La France est un État souverain du Pacifique depuis deux siècles ! Et même un grand État : 62,3 % de notre zone économique exclusive (ZEE) nationale se trouve dans le Pacifique, et entre la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, il faut compter six jours de mer ou six heures d'avion, Wallis-et-Futuna étant situé au milieu. Nous appartenons à cette zone pacifique de l'intérieur, partageant son identité mélanésienne et polynésienne : la première visite de notre groupe de travail fut d'ailleurs pour le Sénat coutumier, réceptacle de la coutume, de la culture, et de la spiritualité de ce territoire.
Le 10 septembre 2016, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont acquis, après avoir été longtemps membres associés, le statut de membre de plein droit à l'issue du 47e Sommet du Forum des îles du Pacifique (FIP). Cette évolution a fait l'objet d'un consensus des leaders du Pacifique et du soutien de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Vanuatu. Le rôle du Premier ministre, francophone, du Vanuatu, Charlot Salwai, doit ici être salué. Cela souligne, s'il en était besoin, la nécessité de soutenir la francophonie dans cette région.
Vue de France métropolitaine, cette nouvelle est passée presque inaperçue, alors que sa signification est un indice extrêmement fort de la demande et de l'acceptation du rôle et du rayonnement de la France. La stabilité et l'avenir institutionnel de chacun de ces territoires constituent le prisme à travers lequel ils sont perçus sur le territoire métropolitain. Ces enjeux sont bien sûr essentiels et la visite de notre groupe de travail en Nouvelle-Calédonie a bien montré à quel point toutes les forces politiques sont mobilisées par la tenue du référendum d'autodétermination qui doit avoir lieu au plus tard en novembre 2018.
Si ces questions constitutionnelles ne ressortent pas de la compétence de notre commission, on doit toutefois souligner les éléments suivants : la qualité du processus démocratique mis en place est unanimement salué dans la zone et bénéficie à l'image de la France, écornée dans le passé en raison de l'affaire du Rainbow Warrior et des essais nucléaires en Polynésie ; les voisins de la Nouvelle-Calédonie sont attentifs au bon déroulement du processus et ont réaffirmé leur attachement à la présence de la France dans la région, quel que soit le résultat du référendum, insistant sur le rôle stabilisateur de nos territoires et de la métropole dans la région. Nous sommes vus comme une puissance stabilisatrice, vecteur de sécurité et de développement. André Trillard reviendra sur la sécurité, je vous parlerai du développement.
Lorsque Philippe Germain, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a prononcé son discours devant les États membres du FIP, il a utilisé un argument fort en indiquant : « Notre intégration en Océanie représente une opportunité puisqu'elle permettra, à travers la France, de sensibiliser les plus hautes instances européennes et internationales aux défis environnementaux et économiques des îles du Pacifique. »
L'Union européenne alloue, sur la base des accords de Cotonou du 23 juin 2000, des sommes en faveur du développement des pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) et des pays et territoires d'outre-mer (PTOM), les trois territoires français du Pacifique faisant partie de cette dernière catégorie. Ces sommes sont passées de 8 millions à 40 millions, puis à 105 millions d'euros, du 9e au 11e Fonds européen de développement (FED).
Selon les informations recueillies, il apparaît clairement que de réels progrès peuvent être réalisés dans ce domaine. Tout d'abord, l'Union européenne est le premier bailleur de fonds de la région, mais ces actions ne sont pas suffisamment identifiées. Ensuite, les procédures administratives communautaires ne sont pas adaptées à la réalité du Pacifique et à l'étroitesse de la base administrative des petits pays insulaires. Cela induit des lourdeurs, des retards, des redressements incompréhensibles pour les acteurs de bonne foi qui découvrent des évolutions de règles en cours de vie du projet. La mise en place du 11e FED est ainsi retardée, pénalisant les projets et réduisant la possibilité de consommer l'intégralité de l'enveloppe allouée dans le temps de programmation restant.
L'accord de Cotonou, qui fonde l'aide communautaire, viendra à échéance en 2020. Il convient de repenser dès à présent la synergie entre les aides communautaires et l'action de nos PTOM, de rechercher des réponses efficaces à l'échelon régional dans le domaine de la lutte contre les catastrophes naturelles ou la protection de la biodiversité. Un des défis d'avenir est d'agréger, à la programmation entre l'Union européenne et les pays ACP, les PTOM. Les PTOM, surtout français campent sur une position ancienne, souhaitant obtenir à terme un statut plus privilégié que les ACP au regard des aides de Bruxelles.
Notre pays doit à la fois accompagner nos territoires dans leurs discussions avec Bruxelles, et aider Bruxelles à instaurer un dialogue politique au plus haut niveau en s'appuyant sur notre politique globale océanienne, réaffirmée par les sommets des chefs d'État et de gouvernement France-Océanie qui se sont tenus à Papeete en 2003, à Paris en 2006, à Nouméa en 2009 et à Paris en 2015. Cette dynamique doit être poursuivie et renforcée.