Intervention de Nelly Olin

Réunion du 31 janvier 2006 à 16h00
Parcs nationaux et parcs naturels marins — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec l'examen du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, nous vivons aujourd'hui un moment de politique exceptionnel.

Ce moment est exceptionnel, car c'est la première fois depuis plus de quarante-cinq ans que le Sénat, après l'Assemblée nationale à la fin du mois d'octobre dernier, se penche sur ce que je tiens pour l'un des monuments législatifs de la Ve République, fondateur de la protection de la nature en France, résultat, je le rappelle, de la volonté du général de Gaulle et d'André Malraux :je veux parler, bien sûr, de la loi de 1960 relative à la création des parcs nationaux.

Ce moment est exceptionnel ensuite, car ce projet de loi nous conduit à nous intéresser à des espaces qui comptent parmi les plus beaux, les plus rares et les plus riches au monde, joyaux du patrimoine naturel, culturel et paysager de la nation, mais aussi de la planète. Aujourd'hui, c'est à des monuments de la nature que nous nous intéressons, chers au coeur de nos concitoyens, qui sont chaque année plus nombreux à visiter nos sept parcs nationaux existants. C'est même d'un véritable engouement qu'il s'agit, puisque les parcs nationaux français accueillent sept millions de visiteurs par an.

Ce moment est exceptionnel enfin, car le débat à l'Assemblée nationale a montré à quel point le sujet que nous abordons aujourd'hui pouvait, au-delà des sensibilités politiques, réunir les opinions autour de grandes options et d'une ambition qui est non seulement celle du Gouvernement et de sa majorité, mais également celle de l'ensemble de nos concitoyens.

Les enjeux du présent projet de loi portent en effet sur le très long terme et sur la gestion d'espaces absolument exceptionnels. Ils concernent à la fois les acteurs locaux, les collectivités territoriales, la nation entière, mais aussi la communauté internationale. Ils nous imposent, par leur importance et leur caractère supérieur, de rechercher, à chaque étape du débat que nous allons avoir, une vision partagée.

C'est pourquoi ce projet de loi est fondé sur une approche sociale et humaniste de la protection de la nature et de la préservation des espaces les plus rares.

Nous le savons, les parcs nationaux à la française sont des espaces fortement protégés, mais d'où l'homme n'est pas exclu, pas plus d'ailleurs que ne le sont les héritiers de ceux qui, depuis des générations, gèrent et entretiennent ces espaces. Ce sont en effet ces activités qui ont aussi produit ou permis de conserver les richesses naturelles et les paysages qui nous apparaissent aujourd'hui tellement beaux.

Nous devons reconnaître cet héritage, mais également le fait que ces modes traditionnels de gestion ont été fragilisés par le progrès technique et qu'il nous faut donc inventer pour préserver ce que nous avons reçu.

La tradition française des parcs nationaux n'exclut pas non plus le citoyen curieux de nature, le touriste respectueux de cet héritage et à qui, sans considération de fortune personnelle, les espaces du monde restés les plus authentiques et les plus riches doivent, encore à très long terme, demeurer accessibles.

Dès l'origine, les pères fondateurs des parcs nationaux à la française avaient eu une intuition : celle que l'ambition protectrice et sociale des parcs nationaux ne pouvait être atteinte en isolant les espaces protégés de leur environnement immédiat. Ils avaient inventé à la fois un système gradué d'encadrement des activités humaines tolérées dans le parc et d'autorisations individuelles, établies toujours avec la plus stricte exigence, pouvant bien évidemment aller, s'agissant de certaines d'entre elles, jusqu'à l'interdiction. Ils avaient aussi imaginé la zone périphérique des parcs nationaux.

Ces deux caractéristiques fortes sont maintenues.

Le premier objectif du projet de loi est de préserver le socle d'exigence, posé dès 1960, en confortant le niveau de protection de nos actuels parcs nationaux.

Il sera ainsi remédié aux faiblesses de la loi de 1960, repérées au fil du temps ou à la faveur de conflits locaux. En effet, il y a quarante-cinq ans, le législateur ne travaillait pas dans le même contexte qu'aujourd'hui.

Par exemple, la limite entre les domaines législatif et réglementaire n'était pas la même et personne ne contestait alors la possibilité de créer des contraintes par décret, au nom d'un intérêt général qui paraissait évident. Par ailleurs, le niveau de protection pénale des parcs nationaux, aujourd'hui paradoxalement moins important sur certains points que celui d'une réserve naturelle, voire de la plus banale des forêts domaniales, sera remis au niveau d'exigence qu'implique le classement en parc national.

Concernant la zone périphérique, des efforts certains ont été faits, mais les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur, faute de moyens juridiques permettant de bâtir une véritable solidarité économique et sociale, organisée et structurée autour des espaces protégés.

L'histoire nous montre pourtant que cette intuition était la bonne : la biologie et la science de la conservation nous ont en effet appris, depuis une quarantaine d'années, à prêter une attention beaucoup plus grande à la continuité écologique entre les aires protégées et les territoires environnants.

La réflexion des instances internationales a évolué dans le même sens. Après avoir longtemps fait une priorité de la protection réglementaire de la nature et dépensé son énergie en ce sens, l'Union internationale pour la conservation de la nature, l'UICN, a reconnu, voilà une dizaine d'années, que les démarches contractuelles étaient des outils potentiellement performants.

Plus récemment, l'UICN a affiché sa volonté d'accorder une importance accrue à ce qu'il est convenu d'appeler la gouvernance. Il est même envisagé de compléter les actuels critères de classement dans les six catégories de l'UICN par des critères de bonne gouvernance.

La France a ainsi la satisfaction de voir que les questions dont elle s'est toujours préoccupée sont aujourd'hui partagées, après avoir eu le sentiment durant plusieurs décennies que de telles approches, à la fois exigeantes et respectueuses des sociétés humaines locales, n'étaient pas audibles à l'échelon international.

Les communes environnantes d'un parc national se verront ainsi proposer un véritable partenariat, structuré autour d'un projet de territoire qu'elles auront élaboré ensemble et matérialisé par la libre adhésion à la charte de ce parc. L'objectif est de permettre aux élus des collectivités territoriales concernées de s'emparer des questions que posent le développement à la périphérie d'un espace protégé de notoriété mondiale et d'y répondre par des choix collectifs exigeants.

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