Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après la discussion sans examen du projet de loi de finances pour 2017, nous abordons le projet de loi de finances rectificative pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale le 7 décembre dernier.
Devenu un marronnier législatif de fin d’année, ce texte, qui comporte des mesures fiscales nombreuses et diverses, tend donc à prolonger la loi de finances initiale.
Il y est procédé à des ajustements, afin de tenir compte des évolutions imprévues du contexte économique. Ainsi, Bercy a baissé de 0, 1 point sa prévision de croissance pour 2016, passée de 1, 5 % à 1, 4 %. En effet, la croissance a été quasi nulle au troisième trimestre. Cette légère contre-performance s’explique notamment par les pertes de récoltes dues aux intempéries et par la baisse du tourisme, liée au contexte difficile des risques d’attentats.
Le Gouvernement a également modifié ses prévisions de solde structurel et de solde conjoncturel : la prévision passe, pour l’un, de 1, 2 % à 1, 5 %, soit une augmentation de 0, 3 point, et, pour l’autre, de 1, 9 % à 1, 7 %, soit une diminution de 0, 2 point. Comment expliquez-vous, monsieur le secrétaire d’État, cette augmentation du déficit structurel prévisionnel ? La logique de ces variations n’est pas intuitive, tout comme ne l’est pas la distinction entre les deux soldes, instituée par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, dit « Pacte de stabilité européen ». Pourriez-vous nous donner quelques éclaircissements sur ce sujet ?
Le déficit public, qui s’établirait à 69, 9 milliards d’euros, est en amélioration par rapport au solde de 2015, qui s’élevait à 70, 5 milliards d’euros. Surtout, il diminue de 2, 4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances. Il est vrai que les prévisions initiales, prudentes, contribuent à cet assez bon résultat.
Pour la cinquième année consécutive, les dépenses sont maîtrisées. Toutefois, ce freinage de la dépense n’a pas que des avantages. Si nous en comprenons la nécessité, au regard d’une saine gestion et de nos engagements européens et internationaux, l’effort semble mal réparti entre les différentes entités publiques, notamment entre l’État et les collectivités. Ces dernières, en particulier les départements, continuent de pâtir de la baisse drastique des dotations, baisse euphémisée sous le vocable de « contribution au redressement des finances publiques ». Cette année encore, la baisse de la dotation globale de fonctionnement – DGF – s’élève à 3, 7 milliards d’euros, ce qui représente une diminution de plus de 10 %. Il n’est pas certain que le geste du Gouvernement pour l’an prochain, avec une réduction de la baisse, suffise à faire oublier les années de vaches maigres.
À périmètre constant, la baisse des dépenses atteint environ 6 milliards d’euros depuis 2012. C’est un résultat solide, même si l’on reste loin des 50 milliards d’euros d’économies annoncées sous cette législature.
La réduction des dépenses au cours du quinquennat a été grandement facilitée par des taux d’intérêt toujours très bas – mais ils ne le resteront pas éternellement –, ce qui s’est traduit pas une baisse très substantielle du service de la dette, dont la part dans le budget est repassée derrière celles de l’éducation nationale et de la défense.
Toutefois, ces aspects plutôt positifs ne doivent pas nous faire oublier les fortes incertitudes qui persistent, et la stagnation dans de nombreux domaines. Ainsi, la prévision d’inflation demeure très basse, à 0, 2 %, c’est-à-dire en baisse par rapport à 2015 et très en deçà de la cible de 2 % fixée par la Banque centrale européenne. Cette situation de quasi-déflation décourage durablement l’investissement, déprime la consommation et empêche la résorption naturelle des dettes.
Un second bémol : le PLFR prévoit une baisse des recettes de 1, 7 milliard d’euros par rapport à la prévision initiale. Cette baisse est à attribuer en partie à l’allégement de l’impôt sur les sociétés à hauteur de 2, 5 milliards d’euros, destiné à relancer la compétitivité et l’attractivité.
J’en viens maintenant au contenu détaillé du PLFR. De 44 articles dans la version initiale, le projet de loi est passé à 117 articles après le passage par l’Assemblée nationale. Au vu des très nombreuses mesures de nature fiscale, je constate qu’il s’agit toujours, à proprement parler, d’un « collectif fiscal », plutôt que d’un collectif budgétaire.
Quoi qu’il en soit, je salue les mesures relatives à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, qui viennent compléter les mesures déjà adoptées dans la loi de finances initiale et dans la loi Sapin II. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, j’ai à chaque occasion, dans cet hémicycle, apporté mon soutien à votre action en la matière, alors que les sources les mieux informées estiment le manque à gagner dû à l’évasion fiscale à plusieurs milliards d’euros par an, chiffre proche du montant du déficit.
En l’occurrence, ce PLFR donne aux administrations des outils juridiques plus efficaces et améliore les droits des contribuables. En outre, il clarifie le droit en vigueur en matière d’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune, et aggrave les pénalités pour dissimulation de compte à l’étranger.
Je salue également les ouvertures de crédits dans des domaines prioritaires comme les dispositifs de solidarité nationale, les dépenses de personnel dans l’éducation nationale et les opérations de défense à l’extérieur et à l’intérieur du territoire, ainsi que dans l’agriculture.
Du côté des mesures fiscales en faveur des entreprises, la création du « compte PME innovation » encouragera les entrepreneurs à réinvestir le produit de la vente de titres de sociétés dans les jeunes PME et les entreprises innovantes.
À cause du rejet préalable du projet de loi de finances, nous n’avons pu présenter nos amendements. Nous profiterons donc de l’examen de ce PLFR pour défendre certains d’entre eux, en espérant qu’ils connaîtront une issue favorable.
Ils portent sur des matières variées : l’achat de vendanges par les viticulteurs, l’élargissement du bénéfice du micro-BA, ou micro-bénéfice agricole, aux exploitations agricoles à associé unique, la simplification du crédit d’impôt sur les services à la personne, la défense et la promotion de l’hyper-ruralité – ces derniers amendements sont dus à notre collègue Alain Bertrand –, ou encore l’encouragement au développement des énergies renouvelables.
En dépit de certains points de désaccord, nous approuvons dans ses grandes lignes la politique économique du Gouvernement et ce collectif budgétaire. Nous serons attentifs aux différents sujets abordés en séance par les uns et par les autres, et déterminerons notre vote final à l’issue des débats.