne, aussi bien en termes de sécurité que pour promouvoir ses propres réformes, son développement économique ou démocratique. Elle a d’autant plus besoin de notre partenariat que nous faisons ensemble face à la situation du Moyen-Orient. Je pense, en particulier, à la guerre en Syrie à laquelle la communauté internationale doit apporter une réponse commune.

M. Jean-Claude Requier a évoqué trois grands principes et trois grandes priorités. Il a notamment affirmé que l’Europe devait mieux s’organiser en matière commerciale. Ce matin, justement, le Conseil européen a trouvé un accord sur la réforme de nos instruments de défense commerciale, sujet en discussion depuis quatre années. L’objectif est de permettre à l’Union européenne de mieux défendre ses intérêts économiques contre les pratiques commerciales déloyales de dumping. Cela se traduira, notamment, par le fait que les délais d’enquête seront raccourcis et que l’Europe pourra imposer des droits anti-dumping plus efficaces et plus élevés grâce à une levée partielle de la règle du droit moindre qui nous empêchait de réagir aussi vigoureusement que d’autres.

Tout cela est évidemment très important, au moment où il est beaucoup question des relations avec la Chine. Nous avons besoin de nous assurer que, quelle que soit l’évolution du statut de cette dernière au sein de l’OMC, nous gardions les mêmes capacités de défense pour protéger notre industrie sidérurgique ou d’autres secteurs de notre économie qui peuvent se trouver menacés par des pratiques de dumping. L’Europe avance de ce point de vue.

Permettez-moi maintenant une remarque générale pour répondre à l’intervention de Claude Kern, qui a souligné les risques de dislocation, de désunion, d’affaiblissement de l’Union européenne. La réponse à ces risques est d’agir et sans attendre. Oui, il y aura des échéances en France et en Allemagne au cours de l’année prochaine. Nous pourrions avoir la tentation de remettre à plus tard un certain nombre de choix. Or c’est maintenant qu’il faut agir !

C’est pourquoi il est important qu’un certain nombre de décisions ait été prises : celles – je les évoquerai de nouveau – qui portent sur la défense et qui sont à l’ordre du jour du Conseil européen ; celles qui concernent la protection de nos intérêts commerciaux ; celles qui ont été annoncées aujourd'hui par le Président de la République française à la Chancelière allemande à Berlin lors de la nouvelle conférence franco-allemande sur le numérique, faisant suite à la conférence qui s’était tenue l’an dernier à l’Élysée pour créer un fonds d’investissement commun franco-allemand de 1 milliard d’euros en soutien aux entreprises numériques innovantes françaises et allemandes. Dans le marché unique du numérique, on doit trouver des acteurs économiques européens, pas uniquement les GAFA américains.

Bref, il faut agir. Le Premier ministre a insisté sur ce point lors de sa déclaration de politique générale tout à l’heure à l’Assemblée nationale, déclaration également lue dans cette enceinte. Chaque jour est important pour l’action à mener sur le plan national, quelles que soient les échéances, mais également sur le plan européen.

Il y a toujours, en effet, des élections quelque part en Europe. Des élections auront lieu, par exemple, en Italie, à la suite du dernier référendum ; elles se tiendront probablement au cours de l’année 2017. Il y aura aussi des élections aux Pays-Bas au mois de mars prochain. Pour autant, l’Europe doit-elle cesser d’agir et d’avancer ? Non, au contraire, il faut agir et montrer que, tout en respectant nos rythmes démocratiques, nous sommes capables de travailler sur le long terme, sans perdre de temps. Si les décisions que nous prenons sont bien fondées, elles continueront à être mises en œuvre par-delà les changements politiques qui interviendront, ou pas, lors des élections ; ce sont les citoyens qui en décideront dans chacun de nos pays.

M. André Gattolin, évoquant notamment le déplacement effectué par le Sénat en Italie, a affirmé que le paysage était finalement inquiétant. Le président de la commission des affaires étrangères, Jean-Pierre Raffarin, l’a souligné également de façon très précise et éloquente.

M. André Gattolin a insisté sur la crise migratoire, en particulier en Italie. Je l’ai moi-même rappelé, cette crise est le fait de la situation en Libye et de la venue de migrants de toute l’Afrique : Afrique de l’Ouest, Afrique de l’Est ou Afrique centrale. Aujourd'hui, l’Italie est, avec la Grèce, en première ligne dans la crise migratoire. Néanmoins, pour la Grèce, un accord a été trouvé avec la Turquie.

La situation en Libye expose l’Italie de façon particulièrement criante. Là aussi, il convient d’apporter des réponses. La meilleure d’entre elles, vous l’avez dit, est la réduction de la pauvreté. Il était normal qu’une telle priorité trouve sa place dans les pactes migratoires. L’Union européenne évite ainsi l’écueil d’une approche des migrations venant d’Afrique qui ne traiterait que de la question des réadmissions et du contrôle des frontières, sans s’attaquer aux racines profondes de ces migrations.

Certes, la politique de développement comprend d’autres thématiques que celle des migrations, mais il était pertinent d’inscrire au cœur des pactes migratoires passés avec les cinq pays d’Afrique prioritaires la question de la lutte contre la pauvreté. Une telle démarche n’est en rien contradictoire avec la lutte contre la corruption, même si évidemment les leviers d’action ne sont pas les mêmes. Il importe, en la matière, d’activer tous les instruments internationaux, qu’ils soient promus par les Nations unies, par l’OCDE ou par les règles qui encadrent notamment l’action des multinationales, en particulier des industries extractives et autres, pour lutter contre la corruption.

Quoi qu’il en soit, il ne serait pas judicieux d’opposer un levier d’action à un autre. Nous devons agir avec les pays d’Afrique, sur tous les plans : aide au contrôle des flux migratoires, renforcement des capacités sécuritaires de contrôle de leurs propres frontières, de leur système de police, de leur système armé. Nous devons agir évidemment sur le développement, sur la pauvreté, sur les perspectives économiques pour la jeunesse. Nous devons aussi agir sur les réformes démocratiques.

C’est ce que nous avons fait au Mali. Nous sommes intervenus pour empêcher que des djihadistes ne puissent prendre Bamako, mais la première priorité de la France a été l’organisation d’élections au Mali, afin d’assurer la transition démocratique après le coup d’État. Nous avons ensuite mis l’accent sur le soutien au développement économique et sur la réconciliation avec le Nord. C’est sur l’ensemble de ces plans que nous devons intervenir.

L’opération Sophia est très importante, dans laquelle l’Italie mobilise beaucoup de moyens, en particulier sa marine ; mais l’Europe aussi s’investit.

J’ai visité il y a quelques jours à Malte – c’était la deuxième fois que je rencontrais un équipage français – l’aviso Commandant L’Herminier. Ce navire participe à l’opération Sophia, en particulier au contrôle des armes au large de la Libye. Nos bateaux, dans le cadre du commandement européen basé en Italie, mettent en œuvre avec des navires allemands, italiens et autres, selon les moments, une politique de défense et de protection de nos frontières, et prêtent secours à des réfugiés mis en mer dans des canots, au péril de leur vie, par des trafiquants criminels.

L’étape à franchir, pour empêcher que ce trafic ne se poursuive, est de stabiliser la situation en Libye pour pouvoir intervenir dans ses eaux territoriales, ce qui suppose un mandat des Nations unies et des autorités légitimes de la Libye.

M. Éric Bocquet, tout en soulignant qu’il sortait un peu de l’ordre du jour du Conseil européen, est intervenu sur l’évasion fiscale en évoquant la situation des lanceurs d’alerte dont je ne dirai rien, car des procédures judiciaires sont en cours.

Quoi qu’il en soit, même si elle ne figure pas à l’ordre du jour de ce Conseil européen, l’évasion fiscale est une préoccupation actuelle de l’Union européenne. Comme vous, monsieur le sénateur, j’estime que l’enjeu est très important.

Une directive relative à la lutte contre l’évasion fiscale est en cours d’adoption dans le cadre du projet BEPS, Base Erosion and Profit Shifting. La commission a proposé une nouvelle directive de lutte contre l’évasion fiscale ATAD II, Anti-Tax Avoidance Directive II, le 25 octobre dernier. Par ailleurs, une révision de la quatrième directive relative à la lutte anti-blanchiment est en cours depuis le mois de juillet. Pour finir, au titre de l’harmonisation fiscale, des travaux sont engagés pour avancer sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés. Ce projet nous permettra de lutter également contre les optimisations fiscales déloyales.

M. Jean-Claude Requier m’a demandé quels étaient les projets financés aujourd'hui en France par le plan Juncker. Cinquante projets ont été soutenus directement jusqu’à présent, sans parler des milliers de petites ou moyennes entreprises qui, par le biais du Fonds européen d’investissement stratégique, ont bénéficié de prêts bonifiés à des taux particulièrement favorables pour leurs investissements. Ces prêts sont en général distribués par Bpifrance ou par d’autres banques travaillant avec la Banque européenne d’investissement.

Enfin, M. Jean-Pierre Raffarin a souligné que jamais la situation internationale n’avait été aussi dégradée et que, revenant d’une mission au siège des Nations unies, il avait été frappé par le monde de désordre et de guerre dans lequel nous sommes plongés. S’y ajoutent des menaces sur le multilatéralisme, sur le droit international et sur la coopération entre les grandes démocraties.

Je le dis à Jean Louis Masson, nous ne portons pas de jugements sur le choix fait par les citoyens dans un grand pays partenaire, à savoir les États-Unis. Néanmoins, nous serons vigilants par rapport à la politique proposée, qui pourrait remettre en cause un certain nombre d’engagements internationaux sur le climat, sur le nucléaire avec l’Iran, sur le multilatéralisme et, de façon générale, sur la place des Nations unies.

Nous aurons donc un débat avec notre allié américain sur ce qui nous semble devoir être la priorité des grandes démocraties, en particulier des démocraties occidentales qui se trouvent alliées au sein de l’OTAN.

Nous voyons poindre, il est vrai, la tentation de contourner l’Europe. Nous verrons bien si un accord sera passé par-dessus la tête de l’Union européenne alors qu’il s’agit de crises et de guerres qui la concernent au premier chef.

Les réfugiés syriens ne vont pas chercher asile au Kremlin ou à la Maison-Blanche, mais ils migrent en Europe. Les terroristes en provenance de cette zone de guerre peuvent certes organiser des attentats aux États-Unis – et ils l’ont déjà fait –, mais c’est surtout en Europe qu’ils ciblent leurs attaques meurtrières.

L’Europe doit donc s’organiser. À l’instar du président de la commission des affaires étrangères, M. Raffarin, je pense qu’il existe une attente très forte à l’égard du Conseil européen de jeudi en matière de défense. Comme lui, je constate les avancées du Conseil des affaires étrangères et des ministres de la défense du mois de novembre ; je note le plan d’action de la Commission ; je remarque qu’est reprise l’idée, formulée effectivement par un ancien ministre français, d’un fonds européen de défense ; j’observe que l’Europe prend finalement conscience que son avenir est en jeu et qu’elle doit être capable de se défendre pour être une puissance de paix.

Jean-Pierre Raffarin l’a souligné à juste titre, l’Union européenne et les pays qui la composent ont toujours défendu sur le plan international une vision très claire de l’idée qu’ils se font d’un ordre international conforme à leurs valeurs et à leurs intérêts, à savoir un ordre fondé sur le droit international, sur la paix et sur le respect des Nations unies. Il est essentiel que l’Europe se donne les moyens de peser dans cette direction, car d’autres, qui n’ont pas les mêmes objectifs, essaient également d’agir sur l’ordre international.

L’Europe doit donc allier à ses valeurs universelles les moyens d’une action concrète. Tel est l’enjeu de l’Europe de la défense : assurer la sécurité de ses citoyens et de son territoire, même si la réalisation d’un tel objectif repose sur des armées nationales. Dans ce cas, celles-ci doivent être mieux coordonnées pour promouvoir une coopération efficace et stable.

Si l’Europe ne projette pas de la paix, c’est la guerre et l’instabilité qui naîtront en son sein, ce qui entraînera de l’inquiétude et fera surgir le risque d’une dislocation. Voilà pourquoi l’Union européenne est et doit rester une puissance de paix !

M. Jean Bizet a lui rappelé que l’Europe devait affirmer sa puissance et prendre ses responsabilités en matière de sécurité et de défense. Dans le même temps, il appelle l’Union européenne à affirmer davantage sa puissance économique. C’est tout l’enjeu de cette période.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que le Sénat, au travers des missions, des résolutions et des rapports dont il a été à l’origine au cours des dernières années, ait beaucoup contribué à notre réflexion.

Nous sommes en train de franchir des étapes. Évidemment, le désordre avance très vite dans le monde, alors que l’Europe prend souvent ses décisions trop lentement. Tout l’enjeu est de contribuer à accélérer la prise de conscience et de décisions, afin que l’Europe ne soit pas passée par profits et pertes à cause de l’émergence autour d’elle de nouvelles tentations impériales, dominatrices et guerrières.

La leçon de ce débat est que ce Conseil européen est un moment important pour affirmer notre volonté et prendre des décisions. L’axe franco-allemand sera évidemment décisif sur chacun de ces sujets, car aucune décision ne pourra être prise sans une volonté commune de ces deux pays. Je forme le vœu que le Sénat continuera à soutenir cette volonté dans les semaines et dans les mois qui viennent.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. La commission des affaires européennes ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

« Chaque fois qu’un jeune n’arrive pas à trouver un emploi, des rêves sont brisés ». Monsieur le secrétaire d’État, ces mots prononcés par Jean-Claude Juncker illustrent parfaitement la situation des 4, 1 millions de jeunes Européens qui aujourd’hui n’ont pas d’emploi.

Comment ne pas être révolté devant cette triste réalité qui veut que le taux de chômage des jeunes soit deux fois plus élevé que celui des adultes, alors même que 2 millions d’emplois sont vacants en Europe ? Derrière ce paradoxe, apparaît en filigrane l’inadéquation des compétences et des formations aux besoins réels du marché du travail.

Dans sa stratégie pour l’emploi des jeunes, l’Union européenne entend répondre à cette situation, notamment en encourageant l’apprentissage et la mobilité des apprentis.

Le rapport d’évaluation de cette stratégie publié au mois de juin dernier est sans appel : les pays qui ont misé sur l’apprentissage sont ceux qui affichent les taux de chômage des jeunes les plus faibles.

Votre gouvernement a malheureusement tardé à en prendre conscience : en 2012, l’une de ses premières décisions a été de baisser les crédits alloués à l’embauche des apprentis, cassant ainsi la dynamique que nous avions impulsée au cours du mandat précédent. Ce choix est incompréhensible quand on sait que 70 % des apprentis trouvent directement un emploi à la fin de leur formation !

L’Europe doit également miser sur le développement de la mobilité des apprentis pour leur offrir de nouvelles opportunités et leur permettre d’apprendre une ou plusieurs langues étrangères, dont la maîtrise est indispensable dans les secteurs pourvoyeurs d’emplois tels que l’hôtellerie, la restauration ou l’industrie du luxe.

Ma question est la suivante : la France est-elle prête aujourd’hui à aller plus loin en soutenant l’instauration d’un cadre unique de l’apprentissage en Europe, avec notamment la création d’un statut européen de l’apprenti ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d'État

Madame la sénatrice, l’apprentissage est effectivement une thématique importante. Il rencontre d’ailleurs un fort succès dans tous les pays européens qui l’ont développé depuis longtemps. Contrairement à ce que vous affirmez, le Gouvernement a soutenu son développement, mais je n’entrerai pas dans une polémique portant sur la politique nationale.

Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec vous : il convient de développer l’apprentissage dans un cadre européen. J’ai soutenu, avec quinze entreprises françaises et allemandes, un projet pilote visant à favoriser des échanges d’apprentis entre nos deux pays. Une telle démarche soulève des problèmes en raison de la différence des cycles d’apprentissage et des alternances entre l’entreprise et le centre de formation. En tout état de cause, nous avons voulu montrer qu’il était possible de surmonter ces différences.

Le Parlement européen a également fait adopter un budget pour étendre cette expérimentation à plusieurs pays et régions. Nous travaillons avec la Commission européenne pour mettre sur pied un véritable programme Erasmus des apprentis. À l’avenir, les jeunes en apprentissage – ils doivent être plus nombreux dans chacun de nos pays – pourront, pendant leur formation, bénéficier d’une expérience européenne. Elle leur apportera une qualification très utile sur le marché du travail et constituera une expérience de citoyenneté européenne. Nous nous rejoignons donc sur cette priorité.

Pour ce qui est de la garantie jeune, ce projet a été soutenu à l’échelon européen par le Président de la République. Nous avons obtenu qu’elle soit étendue et dotée, dans la revue du cadre financier pluriannuel, de 1, 2 milliard d’euros supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2016.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.