Dans ce contexte qui nous est si favorable, dans cette région du monde où la demande de France est si grande, nos propositions dessinent une feuille de route en cinq axes pour renforcer notre position régionale.
D'abord, nous devons réfléchir à la définition d'une politique indopacifique. Il s'agit de modifier notre présence traditionnelle en Asie du Sud-Est, dans une région où les tensions entre la Chine et les États-Unis ne favorisent pas les initiatives françaises, pour mieux prendre en compte des flux commerciaux, énergétiques et maritimes en croissance exponentielle. Alors que le ministère de la défense a fait sien cet axe de réflexion, celui des affaires étrangères semble plus réservé. Notre commission a un rôle à jouer pour le promouvoir.
Ensuite, nous recommandons de développer des partenariats stratégiques, qu'il nous semblerait opportun d'appuyer sur la coopération parlementaire. Nous avons bien vu, en Australie, le rôle que nous pouvions jouer pour appuyer l'action du Gouvernement, dans une période où l'évolution de la politique française apparaît de l'extérieur incertaine. Travaillons en outre sur la définition d'instances de dialogue interrégionales incluant la Chine, ce partenaire économique de premier plan mais qui suscite aussi beaucoup d'interrogations. Nous aurons également à nous interroger sur notre relation stratégique avec l'Inde, qui s'est améliorée depuis la vente des Rafales.
Troisième recommandation : la France doit prendre toute sa place dans l'architecture régionale. Il convient d'abord de veiller à la pleine autonomie des collectivités territoriales au sein des instances régionales, de les soutenir dans la mise en place d'une stratégie de relations extérieures, et de mieux associer les territoires français du Pacifique aux négociations avec Bruxelles. Nous avons à cet égard été frappés par la maturité et la sérénité des dirigeants de Nouvelle Calédonie, à la veille du référendum essentiel de 2018. Nous recommandons en outre d'approfondir le dialogue « Océanie+1 » et de profiter de la tenue en 2018 à Bruxelles du sommet de l'ASEM, instance de dialogue Asie-Europe, pour développer les positions de la France, et proposer que son édition 2020 se tienne à Paris. Veillons également à la représentation de haut niveau de la France dans les instances régionales indopacifiques. Nous avons eu l'occasion de souligner l'importance de la présence de notre pays au Forum des îles du Pacifique, événement considérable dans cette région du monde. Il faut en outre défendre une politique européenne dans le domaine environnemental et le développement économique de la zone pacifique, et agir pour simplifier les règles d'attribution des aides européennes, dont la complexité cache trop souvent la réelle contribution française. Aux Fidji par exemple, la France, malgré la modestie de ses moyens, a su, elle, joindre les actes aux discours après le passage du cyclone Winston.
Quatrième axe : la France doit se doter de moyens adaptés de puissance, pour que nos forces armées exercent leurs missions sans déficit capacitaire, améliorer la lisibilité de la gouvernance de la zone militaire Pacifique-Océanie et faciliter les coopérations. Nous y avons par exemple un hélicoptère Puma de quarante ans d'âge et tout rapiécé puisque les pièces d'origine ne sont plus disponibles... Nous souhaitons également souligner la nécessité de développer les compétences linguistiques de nos militaires. Il est essentiel de mener des actions ciblées dans les zones économiques exclusives, où les enjeux sont considérables ; deux patrouilleurs et un bâtiment multi missions, c'est un peu léger car entre Tahiti et la Nouvelle Calédonie, il faut compter dix jours de navigation, et six jours pour atteindre la mer de Chine du Sud... Enfin, il faut rayonner dans les coopérations militaires régionales ; le « dialogue de Shangri-La » en fournit une bonne occasion.
Nous souhaitons, et c'est notre dernière recommandation, faire fructifier le succès de l'équipe France. Il s'agit de favoriser l'implantation de PME françaises et de mobiliser nos régions - désormais à forte capacité économique. Les conseillers diplomatiques placés auprès des préfets de région devraient pouvoir agir également auprès des présidents de région, qui consacrent désormais des moyens importants aux PME - qui sont à l'origine de 90% des créations d'emplois dans notre pays, rappelons-le. Nous voulons en outre soutenir « l'australianisation » de nos entreprises : acceptons que nos succès ne se réalisent pas exclusivement dans nos territoires mais aussi chez ceux qui nous font confiance, l'Inde pour les Rafales ou l'Australie pour les sous-marins. La vente de ces derniers s'accompagne d'ailleurs d'un échange de technologies au plus haut niveau. Il nous faut en tout cas moderniser notre action extérieure. L'exemple du franco-australien Ross McInness, nommé représentant spécial pour les relations avec l'Australie, est remarquable. Les 550 000 Français de cette région du monde bénéficieront des chantiers navals d'Adelaïde. Nos entreprises franco-australiennes ont été au coeur de ce succès, et la bonne implantation de DCNS en Australie méridionale permettra de satisfaire aux exigences de ce contrat.
Puissent notre commission, le Sénat et nos institutions en général se doter d'une stratégie pour soutenir le développement économique et la présence française dans cette région, pour y porter haut et loin le pavillon national !