Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 13 décembre 2016 à 9h05
Projet de loi de finances rectificative pour 2016 — Examen du rapport

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Je reviens sur le contexte économique de l'exercice 2016, ainsi que sur l'évolution du solde public ; je ferai également le point sur la situation budgétaire de l'État en cette fin d'année.

Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, les hypothèses d'évolution du produit intérieur brut (PIB) et du solde en 2016 ne font l'objet que de modifications mineures par rapport au projet de loi de finances pour 2017. Ces modifications ne sont pas de nature à modifier l'analyse que j'avais développée lors de l'examen du projet de loi de finances.

L'hypothèse gouvernementale de croissance du PIB pour 2016 est abaissée de 1,5 % à 1,4 %. Cette prévision demeure cependant supérieure aux anticipations disponibles à ce jour, ainsi que l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques dans son avis du 14 novembre 2016. La Commission européenne, le FMI et le Consensus Forecasts anticipent une hausse de l'activité de 1,3 % en 2016. L'OCDE, quant à elle, table sur une croissance de 1,2 %. Si le Haut Conseil a relevé que « la prévision de croissance du Gouvernement de 1,4 % pour 2016 se situe dans le haut de la fourchette des prévisions disponibles », il a malgré tout jugé qu'elle était « atteignable ».

Certes, la surestimation de la croissance par le Gouvernement en 2016 paraît toute relative et ne devrait avoir qu'une incidence limitée sur la trajectoire des finances publiques. Malheureusement, ses effets pourraient se révéler très négatifs si elle venait s'ajouter à une croissance plus faible qu'anticipé en 2017. Le Gouvernement maintient une prévision de croissance de 1,5 % en 2017. Pourtant, comme je l'ai montré récemment, si la croissance s'élevait à 1,3 % en 2016 et 1,2 % en 2017, comme l'anticipe le Consensus Forecasts, les recettes publiques seraient moins élevées de 6 milliards au cours du prochain exercice. Cela aurait pour conséquence de dégrader le déficit public de près de 0,2 point de PIB.

Malgré la légère révision à la baisse de l'hypothèse de croissance pour 2016, le Gouvernement maintient inchangée sa prévision d'évolution du déficit public. La part structurelle du déficit est revue à la baisse, à 1,5 % du PIB, contre 1,6 % du PIB dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Cependant, ceci est sans incidence sur le niveau prévisionnel du déficit public effectif, qui est maintenu à 3,3 % du PIB en 2016.

La prévision d'exécution de solde structurel figurant dans l'article liminaire du projet de loi de finances rectificatif est conforme à la trajectoire arrêtée dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, qui prévoyait un solde structurel de - 1,8 % du PIB en 2016. Cependant, le Haut Conseil des finances publiques s'est également référé aux programmes de stabilité, qui « traduisent mieux les engagements européens de la France » et « constituent une meilleure référence que la loi de programmation de 2014 ». Or, en dépit de la révision de l'estimation de solde structurel portée par le présent projet de loi, le solde structurel serait plus élevé en 2016 que l'objectif du programme de stabilité d'avril 2016.

Quelle est la situation budgétaire de l'État en 2016 ? Ce projet de loi de finances rectificative présente le schéma de fin de gestion pour 2016, qui correspond à l'ajustement en fin d'exercice des crédits alloués afin d'éviter des impasses budgétaires tout en assurant le respect de la norme de dépenses. Ce schéma traduit la persistance et même l'aggravation de sous-budgétisations importantes. Comme l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le projet de loi de finances rectificative, « la tenue des objectifs d'exécution du budget 2016 est rendue difficile par les nombreuses mesures nouvelles annoncées au cours de l'année et par l'ampleur des sous-budgétisations de la loi de finances initiale, qui ont atteint en 2016 un niveau sans précédent ». Ainsi, les dépenses du budget général, hors dette et pensions, sont supérieures de 2,1 milliards d'euros à l'objectif du Gouvernement.

Comme l'année dernière, des économies de constatation permettent à l'État d'afficher une apparente maîtrise des dépenses. Les prélèvements sur recettes sont revus à la baisse de 2 milliards d'euros, dont 800 millions d'euros concernant le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales en raison d'une révision des versements au titre du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) corrélée au ralentissement constaté en 2014 et 2015 de l'investissement local, comme l'avait souligné Philippe Dallier. Et la charge de la dette est également réduite de 2,9 milliards d'euros, les taux d'intérêt ayant été revus à la baisse.

Les recettes de l'État comprennent d'une part, les recettes fiscales, composées de tous les impôts, pour un montant total prévu à 285,3 milliards d'euros et, d'autre part, les recettes non fiscales, regroupant entre autres les amendes, dividendes et produits du domaine de l'État, pour un montant total prévu à 16,5 milliards d'euros en 2016.

La prévision de recettes fiscales nettes pour 2016 est en baisse de 2,6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, soit une diminution modeste de 0,9 %. Néanmoins, cette baisse est plus importante sur l'impôt sur les sociétés (IS), dont le produit serait inférieur de plus de 7 % aux prévisions effectuées en loi de finances initiale. Cette révision à la baisse de l'IS serait principalement due à une révision de la croissance du bénéfice fiscal, qui s'établirait à 4,2 % contre une prévision de 9,7 % faite en loi de finances initiale.

Les recettes non fiscales, évaluées à 15,6 milliards d'euros en loi de finances initiale, sont révisées à la hausse de 900 millions d'euros - soit 6,1 % - dans le présent projet de loi. Cela résulte de divers mouvements de sens contraires que je pourrai détailler si vous le souhaitez.

Le déficit pour 2016 est révisé en amélioration de 2,4 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale : il devrait donc s'établir à 69,9 milliards d'euros, contre une estimation initiale de 72,3 milliards d'euros. Merveilleux, me direz-vous ! Mais en dehors de la hausse des recettes non fiscales, le seul élément conduisant à améliorer le déficit budgétaire qui ne soit pas - en apparence - de pure constatation est l'amélioration du solde des comptes spéciaux. Hélas, cette hausse résulte principalement d'un simple jeu d'écriture : le solde du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » est revu à la hausse de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale en raison d'une annulation de 2 milliards d'euros sur le programme de désendettement. C'est un tour de passe-passe budgétaire. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport relatif aux crédits du budget de l'État ouverts par décret d'avance, « cette opération réduit facialement le déficit prévisionnel en comptabilité budgétaire qui ressort à 69,92 milliards d'euros, mais est sans effet tant sur le solde en comptabilité nationale que sur le niveau de la dette de l'État ». La diminution du déficit dont se targue le Gouvernement repose donc uniquement sur des économies de constatation et sur un jeu d'écriture sur le solde des comptes spéciaux. Cela explique que le montant des émissions de titres de dette à moyen et long terme demeure inchangé, à 187 milliards d'euros, et que le plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État reste fixé à 62,5 milliards d'euros.

Le projet de loi déposé par le Gouvernement, comportait 44 articles. Il en compte désormais 118, c'est-à-dire que 74 articles ont été ajoutés lors de l'examen à l'Assemblée, et nous n'avons eu que cinq jours pour procéder à leur examen. Malgré mes 65 amendements, il est donc possible que certains sujets surgissent et me conduisent à vous proposer, jeudi prochain, de nouveaux amendements ou à vous proposer de rectifier certains d'entre eux, compte tenu des éléments d'information qui pourraient me parvenir.

Essentiellement technique, le texte du Gouvernement ne comportait aucune mesure fiscale d'ampleur et, depuis son passage à l'Assemblée, il n'a pas davantage pris de consistance, même s'il a pris un certain poids. Il comporte une addition de mesures hétéroclites que je ne pourrai résumer car elles ne présentent pas de cohérence d'ensemble - ce qui n'a rien d'anormal pour un projet de loi de finances rectificative.

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