Intervention de Jean Bizet

Réunion du 13 décembre 2016 à 14h15
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 15 et 16 décembre 2016

Photo de Jean BizetJean Bizet, président de la commission des affaires européennes :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen se réunira dans un contexte difficile. Beaucoup de nuages se sont accumulés dans le ciel européen. Les forces centrifuges se développent à un moment où l’Europe aurait, au contraire, besoin de cohésion, d’ambition et de réactivité face aux défis qu’elle doit affronter collectivement. M. le président de la commission des affaires étrangères nous en a donné de nombreux exemples. C’est dire l’importance des sujets qui sont inscrits à l’ordre du jour.

Je commence mon propos en évoquant les migrations. L’Europe a subi de plein fouet la crise des réfugiés, faute d’avoir pris les dispositions préalables. Elle doit désormais rattraper le temps perdu. Nous souhaitons que la nouvelle agence de gardes-frontières et de gardes-côtes soit opérationnelle au plus vite. Nos concitoyens doivent mesurer concrètement que, lorsque l’Europe se mobilise, elle peut démontrer sa valeur ajoutée.

L’Europe doit aussi agir sur les causes des migrations. C’est l’intérêt des cadres de partenariat pour les migrations ; ils doivent recouvrir toutes les dimensions de la question et inclure l’acceptation par les pays concernés du retour de leurs ressortissants qui n’ont pas vocation à demeurer en Europe ; c’est là tout l’esprit du sommet de La Valette.

Nous approuvons aussi l’idée d’un plan d’investissement extérieur. Mais plusieurs aspects restent à approfondir. Nous l’avons indiqué dans une résolution préparée par nos collègues Jean-Paul Émorine et Didier Marie. Nous voulons des clarifications sur les modalités de mise en œuvre de ce plan et sur les critères d’évaluation de ses résultats. Nous voulons des précisions sur le rôle dévolu à la Banque européenne d’investissement. Enfin, ce plan doit être articulé avec les stratégies extérieures de l’Union européenne, notamment l’Union pour la Méditerranée et le Partenariat oriental.

L’accord avec la Turquie a eu un effet incontestable sur les flux de migrants. La mission d’information sénatoriale présidée par Jacques Legendre en a toutefois mis en évidence les fragilités, à travers le rapport de notre collègue Michel Billout. Comme le souligne ce document, cet accord doit trouver place dans une politique migratoire européenne fondée sur des partenariats avec les pays d’origine et de transit. Mais, en aucun cas, l’Europe ne peut accepter une forme de chantage autour de cet accord !

Le Conseil débattra également des enjeux de sécurité. Nous voulons une Europe qui affiche sa puissance, qui prenne toutes ses responsabilités en matière de sécurité. Nous l’avons indiqué au Sénat dans notre résolution sur la lutte contre le terrorisme. C’est ce que nous venons de réaffirmer dans une résolution préparée par Michel Delebarre et Joëlle Garriaud-Maylam. Il faut mieux exploiter les capacités d’Europol et inciter les services nationaux à échanger plus systématiquement les informations nécessaires entre eux et avec Europol.

De mémoire, seuls cinq pays de l’Union européenne, me semble-t-il, fournissent les informations sur l’ensemble de ce qui se passe à l’échelon des vingt-sept États membres.

Nous espérons aussi de ce Conseil européen des progrès tangibles en matière de défense européenne ; M. le président de la commission des affaires étrangères en a largement parlé. Nous avions formalisé avec cette commission une résolution sur le sujet au mois de juin dernier.

Nos collègues Gisèle Jourda, Yves Pozzo di Borgo, Jacques Gautier et Daniel Reiner y avaient beaucoup travaillé. Nous en avons débattu la semaine passée au sein du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l’Union européenne. Nous devons nous appuyer sur la stratégie proposée par Mme Mogherini et élaborer un plan de mise en œuvre ambitieux. Nous devons préciser les enjeux et les priorités de la relation entre l’Union européenne et l’OTAN. Les rôles sont absolument complémentaires. Dans un contexte où notre partenaire allemand fait mouvement sur ce sujet, nous devons favoriser un dialogue permanent. Le traité de Lisbonne a par ailleurs prévu des outils, les coopérations structurées permanentes par exemple : à nous de les utiliser. Nous devons aussi renforcer les instruments de cohérence opérationnelle européenne et développer des capacités européennes de financement de la défense.

Enfin, le Conseil européen fera le point sur les questions économiques. Permettez-moi de souligner les premiers résultats très positifs du plan Juncker. Le rapport de Jean-Paul Émorine et Didier Marie en a fait l’évaluation. Le pari de mobiliser des fonds privés – ils existent – à travers un mécanisme astucieux de garanties publiques fonctionne. Ces garanties publiques ne devraient pas logiquement être décaissées ; c’est ça toute l’originalité du concept du plan Juncker. Cela lève les doutes initiaux. Nous approuvons la prolongation de sa durée, ainsi que le doublement de sa capacité financière. Mais le principe d’additionnalité doit prévaloir. Des instruments innovants doivent être mobilisés. Le plan doit soutenir des projets assurant un équilibre tant sectoriel que géographique. Le financement d’infrastructures ne saurait négliger celui de l’innovation ni de la mise en œuvre des priorités du marché unique. Je pense qu’il y a tout un champ d’investigation qui pourrait être précisément bénéfique à l’innovation qui a lieu en France à travers des start-up ; nous sommes assez innovants en la matière pour faire naître des start-up, mais nous ne savons pas les faire grandir. Il faut pour cela précisément trouver les financements correspondants de l’autre côté de l’Atlantique.

Nous demandons une plus grande formalisation des plateformes d’investissement et une meilleure implication des collectivités territoriales. Une plus grande combinaison du plan d’investissement et de la politique de cohésion à travers les fonds structurels est nécessaire. Nous sommes plusieurs à l’avoir signalé à la commissaire chargée de ce sujet la semaine dernière. Cet effort d’investissement ne pourra porter tous ses fruits qu’avec un environnement plus favorable aux investissements, c'est-à-dire en levant les obstacles réglementaires.

Je termine en insistant sur la nécessité de concrétiser la stratégie pour le marché unique. Le numérique sera, on le devine, au cœur de l’industrie et de l’économie du XXIe siècle et, à ce titre, un enjeu essentiel pour permettre à l’Europe d’afficher toute sa puissance. Nous voulons une Europe productrice, et non simplement consommatrice en la matière. Nous travaillerons avec nos amis allemands pour proposer une feuille de route dans les prochains mois.

C’est là la valeur ajoutée de l’Union européenne. C’est là un grand message, un message fort adressé à la jeunesse de notre pays.

Je souhaite le rappeler, à l’heure actuelle, les institutions de l’Union européenne gardent toute leur pertinence.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion