La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.
La séance est reprise.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36 de notre règlement.
Alors que la commission d'enquête sur l'immigration clandestine est en train de procéder à diverses auditions et à des déplacements, M. Georges Othily, son président, se répand dans les médias, anticipant sur ses conclusions.
Ainsi, le 25 janvier dernier, il indiquait sur une antenne de radio que « de profondes réformes sur les mariages blancs, les reconnaissances d'enfants, les prestations sociales » seraient nécessaires. Le 28 janvier, il récidivait dans la presse écrite et annonçait « une loi générale pour régler le problème de l'immigration clandestine, ainsi qu'une loi spécifique pour l'outre-mer ».
Je rappelle qu'il est prévu que les travaux de la commission d'enquête parlementaire durent jusqu'au 15 mars prochain, l'examen et l'adoption des conclusions du rapporteur intervenant le 5 avril suivant. Par conséquent, il convient de laisser la commission d'enquête travailler sereinement, surtout sur un sujet aussi sensible.
En fait, M. Othily n'est-il pas en train de précipiter le calendrier de nos travaux, afin de servir le Gouvernement, en particulier M. Sarkozy, qui doit présenter incessamment son projet de loi sur l'immigration en conseil des ministres ?
Cette attitude me renvoie à mon intervention lors du débat sur la création de cette commission d'enquête, au cours duquel j'avais déjà émis de grandes réserves sur l'objet et la finalité d'une telle commission.
Ainsi, monsieur le président, j'aimerais qu'il me soit précisé si les propos de M. Othily sont d'ordre personnel ou s'ils engagent la commission d'enquête.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Assassi. Je ne peux toutefois - vous le comprendrez - répondre à votre question !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec l'examen du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, nous vivons aujourd'hui un moment de politique exceptionnel.
Ce moment est exceptionnel, car c'est la première fois depuis plus de quarante-cinq ans que le Sénat, après l'Assemblée nationale à la fin du mois d'octobre dernier, se penche sur ce que je tiens pour l'un des monuments législatifs de la Ve République, fondateur de la protection de la nature en France, résultat, je le rappelle, de la volonté du général de Gaulle et d'André Malraux :je veux parler, bien sûr, de la loi de 1960 relative à la création des parcs nationaux.
Ce moment est exceptionnel ensuite, car ce projet de loi nous conduit à nous intéresser à des espaces qui comptent parmi les plus beaux, les plus rares et les plus riches au monde, joyaux du patrimoine naturel, culturel et paysager de la nation, mais aussi de la planète. Aujourd'hui, c'est à des monuments de la nature que nous nous intéressons, chers au coeur de nos concitoyens, qui sont chaque année plus nombreux à visiter nos sept parcs nationaux existants. C'est même d'un véritable engouement qu'il s'agit, puisque les parcs nationaux français accueillent sept millions de visiteurs par an.
Ce moment est exceptionnel enfin, car le débat à l'Assemblée nationale a montré à quel point le sujet que nous abordons aujourd'hui pouvait, au-delà des sensibilités politiques, réunir les opinions autour de grandes options et d'une ambition qui est non seulement celle du Gouvernement et de sa majorité, mais également celle de l'ensemble de nos concitoyens.
Les enjeux du présent projet de loi portent en effet sur le très long terme et sur la gestion d'espaces absolument exceptionnels. Ils concernent à la fois les acteurs locaux, les collectivités territoriales, la nation entière, mais aussi la communauté internationale. Ils nous imposent, par leur importance et leur caractère supérieur, de rechercher, à chaque étape du débat que nous allons avoir, une vision partagée.
C'est pourquoi ce projet de loi est fondé sur une approche sociale et humaniste de la protection de la nature et de la préservation des espaces les plus rares.
Nous le savons, les parcs nationaux à la française sont des espaces fortement protégés, mais d'où l'homme n'est pas exclu, pas plus d'ailleurs que ne le sont les héritiers de ceux qui, depuis des générations, gèrent et entretiennent ces espaces. Ce sont en effet ces activités qui ont aussi produit ou permis de conserver les richesses naturelles et les paysages qui nous apparaissent aujourd'hui tellement beaux.
Nous devons reconnaître cet héritage, mais également le fait que ces modes traditionnels de gestion ont été fragilisés par le progrès technique et qu'il nous faut donc inventer pour préserver ce que nous avons reçu.
La tradition française des parcs nationaux n'exclut pas non plus le citoyen curieux de nature, le touriste respectueux de cet héritage et à qui, sans considération de fortune personnelle, les espaces du monde restés les plus authentiques et les plus riches doivent, encore à très long terme, demeurer accessibles.
Dès l'origine, les pères fondateurs des parcs nationaux à la française avaient eu une intuition : celle que l'ambition protectrice et sociale des parcs nationaux ne pouvait être atteinte en isolant les espaces protégés de leur environnement immédiat. Ils avaient inventé à la fois un système gradué d'encadrement des activités humaines tolérées dans le parc et d'autorisations individuelles, établies toujours avec la plus stricte exigence, pouvant bien évidemment aller, s'agissant de certaines d'entre elles, jusqu'à l'interdiction. Ils avaient aussi imaginé la zone périphérique des parcs nationaux.
Ces deux caractéristiques fortes sont maintenues.
Le premier objectif du projet de loi est de préserver le socle d'exigence, posé dès 1960, en confortant le niveau de protection de nos actuels parcs nationaux.
Il sera ainsi remédié aux faiblesses de la loi de 1960, repérées au fil du temps ou à la faveur de conflits locaux. En effet, il y a quarante-cinq ans, le législateur ne travaillait pas dans le même contexte qu'aujourd'hui.
Par exemple, la limite entre les domaines législatif et réglementaire n'était pas la même et personne ne contestait alors la possibilité de créer des contraintes par décret, au nom d'un intérêt général qui paraissait évident. Par ailleurs, le niveau de protection pénale des parcs nationaux, aujourd'hui paradoxalement moins important sur certains points que celui d'une réserve naturelle, voire de la plus banale des forêts domaniales, sera remis au niveau d'exigence qu'implique le classement en parc national.
Concernant la zone périphérique, des efforts certains ont été faits, mais les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur, faute de moyens juridiques permettant de bâtir une véritable solidarité économique et sociale, organisée et structurée autour des espaces protégés.
L'histoire nous montre pourtant que cette intuition était la bonne : la biologie et la science de la conservation nous ont en effet appris, depuis une quarantaine d'années, à prêter une attention beaucoup plus grande à la continuité écologique entre les aires protégées et les territoires environnants.
La réflexion des instances internationales a évolué dans le même sens. Après avoir longtemps fait une priorité de la protection réglementaire de la nature et dépensé son énergie en ce sens, l'Union internationale pour la conservation de la nature, l'UICN, a reconnu, voilà une dizaine d'années, que les démarches contractuelles étaient des outils potentiellement performants.
Plus récemment, l'UICN a affiché sa volonté d'accorder une importance accrue à ce qu'il est convenu d'appeler la gouvernance. Il est même envisagé de compléter les actuels critères de classement dans les six catégories de l'UICN par des critères de bonne gouvernance.
La France a ainsi la satisfaction de voir que les questions dont elle s'est toujours préoccupée sont aujourd'hui partagées, après avoir eu le sentiment durant plusieurs décennies que de telles approches, à la fois exigeantes et respectueuses des sociétés humaines locales, n'étaient pas audibles à l'échelon international.
Les communes environnantes d'un parc national se verront ainsi proposer un véritable partenariat, structuré autour d'un projet de territoire qu'elles auront élaboré ensemble et matérialisé par la libre adhésion à la charte de ce parc. L'objectif est de permettre aux élus des collectivités territoriales concernées de s'emparer des questions que posent le développement à la périphérie d'un espace protégé de notoriété mondiale et d'y répondre par des choix collectifs exigeants.
Ces orientations doivent permettre aux élus locaux de s'impliquer complètement dans le projet de parc national comme ils en ont manifesté le désir, pour certains depuis fort longtemps.
Elles doivent aussi répondre à l'attente des élus qui travaillent à la création de nouveaux parcs nationaux.
La participation à un objectif commun conduira à reconnaître le label « parc national » aux communes qui adhèreront à la charte.
Dans la ligne de pensée des fondateurs de la loi de 1960, le Gouvernement s'est donc fixé deux objectifs.
Le premier est d'ouvrir les parcs nationaux à un dialogue fécond tenant compte, d'une part, des exigences supérieures de la préservation à long terme d'un patrimoine de niveau mondial et, d'autre part, de celles qui sont liées au développement des communautés humaines vivant dans sa proximité immédiate et ayant conservé avec ces espaces des relations souvent quotidiennes.
Je dois le dire, sur ces deux axes, le débat à l'Assemblée nationale a permis d'améliorer le texte initial du Gouvernement, à la fois en apportant des modifications rédactionnelles qui, tout en restant fidèles à l'équilibre de la loi du 22 juillet 1960, faciliteront le maintien de nos parcs nationaux dans la catégorie II de l'UICN ; en renforçant sur divers points la protection du coeur du parc ; en clarifiant le vocabulaire à travers les formulations de « coeur du parc » pour désigner les espaces protégés du parc et « d'aire d'adhésion » pour désigner la zone périphérique, secteur dans lequel les communes conservent la liberté d'adhérer ou non à la « charte du parc » ; en apportant, dans la composition du conseil d'administration, une solution rédactionnelle judicieuse à l'exigence d'une forte représentation locale ; enfin, en créant un établissement public interparcs chargé non seulement de mutualiser les moyens des parcs nationaux sur des sujets communs, mais encore de les représenter à l'étranger.
Cependant - c'est le second objectif que s'est fixé le Gouvernement - le projet de loi va au-delà, puisqu'il innove encore dans deux domaines où la France assume des responsabilités importantes : les collectivités d'outre-mer et les milieux marins. C'est d'ailleurs sur ces deux points que le débat à l'Assemblée nationale a apporté au texte initial présenté par le Gouvernement le plus d'améliorations, signe de l'ambition collective qui nous anime.
En premier lieu, le projet de loi a pour objectif de permettre aux collectivités d'outre-mer de doter leurs territoires d'espaces protégés à la hauteur de leurs immenses richesses biologiques.
Il nous offre également l'occasion de saluer et de reconnaître les caractéristiques propres - géographiques et écologiques sans doute, mais également humaines et sociales -de ces territoires et de reconnaître plus complètement ce qu'ils apportent ainsi à la nation.
Sur l'île de la Réunion, les élus ont pris l'initiative, voilà plusieurs années, de mettre à l'étude un projet de parc national porteur d'une très grande ambition : sauvegarder les richesses biologiques incomparables de cette île où l'isolement écologique a produit un fort taux d'endémisme et donc une part de patrimoine naturel unique au monde.
Les élus réunionnais ont, à de nombreuses reprises, réitéré leur volonté d'aboutir, et se sont en même temps montrés extrêmement attentifs aux dispositions du projet de loi qui permettront véritablement aux élus de la « zone périphérique » du parc de prendre en main, à travers la charte, une véritable politique de développement durable.
Je n'hésite pas à le dire, ils nous ont aidés à formaliser nos ambitions pour les futurs parcs nationaux, même si l'expérience des parcs existants est, à travers les réflexions de leurs élus depuis une quinzaine d'années, à la source même de ce projet.
Des dispositions particulières aux départements d'outre-mer ont été imaginées sur la base de l'exemple réunionnais. La proportion que représenteront les espaces protégés du parc sur l'île, environ 40 %, n'est en effet pas comparable avec les situations existantes.
Je n'en doute pas, le futur parc national des Hauts de la Réunion, grâce à l'ambition que partagent pour lui les élus et l'État, sera, pour les habitants d'aujourd'hui et plus encore de demain, une incomparable garantie de qualité de vie et, dès sa création, un facteur éminent de notoriété mondiale et de création de richesses.
Les élus de la Guyane nous ont, de leur côté, également fait part de leur très grande ambition, tout spécialement lors du congrès qui s'est tenu le 18 octobre 2005 et au cours duquel ils ont donné un accord de principe pour le projet de parc national. Cet accord était cependant assorti de plusieurs remarques fondamentales que le débat conduit à l'Assemblée nationale a permis au Gouvernement de prendre en compte, dans le cadre d'une discussion très consensuelle avec l'ensemble des sensibilités politiques représentées.
Le projet de parc national en Guyane est, de la même façon qu'à la Réunion, l'occasion pour la nation de reconnaître la spécificité de ce vaste et magnifique territoire, et de manifester le souci que nous avons de respecter les droits, les connaissances et les coutumes des populations amazoniennes.
Je réaffirme ici que le Gouvernement a été et demeure très attentif aux préoccupations des Guyanais. Le projet de « parc amazonien », comme le congrès l'a souhaité, est désormais inscrit dans le projet de loi qui vous est présenté. Il est clairement, aux yeux du Gouvernement, un instrument de développement de la Guyane.
Il le sera grâce aux moyens financiers supplémentaires mobilisés, soit à travers le plan d'urgence pour la Guyane, soit à travers le budget du futur parc. Ce dernier prêtera son concours à la lutte contre l'orpaillage illégal à travers ses missions de police de l'environnement qui s'exerceront aussi bien dans la zone protégée que dans l'aire d'adhésion.
Il le sera également grâce aux moyens humains mis en oeuvre, à travers les emplois que le parc sera progressivement amené à créer sur place, dans chacune des communes adhérentes ; à travers les formations à divers métiers qui seront proposés à des résidents, à travers l'accompagnement que proposera le parc national au développement d'activités, notamment touristiques, dans l'aire d'adhésion.
Mais aussi, et surtout, il offrira les moyens aux habitants, et spécialement aux membres des communautés autochtones, de valoriser leurs connaissances de cette nature si particulière qui a façonné leur culture propre et d'exprimer leurs talents. Le parc national doit être l'instrument par lequel s'exprimera le « génie » des communautés locales.
Il constituera, enfin, un moyen de protection non seulement contre l'orpaillage, je l'ai dit, mais aussi contre le pillage des richesses biologiques.
Les discussions à l'Assemblée nationale ont démontré à quel point ce sujet était, pour l'ensemble des Guyanais, sensible et indissociable de la réflexion sur le parc national.
La seconde innovation majeure du projet de loi concerne le domaine marin : le Gouvernement vous propose, en effet, de créer les parcs naturels marins.
La protection de la mer est un des plus vastes défis écologiques mondiaux des prochaines décennies. La France, par l'importance de ses façades maritimes sur la quasi-totalité des mers et océans du monde, assume au niveau mondial une responsabilité de premier ordre en ce domaine.
Nous ne partons pas de rien, mais l'outil proposé comble un vide dans une palette où, actuellement, seules figurent des protections réglementaires fortes. Nous manquons d'un instrument organisant de façon durable le partenariat sur les espaces marins à forts enjeux.
Le parc naturel marin est adapté à ces espaces maritimes vastes où la biodiversité est particulièrement riche et qui sont, presque naturellement, des lieux de conflits d'usages importants. Sur de tels espaces, l'approche réglementaire est souvent utile, mais elle est aussi radicalement insuffisante. Il faut alors raisonner dans un cadre à la fois souple et mobilisateur, en prenant en compte simultanément les préoccupations et les contraintes de toutes les activités en mer dans l'espace concerné.
Sur de tels espaces, au nombre d'une douzaine environ en France métropolitaine et outre-mer, il s'agit de pouvoir mobiliser durablement autour de l'État l'ensemble des partenaires et usagers, de manière, c'est évident, à sortir des arbitrages au cas par cas pour développer ensemble une vision partagée de la gestion de ces espaces. Il faut organiser un dialogue structuré et permanent avec les préfets représentants de l'État en mer et donner les quelques moyens nécessaires pour engager des projets communs.
Ainsi, l'État associera notamment les diverses collectivités territoriales riveraines ou leurs groupements à la protection et à la gestion durable de ces espaces marins de haute valeur patrimoniale, sans pour autant renoncer à assumer ses prérogatives et compétences en mer.
L'Assemblée nationale s'est livrée à une analyse critique du projet qui lui était proposé sur ce sujet ; elle a choisi d'aller beaucoup plus loin dans l'ambition et de placer l'établissement public que le Gouvernement proposait de créer pour gérer l'ensemble de ces nouveaux parcs dans la position d'être tout de suite beaucoup plus efficace.
Les députés vous proposent ainsi de créer un « établissement public des aires marines protégées ». Il permettra une mutualisation des expériences accumulées actuellement dans la protection de la mer et la gestion de ses richesses biologiques, et deviendra l'instrument privilégié du pilotage de la politique en faveur de la protection des espaces marins.
Bien évidemment, le Gouvernement adhère pleinement à l'ambition ainsi tracée par la représentation nationale.
Le débat qui s'est tenu à l'Assemblée nationale, en mobilisant, comme je l'ai dit, les énergies de toutes les sensibilités politiques, a conduit à de très substantielles améliorations du texte du Gouvernement et en a rehaussé l'ambition aussi bien que les moyens d'action.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous abordez donc aujourd'hui l'examen d'un projet de loi qui a donné lieu à une mobilisation constructive, les querelles partisanes ayant été écartées au profit de la recherche de l'intérêt supérieur de la nation.
Je remercie votre rapporteur d'avoir d'emblée situé vos débats en commission à ce niveau d'exigence, tout en menant un patient, un exigeant travail de relecture qu'imposait avec une particulière acuité l'examen du projet en urgence.
Je suis heureuse que vous vous empariez à votre tour de ce texte avec passion et avec une ambition partagée pour la France.
Sachez que je serai très attentive à tout ce que vous direz, d'où que viennent les remarques, car je suis persuadée que nous tenons là une référence pour l'avenir.
Ma conviction est que cette loi non seulement rendra possible la création des parcs nationaux de la Guyane et de la Réunion, du parc naturel marin de la mer d'Iroise, mais, qu'au-delà elle donnera envie : elle donnera envie à des élus locaux de s'emparer eux-mêmes de projets de parcs nationaux, comme par exemple dans les Calanques, et aux élus comme aux différents usagers de la mer de proposer des projets de parcs naturels marins.
Je suis consciente que le budget pour 2006 des parcs nationaux n'est pas à la hauteur des besoins, ...
... après deux années où les fonds de roulement ont été affectés à l'investissement.
Le Gouvernement est décidé à faire des parcs nationaux une priorité budgétaire pour 2007, en dégageant les moyens nécessaires à cette nouvelle ambition pour les parcs nationaux existants, et, bien évidemment, pour la création des deux nouveaux parcs de la Guyane et de la Réunion.
Avec les parcs nationaux, nous traitons de ces parts du patrimoine naturel hors du commun, fragiles et incomparables. Nous parlons du très long terme et de la responsabilité que notre peuple assume vis-à-vis de tous les autres : conserver intact, et d'une certaine manière « inviolé », un héritage issu du fond des âges, de l'histoire géologique et biologique de la terre, mais aussi de l'histoire des communautés humaines.
Notre devoir est de ne pas rompre cette chaîne de transmission entre les générations et de contribuer, en protégeant ces espaces, en donnant aux communautés qui vivent sur ces espaces ou à proximité les moyens de les protéger, à faire qu'à l'avenir subsistent encore sur cette terre, où la nature continue chaque jour d'être agressée, des espaces aussi riches et aussi beaux que ceux qui justifient aujourd'hui la création des parcs nationaux.
La hauteur de cette ambition doit guider nos débats. Nous serons fiers d'y avoir participé et, tous ensemble, d'avoir bâti, pour quarante-cinq nouvelles années au moins, un droit à la fois puissamment protecteur et qui laisse, davantage que par le passé, sa place à l'initiative et à l'intelligence humaine.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis aujourd'hui à notre examen concerne l'élément le plus emblématique de nos exceptionnels espaces naturels protégés, à savoir les parcs nationaux.
La richesse d'un pays, c'est aussi celle de ses espaces, celle de sa nature protégée. Permettez-moi, chers collègues, de vous rappeler simplement que, entre 1801 et 1899, cent espèces végétales ont disparu en France. Je pourrais développer plus longuement cette réflexion, compte tenu des responsabilités que j'ai exercées autrefois dans un parc botanique régional et qui m'ont conduit à partager ces inquiétudes. Vous comprendrez donc mieux, madame la ministre, ma détermination à agir dans ce domaine.
Ce projet de loi traduit les engagements constitutionnels inscrits dans la Charte de l'environnement adoptée en mars 2005, qui fait de la préservation de l'environnement un objectif essentiel « au même titre que les intérêts fondamentaux de la nation », pour utiliser les termes que vous avez vous-même prononcés, madame la ministre, et que je me suis permis de reprendre dans mon rapport.
Ce texte s'insère également dans la stratégie de la biodiversité adoptée en février 2004, déclinée concrètement à travers sept premiers plans d'action, qui coordonnent des orientations et des actions précises menées par plusieurs ministères, et dont vous avez, madame la ministre, fait une présentation détaillée lors d'un conseil des ministres en novembre 2005.
Il faut tout d'abord rappeler que, si la France s'est tardivement dotée de parcs nationaux, les précurseurs en la matière ayant été les États-Unis, la loi du 22 juillet 1960 traduit surtout une conception française de la protection de ces espaces exceptionnels.
À la sauvegarde des espèces et des écosystèmes, au tourisme culturel et à l'exercice de sports de nature qui sont les objectifs communs des parcs nationaux dans le monde, le législateur a ajouté la restauration et la mise en valeur du tissu socio-économique avoisinant, en définissant une zone périphérique dotée d'un programme de réalisations. La place de l'homme est ainsi réaffirmée en tant qu'entité indissociable de ces espaces naturels exceptionnels.
Sept parcs ont été créés entre 1963 et 1989, dont cinq en zone de montagne. L'ensemble des zones centrales dans lesquelles s'exerce une protection plus forte des espaces naturels représente seulement 0, 66 % de notre territoire national. Dans nombre de pays européens ou dans le monde, ce pourcentage est beaucoup plus élevé.
Ce dispositif connaît un véritable succès, et les parcs nationaux - retenons ce chiffre, qui représente une victoire collective - reçoivent chaque année 6 millions de visiteurs.
Néanmoins, le bilan de quarante-cinq ans de gestion des parcs nationaux établi à partir de rapports successifs et convergents a permis - pour être objectif, il faut être sincère - de formaliser plusieurs critiques et d'élaborer des propositions constructives, afin de conforter les objectifs de protection d'un parc national, en s'appuyant sur une véritable dynamique partenariale avec les collectivités locales.
Le dernier rapport remis au Premier ministre en 2003 et dont l'auteur est connu - et reconnu - puisqu'il s'agit du rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Giran, a inspiré l'essentiel des dispositions figurant dans ce projet de loi. Ce rapport a également identifié les dysfonctionnements essentiels du dispositif de 1960.
Ainsi, au-delà de la protection réussie des parcs naturels de la zone centrale - il s'agit du coeur, j'y reviendrai tout à l'heure -, la mise en valeur des zones périphériques, aujourd'hui appelées aires d'adhésion, est restée souvent lettre morte.
Un sentiment d'expropriation est parfois ressenti très fortement par les populations locales, par ailleurs viscéralement attachées à la préservation de ce qui leur est cher : leur territoire. En outre, un sentiment de frustration est éprouvé par certains élus tandis qu'une certaine suspicion des associations de protection de la nature se manifeste à l'encontre précisément des élus.
J'en viens aux principales caractéristiques du projet de loi soumis à l'examen de notre Haute Assemblée.
Premièrement, il s'agit, comme cela a été dit, de rénover en profondeur le cadre législatif - il n'a pratiquement pas été modifié ou l'a été très peu depuis 1960 - de l'outil « parc national », en l'adaptant à un contexte scientifique, administratif et international qui a beaucoup évolué, et ce à travers deux axes.
D'une part, il faut conforter le niveau de protection des parcs nationaux en précisant, à l'échelon législatif, le pouvoir réglementaire reconnu à l'établissement public - urbanisme, autorisation de travaux, pouvoir de police spéciale - dans les espaces protégés du parc. Le choix d'un établissement public national pour la gestion du parc est confirmé.
D'autre part, il convient de créer les conditions d'un partenariat générateur de bénéfices mutuels entre les espaces protégés et la zone périphérique, en associant les collectivités territoriales concernées dans un projet de territoire auquel elles adhèrent librement. La représentation des acteurs locaux au sein du conseil d'administration est renforcée ainsi que les pouvoirs du président.
Deuxièmement, il s'agit de doter la France d'un outil pour la gestion et la préservation des aires marines à forte valeur écologique avec la création d'un parc naturel marin.
Troisièmement, enfin, le projet de loi vise à prendre en compte les spécificités de l'outre-mer et de la Guyane, sujet que vous avez également évoqué, madame la ministre, par l'adoption de mesures particulières, complétant la réglementation générale et y dérogeant parfois afin de favoriser la mise en place de parcs nationaux.
Composé initialement de quinze articles, ce projet de loi comprend désormais, après son adoption par l'Assemblée nationale, vingt-cinq articles répartis dans cinq chapitres.
Il faut tout d'abord souligner, pour s'en féliciter, la personnalité et la très forte implication du rapporteur M. Jean-Pierre Giran - je suis d'autant plus objectif que je ne le connais pas personnellement - nationalement connu, puisqu'il est président du parc de Port-Cros et auteur d'un rapport remarqué remis au Premier ministre, qui a servi de base de travail pour ce projet de loi, comme je l'ai déjà dit. À cet égard, les interventions de nombreux députés concernés, à plus d'un titre, par la gestion des parcs nationaux ont également été utiles à l'élaboration de ce texte.
En conséquence, l'Assemblée nationale a considérablement enrichi le dispositif sur les points suivants.
Sur la proposition du rapporteur, nombre de propositions, parfois de nature réglementaire, il faut le reconnaître, qui figuraient dans son rapport de 2003 ont été adoptées.
Selon la terminologie désormais retenue, le parc national est composé d'un « coeur de parc », défini comme les espaces terrestres ou maritimes à protéger et, en périphérie de ce coeur, de ce que l'on appelle « une aire d'adhésion », qui englobe les communes ayant décidé d'adhérer à la charte du parc.
Ce document définit les objectifs de protection pour le coeur et les orientations de protection, de mise en valeur ou de développement durable pour l'aire d'adhésion. Sont ainsi bien distingués au sein de l'entité « Parc national » un espace soumis à réglementation et un espace géré de façon contractuelle et partenariale.
La composition du conseil d'administration a été également précisée, s'agissant notamment des personnalités choisies pour leurs compétences, ainsi que le rôle et la désignation du directeur. Un amendement sera d'ailleurs présenté par la commission sur ce sujet.
Sur proposition du président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Ollier, a été introduite la création de l'établissement public « Parcs nationaux de France », ...
... structure fédérant l'action des différents parcs nationaux.
Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse pour vous dire que les conservatoires botaniques français, par exemple, qui sont actuellement au nombre de neuf, sont regroupés à l'échelon national dans une fédération des conservatoires botaniques. Ce cerveau de la coordination permet d'éviter que chacun dans sa région ne travaille différemment.
Nous avons donc réfléchi à cet aspect des choses, et pensé qu'il fallait coordonner les actions des différents parcs afin d'éviter qu'elles ne soient dispersées et parfois contradictoires.
L'Agence des parcs naturels marins devient l'Agence des aires marines protégées, ayant vocation à animer le réseau de ces aires. Ce réseau est constitué des différents outils réglementaires et contractuels existants, et est destiné à protéger et à valoriser la très grande richesse de nos espaces maritimes.
On peut relever également l'introduction d'un chapitre spécifique définissant les principales caractéristiques du parc amazonien de la Guyane, ainsi que la proposition d'un nouvel outil juridique intitulé « parcs naturels urbains ».
Le travail très approfondi conduit avec le ministère de l'écologie ainsi que, à travers une vingtaine d'auditions, avec les élus et les professionnels intéressés m'a permis de constater que le projet de loi voté par l'Assemblée nationale recueillait l'approbation de la plupart des acteurs concernés qui ont salué l'adoption d'un texte « équilibré » - pour reprendre le qualificatif utilisé par une éminente collaboratrice de la commission des affaires économiques - dans lequel ont été pesés les « pour » et les « contre », qui tient compte des avantages et des inconvénients et qui permet de tenir un langage constructif.
Sur les dispositions générales concernant les parcs nationaux, les amendements proposés seront essentiellement d'ordre rédactionnel ou de précision, pour éviter tout risque de contentieux.
L'établissement public d'un parc national dispose, en effet, d'un véritable pouvoir réglementaire dans le coeur du parc. Les atteintes à la libre administration des communes, aux libertés individuelles et au droit de propriété doivent être clairement définies, justifiées et proportionnées à l'objectif d'intérêt général assigné au parc national, à savoir la protection d'espaces naturels « exceptionnels ».
Sur le fond, la commission des affaires économiques vous proposera de préciser le mode de nomination du directeur de l'établissement public du parc national, afin de permettre la saisine pour avis du conseil d'administration sur la liste établie par le comité de sélection paritaire, et non pas seulement sur le choix opéré par le ministre.
La commission vous proposera également d'organiser l'exploitation des ressources génétiques en Guyane, en particulier pour la délivrance des autorisations d'accès à ces ressources, ainsi que vous l'avez évoqué tout à l'heure, madame la ministre.
Il s'agit d'une question essentielle en termes de ressources économiques et de développement durable, à laquelle les élus de la Guyane sont très sensibles. La solution proposée privilégie le rôle des élus de la région et du département, mais entend également prendre en compte l'avis des communautés d'habitants et de la forêt amazonienne représentées par les autorités coutumières au sein du conseil d'administration du Parc amazonien.
Les objectifs de la commission des affaires économiques sont aussi d'élargir le dispositif fiscal dont bénéficient les terrains classés en zones Natura 2000, qui a été voté dans la loi de finances rectificative pour 2005, aux terrains situés dans le coeur des parcs nationaux.
Ces dispositions avaient été annoncées en conseil des ministres en novembre 2005. Dans mon rapport, j'ai qualifié leur coût pour les finances publiques de « marginal » ; pour être encore plus objectif, je dirai qu'il sera très limité, car une grande partie des territoires situés dans les coeurs de parc est classée en zone Natura 2000 ou a vocation à l'être. Mais il s'agit - reconnaissons-le collectivement - d'un affichage politique fort.
La commission souhaite également que l'on puisse déroger aux règles générales de recrutement par concours des agents de la fonction publique territoriale pour les parcs de l'outre-mer.
Madame la ministre, nous avons eu de longs débats en commission sur ce sujet, et il n'est pas facile de trouver le bon équilibre. Cependant, nous avons déjà formulé une proposition assez nette. Nombreux sont ceux qui souhaitent une diversification du mode de recrutement des agents des parcs nationaux afin que soient pris en compte le vécu local et la connaissance du terrain. §
Quand on habite Paris, Lyon ou Marseille, il est difficile de vraiment saisir les situations géographiques, la réalité de ce qui se passe en Guyane, ou même dans les Pyrénées ou dans les Alpes.
Une personne née au pays a une plus grande compétence naturelle pour comprendre la géographie ou la topographie de ce territoire.
En conclusion, madame la ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'impérieuse nécessité d'inscrire, dans la loi de finances pour 2007 et pour les années ultérieures, les moyens budgétaires nécessaires à la mise en oeuvre de cette réforme. À défaut de moyens supplémentaires, le risque est de voir cette réforme rester lettre morte et de nous discréditer alors aux yeux de l'opinion publique, très attachée à la préservation de l'environnement, notamment dans sa version la plus emblématique. Certaines instances internationales, constatant l'insuffisance des garanties apportées à la protection des espaces naturels dans un parc national, pourraient également modifier leur classement.
Pour 2006, la dotation budgétaire pour les parcs nationaux s'élève à 25, 44 millions d'euros en fonctionnement et à 5, 7 millions d'euros en investissement, après des débats intenses dans lesquels la commission des affaires économiques, à l'unanimité, s'est impliquée pour éviter une réduction des crédits du programme « Gestion des milieux et biodiversité ».
Ces moyens, tant humains que financiers, devront être renforcés, ne serait-ce que pour accompagner l'implication des parcs nationaux dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la charte dans les aires d'adhésion.
Selon l'étude d'impact du projet de loi, l'implication de l'État dans les projets de territoire des aires d'adhésion est évaluée à une quinzaine de millions d'euros par an pour les sept parcs nationaux existants, le champ d'intervention étant élargi à 900 000 hectares supplémentaires. Il serait d'ailleurs souhaitable que les collectivités territoriales concernées puissent également s'investir dans ce nouveau partenariat.
En outre, le coût financier annuel de gestion d'un parc naturel marin est évalué entre 2 millions et 4 millions d'euros, et il existe une dizaine de sites pouvant justifier la mise en place d'un tel dispositif. La solution judicieuse consistant à mettre en place un seul établissement national coordonnant le réseau devrait permettre de mutualiser les moyens, mais les moyens d'intervention seront toujours nécessaires.
Enfin, on peut relever la création de l'établissement public « Parcs nationaux de France », que j'ai évoquée tout à l'heure, et qui nécessite un budget et des moyens propres en personnels, même si la structure prévue est légère, moyens qui ne sauraient être prélevés sur ceux qui sont actuellement attribués aux sept parcs existants.
Cependant, il faut considérer que, à terme, cette structure permettra de réaliser des économies d'échelle
M. Jean Desessard s'exclame.
La réforme que vous nous présentez, madame la ministre, est justifiée, ambitieuse et positive. Toutefois, sans vouloir assombrir le tableau, car je pense être un élu constructif, j'estime qu'elle aurait pu l'être davantage encore si l'urgence n'avait pas été déclarée pour ce projet de loi. Cela aurait permis d'élargir le sujet à l'ensemble de la politique française de protection des sites naturels et, comme beaucoup de mes interlocuteurs l'ont souligné, de procéder à une mise à plat judicieuse de toutes les formes de protection existantes, afin de les simplifier et de redonner une cohérence à l'ensemble du dispositif.
Mes chers collègues, voilà un projet de loi qui doit nous rassembler. En effet, la préparation de l'avenir n'est pas le monopole d'un quelconque groupe parlementaire, c'est notre objectif commun à tous, sans distinction de sensibilités politiques.
Sous réserve des observations que j'ai formulées, la commission des affaires économiques vous proposera d'adopter le projet de loi tel que modifié par les amendements qu'elle vous soumettra.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord vous dire combien ma collègue Évelyne Didier, qui a suivi assidûment la préparation de ce texte, regrette de ne pouvoir être des nôtres aujourd'hui, pour cause de grippe. C'est donc au pied levé et en toute modestie que je vais la remplacer dans ce débat.
La loi du 22 juillet 1960 a fondé, il faut le redire ici, une politique de protection des espaces naturels exceptionnels permettant à la France, d'une part, de protéger efficacement une partie de son patrimoine naturel, et, d'autre part, de tenir son rang, à l'échelon international, par le classement de nos parcs en catégorie II selon la classification de l'UICN, exception faite du parc des Cévennes.
À ce propos, je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous indiquiez si le maintien en catégorie II de nos parcs nationaux est toujours un objectif du Gouvernement.
Nous savons, en effet, que l'UICN, acronyme toujours en usage pour désigner l'Union mondiale pour la nature, observe avec intérêt les évolutions législatives et réglementaires qui s'engagent dans notre pays avant de se prononcer sur le maintien ou non de nos parcs en catégorie II. Elle estime qu' « une véritable stratégie à long terme en matière d'espaces protégés fait encore défaut à la politique française ». Selon une étude menée par le comité français pour l'UICN, « le réseau d'aires protégées en France reste à élargir et à consolider ».
Nul n'ignore ici que les plus beaux paysages sont aussi les plus convoités. Devant les pressions démographiques et économiques de toute sorte qu'ils subissent, de nombreux espaces à forte valeur patrimoniale ne bénéficient pas encore d'une protection.
Ainsi, les zones identifiées par les inventaires du patrimoine naturel seraient, toujours selon l'UICN, incluses à concurrence de 4 % seulement dans des aires protégées réglementaires.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui permettra-t-il à la France d'améliorer la protection de son patrimoine naturel ? Nous pouvons, avec juste raison, poser cette question.
En préalable à l'examen de ce texte, je souhaite évoquer brièvement la procédure législative utilisée : une fois de plus, comme vient de le regretter M. le rapporteur, l'urgence a été déclarée. De fait, tout se passe aujourd'hui comme si cela devenait la procédure normale. C'est d'autant plus incompréhensible que la plupart des lois votées après déclaration d'urgence en 2004 et en 2005 ne sont toujours pas appliquées à ce jour. Il s'agit, selon nous, d'un abus de procédure.
Cela étant dit, je voudrais saluer l'excellent rapport de notre collègue Jean Boyer...
... et la qualité du travail fourni par les services de la commission des affaires économiques. S'il a été précédé par le rapport Giran, qui présentait une analyse approfondie du sujet, ce rapport a néanmoins le mérite de poser clairement les objectifs visés au travers du texte, de mettre en exergue les améliorations apportées à l'Assemblée nationale et de nous éclairer sur les modifications à effectuer encore afin d'aller au bout de cette réforme.
Je salue également la contribution décisive des gestionnaires des parcs, des associations, des syndicats qui nous ont éclairés, les uns et les autres, sur les enjeux d'une réforme souhaitée par tous pour une meilleure prise en compte des zones périphériques et pour une clarification des rôles et responsabilités de chacun, mais aussi et surtout pour que ne soit pas abandonné ce qui fait l'essence même des parcs nationaux, à savoir une certaine idée de l'intérêt général, dont l'État doit demeurer le représentant.
En effet, s'il est évidemment nécessaire qu'un parc national soit accepté et promu par les habitants de la zone concernée et par les acteurs locaux, il n'en demeure pas moins que la protection de la biodiversité est un impératif qui s'impose à tous, au-delà des particularismes locaux, d'où l'importance d'un investissement de l'État comme garant de l'intérêt général, d'une part, et de décisions motivées par les connaissances apportées par le conseil scientifique du parc, d'autre part. Les amendements que nous présenterons vont dans ce sens.
Enfin, nous souhaitons que la finalité de ce texte reste essentiellement de promouvoir les parcs nationaux. Si la Guyane et la Réunion demandent des aménagements certainement appropriés, nous devons veiller à ne pas édulcorer ou diluer le concept même de parc national. Notre crédibilité à l'échelon international est en jeu.
Le chapitre Ier de ce projet de loi concerne les parcs nationaux.
L'article 1er définit un parc national comme l'addition d'un ou plusieurs coeurs et d'une zone d'adhésion. Il permet par ailleurs l'inclusion d'espaces maritimes.
L'article 2 renouvelle la procédure de création d'un parc national. D'après le rapport de M. Jean Boyer, « la procédure se déroulera, dès la phase préliminaire d'études, dans le cadre d'un groupement d'intérêt public afin de mobiliser l'ensemble des acteurs locaux ».
Il est clair que, pour l'essentiel, la réécriture vise à associer plus étroitement les collectivités territoriales à la procédure de création d'un parc. Si l'on peut porter une appréciation positive sur la prise en compte des préoccupations locales, on ne peut que s'interroger sur les implications financières d'une telle décision pour les collectivités territoriales concernées.
L'article 3, quant à lui, prévoit que la charte du parc national est composée d'un volet relatif au coeur de parc, avec des objectifs de protection, et d'un volet contractuel d'orientations de protection pour l'aire d'adhésion. Il est précisé, en outre, que ladite charte définit un projet de territoire traduisant la solidarité écologique entre le coeur du parc et ses espaces environnants.
Là encore, si l'on peut se réjouir de cette recherche de cohérence, il est juste de se demander comment cette solidarité se traduira sur le plan budgétaire, d'autant que les missions de l'établissement public du parc sont considérablement élargies. Les moyens suivront-ils ? Là est la question. J'ai entendu les promesses que vous avez faites sur ce point tout à l'heure, madame la ministre, et j'espère qu'elles deviendront réalité l'année prochaine, lors de l'élaboration du budget !
De notre point de vue, les articles 1er, 2 et 3 constituent l'essentiel de ce texte. En effet, si une réforme est souhaitée par tous ceux qui sont concernés par l'outil « parc national », il n'en reste pas moins que celle-ci s'inscrit complètement dans la ligne tracée par la « mère des réformes », à savoir la décentralisation que le gouvernement Raffarin a fait voter avec la détermination que l'on sait.
Dans ce domaine comme dans d'autres, on a réduit d'année en année, dès 2002, les budgets affectés aux politiques publiques. Si le projet de loi prévoit des dispositions d'ordre financier, notamment, à titre compensatoire, la création d'un nouveau critère pour l'attribution d'une dotation aux communes dont le territoire est compris, pour tout ou partie, dans le coeur du parc, il ne règle pas, pour autant, la question financière.
Notre inquiétude est renforcée par le sort réservé depuis plusieurs années au budget dévolu aux parcs nationaux. Rappelons la diminution des crédits alloués aux sept parcs par le ministère de l'environnement, diminution qui connaît un pic en 2006, avec un recul de 20 % par rapport à 2005 !
Certains parcs sont plus durement touchés que d'autres et vont rencontrer des difficultés inédites pour continuer à fonctionner. Comment, dans ces conditions, créer de nouveaux parcs ? Sauf à admettre ce que j'énonçais précédemment, à savoir une plus forte implication des collectivités territoriales - la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles nourrit des convoitises -, je ne vois pas comment, même avec une augmentation des crédits annoncée au titre du budget de 2007, la situation pourrait s'améliorer vraiment.
Ce retrait de l'État transparaît également dans d'autres dispositions du texte.
Ainsi, en ce qui concerne la composition des conseils d'administration des parcs nationaux, la volonté du Gouvernement de rendre ces derniers plus « démocratiques » ne doit pas remettre en question la représentation de l'État. En effet, un net basculement des forces en faveur des représentants locaux, au sens large du terme, serait des plus préoccupants s'agissant de la prise en compte des missions strictement conservatoires des parcs nationaux : l'article 6 prévoit qu'un décret fixera le nombre des membres du conseil d'administration et indique que « les administrateurs représentant les collectivités territoriales (...) » détiendront « la moitié au moins des sièges du conseil d'administration ».
Le souci de l'équilibre à trouver entre le local et le national s'exprime aussi au travers de la composition du personnel travaillant dans ces espaces. Cette question a suscité de vifs débats. Prévoir un quota de recrutement local serait contraire au principe de l'égalité d'accès des candidats aux postes. Le recrutement national, au vu des différentes formations scientifiques proposées, doit permettre d'assurer un haut niveau scientifique du personnel. Cela étant, ce dernier doit bien entendu aussi comporter des personnes connaissant parfaitement le site.
La solution consiste donc à définir, dans le cahier des charges, une équipe composée de personnes aux profils diversifiés, alliant compétences scientifiques et connaissance parfaite du terrain, sensibilité écologique et envie de vivre au pays.
Par ailleurs, l'article 1er prévoit qu'un parc national peut être composé de plusieurs coeurs. Dans cette hypothèse, nous souhaitons qu'une continuité soit assurée entre ceux-ci.
En ce qui concerne l'article 3, nous demandons qu'il soit prévu que le conseil scientifique du parc national sera entendu.
S'agissant de l'article 4, nous souhaitons que les travaux prévus soient encadrés et qu'une zone tampon soit obligatoirement définie.
À l'article 8, il nous semble utile de préciser qu'il reviendra à l'établissement public du parc national de décider si l'éventuelle affectation d'immeubles visée l'intéresse ; l'État ou les collectivités territoriales ne doivent pas pouvoir la lui imposer.
Quant à l'article 11 ter, relatif au concept nouveau de parc naturel urbain, mon collègue Robert Bret s'exprimera plus précisément sur ce sujet.
Sourires
M. Gérard Le Cam. En conclusion, parce que ce projet de loi porte en lui les germes d'un désengagement de l'État, parce que l'intérêt général, qui doit guider les politiques en jeu, n'est pas suffisamment garanti, parce que les financements ne sont pas à la hauteur des objectifs affichés, nous déterminerons notre appréciation sur ce texte à l'issue des débats.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la Haute Assemblée est aujourd'hui saisie d'un texte essentiel, ô combien ! pour la protection de nos espaces naturels.
En effet, quarante-cinq ans après sa promulgation, la loi relative à la création de parcs nationaux nécessite d'indispensables adaptations.
Si nous nous arrêtons quelques instants pour jeter un regard lucide sur le fonctionnement de ces parcs, à quelles conclusions allons-nous aboutir ?
Ces territoires « sanctuarisés », disséminés en métropole et outre-mer, ont incontestablement permis d'atteindre l'objectif premier qui était visé : la protection de la nature. De Port-Cros aux Pyrénées, de la Guadeloupe aux Écrins, les organismes de gestion de ces zones ont mené des actions exemplaires en termes de préservation, de restauration et d'éducation à la biodiversité.
Pour autant, des dysfonctionnements ont été identifiés depuis le 22 juillet 1960, date de promulgation de la loi que nous allons rénover. Ainsi, en dépit de l'élaboration de nombreux projets, seuls sept parcs ont été créés. Le dernier, celui de la Guadeloupe, a été institué en 1989, soit voilà plus de quinze ans.
Parmi les explications avancées de cet engouement relatif, évoquons celle qui est inhérente à la genèse des parcs. Leur création, qui exprime une reconnaissance nationale de l'exceptionnelle valeur géologique, biologique, humaine et paysagère d'une zone, est en fait l'aboutissement d'un long et tortueux processus.
La communauté locale concernée et la nation s'engagent tout d'abord de concert dans une étude des atteintes portées au site considéré par les interventions humaines, directes et indirectes. Elles conviennent ensuite de consolider, par des mesures préventives ou coercitives, les caractéristiques écologiques du milieu. Le suivi et l'animation de ce projet relèvent enfin d'un cadre réglementaire qui avive les frustrations.
Évoquons, par conséquent, ces résistances. Comme le souligne l'exposé des motifs de ce texte, ces règles « ont parfois donné l'impression aux populations locales et aux élus d'une dépossession de leur territoire, alors que l'État n'y est que marginalement un propriétaire foncier ». Une gestion centralisée n'étant pas forcément - j'y reviendrai dans la dernière partie de mon propos - la garantie contre les décisions arbitraires, les communautés locales militent donc pour une meilleure reconnaissance de leur contribution à la protection des parcs nationaux.
Ainsi, serait évité le dernier écueil rencontré par les dispositions de la loi de 1960 : la quasi-absence de solidarité entre le parc national et sa zone périphérique. En effet, contrairement au souhait exprimé par le législateur, la complémentarité prônée entre une protection maximale de la zone centrale et un développement social, économique et culturel de la zone périphérique n'a malheureusement pas pu se concrétiser pleinement.
Tel est, à titre d'exemple, le défi que souhaite relever la Réunion. Notre collègue Anne-Marie Payet, actuellement en mission sanitaire avec Xavier Bertrand, aurait souhaité vous faire partager les convictions et les ambitions du peuple réunionnais. Je vais donc essayer de m'en faire l'interprète.
Forte de l'expérience de ses voisins, la Réunion voit en son futur parc un axe central des politiques de la biodiversité, de l'aménagement du territoire et du tourisme. La rénovation prévue par ce projet de loi permet, à leurs yeux, de mieux allier protection et développement, nature et société.
Deux initiatives méritent, à ce titre, d'être saluées : d'une part, l'aménagement du parc national qui, dans le cadre contractuel de sa charte, assure une meilleure association des élus et acteurs locaux du projet ; d'autre part, sa gestion, qui conforte également ces mêmes personnalités au travers d'un conseil d'administration aux compétences renforcées et aux moyens humains accrus.
Élaboré en amont de la rédaction de ce texte, le projet réunionnais présente la double particularité d'en être l'un des inspirateurs et l'une des concrétisations. Pour consacrer cet espace comme un monument de la nature d'importance mondiale, il importe de prendre en considération les contraintes et les richesses imposées par la nature.
C'est dans ce contexte de pression démographique et foncière extrême que la population et les élus réunionnais ambitionnent donc de mettre un terme à une opposition récurrente entre « conservation » et « développement ».
Comme aime à le répéter Anne-Marie Payet, nous avons besoin de cette réforme. Alors, contribuons par ces débats à donner du sens et de la consistance à cette déclaration réunionnaise : « notre île, notre fierté, notre parc national ».
Dès lors, madame la ministre, nous ne pouvons qu'adhérer à la triple ambition de ce projet de loi. Soyez donc assurée, madame, du soutien constructif de mon groupe parlementaire, l'UDF-Union centriste, dans le déroulement de ces débats. Cette position traduit aussi la volonté manifestée par les députés de ma famille politique. J'ai d'ailleurs constaté avec beaucoup de satisfaction que nos collègues du Palais- Bourbon avaient ouvert un chapitre consacré aux parcs naturels régionaux.
Soucieuse de compléter leur initiative, je vous proposerai une série d'amendements. Comme vous l'aurez aisément compris, madame la ministre, ces propositions traduisent ma volonté et celle des administrateurs des parcs naturels régionaux de développer les actions et de favoriser la protection des espaces considérés.
C'est, madame la ministre, cette même volonté qui nous pousse à envisager un recours contentieux contre l'arrêté gouvernemental de déclaration d'utilité publique relatif à l'électrification de la ligne à grande vitesse sur le territoire du parc naturel régional de la Montagne de Reims.
Cette issue, que nous redoutions tant depuis plusieurs semaines, a donc été confirmée par l'acte publié au Journal officiel du 18 janvier dernier.
Pourtant, je n'ai pas ménagé ma peine pour vous alerter sur les risques juridiques, et donc financiers, d'une telle décision. Si certains de vos collègues du Gouvernement ont eu la décence de me recevoir et d'écouter mes arguments et mes propositions, force est de constater que vous n'avez pas partagé ce souci.
Depuis maintenant plus de six mois, j'essaie d'obtenir une entrevue pour vous convaincre de l'utilité d'un enfouissement de l'alimentation électrique sur cet espace protégé. Comment voulez-vous, madame la ministre, donner du crédit à votre charge ministérielle si vous ne prêtez aucune attention aux considérations exprimées par les élus et les habitants de ce parc ?
Pour quelles raisons ce mutisme ? Le choix d'un fuseau impactant un espace naturel protégé par l'État n'est-il pas une décision suffisamment importante pour inciter le ministre de tutelle à en étudier toutes les conséquences ?
Dans un courrier du 2 octobre 2003, Mme Bachelot, qui vous a précédée dans cette fonction, nous apportait son total soutien : que s'est-il donc passé depuis cette date ?
De quels arguments allez-vous vous prévaloir devant les élus locaux et les représentants du comité syndical pour les inciter à poursuivre leur action au moment de la procédure de renouvellement du classement en parc qui doit intervenir cette année ?
Pour toute réponse, madame la ministre, je n'ai reçu qu'un message de l'un de vos collaborateurs, envoyé quelques jours seulement avant la publication de ce fameux arrêté, et m'invitant, comble de l'ironie, à une entrevue au mois de février. Quel courage !
Mes propos peuvent vous paraître, ainsi qu'à mes collègues, empreints d'une certaine animosité, mais cette réaction n'est que le fruit d'une explication longtemps, trop longtemps espérée. Aujourd'hui, ce débat me donne donc l'occasion de provoquer cette explication.
Votre silence a été, pour l'élue que je suis, un véritable affront, non pas personnel, mais collectif. Permettez-moi de vous préciser que plus de 68 municipalités sont membres de ce parc, inclus dans un bassin de population de 350 000 habitants entre Reims, Épernay et Châlons-en-Champagne : c'est dire que pratiquement tout le département de la Marne se trouve concerné. Au travers de cet engagement, elles acceptent que leurs documents et planifications urbanistiques, leurs projets de développement économique et touristique soient contraints par la réglementation draconienne d'un P.N.R.
Permettez-moi de rappeler devant notre assemblée que la ligne à grande vitesse Est a été la première à obtenir un co-financement de collectivités territoriales, en l'occurrence le conseil régional de Champagne-Ardenne, le conseil général de la Marne et la Ville de Reims. Cet investissement financier illustre l'attachement des élus champardennais à la réalisation diligente de ce nouveau mode de communication entre notre territoire et Paris, entre notre territoire et l'Europe.
Pour autant, ces collectivités locales ne se doutaient à aucun moment que l'État ne respecterait pas ce territoire labellisé par ses soins, au mépris de la parole donnée.
En guise de remerciement, le Gouvernement a donc décidé de défigurer cet espace naturel par des pylônes de plus de quarante-cinq mètres de haut. Est-ce par cette décision qu'il entend illustrer le combat du Président de la République en faveur d'une « écologie humaniste au coeur de notre pacte républicain, par l'adoption d'une charte de l'environnement adossée à la Constitution » ?
Cette dernière citation, tirée de l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement, me laisse à penser que l'État central ne peut ériger la préservation des richesses naturelles au rang de cause nationale, et, concomitamment, s'exonérer localement de ses obligations découlant de la signature d'un contrat de parc.
Depuis maintenant plusieurs mois que je mène cette lutte, le Gouvernement a eu à maintes reprises la faculté, madame la ministre, d'inviter Réseau de transport d'électricité à procéder à l'enfouissement de cette ligne à très haute tension.
Vous avez collectivement choisi l'option du silence tandis que d'autres optaient pour celle de la diversion. Mais si, d'aventure, nous gagnons notre recours, vous devrez expliquer collectivement - je tiens à rassurer mes collègues en leur précisant que, heureusement, les ministres sont nombreux à se rendre dans la Marne - les raisons du retard pris dans l'ouverture de la ligne à grande vitesse, prévue au cours du deuxième trimestre 2007.
Je suis, malheureusement, persuadée que vos arguments trouveront alors un écho particulier auprès des électeurs amenés à se prononcer lors des prochaines élections législatives.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à dire, en tant que vice-président des parcs naturels régionaux, que je souscris aux propos de Mme Férat dont je soutiens le combat. La fédération des parcs naturels régionaux a d'ailleurs publié un communiqué pour demander que l'on trouve une autre solution, madame la ministre, pour la traversée du parc de la Montagne de Reims par cette ligne à haute tension.
Cette affaire illustre toute la difficulté qu'il y a à passer des mots aux actes sur le terrain et à gérer les conflits d'intérêts, dès lors qu'il s'agit de préserver le patrimoine tout en assurant la progression du développement économique et des moyens de transport les plus modernes.
Pour en revenir à mon intervention, je peux d'ores et déjà indiquer qu'elle sera courte, puisque cinq autres membres de mon groupe sont inscrits dans la discussion générale : c'est dire tout l'intérêt et l'importance que nous attachons à ce texte qui nous paraît pertinent, qui arrive à son heure et qui prévoit des avancées tout en soulevant un certain nombre de questions.
S'il est aussi pertinent c'est parce que, aujourd'hui, seuls sept parcs nationaux ont été créés : le parc de la Vanoise, le parc de Port-Cros en 1963, le parc des Pyrénées en 1967, le parc des Cévennes en 1970, le parc des Écrins en 1973, le parc du Mercantour en 1979 et le parc de la Guadeloupe en 1989, qui est le dernier en date.
Ce chiffre est à comparer avec celui des parcs naturels régionaux, que je connais bien : on en dénombre 44 et les défenseurs d'au moins une dizaine d'autres sites nous supplient de leur accorder le label, au risque, si nous donnons trop facilement suite à leur demande, de le voir se banaliser.
Il faut donc parvenir à débloquer la situation pour permettre à d'autres territoires de grande qualité écologique de bénéficier du label « parc naturel national ».
Il convient également de procéder à un toilettage pour tenir compte de l'évolution du contexte scientifique, règlementaire et, surtout, international à travers la convention de Rio de Janeiro et l'Union internationale pour la conservation de la nature, qui existe depuis 1948. Cela signifie que, aujourd'hui, dans tous les domaines environnementaux, la France doit s'inscrire dans une gouvernance européenne et mondiale. Il était donc important que ce texte puisse venir en discussion.
En outre, nous savons qu'un certain nombre de territoires sont désireux d'obtenir ce label, mais que, pour des raisons diverses et multiples, ils n'y sont pas encore parvenus : je pense aux Calanques, à la mer d'Iroise, à la Guyane et à la Réunion.
Il pourrait y en avoir d'autres et l'excellent rapport de notre collègue député du Var, Jean-Pierre Giran, a bien dégagé les différents problèmes qui se posent à cet égard.
Ce texte présente deux aspects intéressants. Le premier est qu'il introduit une juste réflexion sur la notion de « coeur » du parc et sur la nécessité de donner plus de poids à la zone périphérique. Si nous avons pu avoir le sentiment que la labellisation « parc naturel national » perdait de son dynamisme, c'est parce les élus de ces territoires, faute d'avoir notre confiance, s'y ont insuffisamment impliqués.
Les zones périphériques doivent, à mon sens, être prises en compte avec beaucoup plus de force et de conviction en tant que parties intégrantes du territoire. Il nous faut abandonner certaines méthodes quelque peu étatiques, parfois, il faut l'avouer, un peu autoritaires, pour passer à un partage équitable des responsabilités entre l'État et les élus.
Peut-être fallait-il, au moment de la publication de la loi de 1960, que l'État donne l'impulsion en proposant des directions qui ont pu choquer les uns ou les autres, mais j'ai la conviction que, dans notre pays, la conscience écologique des élus a fortement progressé depuis et que nous pouvons aujourd'hui leur faire confiance pour incarner ces territoires et mener à bien le projet environnemental et patrimonial.
Par ailleurs - c'est le second aspect intéressant - vous avez proposé de créer les parcs naturels marins et l'Agence des aires marines protégées : c'est également une excellent initiative parce qu'il nous faut protéger la biosphère aquatique.
On oublie trop souvent que la France est la deuxième puissance maritime mondiale avec 11 millions de kilomètres carrés et que, dans ce domaine, elle a pris énormément de retard. Pour autant, il est vrai que des incertitudes subsistent dans le texte sur la réglementation et que, là aussi, comme nous l'avons vu avec la Montagne de Reims, nous sommes confrontés à des conflits d'usage qu'il faudra bien régler et qui méritent une attention particulière.
Cela étant, quand on est dans l'opposition, madame la ministre, on a toujours de bonnes raisons pour trouver que le texte est insuffisant...
Sourires
surtout lorsque l'on est dans l'opposition ad vitam aeternam au Sénat !
Rires
Cette parenthèse étant refermée, il me paraîtrait intéressant que nous réfléchissions, à l'avenir, à une harmonisation au sein d'une grande loi sur les espaces protégés.
Aujourd'hui, la France compte 15 000 ZNIEFF - zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique -, 289 ZICO - zones importantes pour la conservation des oiseaux - et 44 parcs naturels régionaux. Nous disposons donc d'un maillage environnemental extrêmement dense, mais nous devons à présent réfléchir à la globalisation des problèmes environnementaux, qu'il s'agisse de l'ozone, des changements climatiques, de la diminution de biodiversité. Il convient maintenant de donner une impulsion et une cohésion d'ensemble aux espaces protégés de notre territoire.
Ensuite, je souhaiterais que le projet de loi aille plus loin en matière de compatibilité des documents de planification, d'aménagement et de gestion avec les objectifs de préservation des coeurs de parcs.
Mon temps de parole étant limité, j'attirerai simplement votre attention sur les propositions que nous avons faites sur les parcs naturels régionaux. En tant que vice-président de la fédération qui les regroupe, il me semble en effet qu'il ne serait pas correct d'introduire simplement des « cavaliers » relatifs aux parcs régionaux dans une loi sur les parcs nationaux.
M. Jean Desessard. Il n'y a pas de cavaliers dans les parcs régionaux !
Sourires
J'espère que l'examen de certains amendements sera l'occasion d'intégrer la réflexion sur les parcs régionaux. Nous aurons l'occasion d'en débattre ultérieurement, mais je veux d'ores et déjà mentionner l'importance que revêt, à mes yeux, l'amendement visant à permettre aux parcs régionaux d'élaborer des schémas de cohérence territoriale, les SCOT.
Pour être le porte-parole à la fois d'un pays et d'un parc, je sais combien il est long et difficile de mettre en place un SCOT réunissant des zones urbaines et rurales. Pourtant, nous disposons d'un outil sur place, je veux parler du syndicat mixte du parc régional, qui connaît tous les problèmes de maîtrise foncière. Il me paraît donc important et judicieux, pour engager une politique de maîtrise du sol à travers le SCOT, de faire confiance aux 44 parcs régionaux, outils précieux de gestion de l'espace.
Tels sont, madame la ministre, les quelques éléments de réflexion dont je voulais vous faire part.
Certes, je souhaiterais que nos espaces protégés bénéficient d'aides financières plus importantes ; à cet égard, votre dernier budget ne m'inspire guère un enthousiasme délirant. J'espère donc qu'à l'avenir vous disposerez effectivement des moyens financiers de votre politique. Je connais votre conviction, votre sincérité et votre engagement dans ce domaine, ...
...mais j'ai parfois le sentiment que, dans d'autres sphères politiques, quels que soient d'ailleurs les partis, ceux qui évoquent les problèmes environnementaux font souvent figure de vilain petit canard perturbant le discours politiquement correct.
Bien au contraire, aujourd'hui, la valeur écologique, environnementale, doit être un élément déterminant de notre réflexion politique. Nous devons être capables d'accorder le développement économique et la préservation du milieu écologique. La première richesse d'un pays dans son développement économique, c'est d'abord son action environnementale !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UMP.
Le projet de loi qui nous est soumis et qui concerne les parcs nationaux m'incite à attirer votre attention, madame la ministre, ainsi que celle de notre excellent rapporteur, notre collègue Jean Boyer, sur la situation très particulière du parc naturel des Calanques.
M. Jean-Claude Gaudin. Ce futur parc devrait être le premier parc périurbain en France. Je crois qu'il en existe quelques-uns en Australie ou au Brésil, mais il est évident que nous ne sommes pas, à Marseille, dans la même situation que dans la Vanoise, les Écrins, le Queyras, ou dans bien d'autres parcs naturels, régionaux quelquefois, que nous connaissons chez nous. Ceux-ci sont d'ailleurs largement alimentés par les conseils régionaux - c'était le cas avant même l'arrivée de nos collègues socialistes !
Sourires
Du littoral marseillais à Cassis s'étendent de nombreuses calanques, que poétiquement l'on appelle les « joyaux d'Amphitrite ». Elles concernent la commune de Cassis et les IXe et VIIIe arrondissements de Marseille, ville dont je suis l'élu depuis quarante-deux ans.
Marseille s'étend sur 24 000 hectares, madame la ministre, entourés d'un corset montagneux qui va des collines de l'Estaque, peintes par Cézanne, aux Calanques, en passant par le massif de l'Étoile et les collines de Marcel Pagnol. Sur ces 24 000 hectares - une surface qui tient entre Roissy et Orly, entre le bois de Vincennes et le bois de Boulogne -, mes chers collègues, 10 000 sont protégés et inconstructibles. Marseille n'est pas en reste en matière de protection de l'environnement !
Les calanques sont protégées depuis longtemps grâce au site classé et au groupement d'intérêt public des calanques, créé sur l'initiative de la municipalité en 1998.
Ce sont des lieux magiques, constitués d'un calcaire pur, le calcaire urgonien, dont la blancheur contraste avec le vert des pins de la végétation provençale et le bleu de la Méditerranée - je dis cela pour vous inciter à venir les visiter !
Sourires
Ces calanques ont également une histoire d'une grande richesse. Pour ne donner que quelques exemples, celle de Port-Miou abrita, en 1377, les galères du pape Grégoire XI ramenant la papauté d'Avignon à Rome. Le roi Louis XIII vint pêcher le thon, à l'invitation des prud'hommes de Marseille, dans celle de Morgiou en 1622. Il en profita d'ailleurs pour visiter les fauconneries royales de l'île de Riou.
Je pourrais parler longtemps des calanques, mais cela suffira, mes chers collègues, à vous expliquer pourquoi les Marseillais tiennent tant à ce que ces lieux magiques soient protégés.
Cependant, il faut également tenir compte de la spécificité de chacune d'entre elles. Par exemple, en 1966, la municipalité d'alors décida d'installer l'électricité dans la calanque de Morgiou, pour être agréable aux trois pêcheurs professionnels qui y travaillaient.
Mais la calanque jumelle de Sormiou, située juste à côté et qui regroupe 120 cabanoniers, tous locataires d'un même propriétaire, n'a pas souhaité être équipée de l'électricité et, à ce jour, il n'y a pas l'électricité dans la calanque de Sormiou.
Un peu plus loin vers Marseille, après la calanque de Cortiou, qui jadis voyait sortir toutes les eaux usées de la ville -- il existe une station d'épuration à Marseille depuis à peine vingt ans -...
Sourires
...se trouve une autre calanque, qui porte le nom de Podestat, et qui présente la particularité d'appartenir à EDF.
Ainsi, toutes ces calanques présentent des situations différentes ! Vous comprendrez donc que l'instauration du parc naturel des Calanques ne sera pas facile.
Je tiens à insister, madame la ministre, pour qu'un certain nombre de zones urbanisées, proches des calanques, ne soient pas insérées dans le périmètre du parc.
Ainsi, dans le IXe arrondissement, on trouve aussi le camp militaire de Carpiagne. Compte tenu des activités qui s'y déroulent, je n'imagine pas que ce site puisse être intégré au parc, exactement comme les équipements scientifiques de Luminy avaient naguère été écartés de la zone classée.
De la même manière, comment le parc Pastré pourrait-il en faire partie ? C'est un parc de 112 hectares, situé dans le VIIIe arrondissement, près du littoral, où se trouve notamment le musée de la faïence provençale. Ce parc a été entièrement réhabilité ces dernières années et ouvert au public. Je ne souhaite pas qu'il soit intégré dans ce qu'on appelle « le coeur du parc ».
Enfin, les noyaux villageois urbanisés de la Madrague de Monredon, de Samena, des Goudes, de Callelongue - je les cite pour qu'ils figurent bien au Journal officiel - ne peuvent, eux non plus, être inclus dans le parc des Calanques, car il me semblerait tout de même ahurissant d'être obligé de demander au directeur du parc un laissez-passer pour aller dîner dans un restaurant à Callelongue !
En ce qui concerne les pouvoirs de police du maire, un amendement heureux du rapporteur à l'Assemblée nationale a permis de confirmer que, dans le cas des parcs périurbains comme celui des Calanques, ces pouvoirs de police ne seraient pas transférés. Je suis donc heureux que les maires de Cassis et de Marseille ne soient pas privés des moyens d'exercer leurs responsabilités.
Dans un autre ordre d'idée, madame la ministre, il me semble qu'il faut permettre, même dans le coeur du parc, la chasse, ainsi que la pêche sous-marine au bord du littoral. Depuis des années, l'UCPA organise, à Sormiou et à Callelongue, des stages mer-montagne, initiés jadis par le célèbre alpiniste Gaston Rebuffat. Ces stages font la joie de nombreux visiteurs qui découvrent notre région et il serait regrettable de les en priver.
Sur le fond du projet, je n'ai pas caché que j'étais réticent, madame la ministre, devant la multiplication des établissements publics. Il me semble, en effet, que réduisant le pouvoir des élus locaux au profit de hauts fonctionnaires nommés en conseil des ministres, ces établissements publics risquent, à terme, de menacer la logique de décentralisation à laquelle la Haute Assemblée reste très attachée.
Pour prendre l'exemple de la commune de Marseille, nous avons, au nord de la ville, le Grand projet de ville, groupement d'intérêt public pour les questions d'urbanisme et de développement économique ; ensuite, le Port autonome de Marseille, dont le directeur, nommé en conseil des ministres, est le vrai « patron » ; puis, l'établissement public Euroméditerranée, dirigé par un directeur général, également nommé en conseil des ministres. Si vous ajoutez à cela l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille, où le pouvoir, là encore, est détenu par un directeur général, lui aussi nommé en conseil des ministres, et, demain, un directeur du parc naturel, toujours nommé en conseil des ministres, ...
M. Jean-Claude Gaudin. ...je me demande à ce moment-là si le maire ne serait pas réduit à ne plus jouer que le rôle de la reine d'Angleterre, ce que je ne souhaite pas !
Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Néanmoins, madame la ministre, cher ami Jean Boyer, vous vous êtes beaucoup impliqués sur ce texte, qui a déjà évolué à l'Assemblée nationale. Il représente une avancée, un progrès.
Si j'attire votre attention sur ces établissements publics, c'est parce que l'on peut être le président de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille - c'est mon rôle - et apprendre que des médecins ont séparé deux jeunes frères siamois, Dieu merci loin des caméras de télévision, seulement huit jours après. Je dois vous dire que cela m'a beaucoup contrarié : le directeur général de l'Assistance publique - à moins qu'il ne l'ait pas su, lui non plus - aurait pu m'en informer, dans la mesure où, malgré tout, en tant qu'élus du peuple, nous exerçons un pouvoir moral sur les institutions...
...mais le véritable pouvoir nous échappe.
Alors, madame la ministre, veillez à bien traiter les élus et à faire en sorte que les fonctions, au sein de ces nouveaux établissements publics, ne soient pas uniquement réservées à des fonctionnaires en fin de carrière - je dis cela pendant qu'ils écrivent, les uns et les autres !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
M. François Fortassin. Madame la ministre, vous avez parlé, tout à l'heure, de moments exceptionnels. Pour ma part, je dirai qu'il s'agit de moments historiques, que je vis avec beaucoup d'émotion, car s'exprimer après M. Gaudin est un exercice particulièrement difficile, qui pourrait rebuter les plus intrépides !
Sourires.
J'ai toujours considéré qu'il fallait faire preuve d'humilité, mais que la modestie était une qualité qui ne servait pas à grand-chose. Je n'en userai donc pas pour évoquer quelques problèmes concernant les parcs nationaux.
Avant toute chose, je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour remercier et féliciter notre rapporteur, M. Jean Boyer, du travail qu'il a accompli au sein de la commission. Il n'a pas forcément pris en compte toutes les observations, mais il les a toutes écoutées. Il s'agit donc d'un débat démocratique, digne, et il me paraissait important de le relever.
Vous avez également parlé, madame la ministre, d'une approche sociale et humaniste. Je ne peux, bien entendu, qu'adhérer à de tels principes, car l'organisation de parcs nationaux ou régionaux doit être assise sur des conceptions et des réalités scientifiques. Nous avons donc besoin de ces éléments, ne serait-ce que pour sauvegarder la biodiversité, mais il est clair que l'homme ne doit pas être exclu du dispositif.
Par ailleurs, en m'exprimant à cette tribune, j'ai le sentiment de représenter les cinq parcs nationaux de montagne sur les sept parcs existants, car, qu'elles soient alpines, cévenoles ou pyrénéennes, la grande caractéristique de toutes ces zones, contrairement à de nombreuses montagnes au monde, est d'avoir été fortement occupées par l'homme. Ces paysages naturels que l'on nous envie ont été façonnés par la main de l'homme.
Ils n'ont rien donc à voir avec certains espaces vides que peuvent régir les seuls avis scientifiques !
Pour cette raison, je considère que nous avons une ardente obligation, celle de considérer que les activités humaines doivent cohabiter de façon harmonieuse avec la biodiversité.
Tous les montagnards, d'où qu'ils viennent, sont pleinement convaincus que la richesse essentielle des zones dans lesquelles ils vivent est le patrimoine naturel. Les montagnards, dont les ancêtres ont eu un mode de vie très rude, n'ont pas pour habitude de dilapider leur patrimoine. Aussi, ils ne souhaitent pas que celui-ci soit exclusivement géré par des fondés de pouvoir venus d'ailleurs. Cette dimension humaine est extrêmement importante !
Nous devons donc respecter ces activités humaines, au premier rang desquelles, dans le parc que je connais le mieux, celui des Pyrénées occidentales, se trouve le pastoralisme, qui est la meilleure façon de lutter contre la mise en friche et la dégradation des paysages. Faute d'activités pastorales, il ne reste plus dans certaines zones que de la friche. La biodiversité est peut-être sauvée, mais les paysages naturels sont considérablement dégradés, sans espoir que l'on puisse les reconstituer.
Madame la ministre, nous devons prendre en compte ces activités tout autant que le respect de la biodiversité.
Bien entendu, il faut que les populations locales s'approprient le parc national, lequel doit être vécu comme un sujet de fierté et non comme une contrainte, éventuellement compensée par un apport financier. Il s'agit d'un élément de fierté qui doit être porté par les populations. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai un amendement déposé par mon excellent collègue Thierry Repentin, en espérant qu'il soit adopté.
Certes, nous avons besoin, pour administrer et animer les parcs nationaux, de personnes ayant un haut niveau d'études scientifiques, mais nous avons également besoin d'autochtones. Si nous ne mettons l'accent que sur les diplômes, nous risquons de perdre cette « fibre » locale. De la même manière qu'il faut mélanger harmonieusement les autochtones et les gens venus de l'extérieur, il faut mélanger harmonieusement la biodiversité et les activités humaines -pastoralisme ou exploitation forestière.
Car, ne nous y trompons pas, sous de supers diplômes, pourraient se trouver cachés des ayatollahs de l'environnement ! §
M. François Fortassin. Mon cher ami, c'est un « écolo », mais qui ne vous ressemble pas !
Sourires
Nous ne voulons, bien évidemment, pas de cela !
Par ailleurs, je souhaiterais, lorsqu'il s'agit d'un parc transfrontalier - comme c'est le cas du parc national des Pyrénées occidentales qui est transfrontalier au parc national d'Ordesa en Espagne - qu'il y ait davantage de contacts entre les différents pays. À l'heure actuelle, ces contacts existent, mais ils s'opèrent souvent de façon assez informelle. Ils doivent, me semble-t-il, être institutionnalisés.
Enfin, j'ai beaucoup apprécié les évolutions sémantiques : la « zone centrale » est devenue le « coeur », la « zone périphérique » est devenue l' « aire d'adhésion ». C'est magnifique, mais je me demande tout de même si de tels élans ne masquent pas une légère absence de crédits !
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, vous m'avez rassuré en annonçant des crédits pour 2007, car je sais - comme chacun ici - que 2007 sera l'année de toutes les espérances !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la politique des parcs nationaux est en panne dans notre pays. Des projets n'aboutissent pas, comme pour la Guyane, la Réunion ou la mer d'Iroise, et les exigences nécessaires à la protection des forêts de plaine, des zones humides, ne sont pas assurées. Une réforme s'impose donc.
Un texte adopté en 1960, et fort peu modifié depuis, ne peut plus régir un territoire, même pour y établir une protection forte, sans prendre en compte l'ensemble des lois de décentralisation, les changements de relations intervenus entre l'État et les collectivités territoriales et, bien sûr, l'expérience bonne, et parfois moins bonne, des quelque quarante années de vie de certains parcs nationaux.
Le projet de loi comporte, de ce point de vue, des avancées significatives. Il tient compte de l'échec des politiques de mise en valeur des zones périphériques pour amorcer un véritable développement durable de ces territoires. Il réforme le mode de gouvernance des parcs en renforçant le rôle des territoires, tout en marquant la volonté d'assurer une protection pérenne du coeur des parcs.
Néanmoins, il mérite des améliorations auxquelles conduira, je l'espère, le débat parlementaire.
Dans ce contexte que tout le monde s'accorde à reconnaître sur les travées de notre assemblée, c'est la méthode qui nous surprend.
Monsieur le président, madame la ministre, le recours à la procédure d'urgence pour un débat comme celui-ci nous choque. En effet, elle ne peut se justifier ni pour des raisons liées au texte lui-même ni parce que le travail parlementaire aurait été paralysant.
En utilisant cette procédure, le Gouvernement semble faire fi de la véritable urgence, à savoir la préservation de la nature en France, qui souffre du manque d'une véritable politique et de moyens.
En effet, ce n'est pas un délai de quelques semaines qui changera l'avenir de la préservation de la nature dans notre pays !
Par ailleurs, recourir à la procédure d'urgence, pour ce texte comme pour d'autres, c'est nier l'apport du travail parlementaire qui, aux termes de la Constitution, se déroule normalement au travers de deux lectures dans chaque assemblée.
Il faut trouver la bonne manière de concilier les exigences d'une politique nationale ambitieuse de conservation de la nature et la prise en compte des aspirations des collectivités locales et des populations. Qui mieux que la représentation nationale peut tenter cette conciliation entre des intérêts parfois divergents ?
De plus, comme le rappellent encore les auteurs du dernier rapport du Sénat, la déclaration d'urgence n'a le plus souvent aucune incidence sur le délai de parution des décrets d'application. En ce cas, à quoi bon y recourir ?
Madame la ministre, nous voulons bien parler d'urgence, car il en existe. L'adoption de la loi sur l'eau en est une. Dois-je rappeler quel sort le Gouvernement lui réserve ? Le projet de votre prédécesseur a été déposé sur le bureau du Sénat le 10 mars 2005, examiné dans la foulée et transmis à l'Assemblée nationale, qui, presque un an plus tard, ne l'a toujours pas examiné.
S'agissant du patrimoine naturel, la véritable urgence est la définition d'une politique ambitieuse dans ce domaine, et il est vrai que les parcs nationaux y ont pleinement leur place.
Cette politique est d'autant plus nécessaire que les risques qui pèsent sur le patrimoine naturel s'accroissent. En effet, les analyses menées sur la biodiversité sont alarmantes. Ainsi, pour la seule France métropolitaine, quatre cent quatre-vingt-six espèces ou sous-espèces végétales sont en sursis, 19 % des vertébrés ont disparu ou sont gravement menacés, 50 % des zones humides ont été détruites dans les dernières décennies. Or la première cause de cette perte de biodiversité est la destruction ou la modification des habitats naturels.
La perte de la biodiversité est un des enjeux majeurs du siècle à venir. L'Europe a pris l'engagement de la stopper à l'horizon de 2010, mais ce n'est pas avec la publication de la stratégie nationale pour la biodiversité et ses plans d'action sans mesures concrètes que nous répondrons à cette nécessité !
Votre prédécesseur, madame la ministre, avait promis un texte fondant une nouvelle politique du patrimoine naturel en faveur de la biodiversité. Où en est-il ?
Certes, la politique des parcs nationaux apporte sa pierre à l'édifice, mais comment assurer concrètement une telle construction alors que le ministère de l'écologie fait face à un manque de moyens criant ?
Madame la ministre, vous avez pu sauver in extremis la part de votre budget pour 2006 consacrée à la gestion des milieux et à la biodiversité, mais ce budget, malgré vos promesses, est en régression par rapport à celui de 2005. Qu'en sera-t-il en 2007 ?
Comment, dès lors, maintenir le même niveau d'exigence pour les parcs actuels ? Comment prétendre créer de nouveaux parcs nationaux ? Qui payera ?
Aux termes de la stratégie nationale pour la biodiversité, « la gestion et la valorisation de ce patrimoine - naturel et paysager - doivent davantage être portées par les acteurs locaux ».
Madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez reproche aux collectivités locales, notamment aux régions, d'augmenter les prélèvements, alors qu'elles ne disposent d'aucun moyen pour financer la politique de préservation de la nature que vous appelez de vos voeux.
Ainsi les régions apportent une contribution de plus en plus importante aux parcs naturels régionaux, car vous gelez les crédits qui leur étaient attribués. Elles aident les conservatoires régionaux d'espaces naturels, organismes associatifs qui, sur le terrain, protègent et gèrent plus de 74 000 hectares. Elles participent au financement des actions de gestion des sites Natura 2000. Et je ne parlerai pas de la région Midi-Pyrénées, qui concourt à la mise en valeur de la zone périphérique du parc national des Pyrénées.
Les régions sont également devenues compétentes pour créer des réserves naturelles régionales, ce qui va générer de nouvelles dépenses.
Pour l'ensemble de cette politique, aucune ressource n'a été affectée aux régions. On peut alors craindre le pire pour les vaches à lait de la politique publique que constituent aujourd'hui, pour le gouvernement auquel vous appartenez, les collectivités territoriales.
Madame la ministre, nous ne pouvons continuer à prononcer de belles phrases dans cet hémicycle et faire ensuite peser la mise en oeuvre effective de cette politique sur les collectivités locales. Quand aurons-nous un débat sur le financement de la politique de préservation de l'environnement, sur la nécessité d'une fiscalité écologique et sur le niveau de cette dernière ?
De tout cela, nous aurions voulu prendre le temps de discuter. Quoi qu'il en soit, nous proposerons déjà une modification de l'intitulé du projet de loi, et nous présenterons des amendements spécifiques aux parcs naturels régionaux afin de permettre à ces derniers de poursuivre leurs missions.
S'agissant des parcs nationaux, l'adoption d'une charte unissant le coeur et l'aire d'adhésion traduit bien, selon nous, l'unicité du parc. L'encadrement des activités dans les coeurs des parcs est indispensable pour assurer la priorité absolue de la préservation du patrimoine naturel.
Cela doit être garanti par la présence d'un comité scientifique et par la nomination d'un directeur par le ministre chargé de la protection de la nature, sur proposition de l'établissement du parc.
Par ailleurs, nous aimerions avoir des certitudes quant au financement de la politique des parcs, principalement celle qui est envisagée dans les aires d'adhésion.
Nous présenterons aussi un certain nombre d'amendements en vue d'asseoir véritablement cette politique et de conférer aux espaces concernés le statut d'espaces protégés sur la liste II de l'UICN. En effet, il serait inconcevable que notre pays ne soit pas capable d'assurer une protection efficace de ces fleurons du patrimoine naturel.
L'UICN nous a dit réserver sa décision à l'adoption de l'ensemble de la réglementation sur les parcs. Nous ne connaissons pas le contenu des décrets qui seront publiés, mais l'absence cruelle de moyens de votre ministère pourrait conduire à une remise en cause de ce classement. Or un financement stable et pérenne des parcs nationaux doit être assuré.
Dans ce cadre, nos inquiétudes sur le financement d'une politique nationale de préservation du patrimoine naturel et sur les transferts de charges vers les collectivités territoriales qui pourraient en résulter sont telles que nous ne pourrons sans doute que réserver notre vote.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la ministre, je vous demande tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de notre collègue Jean-François Le Grand, qui a dû retourner dans son département afin de se préoccuper d'un chimiquier dangereux faisant route au large de Cherbourg.
Le Savoyard que je suis ne peut que se sentir interpellé par le projet de loi relatif aux parcs nationaux, surtout quand on sait que le premier parc national créé fut le parc de la Vanoise, présidé un temps par Pierre Dumas, lui-même rapporteur de la loi de 1960. C'est d'ailleurs à l'occasion du quarantième anniversaire de la création du parc que, au coeur de la Vanoise, le député Jean-Pierre Giran nous a présenté les orientations du rapport dont il venait de remettre les conclusions à votre prédécesseur.
Quel chemin parcouru ! Certes, mais la route se prolonge. L'acquis de la préservation des espaces naturels remarquables et de son patrimoine, de sa faune, de sa flore, du maintien ou du rétablissement de ses équilibres et de la biodiversité constitue de toute évidence la grande réussite de la loi de 1960.
Cette préservation des espaces exceptionnels, qui constituait pour le général de Gaulle un intérêt supérieur de la nation, aura trouvé une filiation naturelle avec les parcs naturels régionaux, qui s'inspirent du même esprit, de la même démarche.
Aujourd'hui, nous ne pouvons donc que vous féliciter, madame la ministre, d'en avoir prolongé la portée en l'étendant aux espaces marins et en prenant mieux en compte la spécificité des territoires des départements d'outre-mer.
Pour autant, doit-on considérer que le projet de loi va assez loin ?
La nouvelle architecture, qui distingue le coeur et le territoire périphérique, zone d'adhésion, est une bonne chose.
Les collectivités locales perçoivent positivement cette démarche contractuelle, dont il nous faudra concrètement, sur le terrain, établir la doctrine : je veux parler de cette fameuse gouvernance. C'est justement sur la gouvernance du coeur que je souhaiterais obtenir de votre part certaines assurances, madame la ministre.
Gilbert André, fréquemment cité comme l'un des pères fondateurs des parcs nationaux pour avoir lancé l'idée dès 1957, ne manquait pas de déplorer de n'avoir pu réaliser, alors qu'il était maire de la petite commune de Bonneval-sur-Arc, une liaison modeste avec la station voisine en contrepartie de la mise à disposition d'un site convoité : le Cirque des Evettes. La presse considéra à l'époque que « le père du parc assassinait l'enfant ».
J'ai été tenté de maintenir un tel amendement afin de poser la question de fond : qu'est-ce que la préservation et jusqu'où doit-elle aller ?
Je souhaiterais, madame la ministre, que les prochaines années nous permettent de mieux définir et appréhender la vraie portée du concept de protection de la nature et de ses limites grâce aux outils proposés par votre texte de loi. Une politique de réseau nous permettrait une meilleure mise en valeur des parcs et une comparaison plus aisée entre ce qui se fait dans les différents parcs, compte tenu des diversités qui apparaîtront entre les parcs que je qualifierai d'ancienne génération, les parcs marins et, demain, les parcs naturels urbains.
Je terminerai mon intervention en évoquant l'enjeu de la gouvernance au sens de l'équilibre entre les différents partenaires et leurs représentations.
Le rapport Giran le montre bien, il y a souvent un sentiment de frustration de la part des élus et des associations. Je le dis d'autant plus facilement que je suis convaincu qu'il s'agit aujourd'hui de l'un des derniers obstacles à franchir. Cet obstacle n'est pas forcément aussi insurmontable qu'il y paraît, à condition de le vouloir.
La question n'est pas tant d'imposer une représentation systématique des communes, même s'il est pourtant fortement souhaité d'en augmenter la représentation - je cite le rapport Giran -, mais plutôt de veiller à ce que les communes non représentées au sein du parc soient entendues et associées lorsqu'il s'agit de projets concernant leur territoire.
La question vaut à l'identique pour les propriétaires ou les usagers du parc, qui devraient également pouvoir être entendus lorsque des projets les concernent directement.
Ces simples mesures de concertation, qui sont quand même une évidence dans une société moderne, gagneraient beaucoup à être mises en place systématiquement.
Ce sentiment d'appropriation doit se prolonger à travers les personnels qui constituent les équipes opérationnelles du parc. La démarche consistant à ce que les agents du parc soient davantage sensibilisés et formés à la culture du milieu - c'est demandé par tous - ne doit pas exclure la possibilité d'intégrer dans une certaine proportion des ressortissants locaux qui sont justement porteurs de cette identité.
Oui, les parcs nationaux relèvent du symbole, de l'exigence et de l'intérêt national en matière de protection et de sauvegarde des espaces remarquables et des espèces !
Le vrai et ultime défi, c'est que cette démarche d'excellence aboutisse à la réconciliation de l'homme et de son environnement.
Dès lors, est-ce de la provocation ou une prémonition de souhaiter que la proposition de créer des parcs naturels urbains ouvre la voie à une nouvelle dimension de cette démarche ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la ministre, nous sommes nombreux ici à être bien disposés à votre égard. En effet, nous souhaitons toujours aider les ministres de l'environnement, car leur tâche n'est pas facile. Les différents gouvernements qui se sont succédé ne leur ont pas toujours réservé une bonne place et ne les ont pas toujours défendus comme il l'aurait fallu. Vous en faites tous les jours l'expérience. Notre réflexe est donc plutôt de soutenir un ministère dont nous connaissons bien le militantisme, et, en tant que vice-président de la fédération des parcs naturels régionaux de France, je sais que les différentes fédérations entretiennent des relations constantes avec vos services et qu'elles les apprécient beaucoup.
Il a été question à un moment de présenter une loi relative au patrimoine naturel. Pour des raisons qui nous échappent, nous examinons finalement un projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins. Ce n'est pas parce que le premier texte n'a pas été déposé qu'il ne faut pas débattre de celui-ci dans un esprit constructif. Reste que c'est un peu dommage, car beaucoup de sujets auraient mérité d'être traités.
Par exemple, je suis inquiet de la gestion et de l'état des sites classés et inscrits. C'est un domaine dans lequel il existe de nombreux outils juridiques, et il est donc normal de les moderniser de temps en temps. Mais il faudrait constamment s'attacher à savoir comment on s'en sert et à en tirer un bilan. C'est un énorme travail à réaliser !
Les sites inscrits et classés sont un aspect important de notre politique. Néanmoins, tous les sites n'ont pas besoin de devenir parc national ou régional pour défendre la cause.
Cela étant, j'en viens au texte qui nous est présenté.
Il est normal d'essayer de donner plus de place aux élus et de les associer à la gestion. Mais jusqu'où faut-il aller ? Il est parfois difficile de faire de la cogestion, car les citoyens ont besoin de connaître clairement les responsabilités des uns et des autres.
Si, dans l'aire d'adhésion, on peut aller assez loin, en revanche, dans le coeur du parc, la responsabilité doit à mon avis revenir à l'État, qui est en position de force en matière non seulement d'élaboration des textes, mais également d'intervention. Nous ne remettons pas cela en cause.
S'agissant de la zone d'adhésion - je préfère cette formulation -, il faut faire attention à la façon de traiter cette question. Les parcs régionaux connaissent bien la zone d'adhésion, puisqu'ils sont des zones d'adhésion. Or ils ont quelquefois enregistré des défaillances, entraînant des trous : certains ne voulaient pas venir, d'autres voulaient s'en aller. Cependant, je dois le dire, ce phénomène se produit de moins en moins.
Il ne faudrait pas que, avec plusieurs coeurs et des adhésions un peu au hasard, on aboutisse à un territoire morcelé ou sans l'unité suffisante pour porter le projet territorial. C'est la difficulté à laquelle nous serons confrontés.
La zone périphérique n'aurait pas fonctionné comme on l'aurait souhaité. C'est sans doute vrai. En tout cas, je n'ai pas d'éléments objectifs me permettant de l'affirmer. En revanche, s'il y a une chose que je peux dire, c'est que le travail interministériel n'a pas été bon.
Madame la ministre, votre ministère est en première ligne. Le ministère de l'agriculture, lui, sera sans doute obligé de se mobiliser sur la question des coeurs de parc. Mais quid du ministère de l'équipement ? J'ai appartenu à ce dernier, et je l'aime donc beaucoup. Cependant, en ce qui concerne la situation des DDE, le « porter à connaissance » des textes fondamentaux touchant à des questions essentielles, je suis inquiet.
L'interministérialité est donc non seulement une question de moyens, comme certains intervenants l'ont dit, mais c'est également une question de présence, d'information. Encore faut-il avoir des troupes pour agir. Et, en la matière, la difficulté est réelle !
Si j'appelle votre attention sur ce point, madame la ministre, c'est parce que nous sommes malheureusement dans une situation où l'État perd peu à peu ses moyens en ce qui concerne sa participation à l'élaboration des documents d'urbanisme. Or nous sommes sans cesse confrontés aux documents d'urbanisme, par exemple avec les SCOT, les PLU ...Quel est donc le rôle de l'État dans cette élaboration ? Cette question, je le conçois, pose des problèmes très difficiles de modernisation et de réforme des administrations centrales.
On a parlé de créer une agence. Franchement, je n'aurais jamais cru que vous parviendriez à créer une telle agence à un moment où l'ambiance est plutôt à la suppression de beaucoup de structures.
Sourires
Par ailleurs, je comprends très bien que la création de nouveaux parcs soit justifiée par la situation particulière de la Guyane et des départements d'outre-mer, qui ont leur propre culture et leurs spécificités, dont il nous incombe de tenir compte. Néanmoins, gardons-nous d'une loi qui n'aurait pour seul objet que de satisfaire des « commandes locales », qui ne ferait que du « sur mesure » en appliquant le principe « à chacun son parc, à chacun sa loi ». Le texte perdrait alors en crédibilité et en force. Soyons donc attentifs à cette question. À défaut, chacun prétendra être un cas particulier et réclamera, par le biais de quelques amendements à ce projet de loi, la création de son parc. Si cette cause est plaidable s'agissant des départements d'outre-mer, il ne faudrait pas pour autant donner à penser que chacun peut créer son parc national en adaptant à sa convenance tel ou tel dispositif. Conservons à ce projet de loi son caractère relativement universel et son socle commun fondamental.
En outre, gardons-nous d'insérer dans ce texte un trop grand nombre de dispositions spécifiques, d'accorder trop de dérogations et d'autorisations spéciales. Pareillement, n'élargissons pas de manière trop importante le champ géographique des parcs. Si tel était le cas, pourquoi ne donnerait-on pas alors la faculté aux régions et aux départements de devenir eux-mêmes des parcs ?
Il a été dit de ce projet de loi qu'il était un texte d'équilibre. J'en conviens, sous réserve que ses futurs décrets d'application lui conservent ce caractère. Sous prétexte de répondre à des demandes légitimes, ne faisons pas des lois d'opportunité. Je ne vous en prête pas l'intention, madame la ministre, mais un tel risque existe.
Nous n'avons pas encore arrêté notre position. Nous avons déposé quelques amendements. Nous serons attentifs. Vous nous avez déclaré être ouverte à nos propositions, et j'espère que vous le serez effectivement.
Concernant les parcs naturels, visés par quelques articles du projet de loi, je soutiens les dispositions que vous avez bien voulu accepter.
Cette remarque vaut en particulier pour les schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Pour ma part, je défends la planification. Essayons d'être cohérents : les maires ne supportent plus la multiplication sur leurs territoires des établissements publics.
M. André Dulait acquiesce.
M. Yves Dauge. Si un parc naturel peut faire un SCOT, qu'il le fasse. Dans mon département se trouve un parc naturel régional. On devrait créer chez moi un établissement public pour faire le SCOT.... Je vous le dis : je n'y parviendrai pas ! Et je suis certain que la plupart de nos collègues n'y arriveront pas non plus !
MM. André Dulait et Henri de Raincourt acquiescent.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les parcs nationaux français, objets principaux du présent projet de loi, sont régis depuis près de quarante-trois ans, pour les plus anciens, par la même loi, à savoir la loi du 22 juillet 1960, loi très brève, « napoléonienne », puisqu'elle ne comporte que huit articles, lesquels ont suffi jusqu'à présent, avec les quarante-cinq articles du règlement d'administration publique du 31 octobre 1961, à permettre une bonne gestion et un développement durable de ces parcs.
Depuis 1979, année de création du parc national du Mercantour et de mon élection à la présidence de sa commission permanente, j'ai pu constater par moi-même la pertinence et la cohérence de ces deux textes. Précisons que, par la suite, chaque parc national a fait l'objet d'un décret particulier. Il en est résulté une construction juridique cohérente, qui a permis une bonne gestion des sept parcs nationaux, même si les conditions de naissance de certains d'entre eux ont été difficiles et très conflictuelles.
Par exemple, je puis témoigner, pour y avoir assisté, que la création du parc du Mercantour a donné lieu à des luttes très dures ainsi qu'à des incendies de véhicules, dont celui de son directeur, à Saint-Martin-Vésubie, dans le département des Alpes-Maritimes.
Cette loi, qui remonte au général de Gaulle, trouve son origine dans la nécessité pour l'État de protéger et de conserver le patrimoine naturel national, avec le soutien des milieux scientifiques et des associations de protection de la nature, soucieux de la gestion des espèces et des milieux exceptionnels sur de grandes surfaces. Elle trouve aussi son origine dans le rappel par certains qu'une action de protection de l'espace n'est légitime que si elle s'accompagne d'une politique d'amélioration des conditions de vie sociales et économiques des populations concernées.
Force est de reconnaître que la loi de 1960 a répondu jusqu'à présent à toutes ces attentes, à l'exception, comme vous l'avez souligné, madame le ministre, de l'amélioration des conditions de vie économiques des populations. Il est vrai que la faute en revient moins aux textes dont c'était l'objet - notamment l'article 3 de la loi de juillet 1960 et l'article 27 du décret d'octobre 1961 - qu'au manque progressif de moyens financiers et humains.
Le présent projet de loi a pour ambition de modifier cette construction juridique et de rénover la loi de 1960.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne m'intéresserai de façon pragmatique qu'aux dispositions me semblant susciter le plus d'interrogations.
Si l'article 1er reprend le texte de la loi de 1960 concernant les espaces à classer, il y ajoute, dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L.331-1 du code de l'environnement - c'est le point le plus discutable -, que le parc national est composé des espaces à protéger - j'attire votre attention sur cette disposition, madame le ministre -, à savoir l'ancienne zone centrale, mais également de « tout ou partie du territoire des communes qui, ayant vocation à faire partie du parc national en raison notamment de leur situation géographique ou de leur solidarité écologique avec le coeur, ont décidé d'adhérer à la charte du parc national ».
Madame le ministre, quoique cette définition ait été modifiée par l'Assemblée nationale, elle soulève néanmoins une vraie difficulté, car elle introduit une notion vague et dénuée de tout caractère juridique et ne précise pas suffisamment quelles communes ont vocation à entrer dans le parc national. Aussi, je vous demande d'accepter la rédaction de notre rapporteur Jean Boyer, laquelle fait référence à une « continuité géographique ».
Il est à craindre - et tel sera le cas - que certaines communes, bien que n'y ayant pas vocation, adhèrent à un parc national aux seules fins d'en retirer des avantages financiers- dotation globale de fonctionnement, dotation globale d'équipement -, entraînant ainsi un éparpillement de la zone périphérique. Rien ne les empêchera d'ailleurs de s'en retirer ultérieurement. En cas de recours d'une commune désirant rejoindre ou quitter un parc en dépit de l'avis de l'établissement public, sur quel critère juridique le tribunal administratif pourra-t-il trancher le litige ? Que diront les tribunaux de la notion de « solidarité écologique » ? Mon expérience d'avocat m'autorise à dire que la plaidoirie ne sera pas aisée.
Il me paraît également plus juste de maintenir les termes de « zone centrale » et d' « espace protégé » à la place de l'expression « coeur du parc », qui ne revêt aucun caractère juridique.
La charte du parc national, telle qu'elle est définie à l'article 3, a un caractère plus contraignant que le plan actuel. Cette proposition est à mon avis positive. Néanmoins, le fait que cette charte soit tributaire des ressources financières qui seront affectées aux parcs, ressources qui font actuellement défaut aux parcs existants et dont votre budget, madame le ministre, aura des difficultés à assumer la charge, m'inquiète. Je rappelle à cet égard que le budget des sept parcs nationaux au titre de la gestion des milieux et de la biodiversité s'élève en 2006 à 29, 8 millions d'euros.
Un autre article me laisse perplexe, à savoir l'article 6, qui prévoit la composition des conseils d'administration en y introduisant des représentants des propriétaires, des exploitants et des usagers.
Cette mesure, décidée - il faut le reconnaître - dans l'optique de la création d'un futur parc national en Guyane, risque de rendre difficile la gouvernance des autres parcs nationaux. Aussi, il faut en rester à la composition des conseils d'administration actuels, tout en précisant, comme le présent texte le prévoit d'ailleurs, que les représentants des collectivités locales peuvent composer près de la moitié de chacun desdits conseils.
Signalons à ce propos que les représentants des collectivités constituent 44 % du conseil d'administration du parc national du Mercantour.
Du reste, je suis étonné que cet article de loi traite aussi précisément de la composition de l'organe assurant le fonctionnement de l'établissement, là où la loi de 1960, dans sa remarquable concision, renvoyait à un décret non seulement en l'espèce, mais encore s'agissant des attributions et des pouvoirs dudit organe. Est-ce bien là le rôle de la loi ? Le Conseil d'État lui-même a, récemment encore, stigmatisé ce qu'il a appelé le « bavardage législatif ». Nous en sommes tous responsables. Les dispositions qui n'ont pas de valeur normative devraient être écartées de la loi.
À ce propos, j'espère que le décret d'application maintiendra la possibilité de créer une commission permanente, comme le prévoit l'article 15 du décret du 31 octobre 1961.
Notre collègue de l'Assemblée nationale Jean-Pierre Giran n'était pas favorable à ce maintien. Peut-être a-t-il été influencé par le fait qu'il préside le conseil d'administration du plus petit parc national de France, celui de Port-Cros, dont les zones centrales terrestre et marine ont une superficie respective de 1 941 hectares et de 1 800 hectares, alors que les zones centrale et périphérique du parc national du Mercantour couvrent respectivement 68 500 et de 146 500 hectares, le parc de Port-Cros n'ayant quant à lui aucune zone périphérique.
Par conséquent, on ne saurait comparer sa tâche avec celle d'un président de parc national qui s'étend sur plusieurs départements, qui peut avoir des relations transfrontalières avec d'autres parcs étrangers et qui peut ainsi être obligé de déléguer à une commission permanente siégeant toute l'année une multitude de dossiers, notamment l'octroi de subventions aux agriculteurs, aux pêcheurs et autres artisans.
À ce propos, il est positif que le nouvel article 10 ter prévoie la possibilité pour un parc national d'engager des actions communes avec un parc national frontalier. Cependant, cette possibilité existe déjà, puisque le parc national du Mercantour a signé une charte de jumelage créant une identité transfrontalière avec le parc régional italien Alpi Marittime, et l'article 10 ter est plus restrictif. Aussi, je me rallierai à la proposition que fait notre rapporteur de compléter le texte proposé par le II de l'article 6 pour l'article L. 331-9 du code de l'environnement par deux alinéas visant à autoriser un parc national à engager des actions communes avec des parcs frontaliers et à nouer des relations transfrontalières avec des parcs régionaux étrangers.
Mes chers collègues, j'aborderai rapidement, faute de temps, les autres articles du projet de loi.
L'article 8 prévoit qu'un parc national peut se voir affecter à titre gratuit des bâtiments appartenant à l'État. L'article 13, pour sa part, autorise les établissements publics des parcs nationaux à bénéficier de certaines exonérations fiscales dans le cadre de leurs interventions foncières. L'article 8 reprend une ancienne disposition, qui avait été supprimée voilà quelques années par le ministère des finances. En vertu de cette possibilité, le ministre du budget de l'époque m'avait cédé pour le franc symbolique la maison du parc de Tende. Madame le ministre, vous avez raison de revenir sur un mécanisme qui n'avait plus cours. Il serait néanmoins souhaitable que les forêts domaniales situées en zone protégée soient elles aussi concernées.
Je souscris entièrement aux dispositions du chapitre Ier bis relatif au parc amazonien en Guyane. Au cours d'une mission effectuée dans ce vaste département avec l'ancien président de la commission des lois, j'avais navigué sur le Maroni au milieu d'immenses forêts. J'ai toujours pensé qu'un parc national pourrait beaucoup apporter à ce territoire, susceptible de devenir un haut lieu du tourisme mondial. Je vous félicite, madame le ministre, de cette initiative.
Je souscris également à la création, à l'article 10 bis, de l'établissement public « Parc nationaux de France », structure fédérant l'action des différents parcs nationaux, ainsi qu'aux dispositions du chapitre II relatives aux parcs naturels marins. En revanche, à l'instar de M. le rapporteur, je pense que la proposition de créer des parcs naturels urbains, bien qu'intéressante, ne trouve pas sa place dans le présent projet de loi.
Après vous avoir fait part de ces quelques observations, et soucieux d'être constructif, je voterai le présent texte.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Madame le ministre, s'agissant de votre projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, éclairé par l'excellent rapport de M. Boyer, il me revient de parler des parcs marins.
Mon département, le Finistère, a eu à connaître d'un projet de parc marin en Iroise, projet qui a divisé la population et les élus pendant une décennie.
Il s'agissait d'un projet de parc national tentant de répondre aux questions que posait la gestion de la mer d'Iroise. Cette mer, située à l'ouest de la Bretagne, est le support d'activités de pêches professionnelles et récréatives qui répondent à d'autres impératifs que ceux de la seule protection.
Cet objectif de protection, qui était l'élément majeur dans la loi du 22 juillet 1960 sur les parcs nationaux, demeure, dans le texte qui nous est soumis, la motivation principale de la création d'un parc national, qu'il soit terrestre ou marin.
Ce projet de parc national d'Iroise a donc été abandonné, ce dont je me félicite. J'apprécie aussi qu'il ait alimenté les réflexions autour de la protection du milieu marin. L'ancien ministre de la mer que je suis ne peut qu'être sensible à ce souci réaffirmé dans le projet de loi, qui prévoit de mettre au même niveau protection de l'écosystème et développement durable.
Je sais combien les pêcheurs professionnels ont besoin d'un milieu naturel préservé pour maintenir l'ensemble de la chaîne alimentaire et favoriser le développement de la ressource halieutique. Le comité régional des pêches maritimes de Bretagne et les comités locaux soutiennent le projet de parcs naturels marins et sont demandeurs d'une meilleure gestion de cet espace.
Je souscris donc à la création des parcs naturels marins, qui vont permettre à tous les usagers, les collectivités locales et les scientifiques, à travers le conseil de gestion, de participer aux côtés de l'État à leur gestion.
Les parcs naturels marins seront créés là où la richesse de la biodiversité est particulièrement remarquable et où sa préservation est essentielle à la ressource halieutique.
C'est le cas en Iroise : courants violents, fronts froids et fronts chauds, flore et faune diversifiées lui donnent son caractère exceptionnel. Je souhaite qu'aujourd'hui ce nouvel outil permette à tous de se mettre enfin autour de la table et d'oublier de stériles oppositions.
Bien sûr, d'aucuns diront que l'Iroise baigne les côtes du nord du Finistère et non du sud, qu'elle est ici et non là. Rien ne la définit précisément, même si la météorologie marine nous en parle tous les jours en donnant l'état de la mer d'Ouessant à Belle-Île.
Travailler sur un petit espace est de peu de portée pour gérer un espace halieutique : il faut prendre de vastes zones. En Iroise, tous les travaux menés dans le cadre du projet de parc marin, à l'occasion desquels les pêcheurs professionnels ont fait prévaloir leur point de vue, ont été dans le sens d'un grand périmètre. Le parc marin doit concerner l'ensemble des biocénoses qui composent un écosystème.
Je souhaite donc, pour ma part, que les réflexions de fond sur le périmètre de ce parc ne soient pas remises en cause et que la procédure préalable au classement de ce parc marin tienne compte du nord de l'Iroise comme du sud. Ne laissons pas aujourd'hui modifier un projet d'avenir pour notre département et pour la France sur des considérations qui sont indépendantes de la réalité de terrain.
Mais, madame le ministre, le projet de loi n'est pas réductible à la seule mer d'Iroise. C'est une stratégie plus ample qu'il propose pour notre espace maritime. Le 10 décembre 1982 à Montego Bay, au nom de la France, je signais la convention des Nations unies sur le droit de la mer. Cette dernière prévoit très clairement dans ses considérants que les États souhaitent établir un ordre juridique qui favorise « la conservation de leurs ressources biologiques et l'étude, la protection et la préservation du milieu marin ».
C'est à cette même finalité que prétend l'Agence des aires marines protégées, innovation stratégique qui assurera la cohérence entre les différents outils protégeant la mer. Cette agence aura la lourde responsabilité de mettre en application des engagements de la France, traduits par la ratification des conventions internationales sur les mers régionales ; je veux parler des conventions telles que la convention d'OSPAR, de Barcelone, de Carthagène, de Nairobi et bien d'autres.
Cette agence facilitera les démarches françaises tant sur nos côtes métropolitaines que sur celles d'outre-mer. En effet, nous ne devons pas oublier notre responsabilité s'agissant du maintien de la biodiversité et, pour cela, nous devons nous préoccuper de façon volontariste du domaine public le long des côtes des départements et territoires d'outre-mer.
Tout cela est de notre devoir, et je suis satisfait que l'Agence puisse répondre de nos engagements. Il est en effet urgent de prendre la mesure de nos obligations à l'égard des générations futures, d'arrêter la perte de biodiversité et ses conséquences pour l'homme. La biodiversité marine est immense, et bien qu'encore largement méconnue, on en sait l'importance pour la planète.
Le projet de parc naturel marin rencontre mon accord global. Mes collègues Yolande Boyer et François Marc défendront des amendements à l'article 11, abordant ainsi des thèmes que je n'ai pas traités, notamment les pouvoirs des élus dans les instances de gestion, et apportant notre contribution à l'enrichissement de la stratégie nationale pour la biodiversité.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame le ministre, vous avez raison de dire que la discussion du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins est un moment important.
D'ailleurs, la qualité des interventions des sénateurs, quelle que soit leur appartenance politique, montre bien qu'un chemin a été parcouru et que nous nous trouvons dans une situation nouvelle. Notre excellent rapporteur, grâce à son travail exceptionnel et son bon sens, nous permet d'aborder ce texte avec une grande ambition, et je l'en remercie.
Pour avoir vécu, en 1970, l'inauguration du parc national des Cévennes par Jacques Duhamel, alors ministre de l'agriculture - j'étais à l'époque conseiller général de Lozère -, et pour avoir suivi son évolution jusqu'à maintenant, je tiens à affirmer ici que, quelles que soient les difficultés qui ont pu apparaître à certains moments, cela a été une chance pour les femmes et les hommes de notre territoire.
Ce parc national des Cévennes est le seul parc de moyenne montagne, en France, dont le coeur soit habité. Sur les 91 000 hectares de cette zone centrale se sont installées une cinquantaine de communes, qui dépassent, pour certaines d'entre elles, cette aire géographique : 600 habitants y vivent. La zone périphérique couvre plus de 200 000 hectares - on y recense 40 000 habitants, sur les 70 000 que compte le département - et s'étend même au Gard, à l'Ardèche, et jusqu'à l'Aveyron.
Cette expérience forte m'incite à soutenir vos propositions et à vous interroger, madame le ministre.
Vous avez la volonté - vous l'avez dit et M. le rapporteur l'a souligné - de bien marquer ce qui est le coeur du parc et ce qui est l'aire d'adhésion. Au-delà des mots, le coeur bat, et le médecin que je suis, moins juriste que mon collègue avocat José Balarello, est sensible au mot « coeur ». Comme je l'indiquais à l'instant, nous avons un coeur particulier...
...dans le parc national des Cévennes, puisqu'il est habité ! Madame le ministre, vous nous dites que la charte comportera deux parties : une pour le coeur du parc et une pour l'aire d'adhésion, même si une harmonisation doit avoir lieu.
Des craintes ont été émises lors du conseil d'administration du parc des Cévennes quant à un oubli de la présence d'habitants dans le coeur du parc. La réglementation doit être élaborée en partenariat, lequel ne doit pas être exclusivement réservé à l'aire d'adhésion, ancienne zone périphérique.
Il ne faudrait en effet pas que le parc des Cévennes soit victime d'une démarche qui consacre le coeur en oubliant que tous les coeurs ne battent pas tous au même rythme. Ils doivent tous être irrigués ; ils ont besoin d'argent.
Sourires
Il est une autre crainte, celle des mitages, même si vous avez raison de prévoir des possibilités d'entrée et de sortie des aires d'adhésion. Il faut donc à la fois respecter la volonté des collectivités et tenter de conserver la cohérence territoriale pour la continuité. Des conditions devront par conséquent être posées pour l'entrée et la sortie, et des délais devront être fixés par rapport à l'approbation ou à la révision de la Charte. Ce point mérite d'être souligné.
Le parc des Cévennes est formidablement riche d'un patrimoine naturel, culturel et paysager ; il a été façonné par les hommes, parfois durs mais ô combien généreux, riches de sentiments et forts d'une véritable dimension spirituelle.
Chacun connaît l'histoire de l'Église réformée et la réalité intime des Cévennes. Même si l'influence de l'homme s'est un peu diluée, la qualité du parc est restée très grande. À cet égard, je rejoins ce qui a été dit tout à l'heure : il faut que les hommes s'approprient le parc, en dépit des difficultés pour y parvenir.
Il convient également de favoriser la présence d'élus supplémentaires dans les conseils d'administration, de renforcer le rôle des présidents, et de permettre aux représentants qui se sont impliqués de rester ou de devenir président d'un parc, même au-delà de soixante-cinq ans.
C'est précisément l'objet d'un amendement qui permettra de trouver une solution en commission mixte paritaire. Mais je ne suis pas favorable aux couperets qui éliminent des élus alors qu'ils sont volontairement impliqués dans la vie d'un parc.
Nous souhaitons aussi que chaque commune soit obligatoirement consultée lorsqu'un sujet la concerne. Et il n'est nul besoin, pour cela, que toutes les communes participent au conseil d'administration.
Ce sont des démarches qui devraient déboucher sur cette appropriation du parc par les hommes. Nous devons réconcilier les hommes avec l'environnement et les politiques de protection.
Madame le ministre, un problème particulier se pose s'agissant des communautés de communes. Ce point n'a pas été très abordé. Comment feront, pour adhérer ou sortir, les communes qui sont membres d'une communauté de communes et qui ont donc délégué un certain nombre de compétences ?
La question pourrait être résolue par décret ou par des règles que vous adopterez. Je n'ai pas voulu déposer d'amendement à ce sujet, parce que cela aurait compliqué les choses.
Je regrette un peu, monsieur le rapporteur, que ma suggestion tendant à inclure des élus nationaux - un député et, en particulier, un sénateur - dans la composition du conseil d'administration d'un parc national n'ait pas été retenue. Je suis d'autant plus à l'aise pour la formuler qu'elle ne me concerne pas puisque je figure déjà parmi les membres du conseil ! Il s'agissait, dans mon esprit, d'un geste destiné à signer l'implication de la représentation nationale. En l'occurrence, cela n'a pas été possible, mais il n'est pas interdit de rechercher des solutions dans ce sens.
Ensuite, s'agissant des personnels des parcs, sans remettre en cause les règles administratives auxquelles sont liés les fonctionnaires des parcs - et je tiens ici à rendre hommage à ces derniers, car ils exercent un métier parfois ingrat -, j'insiste sur la nécessité de recruter non seulement un personnel disposant de compétences techniques et scientifiques, mais aussi des personnes possédant un enracinement local et une connaissance du terrain et des hommes. Un effectif mélangé comprenant des gens du cru et des agents venus de l'extérieur peut être positif. Il importe de ne pas rejeter les uns ou les autres.
J'aborderai maintenant la question du rayonnement international de nos parcs, tel celui du parc national des Cévennes, dont je peux témoigner. À ce propos, je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir déposé un amendement prévoyant la possibilité pour les parcs nationaux de participer à des actions de jumelage - je les croyais d'ailleurs déjà autorisées ! Le parc des Cévennes est jumelé avec le parc du Saguenay au Canada.
C'est capital, mon cher collègue, car les jumelages permettent de porter des messages forts, qui intéressent les populations, par exemple nos amis catalans dans le cas du parc des Pyrénées catalanes ! Les jumelages offrent une capacité de déboucher sur d'autres dimensions. Il faut savoir garder une identité culturelle et spirituelle forte et enracinée, et être capable de porter le message à l'extérieur par le jumelage.
Je souhaite, pour ma part, créer un réseau euro-méditerranéen des parcs nationaux. Il me paraît capital, en effet, d'apporter le fruit de nos expériences aux pays du Sud, qui se cherchent parfois et qui nous enrichiront à leur tour. Nous avons une responsabilité à cet égard liée à la réussite des parcs, même s'il faut modifier les textes pour aller plus loin. Nous devons avoir une ambition, vers l'extérieur et autour du parc.
À mes yeux - le texte le prévoit et cela me paraît tout à fait positif -, les parcs peuvent constituer des moteurs pour le développement durable, y compris dans des territoires situés au-delà de la zone d'adhésion.
Nous sommes confrontés à la difficulté de faire comprendre l'intérêt de Natura 2000.
En France, tous les gouvernements, quels qu'ils soient, portent une responsabilité en la matière. Des mécaniques ont été mises en place conduisant au rejet des applications de Natura 2000. Les élus en ont eu peur. Elles sont venues se juxtaposer, s'empiler. Or, nous avons besoin de jouer la carte Natura 2000 en nous appuyant sur les équipes du parc qui sont composées de spécialistes, à même de porter des messages favorisant l'adhésion aux parcs.
Nous pouvons créer une dynamique nouvelle d'adhésion au réseau Natura 2000 qui offre une dimension européenne intéressante et positive, sous réserve de la maîtriser.
En outre, les dispositions que nous avons votées concernant le développement durable, dans le cadre de la loi relative au développement des territoires ruraux, permettent aux élus de prendre des responsabilités par rapport à Natura 2000 et d'échapper quelque peu à la tutelle trop forte et trop dure qui était exercée sur eux par certaines administrations.
À travers les différents articles du présent projet de loi sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir, nous pouvons mesurer l'ambition vraie des parcs, visant à associer le développement et la protection, autrement dit le développement durable : un coeur protégé davantage mais où l'on peut vivre et où la vie - l'activité agricole, pastorale, forestière - est respectée, une zone d'adhésion cohérente, avec la liberté d'adhérer ou non, sans tomber dans les allées et venues dangereuses, et des moyens nouveaux.
À l'évidence, il faudra des moyens financiers. C'est pourquoi le Sénat vous a soutenue, madame le ministre, lors du débat budgétaire.
Je ne peux achever mon intervention sans souligner que ce texte témoigne d'une certaine révolution dans les esprits.
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Mon cher collègue, c'est peut-être l'influence des écologistes !
J'ai eu la chance de présider pendant six ans la région Languedoc-Roussillon avec les écologistes, contre le parti communiste, le parti socialiste et le Front national. On l'a un peu oublié ! Nous avions créé l'agence méditerranéenne pour l'environnement.
Le parc des Pyrénées catalanes a donné lieu à des débats pour la présidence, à des blocages politiques, c'est vrai, mais jamais à une opposition de fond !
Peut-être notre pays a-t-il beaucoup avancé et compris que les femmes et les hommes de ce siècle ont besoin de repères ; ils ont besoin de se retrouver eux-mêmes en se réconciliant avec leur environnement naturel, de retrouver la sérénité née de la communion avec ces paysages formidables. Les parcs nationaux apportent des messages forts sur le type de société et de civilisation que nous voulons.
Il ne s'agit pas de n'importe quel développement. Nous voulons un développement qui protège la nature, qui soit durable, s'inscrivant dans la ligne qui a été tracée et voulue par le Président de la République par l'introduction dans la Constitution des exigences dans le domaine de l'environnement.
J'ai la conviction que ce sujet peut l'emporter sur tous les blocages et nous permettre de dépasser nos appartenances légitimes à nos formations politiques pour oeuvrer tous ensemble à l'avenir des futures générations !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le travail législatif de ce gouvernement ne serait-il qu'un continuel bégaiement ?
Je me vois de nouveau contraint de constater, voire de déplorer la fébrilité, la timidité écologique de ce projet de loi, malgré les grandes déclarations d'intention et un certain lyrisme chez vous, madame la ministre, chez M. Gaudin, et d'autres. Mais le lyrisme n'est-il pas la nostalgie de ce que l'on a perdu, ou de ce que l'on est en train de perdre ?
Que la loi de 1960 ait besoin d'être toilettée, cela me semble une évidence. Mes collègues qui sont intervenus avant moi l'ont suffisamment signalé. Et l'on ne peut que saluer, au passage, le travail formidable qui a été accompli durant toutes ces années dans les parcs nationaux.
Mais nous voici donc investis de la tâche d'accompagner nos parcs existants dans le XXIe siècle et d'en créer de nouveaux dans le cadre de conventions internationales, comme la convention de Rio de 1992 sur la diversité biologique, sous l'oeil attentif et inquiet de l'UICN.
« Protéger la nature, c'est protéger l'homme », avez-vous déclaré à l'Assemblée nationale, madame la ministre. Belle déclaration écologiste, qui conviendrait très bien à un projet global de société !
Pourtant, dans ce projet de loi, je vois surtout l'apparition des intérêts économiques et l'introduction des lobbies.
D'autant que, malgré toutes vos déclarations, que je crois sincères, ...
... les crédits du programme 153 « Gestion des milieux et de la biodiversité » sont en baisse de 7 %.
Mais ce qui m'inquiète le plus dans ce projet de loi, c'est le désengagement de l'État au profit des collectivités locales. Le terme « profit » est d'ailleurs tout sauf adéquat, puisque les moyens manquent cruellement, comme d'habitude. Or, ce désengagement de l'État risque d'induire une grande disparité dans la gestion des parcs, sans compter que les alternances politiques en altéreront la pérennité.
Il s'agit, dans ce texte, de protection à la carte, de préservation en option, les communes choisissant d'adhérer ou non et créant ainsi un mitage de la zone périphérique, brisant la continuité géographique et écologique, tout en se prévalant cependant de la proximité de cet espace naturel.
L'implication des élus locaux, des acteurs socio-économiques, des associations, est une bonne chose. Mais n'oublions pas que les parcs nationaux n'ont rien à voir avec les parcs régionaux. Ce sont des enjeux internationaux de protection de la biodiversité, dont les normes très spécifiques peuvent dépasser les intérêts locaux. À trop vouloir introduire d'exceptions locales, c'est l'essence même du concept qui perd de sa justification.
M. Jacques Blanc a évoqué le jumelage. Il ne faut pas confondre un parc naturel avec un parc d'attractions environnementales.
Les parcs nationaux sont avant tout des instruments juridiques destinés à protéger la faune et la flore. Lorsque le tourisme envahit les espaces protégés, les arguments économiques font craindre le pire. Il est bien évident que, en France, nous avons affaire non pas à une nature quasiment vierge, comme c'est le cas des grands parcs américains, mais à une construction de paysages par interaction entre l'homme et son milieu. Néanmoins, cet élément ne doit pas prendre le pas, dans ces espaces protégés, sur la vocation première de conservation de la biodiversité.
Par-dessus tout, permettez-moi de m'inquiéter des nombreux flous concernant ici des travaux, là des installations touristiques dites « légères », et des dérogations qui sont attribuées aux résidents permanents et laissées à une appréciation ultérieure.
Quant à la réglementation de la pêche et de la circulation en mer, elle « peut » figurer dans la charte... Il sera donc possible d'exercer une activité commerciale dans une zone protégée.
Monsieur Fortassin, vous avez parlé d'équilibre entre activité humaine et respect de la biodiversité. Mais vous savez bien qui en fait les frais. Au nom de la croissance économique, c'est le bétonnage, la déforestation, le pillage des ressources qui l'emportent au détriment d'un patrimoine millénaire.
En l'absence de volonté forte de l'État, ce sont les spéculateurs, les profiteurs, les gaspilleurs qui réalisent des profits, au détriment de la nature et des espèces à protéger.
Il ne s'agit pas de créer des parcs adossés à des communes avec lesquelles ils n'auraient aucun lien. Il ne s'agit pas de déposséder les habitants de leur patrimoine que constituent le biotope, les paysages, les pratiques ancestrales en lien avec le milieu. Il s'agit de s'assurer que l'espace déterminé sera préservé de toute atteinte. L'État n'a pas à se désengager de cette mission.
Les parcs nationaux ont été créés pour protéger la beauté de notre flore et de notre faune. C'est maintenant à une urgence scientifique qu'ils doivent répondre. Or l'axe principal qui sous-tend ce projet de loi est économique.
La volonté scientifique, les mesures phares que l'on attendait pour une politique innovante de préservation de la biodiversité ne sont pas au rendez-vous. Les standards internationaux de la protection s'apprêtent à revoir à la baisse notre niveau de classement.
En Guyane, nous nous préoccupons de savoir qui va gérer les retombées financières des ressources génétiques du parc.
Nous sommes loin, madame la ministre - je vous cite -, « d'une vision généreuse de combat pour la sauvegarde de la nature ».
Nous sommes donc dubitatifs sur ce projet de loi, très administratif et peu ambitieux pour la sauvegarde de la biodiversité.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai renoncé à prononcer le discours que j'avais préparé : au fur et à mesure des interventions, j'ai pris quelques notes. Vous me pardonnerez donc, j'espère, un propos peu académique et peut-être un peu décousu.
Je ne reviendrai pas sur l'appréciation que porte le groupe socialiste sur ce projet de loi. Mes collègues ont tout à fait clairement expliqué notre position.
J'ajouterai seulement, madame la ministre, que, comme beaucoup d'autres, je suis assez étonné que vous ayez choisi de déclarer l'urgence sur ce texte. Ce dernier vise en effet à donner une inflexion à une loi datant de 1960. Il ne s'agit d'ailleurs pas de la première inflexion, puisque, entre 1960 et 2006, est intervenue une loi fondatrice, une très grande loi qui a fait bouger les choses, la loi du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne, dite « loi montagne ».
Cette loi concernait un grand nombre de parcs : cinq parcs nationaux sur les sept que compte la France. Si l'on reconnaît encore unanimement les qualités de ce texte, c'est parce qu'il a fait l'objet d'un travail parlementaire très conséquent au sein des deux assemblées. Un très large débat s'était alors tenu, l'urgence n'ayant pas été déclarée.
Cela dit, vous souhaitez, madame la ministre, que les parcs obtiennent un véritable budget pour les années qui viennent. Nous ne pouvons que vous rejoindre sur ce point, au vu notamment des mesures adoptées dans le cadre de la dernière loi de finances.
Au cours de la discussion des amendements, et afin que vous ayez des ambassadeurs qui, chaque année, viennent défendre les budgets dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, je proposerai donc que le Sénat et l'Assemblée nationale soient représentés en tant que tels dans les établissements publics de chacun des parcs. Vous trouverez ainsi, madame la ministre, sur le terrain comme dans les assemblées, des élus nationaux pouvant porter vos propres priorités.
Les communes, qui offrent une part de leur territoire à ces zones, doivent être réellement prises en compte dans le budget de l'État. Les nécessaires règles de protection sont en effet, par nature, contraignantes pour leurs élus.
Ces communes font preuve de solidarité envers la nation, envers les visiteurs, envers les générations futures, en acceptant qu'une grande partie de leur territoire soit dévolue à la préservation de la faune et de la flore. Elles sont également très soucieuses de faire vivre un slogan qui faisait florès voilà quelques années : « vivre et travailler au pays ».
Avant l'existence des parcs, madame la ministre, des activités économiques existaient sur ces mêmes territoires. Puis les parcs ont été créés, tel le parc de la Vanoise, par exemple, qui est celui que je connais le mieux.
Des hommes et des femmes du cru ont alors été embauchés : sans avoir une compétence scientifique, ils n'en possédaient pas moins une connaissance très poussée du terrain, de sa faune, de sa flore, mais également de ses dangers. En montagne comme en mer, nous pouvons en effet nous trouver dans des milieux hostiles. Cette connaissance du terrain, cette expérience leur permettaient d'anticiper les dangers et de remplir les missions figurant parmi les objectifs du parc.
Puis les lois sont entrées en vigueur, et le slogan « vivre et travailler au pays » a peu à peu disparu.
Fréquentant assez régulièrement le territoire d'un de ces parcs, je côtoie encore aujourd'hui des agents issus de deux types de recrutements. Certains ont été recrutés par concours national, qui est aujourd'hui la seule voie d'embauche. D'autres ont été recrutés par le passé sur la base d'un concours local, d'une expérience.
Madame la ministre, savoir où vous pouvez trouver tel ou tel type d'armoise - que vous connaissez peut-être mieux sous le nom de génépi -, savoir si une rimaye, cette cassure entre un glacier et un névé, est praticable, cela ne s'apprend pas nécessairement au cours d'une formation scientifique nationale.
De même, lorsque vous souhaitez savoir si la traversée d'une calotte glaciaire, l'ascension de la Grande Casse ou d'un autre sommet sont possibles, l'expérience locale d'un garde du parc peut vous faire renoncer à une ascension rendue dangereuse par une glace trop vive ou par une absence de neige, au contraire, qui rend les éboulis menaçants. Tout cela s'acquiert par la pratique, sur le terrain.
Cela n'enlève certes rien à la qualité des agents embauchés à l'issue d'un concours national. Mais nous sommes de nombreux élus, me semble-t-il, à souhaiter que les qualités des uns accompagnent les qualités des autres en un mutuel enrichissement.
Par les avis que vous formulerez sur les amendements, madame la ministre, vous donnerez corps ou non à deux objectifs que vous citiez vous-même dans votre propos liminaire : le partenariat avec les territoires et l'ouverture d'un dialogue fécond.
Nous avons besoin de ce partenariat, de ce dialogue en effet fécond entre l'État et les acteurs locaux, élus ou responsables associatifs, les deux étant complémentaires.
Plusieurs amendements portent sur la gouvernance. Il ne me semble pas que nous devions avoir peur d'une implication des « autochtones » dans la gestion de leur territoire. Dans le cadre de leurs responsabilités électives et associatives, ils savent quelle richesse ces espaces préservés, protégés, mais non momifiés, représentent pour les générations futures.
Quant au projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, je ne souhaite pas qu'il s'apparente à un texte qui chercherait, par une législation nationale uniforme, à gommer les spécificités locales.
Je pense ici tout particulièrement à des pratiques touristiques, sportives ou pastorales qui concourent à faire vivre ces territoires toute l'année, et non exclusivement pendant la période estivale. Les visiteurs n'ont pas toujours conscience que c'est parce que ces espaces d'évasion, de respiration, d'exploration et de ressourcement sont gérés douze mois durant que l'on peut s'adonner à leur découverte.
En ce qui concerne les articles du projet de loi portant sur les travaux possibles ou impossibles à l'intérieur des parcs, je souhaiterais que vous nous apportiez des explications et des garanties quant à leur application.
Il est notamment question de possibles travaux sur les équipements ou constructions d'intérêt général. Nombre d'équipements ou de constructions privés ne sont pas d'intérêt général mais concourent par leur présence à l'entretien et à la praticabilité des espaces. Ils les conditionnent même. Une bergerie, par exemple, est un lieu privé à vocation économique. Dans les zones de montagne, on s'interroge vivement : quelle législation ou réglementation s'appliquera-t-elle quand les propriétaires souhaiteront engager des travaux sur ces bâtiments ?
Tout cela renvoie finalement aux conditions dans lesquelles pourront être élaborées les chartes discutées à l'issue de l'adoption de ce projet de loi, dans la perspective des décrets de création des parcs nationaux renouvelés.
Madame la ministre, les alpinistes savent que, dans l'ascension d'un sommet, quand tel est l'objectif qu'ils se sont fixé ou que l'orage menace, la voie la plus sûre est de « sortir par le haut », expression très utilisée aujourd'hui.
Sortir par le haut est possible parce que, dans une cordée, chacun a sa place, tient son rôle, avec ses propres qualités, l'ensemble faisant la qualité, la force de l'équipe.
Lorsqu'on est sorti par le haut, on éprouve la satisfaction d'avoir atteint l'objectif. Cet objectif atteint, on choisit pour redescendre la voie la plus sûre, surtout si les conditions environnantes sont exécrables. On cherche une voie échappatoire.
Je veux par cette image montrer que, sur le terrain, les véritables volontés des acteurs s'opposent quelquefois. Ces derniers peuvent être extrêmement méfiants les uns envers les autres ; c'est très précisément le cas de l'État, d'un côté, et des élus, de l'autre.
Par les marges de travail collectif, par la reconnaissance des demandes formulées dans les amendements déposés par des élus de ces territoires, vous contribuerez finalement à constituer des équipes qui pourront sortir par le haut, c'est-à-dire élaborer ensemble, en confiance, un projet de territoire pour les parcs nationaux.
C'est dans ce but, pour ma part, que j'aborde le débat, sans arrière-pensée. Je serai très attentif à vos avis sur les amendements issus de tous les groupes. Nous déterminerons alors la nature de notre vote : il n'est pas par nature défavorable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC - M. Jacques Blanc applaudit également.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de me féliciter du caractère constructif et pertinent des réflexions et des questions de tous les orateurs. Je les ai écoutées avec beaucoup d'attention.
J'ai plaisir à constater que le Parlement tout entier se mobilise activement pour la défense et la promotion de ces joyaux internationaux que sont nos parcs nationaux, ceux qui existent et ceux dont nous espérons la création.
Cet esprit doit incontestablement beaucoup à M. le rapporteur, que je salue et remercie profondément. Son fort investissement personnel, son souci d'équilibre et sa chaleur communicative me sont allés droit au coeur.
Je me réjouis tout particulièrement de la manière dont il a situé ce projet de loi dans le contexte de la stratégie nationale pour la biodiversité.
Je tiens à rassurer M. le rapporteur et Mmes et MM. les sénateurs : les arbitrages rendus par le Gouvernement quant à l'ambition du projet de loi l'ont été en toute connaissance de cause, au vu d'une étude d'impact financier. Faites-moi confiance pour le rappeler à mes collègues du Gouvernement avec la plus extrême force et avec une détermination sans faille, au moment des arbitrages afférents au projet de loi de finances pour 2007. Je sais également pouvoir compter sur votre grande vigilance en la matière.
Je tenterai de répondre le plus complètement possible aux différents orateurs.
Monsieur Le Cam, les parcs nationaux sont une cause nationale qui doit nous réunir, quelles que soient les différences de sensibilités qui peuvent nous séparer sur certains points particuliers. L'État assume et assumera pleinement ses responsabilités.
Je tiens à vous rassurer quant à la volonté du Gouvernement de respecter les principes et règles de l'UICN. L'ensemble du projet de loi et du décret vise bien à garantir le respect de l'ambition que vous rappelez.
Le projet de décret d'application générale est en effet déjà bien avancé. Le Président de la République est très attentif à ce que la procédure de préparation du décret général et de création des nouveaux parcs nationaux d'outre-mer soit menée dans les délais les plus brefs possible, conformément à la logique de la procédure d'urgence.
Il est évident que je ne partage pas la conception un peu autoritaire que révèlent certains des amendements déposés par M. Le Cam.
Je rends cependant hommage, monsieur le sénateur, au souci de pragmatisme dont témoignent d'autres amendements : dans le débat, vous verrez l'esprit d'ouverture du Gouvernement.
Madame Férat, je vous remercie du soutien que vous apportez au projet de réforme et de l'intérêt que vous portez au projet de la Réunion.
Vous avez raison de souligner l'exemplarité du partenariat entre l'État et les collectivités autour de ce projet. Ce partenariat ne veut pas dire qu'il n'y a pas débat. La réactivité des élus réunionnais a été très stimulante pour le Gouvernement.
Les discussions sur des projets de loi sont toujours l'occasion de soulever des problèmes de fond, auxquels les porteurs de projets sont bien évidemment confrontés. Cet échange entre niveaux locaux et nationaux est toujours riche.
Les parcs naturels régionaux représentent aujourd'hui près de 13 % du territoire métropolitain, ce qui témoigne de la généralisation dans les esprits et dans les pratiques du développement durable. Cependant, du fait de l'importance de cette superficie, on ne peut pas refuser tout développement des infrastructures de transports ou des aménagements pour les énergies alternatives, tel l'éolien.
Sur ce sujet aussi, il nous faut être innovants dans les parcs naturels régionaux et chercher comment adapter ce développement avec les exigences qualitatives que, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez le devoir de revendiquer pour vos parcs et dont nous sommes tous responsables.
Les amendements visant à ce que le parc naturel régional soit systématiquement consulté et rende un avis sur les documents de planification constituent un pas vers une meilleure cohérence des actions. En y donnant un avis favorable, le Gouvernement montre sa détermination à rendre plus cohérentes les politiques de l'État sur ces territoires, sans pour autant figer ceux-ci.
Vous avez abordé, madame Férat, la question de la ligne d'alimentation électrique du TGV Est, ligne située pour l'essentiel à proximité du parc naturel régional de la montagne de Reims. Je salue la passion et l'engagement personnel que vous manifestez pour ce dossier, ainsi que la sincérité de votre implication dans les questions environnementales. Je tiens cependant à préciser que, lorsque j'ai pris mes fonctions, la décision du Gouvernement était arrêtée et irrévocable, et qu'elle a tenu compte de l'ensemble des enjeux en présence. Elle est le fruit d'un compromis certes délicat, mais qui me paraît équilibré.
Je tiens à réaffirmer devant vous que, étant moi-même encore une élue de terrain et ayant été sénateur pendant neuf ans, j'ai la plus grande considération pour les élus et pour les parlementaires ; je crois que chacun ici me connaît depuis suffisamment longtemps pour savoir que je suis à l'écoute de tous. Aussi, madame, si nous n'avons pu nous rencontrer plus tôt, n'y voyez de ma part ni dérobade ni mépris à votre égard : ce sont simplement les contraintes de mon calendrier, peut-être aussi du vôtre, qui ne m'ont pas permis de vous recevoir.
Monsieur Raoult, vos interventions dans la discussion de différents projets de loi, en particulier du projet de loi d'orientation agricole, ont montré que la gestion de la biodiversité et du patrimoine naturel vous tient particulièrement à coeur, et la visite que je vous ai rendue sur le terrain l'a confirmé.
Le réseau que vous représentez aurait souhaité que le texte examiné aujourd'hui par le Sénat porte plus largement sur les parcs naturels régionaux : nous pourrons constater au cours de la discussion que la rédaction qui sera issue de vos travaux satisfera en très grande partie cette demande, puisque le chapitre portant sur les parcs naturels régionaux devrait s'étoffer, justifiant peut-être une modification de l'intitulé de la loi.
L'évolution des parcs nationaux s'inspire pour une part essentielle du modèle et de l'expérience réussie des parcs naturels régionaux. Cela illustre l'idée d'une « famille des parcs ».
Plus précisément, le texte que vous allez examiner et les amendements qui ont été déposés offriront, je le crois, une meilleure cohérence et une plus grande complémentarité entre les trois types de parcs : nationaux, naturels régionaux et naturels marins.
Vous souhaitez globalement le renforcement de la portée de la charte des parcs naturels régionaux. Certains amendements allant dans ce sens seront examinés au cours du débat, et nous les discuterons en gardant à l'esprit l'équilibre qu'il nous faut préserver entre engagement, certes volontaire mais contraignant, et capacité de proposition, d'incitation et d'innovation, caractéristiques qui font la spécificité des parcs naturels régionaux.
Je souhaite assurer M. Jean-Claude Gaudin que je ne confonds pas le contexte des Calanques et celui des Écrins ou de la Vanoise ; et si j'avais eu la faiblesse de le faire, sa magnifique intervention m'aurait instruite et m'aurait fait rêver aux beautés et aux lieux magiques qu'il a évoqués.
M. Gaudin nous a rappelé toute l'attention que le Gouvernement doit porter aux préoccupations des maires, y compris, et peut-être plus encore, lorsque la sauvegarde d'un patrimoine de niveau mondial est en jeu. Il n'est pas, en effet, de lieu plus propice pour le souligner.
De façon générale, le projet de loi qui vous est présenté est en lui-même, dans son esprit et par les innovations qu'il apporte au dispositif actuel, une manifestation concrète de la volonté du Gouvernement que les élus des communes soient toujours mieux associés aux décisions sur l'environnement, et spécialement, s'agissant des parcs nationaux, aux plus importantes de ces décisions.
Comme l'a rappelé M. Gaudin, il existe à travers le monde des parcs nationaux périurbains, et le Gouvernement est tout à fait ouvert et intéressé par l'expérimentation en France, avec le projet des Calanques, d'une telle orientation. Le projet de loi, on l'aura noté, n'entre nullement en contradiction avec une telle option, dès lors que le niveau d'exigence du projet concerné est compatible avec les standards nationaux et internationaux d'un parc national. Je note avec intérêt que l'Assemblée nationale a reconnu la spécificité du contexte des Calanques en prévoyant à l'article 7 des adaptations répondant aux préoccupations légitimes de M. Gaudin.
Je tiens également à rassurer M. Gaudin quant à la place des quartiers urbains dans un coeur de parc national : il a été tenu compte de sa préoccupation. La concertation sur les limites et sur le contenu de la réglementation du projet de parc n'est pas achevée, loin de là. Elle se poursuit localement, et c'est le bon niveau pour y procéder.
Il reste encore beaucoup de travail à faire, beaucoup de concertations à mener. J'accepterais cependant bien volontiers que M. Gaudin m'invite à dîner à Callelongue, et je garantis que nous n'aurons pas besoin de laissez-passer du directeur du parc, même si le restaurant devait alors se trouver en coeur de parc national.
Sourires
Pour tous ceux qui auront travaillé sur ce texte et l'auront voté ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur Fortassin, je suis pleinement d'accord avec vous : la particularité des parcs nationaux français est d'abriter des paysages, façonnés par l'homme, qui contribuent notablement à la qualité de ces espaces. Ainsi que vous l'avez souligné, cela renforce la nécessité d'impliquer les populations locales à la reconnaissance accordée à la qualité de ces paysages. Tel est le cas pour un parc national, et je souscris à votre souhait que les populations soient au coeur du principe de gouvernance du parc.
Parmi les activités humaines, le pastoralisme tient un rôle tout particulier, et il est normal que la plupart des parcs nationaux aient inscrit en priorité dans leurs programmes d'aménagement le soutien à cette activité. Je confirmerai, à l'occasion de la négociation des contrats d'objectifs avec les établissements publics des parcs, la légitimité des moyens qu'ils y consacrent.
Vous vous inquiétez, monsieur le sénateur, de l'équilibre qui devra être respecté au sein de l'équipe de l'établissement public pour que les connaissances des locaux y soient disponibles. Je porte une attention toute particulière à cet aspect de la gestion des ressources humaines de nos établissements, et nous aurons l'occasion d'en débattre tout au long de la discussion des articles du projet de loi.
Vous avez enfin attiré mon attention sur la situation frontalière du parc national des Pyrénées. Comme vous, je pense que les frontières sont peu pertinentes en matière de protection de la nature et que, dans le cas favorable où nos voisins ont eux-mêmes pris des mesures de protection, il est indispensable de formaliser un minimum les relations entre les gestionnaires de ces espaces. Comptez sur moi pour mobiliser le parc national des Pyrénées dans des programmes de coopération avec son homologue espagnol.
Madame Alquier, vous vous êtes interrogée sur l'urgence qui nous conduit à nous retrouver aujourd'hui.
Oui, nous avons le devoir de créer rapidement les parcs nationaux de la Réunion et de la Guyane. Oui, notre calendrier est très contraint, et j'ai déjà anticipé la préparation des décrets d'application. Vous avez déposé des amendements, et nous allons certainement nous retrouver sur un grand nombre d'entre eux.
Vous avez souligné l'urgence de la protection de la biodiversité, et vous vous êtes inquiétée des moyens de mon ministère. Comme vous le savez, la stratégie nationale pour la biodiversité adoptée par le Gouvernement s'appuie sur des plans d'actions relevant de plusieurs ministères et intégrant dans l'ensemble des politiques publiques les préoccupations qui sont les nôtres.
Enfin, je partage votre souci, madame, de mettre en place des financements pérennes pour la préservation et la gestion de la nature. Je rappelle que le Gouvernement a récemment adopté à cet effet des mesures fiscales innovantes : exonération de taxe foncière sur le foncier non bâti pour les zones humides, les sites Natura 2000 et les coeurs de parcs nationaux d'outre-mer ; allégements fiscaux pour travaux ; exonérations de droits de mutation dans les sites Natura 2000 ; enfin, cinquième critère de calcul de la dotation générale de fonctionnement pour les coeurs de parcs nationaux. Vous pouvez le constater, le Gouvernement continue de se préoccuper du financement des politiques de la nature.
Monsieur Vial, vous êtes un amoureux de la montagne, et je vous comprends. Quatre de nos parcs nationaux métropolitains concernent la haute montagne, celui des Cévennes la moyenne montagne. Je n'oublierai pas ici les reliefs du parc de la Guadeloupe, qui complètent admirablement ce panorama montagnard si révélateur de la diversité biologique et culturelle de la France.
Je souhaite renouveler ici l'hommage que j'ai rendu devant l'Assemblée nationale à Gilbert André, le père fondateur des « parcs à la française ». Sa pensée continue d'inspirer l'actuel projet de loi, et la politique articulée entre le coeur et l'aire d'adhésion traduit l'une de ses intuitions les plus fortes.
Je sais la pression qu'exercent certaines grandes stations de ski sur le débat concernant les parcs nationaux. Je me plais cependant à relever que la présence de ces derniers à proximité des stations concernées constitue pour celles-ci un indéniable atout commercial : protéger, c'est conserver de la valeur, mais c'est aussi, sur un plan économique, créer de la valeur.
Votre intervention, monsieur Vial, est donc aussi pour moi l'occasion de rappeler l'attention que porte et que continuera de porter le Gouvernement à l'équilibre entre, d'une part, un mode de gouvernance locale renouvelé et, d'autre part, le respect des principes, règles et objectifs qui sous-tendent l'action des établissements publics nationaux de l'État. Les élus locaux membres du conseil d'administration d'un parc national doivent pleinement s'impliquer dans la vie de l'établissement public et relayer dans leur action les orientations stratégiques arrêtées en conseil d'administration.
Mais la gouvernance ne s'arrête pas au conseil d'administration : la réforme que je vous propose comprend aussi l'établissement d'un comité économique, social et culturel, ainsi qu'une consultation systématique de la population, lors de la validation des chartes, au travers d'une enquête publique.
Je vous entends également, comme M. Fortassin, sur la part de compétence locale que les établissements publics des parcs doivent avoir. J'aurai l'occasion, au cours de la discussion des articles, de développer les solutions qui existent déjà et qu'il faut mobiliser de façon plus résolue à cet effet.
Monsieur Dauge, merci de reconnaître que ce ministère n'est pas celui dont l'exercice est le plus confortable !
Vous avez souhaité attirer mon attention sur les sites classés et sur les outils de leur gestion. Croyez bien qu'à l'occasion de cette année 2006, qui marque le centenaire de la loi sur la protection des sites et des monuments naturels, j'y serai particulièrement attentive.
J'ai bien senti le soutien que vous apportez à mon ambition d'introduire dans les politiques de conservation du patrimoine naturel une plus grande dimension interministérielle. Je vous remercie de ce diagnostic et de cet appui.
Je vous rassure en ce qui concerne la spécificité de ce texte : c'est d'abord une loi d'ambition pour la France que je défends. Nos points de vue se rejoignent à ce moment du débat ; j'espère qu'il en ira de même durant l'examen des amendements.
Enfin, j'ai repris votre proposition d'élargir le champ de nos travaux aux parcs naturels régionaux afin d'améliorer pour l'ensemble des élus et des citoyens la lisibilité des structures intervenant sur les territoires.
Monsieur Balarello, j'ai prêté une grande attention à vos préoccupations et à vos mises en garde. Je me permets de rendre publiquement hommage à votre engagement personnel très précieux, aux côtés du sénateur Charles Ginésy, dans la genèse puis dans la vie du parc national du Mercantour. Soyez assuré de ma gratitude.
J'ai apprécié vos commentaires éclairés par l'expérience et votre avis globalement favorable. Sans doute la profondeur de votre engagement et l'éminence des fonctions que vous avez assumées expliquent-elles les grandes interrogations que vous soulevez sur le projet de loi. Je vais tenter d'y répondre.
Votre première interrogation porte sur l'utilité du projet de loi. Malheureusement, les difficultés rencontrées à l'occasion d'une polémique dans le parc des Cévennes voilà quelques années et les expertises juridiques qui ont suivi, notamment, ont confirmé que le dispositif issu de la loi de 1960 était devenu juridiquement fragile. Elles ont convaincu le Gouvernement de la nécessité de remédier à ces faiblesses qui menaçaient tout ce que les parcs nationaux ont construit depuis l'origine, analyse confirmée par le Conseil d'État lorsqu'il a examiné le projet de loi. Par ailleurs, les élus de la Réunion et de la Guyane ont fait savoir très clairement que leur accord à la création de nouveaux parcs nationaux était subordonné à certaines modifications.
Votre deuxième interrogation concerne les moyens qui seront mobilisés. Compte tenu des problèmes financiers, j'ai eu l'occasion de prendre des engagements dans mon exposé liminaire.
Par ailleurs, j'appelle votre attention sur le fait que la mesure prévue à l'article 12 tire très concrètement les enseignements des promesses des années soixante, qui se sont avérées difficiles à tenir dans le long terme.
J'ai pris note avec attention de vos réflexions et recommandations concernant la rédaction du décret.
Vous observerez enfin que votre engagement déterminé en faveur des parcs transfrontaliers trouve sa reconnaissance dans le projet de loi.
Monsieur Le Pensec, je vous remercie de vos encouragements sur l'ambition marine du projet de loi. Je les apprécie d'autant plus qu'ils sont prodigués par quelqu'un qui, pour avoir été ministre de la mer, connaît bien la question et dont le rapport sur le Conservatoire du littoral a beaucoup apporté au dispositif de protection de la nature dans la zone côtière. Je profite de l'occasion pour saluer votre contribution.
En ce qui concerne l'Iroise, je suis très attentive à vos arguments en faveur du parc naturel marin et à votre analyse sur le périmètre du futur parc. Je vous remercie en particulier d'avoir rappelé que les comités des pêches soutiennent ce projet. Mon souci est de voir le processus de concertation sur les limites du futur parc naturel marin mené à son terme à l'échelon local, et j'ai toute confiance, de ce point de vue, dans le travail fait par le préfet maritime et le préfet du Finistère.
Vous avez souligné, monsieur le sénateur, les responsabilités internationales de la France dans le domaine marin compte tenu notamment de l'importance de son espace maritime outre-mer. Vous avez rappelé l'importance des conventions internationales en la matière, en premier lieu celle de la convention de Montego Bay et des conventions des mers régionales, qui légitiment pleinement, par l'importance qu'elles accordent à la protection de la biodiversité, la démarche que nous avons engagée.
L'initiative de l'Assemblée nationale visant à élargir l'ambition de l'Agence nationale à l'ensemble des aires marines protégées va dans ce sens. Cela constituera indubitablement un atout considérable pour que la France occupe toute sa place dans les débats internationaux.
Monsieur Jacques Blanc, j'ai toujours plaisir à entendre vos analyses enracinées dans le magnifique pays des Cévennes, et à constater votre hauteur de vue pour remettre nos débats en perspective. Vous avez bien résumé les grandes lignes stratégiques du projet de loi.
Je suis très sensible à la dimension internationale de la coopération dans le domaine de la protection de la nature, et les perspectives euro-méditerranéennes que vous dessinez me semblent d'avenir. Les établissements publics des parcs nationaux y contribueront, et le projet de loi qui vous est proposé aborde la question de la coopération au-delà des aspects transfrontaliers.
J'ai pris bonne note de vos amendements que vous avez commentés, et je prendrai position, le moment venu, lors de leur discussion.
Quant à la question relative à l'articulation entre les communes volontaires pour une adhésion et les communautés de communes auxquelles elles ont délégué des compétences, elle sera résolue dans les mêmes termes que pour les parcs naturels régionaux.
Votre vibrant plaidoyer en faveur de Natura 2000 et de son articulation logique et indispensable avec la dynamique du parc national m'est enfin allé droit au coeur.
Monsieur Desessard, je suis comme vous très attachée à la sauvegarde des acquis de la loi de 1960 et à une bonne adaptation aux conditions actuelles, sans transiger sur les objectifs de protection du coeur. Nos concitoyens ne permettraient pas que l'on prenne le risque de disqualifier nos parcs nationaux sur le plan international : soyez donc rassuré.
Timidité ? Fébrilité écologique ? Le lyrisme n'est pas la nostalgie, c'est l'enthousiasme, c'est la passion, et je suis profondément convaincue que nous faisons très concrètement oeuvre d'avenir au service de la protection de la nature, cause que nous partageons.
Je sais tous les efforts déployés par tous mes prédécesseurs depuis plus de dix ans pour faire avancer la réflexion sur la création de nouveaux parcs nationaux et pour chercher à remédier aux faiblesses de la loi de 1960. Il s'agit d'une grande ambition nationale, et je me réjouirai des contributions de tous.
Je regrette seulement que votre grande motivation sur le présent projet de loi vous ait conduit à oublier le débat à l'Assemblée nationale, et donc à déposer vos amendements sur le texte du Gouvernement aujourd'hui dépassé.
Monsieur Repentin, je suis sensible à votre attachement à la montagne et au parc national de la Vanoise, auquel vous avez contribué directement en tant qu'administrateur.
Vos remarques montrent votre connaissance du terrain et des équilibres qu'il faut trouver, notamment dans la composition du conseil d'administration et dans les équipes de l'établissement public d'un parc. Nous nous rejoignons sur le fond même si nous avons des divergences sur la forme. En particulier, un concours peut être national et peut permettre de recruter des compétences locales. Les évolutions dans ce sens connaîtront une avancée majeure grâce à l'accord que vient de passer le Gouvernement avec trois des organisations syndicales représentatives dans la fonction publique, accord aux termes duquel une nouvelle modalité de recrutement sera mise en place, sur la base d'une valorisation des acquis professionnels.
Le renouvellement du mode de gouvernance des parcs nationaux est au coeur du projet de loi. Ce sont bien les collectivités et les populations locales qu'il s'agit d'associer aux décisions concernant le parc. Le conseil d'administration est un lieu adéquat pour cela, mais il y a en d'autres, et il y a surtout une pratique professionnelle que je m'attacherai à voir développer par les établissements publics des parcs.
Au travers de la réforme engagée, il s'agit d'installer une relation de coopération plus claire entre la protection forte d'un espace naturel emblématique et le développement économique et social du territoire au sein duquel il se trouve.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
Parcs nationaux
L'article L. 331-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-1. - Un parc national peut être créé à partir d'espaces terrestres ou maritimes, lorsque le milieu naturel, particulièrement la faune, la flore, le sol, le sous-sol, l'atmosphère, les eaux, les paysages et, le cas échéant, le patrimoine culturel qu'ils comportent présentent un intérêt spécial et qu'il importe d'en assurer la protection en les préservant des dégradations et des atteintes susceptibles d'en altérer la diversité, la composition, l'aspect et l'évolution.
« Il est composé d'un ou plusieurs coeurs, définis comme les espaces terrestres et maritimes à protéger, ainsi que d'une aire d'adhésion, définie comme tout ou partie du territoire des communes qui, ayant vocation à faire partie du parc national en raison notamment de leur situation géographique ou de leur solidarité écologique avec le coeur, ont décidé d'adhérer à la charte du parc national et de concourir volontairement à cette protection. Il peut comprendre des espaces appartenant au domaine public maritime et aux eaux sous souveraineté de l'État. »
L'amendement n° 1, présenté par M. J. Boyer, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-1 du code de l'environnement, remplacer le mot :
situation
par le mot :
continuité
La parole est à M. le rapporteur.
La commission approuve pleinement la nouvelle définition du périmètre d'un parc national tel que proposé par l'article 1er du projet de loi.
Il s'agit d'un préalable juridique essentiel pour mettre en place un véritable partenariat aux bénéfices mutuels entre les espaces protégés du parc et les communes situées dans l'actuelle zone périphérique.
Mes chers collègues, il vous est proposé, s'agissant des critères identifiant les communes ayant vocation à faire partie d'un parc national, de prendre en compte leur continuité géographique avec le coeur et non pas simplement leur situation géographique.
Cette disposition concerne la définition du périmètre optimal du parc national afin de délimiter un espace géographique homogène, et elle ne pourra en aucun cas constituer un motif de refus à la demande d'adhésion effective d'une commune.
Le Gouvernement émet un avis favorable. L'amendement vise à préciser la logique de l'enveloppe maximale de l'aire d'adhésion autour du coeur ; il y a continuité écologique, ce qui était déjà sous-entendu dans le texte voté par l'Assemblée nationale mais qui est mieux formulé dans la rédaction proposée par la commission.
Je précise toutefois qu'une adhésion à la charte ne pourra en aucun cas être refusée au motif que la commune demandeuse ne se situe pas dans une continuité géographique avec le coeur. Ce serait contraire à la logique de libre adhésion et de dynamique progressive que le Gouvernement souhaite privilégier.
L'amendement est adopté à l'unanimité.
L'amendement n° 118, présenté par Mme Didier, MM. Billout, Coquelle et Le Cam, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 331-1 du code de l'environnement, par un alinéa ainsi rédigé :
« Le parc national peut être composé de plusieurs coeurs, sous réserve que soit assurée, entre eux, une continuité écologique. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
Cet amendement est satisfait compte tenu de l'adoption de l'amendement précédent, et je le retire donc.
L'article 1 er est adopté.
L'article L. 331-2 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-2. - La création d'un parc national est décidée par décret en Conseil d'État, au terme d'une procédure fixée par le décret prévu à l'article L. 331-7 et comportant une enquête publique et des consultations.
« Le décret de création d'un parc national :
« 1° Délimite le périmètre du ou des coeurs du parc national et fixe les règles générales de protection qui s'y appliquent ;
« 2° Détermine le territoire des communes ayant vocation à adhérer à la charte du parc ;
« 3° Approuve la charte du parc, dresse la liste des communes ayant exprimé par une délibération leur décision d'y adhérer, et prend acte du périmètre effectif des espaces terrestres et maritimes du parc ;
« 4° Crée l'établissement public national à caractère administratif du parc.
« L'adhésion d'une commune à la charte, postérieurement à la création du parc national, est soumise à l'accord de l'établissement public du parc. Cette adhésion ne peut intervenir qu'à une échéance triennale à compter de l'approbation de la charte ou que lors de sa révision. Elle est constatée par l'autorité administrative.
« Le parc national ne peut comprendre tout ou partie du territoire d'une commune classée en parc naturel régional. »
L'amendement n° 80, présenté par M. Raoult, Mme Alquier, M. Dauge, Mme Y. Boyer, MM. Repentin, Pastor, Piras, Bel, Teston, Trémel et Lise, Mme Herviaux, MM. Courteau et Dussaut, Mme Khiari, MM. Krattinger, Lejeune, Raoul, Reiner, Ries, Saunier et Caffet, Mme Hurel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-2 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent proposer la création d'un parc national sur leur territoire.
La parole est à M. Paul Raoult.
Cet amendement concerne le rôle des élus dans la création d'un parc. Il faut en effet faire confiance aux élus pour qu'eux-mêmes et la population s'approprient le parc et créent un souffle nouveau. Cela permet de débattre sur le fond, de créer une impulsion, de favoriser un travail d'écoute et de faire mieux comprendre à la population et à l'ensemble des élus les enjeux de ce dossier.
Il convient tout d'abord d'observer que l'inscription d'une compétence facultative au bénéfice des collectivités territoriales ne relève pas du domaine de la loi.
En outre, cette faculté est déjà traduite par l'article L.331-3 du code de l'environnement tel que proposé par l'article 3 du projet de loi, lequel dispose que « le projet de charte du parc national est élaboré par [...] le groupement d'intérêt public le préfigurant.
Or, ce groupement d'intérêt public est essentiellement composé de collectivités territoriales, et c'est d'ailleurs cette structure qui travaille actuellement sur le projet de parc national des Calanques.
La commission émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement, partageant tout à fait l'avis de la commission, invite M. Raoult, compte tenu des explications qui lui ont été apportées, à retirer son amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Je veux bien croire que les élus seront consultés sur la création d'un parc ; néanmoins, il me semblait important et positif que l'initiative de créer un parc puisse venir d'eux.
Vous me dites que, dans la pratique, les choses peuvent se faire de cette manière, ce dont je ne suis pas tout à fait persuadé. En effet, vous allez passer par un groupement d'intérêt public ; or, au regard du peu d'informations que j'ai sur le fameux groupement d'intérêt public des Calanques - peut-être M. Jean-Claude Gaudin ne serait-il pas content s'il m'entendait -, je n'ai pas le sentiment que les choses aient évolué de façon très positive.
Néanmoins, et puisque vous indiquez que l'État peut être à l'écoute des élus, je retire cet amendement, malgré le petit doute qui subsiste dans mon esprit.
L'amendement n° 80 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq.