Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 décembre 2016 à 9h30
« australie : le rôle de la france dans le nouveau monde » — Examen du rapport d'information

Photo de Christian CambonChristian Cambon, co-rapporteur :

Entre le moment où notre commission a décidé de travailler sur l'Australie et la place de la France dans le nouveau monde et aujourd'hui, un évènement majeur s'est produit qui a changé la perspective dans laquelle s'inscrivait notre travail. Je parle bien sûr de la signature du « contrat du siècle », c'est-à-dire de l'achat par l'Australie de 12 sous-marins français, au terme d'une procédure d'une qualité et d'une transparence que nous devons saluer. Contrat de 35 milliards d'euros, ou 50 milliards de dollars australiens, ce succès presque inattendu - nous y reviendrons - donnait un éclairage nouveau à notre démarche, tant il est évident que le choix d'un consortium français par l'Australie pour moderniser sa flotte sous-marine nous amène à envisager une relation stratégique étroite, et ce pour une bonne cinquantaine d'années.

Nous nous sommes donc rendus en Australie du 17 au 22 septembre derniers. Nous en avons profité pour faire une halte en Nouvelle-Calédonie afin de visiter les forces armées de Nouvelle-Calédonie (FANC). Nous avons ainsi pu comprendre la façon dont la France est perçue dans cette zone, la façon dont l'Australie analyse son environnement, et le rôle que la France peut assumer dans cette région.

Nous le soulignons d'entrée de jeu et avec force : il y a une demande de France très réelle, qui permet à notre pays d'accroître sa présence, son rayonnement, son efficacité dans cette zone, en utilisant tous les leviers dont nous disposons déjà et sous réserve des recommandations que je vous présenterai en conclusion.

La France est un acteur reconnu et attendu du nouveau monde ! Nous sommes, sans en être peut-être assez conscients, une puissance riveraine de la zone indopacifique, et nous allons nous affirmer dans les années à venir comme un partenaire stratégique de l'Australie. Il ne tient qu'à nous de devenir un acteur de tout premier plan dans cette zone !

Tout d'abord, nous partageons avec l'Australie la volonté d'assumer les attributs de la puissance qui est la nôtre dans notre région. Nos deux pays sont attachés : à la stabilisation de leur « premier cercle », pour reprendre les termes du Livre blanc australien, dans lequel la France est la seule puissance européenne mentionnée ; à la résolution pacifique des conflits, dans le respect du droit international, comme l'a rappelé notre ministre de la défense lors du « dialogue de Shangri-La » qui s'est tenu à Singapour en juin dernier ; enfin, nos deux pays jugent essentiel l'exercice d'une souveraineté propre, dotée des moyens de son autonomie stratégique. Ce point est crucial !

Nos pays partagent également les mêmes préoccupations que toute la zone indopacifique. La menace nucléaire nord-coréenne, les enjeux territoriaux en mer de Chine du Sud, le risque terroriste, les flux migratoires ou la course aux armements impliquent de trouver des solutions qui s'émancipent des blocages propres à la relation sino-américaine. On voit bien là que la France peut incarner une autre voie stratégique, autonome, d'autant mieux accueillie que l'image de notre pays a évolué dans le bon sens ces dernières années grâce à trois facteurs : l'extinction du contentieux nucléaire avec la fin des essais en Polynésie - la France a d'ailleurs été avec le Royaume-Uni, l'un des premiers pays à signer et ratifier le traité d'interdiction complète des essais nucléaires ; la mise en place d'un processus politique en Nouvelle-Calédonie, reconnu comme exemplaire ; les réformes de la PAC, qui ont répondu aux attentes du groupe de Cairns.

La France est désormais d'autant mieux perçue pour tenir un rôle global dans la région qu'elle a montré sa capacité à faire progresser la protection de l'environnement, en faisant de la COP 21 une priorité stratégique et en étant une vraie force d'entraînement dans ce domaine, crucial pour de très nombreux pays de la zone, comme en témoigne l'action menée par l' AOSIS (Alliance of Small Island States).

Bien sûr, nous partageons également avec nos voisins du nouveau monde les préoccupations relatives au développement économique et à l'évolution de nos sociétés, durement touchées par les attentats qu'ont connus également l'Australie, en décembre 2014 ou en juillet 2016, et l'Indonésie en 2002, 2015 et 2016. Les pays concernés par le retour des foreign fighters et les menaces d'attentats sont nombreux ; cela crée une communauté d'intérêts comparables.

Dans un contexte aussi troublé, la France et l'Australie se retrouvent autour de valeurs essentielles, forgées sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale.

Je tenais à souligner l'importance de la mémoire dans la relation de l'Australie à la France. J'avais déjà constaté pendant les cérémonies de commémoration de l'ANZAC Day à Villers-Bretonneux le 25 avril dernier, à quatre heures du matin dans la plaine de la Somme, que quelque 6 000 Australiens avaient fait le déplacement.

Les Australiens ont envoyé 10 % de leur population, soit 400 000 hommes volontaires, combattre pendant la Première Guerre mondiale : 153 500 ont été blessés et 60 000 sont morts, soit 1,5 % de la population de ce pays-continent, une proportion très proche des pertes britanniques. Chacun des interlocuteurs que nous avons rencontrés en Australie nous a parlé de son grand-père, de son grand-oncle, d'un membre de sa famille reposant en terre française. C'est dire si cette question essentielle a pu jouer un rôle dans les choix stratégiques que je viens de rappeler ! Elle touche aux fondements mêmes de la nation australienne, qui s'est reconnue telle au coeur de ce conflit mondial si éloigné de ses côtes, dans la douleur de la perte de ses enfants.

La bravoure de ces soldats, mais plus encore leur camaraderie, ont forgé l'idéal australien aujourd'hui transmis avec ferveur aux enfants de cette nation. Imaginez que tous les enfants australiens, et je vous rappelle que nous parlons d'un pays qui a la taille du continent européen, se rendront au moins une fois au cours de leur scolarité au mémorial de la guerre à Canberra. C'est un monument très émouvant dans lequel nous nous sommes d'ailleurs rendus pour déposer une gerbe au nom du Sénat en hommage aux soldats australiens morts pour nos valeurs et notre liberté. Sur des bases aussi solides et toujours vivantes, notre relation avec l'Australie ne peut que prospérer et servir de point d'appui précieux à notre rayonnement dans cette zone.

Pour parler de la place de la France dans le nouveau monde et du récent succès de « l'équipe France », tout en restant dans le ton de la camaraderie australienne, nous avons souhaité, avec Marie-Françoise Perol-Dumont, donner la parole à tous les membres de notre groupe de travail.

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