Intervention de Marie-Françoise Perol-Dumont

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 décembre 2016 à 9h30
« australie : le rôle de la france dans le nouveau monde » — Examen du rapport d'information

Photo de Marie-Françoise Perol-DumontMarie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteure :

Christian Namy ne pouvant être parmi nous ce matin, il m'a demandé de vous faire part de ses réflexions sur le dossier qui nous occupe.

Vivant dans ces territoires qui commémorent le centième anniversaire de la bataille de la Somme, notre collègue souligne l'importance du lien de mémoire qui nous unit à l'Australie. Ce lien pose les bases solides d'une relation en devenir, comme en témoigne le projet d'école bilingue franco-australienne à Pozières. Or, pour nos jeunes générations, qui vivront le XXIe siècle, la relation avec l'Australie sera structurante, car la zone indopacifique est devenue le coeur de l'économie mondiale.

Pourquoi parler de « zone indopacifique », plutôt que d'Asie-Océanie ou de zone pacifique ? Le Livre blanc sur la défense australienne de mai 2013 marquait un tournant dans la pensée stratégique australienne en s'appuyant sur l'innovation conceptuelle d'« indopacifique ». Ce concept géographique est né du constat qu'il n'était désormais plus possible de séparer les enjeux et les intérêts des deux océans. Un arc indopacifique émerge et relie désormais l'océan Indien et l'océan Pacifique à travers l'Asie du Sud-Est, analyse partagée par le ministère de la défense, comme en témoigne le discours prononcé lors du sommet de Shangri-La.

Le fait de lier ainsi les océans Indien et Pacifique dans un même ensemble permet de prendre en compte les évolutions de l'économie mondiale, et de donner à la protection des voies maritimes et des détroits toute son importance pour la sécurité et la prospérité de la région. Ce concept rend acte des évolutions de l'économie mondiale, notamment la montée en puissance de la Chine et du sous-continent indien et l'aspect « corridor énergétique » de la zone qui relie le Moyen-Orient au marché asiatique. En 2010, les routes maritimes principales reliaient majoritairement les trois pôles États-Unis, Europe et Asie de l'Est. Selon les think tanks australiens, la zone indopacifique va devenir dès 2030 le centre de gravité du transport maritime mondial avec une augmentation importante du commerce de l'Asie vers le monde entier et une véritable explosion du commerce maritime intra-Asie du Sud-Est, rendant crucial le contrôle des détroits entre les deux océans.

Cette nouvelle conception géostratégique modifie la perception que l'Australie a de son environnement géographique : elle ne subit plus la « tyrannie de la distance », mais se trouve au coeur de la scène géostratégique régionale.

L'Australie profite pleinement du dynamisme économique de cette zone. La forte croissance que connaît l'économie australienne, la modernisation du marché du travail, une volonté d'insertion dans le monde asiatique, marquée notamment par son soutien à la banque asiatique d'investissement pour les infrastructures portée par la Chine, sont autant d'éléments favorables au développement des investissements directs étrangers en Australie.

Le « miracle australien », caractérisé par un taux de croissance du PIB ininterrompu depuis vingt-cinq ans, qui devrait continuer de progresser de 3 % par an, repose sur les ressources naturelles. Toutefois, la demande de minerais ralentit. L'Australie prévoit pour faire face à cette évolution de développer ses exportations de gaz naturel liquéfié et de devenir leader sur ce marché en 2020. Elle tente également de préserver son industrie et, avec le concours de la Banque centrale australienne, de soutenir sa demande intérieure.

Forte des revenus miniers accumulés, l'Australie développe à la fois des investissements publics et une stratégie de soutien à l'innovation visant le développement d'un secteur secondaire de haute technologie. Le Plan pour l'Innovation, doté d'une enveloppe 777 millions d'euros sur quatre ans, présenté le 7 décembre 2015, atteste de cette volonté d'accélérer la transition vers une économie davantage portée par l'innovation. Dans ce domaine, la France - nous l'avons vu notamment à Adélaïde - est attendue et peut réellement gagner de nouveaux marchés. Nous sommes déjà très présents dans le réseau des infrastructures de transport en Australie, nous pouvons encore nous y développer.

Lors de notre rencontre avec Gladys Berejiklian, ministre des relations industrielles de Nouvelle-Galles du Sud, la confiance en nos entreprises a été affirmée avec force et vigueur : elles sont vues comme très fiables, rigoureuses dans la tenue des budgets et des délais, et excellentes dans la relation au client. L'absence de candidature française pour le développement d'une ligne de transport ferroviaire dans cet État a été vivement regrettée par nos interlocuteurs. Enfin, les PME ont toute leur place dans ces projets d'investissement public qui concernent également la construction d'hôpitaux, de routes, de prisons, par exemple. Nos régions, qui ont un rôle réel à tenir dans le soutien aux exportations françaises, doivent soutenir nos PME.

Enfin, ce panorama économique ne serait pas complet si la question des investissements chinois n'était pas abordée. En octobre 2015, le gouvernement du Territoire du Nord a confié le port de Darwin à une entreprise chinoise, Landbrige. Face à l'émoi, le gouvernement australien a durci son positionnement et d'importants investissements chinois en Australie ont été empêchés. Ont été annulés la vente d'une immense compagnie foncière et le rachat d'Ausgrid, une compagnie de distribution d'électricité détenue par l'État de Nouvelle-Galles du Sud.

L'Australie, tout en ayant une démarche pragmatique au niveau économique à l'égard de la Chine, manifeste une réelle inquiétude sur les velléités d'expansion chinoise dans le domaine économique, les think tanks rencontrés par vos rapporteurs lors de leur déplacement en Australie en ont témoigné. Dans ce contexte, l'Australie recherche une autonomie stratégique nouvelle à laquelle la France peut contribuer.

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