ancien sénateur-maire de Chinon, urbaniste, conseiller auprès du centre du patrimoine à l'Unesco. - Mesdames, messieurs, en tant qu'ancien sénateur, j'ai beaucoup de plaisir à me retrouver aujourd'hui parmi vous. Même si le colloque porte aujourd'hui sur la France, il me semble bon de savoir ce qui se passe ailleurs dans le monde sur la question urbaine. C'est la raison pour laquelle je dirai quelques mots de la conférence des Nations unies sur le logement et le développement urbain, dite conférence « Habitat III », qui vient de s'achever à Quito, en Équateur, et pour laquelle, j'étais, avec d'autres, chargé de la préparation.
Dès que l'on trouve une bonne analyse ou une bonne solution quelque part, on pense qu'elle peut être valable partout. Ce n'est pas vrai. Il faut toujours tenir compte de l'histoire, de la géographie, de la démographie, voire de l'archéologie. Notre vision de l'avenir doit être fondée sur un socle culturel, qui, la plupart du temps, fait défaut. On se précipite pour agir, et on agit mal le plus souvent. C'est avec de l'argent public que l'on fait les plus grandes bêtises, faute de consentir l'investissement intellectuel préalable.
Une question a traversé la conférence de Quito, celle sur les villes compétitives et les villes inclusives. Plusieurs forces puissantes en mouvement se confrontent.
On assiste aujourd'hui à une émergence du pouvoir citoyen et de la société civile, très forte dans certains pays, notamment en Amérique latine, et à une faiblesse du pouvoir politique en termes de gouvernance des villes dans d'autres pays, cette faiblesse laissant la place à de grands opérateurs privés prêts à faire des villes « compétitives ».
La France a tenu, à Quito, à mettre en avant la prééminence de l'intervention publique. Mme Cosse, ministre du logement, qui représentait la France, y reviendra sans doute dans son propos liminaire demain matin. La faiblesse de l'intervention publique dans certains pays, où règne aussi la corruption, est dangereuse. Cependant, la prééminence de l'intervention publique, que défend la France, est également directement liée à la recherche d'alliances avec le secteur privé, au moyen de partenariats public-privé et de délégations de service public, ce qui suppose la définition de cahiers des charges, donc de la matière grise, des compétences de professionnels, des agences d'urbanisme et de développement auprès des élus.
Tel est le contexte dans lequel s'est inscrite la conférence de Quito, animée par Joan Clos, ancien maire de Barcelone, qui a une vision très claire en matière de développement urbain, fondée sur le droit romain : on fait des politiques foncières, des infrastructures urbaines, et on construit la ville ensuite. Or l'outil foncier, la plupart du temps, fait défaut. En France, les banlieues ont été construites au gré des opportunités foncières, sauf les villes nouvelles, que j'ai toujours défendues comme un exemple réussi des politiques françaises en urbanisme.
La France a une histoire rurale, sa structure urbaine est très particulière. Elle compte un immense réseau de villes petites et moyennes qui est en train de connaître un affaiblissement très inquiétant. Si l'on peut se réjouir de l'émergence d'une vingtaine ou d'une trentaine de métropoles, même si les problèmes des banlieues sont loin d'être réglés, l'envers de la politique de la ville, si l'on peut dire, c'est le dépérissement de toute une histoire des petites villes. Cela pose des problèmes économiques, évidemment, notamment une aggravation de la pauvreté, mais également démographiques et culturels. Le pays s'en trouve affaibli.
J'aimerais qu'aujourd'hui et demain le colloque permette de dégager des pistes pour régler ce problème français. Il faut à cet égard réfléchir à l'accessibilité, en termes non seulement de transports, mais également de télécommunications. En matière de haut débit, par exemple, nous sommes loin du compte. Dans ma province, qui n'est pourtant pas très loin de Paris, nous avons parfois du mal à téléphoner ! Le déficit d'accessibilité empêche le progrès. Or la mobilité est l'une des clés de l'avenir d'une France qui se sent enfermée, isolée.
Une puissance urbaine émerge, et nous connaissons de beaux exemples. Cela dit, il faut tenir compte de l'autre versant de la politique urbaine dans la recherche de ces alliances que j'évoquais tout à l'heure : alliances avec le secteur privé, alliances entre villes. Il faut créer des réseaux concrets sur les thèmes de la santé, de la culture, des transports, de l'économie. Là est l'avenir.
Face aux deux problèmes que nous connaissons, celui des banlieues et celui des territoires en difficulté, des champs d'innovation sont susceptibles de redonner de la puissance à la croissance française.
Permettez-moi maintenant de vous présenter les différents intervenants de cette table ronde intitulée « Ville et non-ville. Banlieues, périphéries, périurbains, espaces ruraux » : Vincent Capo-Canellas, sénateur de la Seine-Saint-Denis, maire du Bourget, Éric Charmes, sociologue et urbaniste, Annie Fourcaut, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, et Jean-Louis Subileau, urbaniste-aménageur, un fidèle compagnon de route qui travaille dans le bassin minier, territoire immense qui a subi de plein fouet l'effondrement de l'économie avant de se tourner vers l'innovation. Songez que le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais a réussi à se faire inscrire sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Quelle vision, quelle énergie incroyable ! J'ai de l'admiration pour ceux qui ont oeuvré à cette inscription.
La parole est maintenant à Vincent Capo-Canellas.