Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis aujourd'hui à notre examen concerne l'élément le plus emblématique de nos exceptionnels espaces naturels protégés, à savoir les parcs nationaux.
La richesse d'un pays, c'est aussi celle de ses espaces, celle de sa nature protégée. Permettez-moi, chers collègues, de vous rappeler simplement que, entre 1801 et 1899, cent espèces végétales ont disparu en France. Je pourrais développer plus longuement cette réflexion, compte tenu des responsabilités que j'ai exercées autrefois dans un parc botanique régional et qui m'ont conduit à partager ces inquiétudes. Vous comprendrez donc mieux, madame la ministre, ma détermination à agir dans ce domaine.
Ce projet de loi traduit les engagements constitutionnels inscrits dans la Charte de l'environnement adoptée en mars 2005, qui fait de la préservation de l'environnement un objectif essentiel « au même titre que les intérêts fondamentaux de la nation », pour utiliser les termes que vous avez vous-même prononcés, madame la ministre, et que je me suis permis de reprendre dans mon rapport.
Ce texte s'insère également dans la stratégie de la biodiversité adoptée en février 2004, déclinée concrètement à travers sept premiers plans d'action, qui coordonnent des orientations et des actions précises menées par plusieurs ministères, et dont vous avez, madame la ministre, fait une présentation détaillée lors d'un conseil des ministres en novembre 2005.
Il faut tout d'abord rappeler que, si la France s'est tardivement dotée de parcs nationaux, les précurseurs en la matière ayant été les États-Unis, la loi du 22 juillet 1960 traduit surtout une conception française de la protection de ces espaces exceptionnels.
À la sauvegarde des espèces et des écosystèmes, au tourisme culturel et à l'exercice de sports de nature qui sont les objectifs communs des parcs nationaux dans le monde, le législateur a ajouté la restauration et la mise en valeur du tissu socio-économique avoisinant, en définissant une zone périphérique dotée d'un programme de réalisations. La place de l'homme est ainsi réaffirmée en tant qu'entité indissociable de ces espaces naturels exceptionnels.
Sept parcs ont été créés entre 1963 et 1989, dont cinq en zone de montagne. L'ensemble des zones centrales dans lesquelles s'exerce une protection plus forte des espaces naturels représente seulement 0, 66 % de notre territoire national. Dans nombre de pays européens ou dans le monde, ce pourcentage est beaucoup plus élevé.
Ce dispositif connaît un véritable succès, et les parcs nationaux - retenons ce chiffre, qui représente une victoire collective - reçoivent chaque année 6 millions de visiteurs.
Néanmoins, le bilan de quarante-cinq ans de gestion des parcs nationaux établi à partir de rapports successifs et convergents a permis - pour être objectif, il faut être sincère - de formaliser plusieurs critiques et d'élaborer des propositions constructives, afin de conforter les objectifs de protection d'un parc national, en s'appuyant sur une véritable dynamique partenariale avec les collectivités locales.
Le dernier rapport remis au Premier ministre en 2003 et dont l'auteur est connu - et reconnu - puisqu'il s'agit du rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Giran, a inspiré l'essentiel des dispositions figurant dans ce projet de loi. Ce rapport a également identifié les dysfonctionnements essentiels du dispositif de 1960.
Ainsi, au-delà de la protection réussie des parcs naturels de la zone centrale - il s'agit du coeur, j'y reviendrai tout à l'heure -, la mise en valeur des zones périphériques, aujourd'hui appelées aires d'adhésion, est restée souvent lettre morte.
Un sentiment d'expropriation est parfois ressenti très fortement par les populations locales, par ailleurs viscéralement attachées à la préservation de ce qui leur est cher : leur territoire. En outre, un sentiment de frustration est éprouvé par certains élus tandis qu'une certaine suspicion des associations de protection de la nature se manifeste à l'encontre précisément des élus.
J'en viens aux principales caractéristiques du projet de loi soumis à l'examen de notre Haute Assemblée.
Premièrement, il s'agit, comme cela a été dit, de rénover en profondeur le cadre législatif - il n'a pratiquement pas été modifié ou l'a été très peu depuis 1960 - de l'outil « parc national », en l'adaptant à un contexte scientifique, administratif et international qui a beaucoup évolué, et ce à travers deux axes.
D'une part, il faut conforter le niveau de protection des parcs nationaux en précisant, à l'échelon législatif, le pouvoir réglementaire reconnu à l'établissement public - urbanisme, autorisation de travaux, pouvoir de police spéciale - dans les espaces protégés du parc. Le choix d'un établissement public national pour la gestion du parc est confirmé.
D'autre part, il convient de créer les conditions d'un partenariat générateur de bénéfices mutuels entre les espaces protégés et la zone périphérique, en associant les collectivités territoriales concernées dans un projet de territoire auquel elles adhèrent librement. La représentation des acteurs locaux au sein du conseil d'administration est renforcée ainsi que les pouvoirs du président.
Deuxièmement, il s'agit de doter la France d'un outil pour la gestion et la préservation des aires marines à forte valeur écologique avec la création d'un parc naturel marin.
Troisièmement, enfin, le projet de loi vise à prendre en compte les spécificités de l'outre-mer et de la Guyane, sujet que vous avez également évoqué, madame la ministre, par l'adoption de mesures particulières, complétant la réglementation générale et y dérogeant parfois afin de favoriser la mise en place de parcs nationaux.
Composé initialement de quinze articles, ce projet de loi comprend désormais, après son adoption par l'Assemblée nationale, vingt-cinq articles répartis dans cinq chapitres.
Il faut tout d'abord souligner, pour s'en féliciter, la personnalité et la très forte implication du rapporteur M. Jean-Pierre Giran - je suis d'autant plus objectif que je ne le connais pas personnellement - nationalement connu, puisqu'il est président du parc de Port-Cros et auteur d'un rapport remarqué remis au Premier ministre, qui a servi de base de travail pour ce projet de loi, comme je l'ai déjà dit. À cet égard, les interventions de nombreux députés concernés, à plus d'un titre, par la gestion des parcs nationaux ont également été utiles à l'élaboration de ce texte.
En conséquence, l'Assemblée nationale a considérablement enrichi le dispositif sur les points suivants.
Sur la proposition du rapporteur, nombre de propositions, parfois de nature réglementaire, il faut le reconnaître, qui figuraient dans son rapport de 2003 ont été adoptées.
Selon la terminologie désormais retenue, le parc national est composé d'un « coeur de parc », défini comme les espaces terrestres ou maritimes à protéger et, en périphérie de ce coeur, de ce que l'on appelle « une aire d'adhésion », qui englobe les communes ayant décidé d'adhérer à la charte du parc.
Ce document définit les objectifs de protection pour le coeur et les orientations de protection, de mise en valeur ou de développement durable pour l'aire d'adhésion. Sont ainsi bien distingués au sein de l'entité « Parc national » un espace soumis à réglementation et un espace géré de façon contractuelle et partenariale.
La composition du conseil d'administration a été également précisée, s'agissant notamment des personnalités choisies pour leurs compétences, ainsi que le rôle et la désignation du directeur. Un amendement sera d'ailleurs présenté par la commission sur ce sujet.