La séance est ouverte à onze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre l’avenant n° 1 à la convention du 5 décembre 2014 entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir (action : « Quartiers numériques » « French Tech »).
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis aux commissions permanentes compétentes
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, du projet de loi de finances rectificative pour 2016. (projet n° 208, rapport n° 214, tomes I et II).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, si le collectif de fin d’année est un exercice traditionnel, il n’est cependant pas un exercice convenu, et cette année moins que jamais. Certes, ce texte vient procéder à l’ensemble des ajustements qui permettent de tenir nos objectifs budgétaires, mais il vient surtout conforter le redressement de nos comptes publics, redressement qui a été le fer de lance de la politique conduite par ce gouvernement depuis 2012.
Avant d’entrer plus avant dans mon propos, je vous indique, mesdames, messieurs les sénateurs, que, compte tenu de l’examen concomitant par le Parlement de plusieurs textes et d’obligations impératives, je serai contraint, après notre séance de l’après-midi, de rejoindre l’Assemblée nationale. Demain, pour la suite de l’examen de ce texte, vous aurez la chance de voir se succéder au banc du Gouvernement d’autres secrétaires d’État, à commencer par M. Christophe Sirugue, puis Mme Martine Pinville et enfin M. Jean-Vincent Placé. Je reviendrai parmi vous pour conclure nos travaux.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous rassure, aucun des ministres de Bercy ne sera à la piscine ou au cinéma : tout le monde est sur le pont ! Mais, même si la matière est importante, je ne peux me couper en deux !
Sourires.
Ce projet de loi de finances rectificative déjà adopté par l’Assemblée nationale vient prolonger le projet de loi de finances pour 2017 au travers un volet fiscal très substantiel, sur lequel je reviendrai. Il tient également compte des éléments nouveaux dont nous avons pu avoir connaissance depuis le dépôt du projet de loi de finances pour 2017 et qui ont conduit le Gouvernement à ajuster légèrement sa prévision de croissance pour 2016, la ramenant ainsi à 1, 4 %.
Si cette révision modifie légèrement la décomposition des recettes fiscales, elle ne change en rien – permettez-moi d’insister sur ce point – la cible de déficit pour 2016, qui est maintenue à 3, 3 %. Les informations comptables dont nous disposons à ce stade de l’année, tant en matière de recettes que de dépenses, le confirment, cet objectif devrait être tenu.
Sur ce point, vous avez tous pris connaissance de l’avis du Haut Conseil des finances publiques – une autorité indépendante, il est important de le rappeler –, qui souligne le réalisme et la crédibilité des prévisions du Gouvernement. Il y a un peu plus d’un an, ce même conseil évoquait, dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2016, l’existence de « risques significatifs » de ne pas atteindre la cible que nous avions fixée.
Je me réjouis que, dans sa grande indépendance, le Haut Conseil reconnaisse aujourd'hui la crédibilité des prévisions du Gouvernement en matière de recettes et de dépenses pour 2016.
Protestations sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Ceux qui demeurent incrédules – j’entends qu’il en reste – peuvent également, pour dissiper leurs doutes, se reporter à la prévision de déficit public que la Commission européenne a récemment publiée et qui est identique à celle du Gouvernement, à savoir 3, 3 % du PIB.
Contrairement à ce que certains voudraient laisser croire, le sérieux de notre action en matière de maîtrise des comptes publics se trouve confirmé. Mesdames, messieurs de l’opposition, ce n’est pas servir l’intérêt général ni l’avenir que de systématiquement traiter les projets gouvernementaux d’insincères et, dans le même temps, refuser parfois d’en débattre, comme nous l’avons vu récemment au sein de cette assemblée.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Ce projet de loi confirme les engagements que nous avons pris pour ce qui concerne le budget de l’État.
Premier constat, la remise en ordre des comptes publics se poursuit. Elle se traduit de nouveau par une amélioration du solde budgétaire par rapport à celui de l’année précédente. Nous vous présentons un solde à hauteur de 69, 9 milliards d’euros, après une exécution à 70, 5 milliards d’euros en 2015. Le solde est en amélioration de 2, 4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.
Ainsi, comme en 2015, l’exécution du budget de l’État sera meilleure que la prévision initiale. Nous le savons, le passé éclaire l’avenir. Tel est encore le cas cette année, grâce à nos prévisions prudentes, et malgré les Cassandre qui prévoyaient des dérapages sur le solde budgétaire.
Certains diront que cette amélioration est insuffisante. Je rappelle que c’est l’État qui prend en charge ou qui compense les réductions de cotisations sociales, notamment, et qui se voit impacté dans son solde par l’ensemble des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité.
Nous faisons reposer cette remise en ordre sur la maîtrise des dépenses, ce qui ne signifie en rien que nous ayons renoncé à financer nos priorités, bien au contraire !
Comme les années précédentes, toutes les dépenses nouvelles sont financées par redéploiement, en respectant la cible de dépenses fixée par l’État en loi de finances initiale. Les redéploiements prévus par ce projet de loi de finances rectificative, comme par le décret d’avance qui vient d’être publié, représentent au total 4, 5 milliards d’euros et complètent ceux qui sont intervenus à l’occasion des deux décrets d’avance de juin et d’octobre, qui avaient notamment permis de financer le plan Emploi annoncé en début d’année.
Nos priorités sont connues. Elles n’ont jamais eu d’autre visée que d’accroître la solidarité et de renforcer la qualité de notre action publique. Nous avons déjà eu l’occasion de les évoquer en cours d’année : la politique de l’emploi a été confortée ; les agriculteurs ont bénéficié d’un soutien exceptionnel ; nos agents publics ont enfin vu leurs rémunérations revalorisées, après avoir contribué pendant six ans au redressement de nos comptes publics au travers du gel de leur point d’indice. Nous avons en effet fait le choix de reconnaître à sa juste valeur le travail de nos fonctionnaires, là où certains voudraient se livrer à une véritable « purge », ce qui serait évidemment préjudiciable à la qualité de notre service public.
Protestations sur certaines travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Je rappelle également les mesures à destination des jeunes, qui ont été amplifiées. Je pense notamment à la garantie jeunes et aux bourses de l’enseignement supérieur.
En outre, nous finançons les principaux aléas. Il s’agit, classiquement, des surcoûts résultant des opérations extérieures et intérieures du ministère de la défense, pour 800 millions d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale ; de la montée en charge de la prime d’activité, plus rapide que prévu, et de l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés, pour 800 millions d’euros. Il s’agit encore du coût des refus d’apurement de certaines aides agricoles par la Commission européenne, pour 300 millions d’euros.
Les ouvertures de crédits sont d’abord compensées par des annulations, à hauteur de 1, 7 milliard d’euros, essentiellement sur la réserve de précaution, dont je rappelle que nous l’avions portée par prudence – c’est le maître mot de notre politique – à un niveau particulièrement élevé en 2016. Nous avons ainsi pu disposer des leviers nécessaires pour construire ce projet de loi de finances rectificative.
Par ailleurs, les prélèvements sur recettes seront réduits de 1, 9 milliard d’euros, grâce notamment à une sous-exécution du budget de l’Union européenne en 2016. Le plafond des taxes affectées aux opérateurs sera abaissé de 200 millions d’euros, par plusieurs prélèvements sur fonds de roulement.
Si l’on tient compte, comme chaque année, du fait que les crédits ouverts ne sont pas toujours dépensés à 100 %, nous obtenons un équilibre qui permettra de respecter, en exécution, notre cible de dépense, comme je l’ai indiqué.
De surcroît, les économies réalisées seront complétées par des annulations importantes sur la charge de la dette, pour 2, 9 milliards d’euros. Dans le champ de la norme de dépenses, y compris la charge de la dette et les pensions, nous sommes en baisse, puisque 3, 1 milliards d’euros d’économies sont constatées par rapport à la loi de finances initiale. Ces économies sur la charge de la dette ne sont pas le fruit du hasard. Elles traduisent la confiance que, désormais, les investisseurs nous font. Ce n’était pas forcément partie gagnée au début de ce quinquennat, souvenez-vous-en !
C’est la preuve, une fois de plus, que nos prévisions en la matière étaient prudentes et que les résultats sont là : nous continuons de maîtriser la dépense, comme nous le faisons depuis 2012. Nous vous avions annoncé de nouvelles priorités en cours d’année 2016 et un financement par redéploiements : vous en trouvez ici la traduction concrète.
En ce qui concerne les recettes et les comptes spéciaux, les recouvrements sont en phase avec ce que nous vous présentons. Des ajustements ont été opérés, à la baisse sur les recettes fiscales, notamment au titre de l’impôt sur les sociétés, mais à la hausse pour les recettes non fiscales et le solde des comptes spéciaux.
Nous avions annoncé ces évolutions dès la présentation du projet de loi de finances pour 2017. Les chiffres ont peu varié, si ce n’est pour intégrer une opération exceptionnelle, la recapitalisation de l’Agence française de développement, qui est globalement neutre sur le solde. §Je rappelle que le niveau des recettes fiscales tient compte de l’allégement, en 2016, de l’impôt sur le revenu à l’entrée de barème et de la deuxième tranche du pacte de responsabilité.
Des dépenses tenues, des recettes atteintes : cela se traduit naturellement par un solde budgétaire qui s’améliore et la confirmation de l’objectif d’un déficit public à 3, 3 %.
Ce projet de loi de finances rectificative comprend également plusieurs dispositions fiscales importantes.
Je voudrais d’abord évoquer celles qui concernent la lutte contre la fraude, cette fraude qui a été combattue sans relâche sous ce quinquennat, grâce à la mobilisation de nos administrations et aux 70 mesures législatives spécifiques adoptées depuis 2012. Les résultats sont là : 21, 2 milliards d’euros de redressements fiscaux en 2015, contre 16 milliards d’euros en moyenne du temps de nos prédécesseurs. Une différence d’un tiers, ce n’est pas rien !
On s’en félicite sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Les résultats enregistrés nous encouragent à prolonger notre action dans ce domaine. L’enjeu est fondamental, pour la vie quotidienne des Français comme pour l’autorité et l’efficacité de la puissance publique. J’ai eu l’occasion, voilà quelques jours, d’apporter des précisions à Mme la présidente de la commission des finances et à M. le rapporteur général, lesquels ont pu se rendre compte dans le détail – un certain nombre dossiers sont couverts par le secret fiscal –, du travail de notre administration en la matière.
Afin d’amplifier cette lutte, et conformément à ce qui a été annoncé lors du Comité national de lutte contre la fraude du 14 septembre dernier, le projet de loi de finances rectificative pour 2016 comporte de nouvelles mesures qui renforceront l’efficacité du contrôle fiscal, tout en garantissant au contribuable une plus grande prévisibilité.
Je ne détaillerai pas l’ensemble de ces mesures, mais je rappellerai que nous prévoyons de nouvelles dispositions afin d’amplifier la lutte contre l’optimisation en matière d’ISF. Le présent projet de loi prévoit déjà de contrer les montages qui, de façon tout à fait artificielle, augmentent le plafonnement de cet impôt. Certains abus ayant également été constatés en ce qui concerne l’exonération des biens professionnels, nous prenons dans ce projet de loi de finances rectificative les dispositions qui permettent d’y mettre fin.
Ce texte trouve également des réponses appropriées à différentes décisions du Conseil constitutionnel, principalement sur deux points.
D’une part, les contribuables qui ne déclaraient pas un compte à l’étranger étaient jusqu’ici soumis à une amende, indépendamment d’un éventuel redressement fiscal. Cette amende était exprimée soit en montants forfaitaires, soit en proportion des avoirs : 5 % lorsqu’ils dépassaient 50 000 euros. Le Conseil constitutionnel a récemment censuré cette amende proportionnelle. La non-déclaration d’un compte à l’étranger restant une infraction grave, les pénalités fiscales, en cas de redressement effectif, seront désormais automatiquement de 80 % si les fonds figurent sur un compte non déclaré à l’étranger, contre 40 % la plupart du temps aujourd’hui.
D’autre part, le Conseil constitutionnel a censuré, pour rupture du principe d’égalité, l’exonération de la taxe de 3 % dont bénéficiaient les groupes fiscalement intégrés. En effet, les filiales de groupes étrangers détenues dans des conditions comparables en étaient privées.
Pour épargner aux grandes entreprises françaises une hausse d’impôt de 3, 6 milliards d’euros, qui serait la conséquence de cette censure si le Gouvernement n’intervenait pas, tout en respectant le principe d’égalité, l’exonération sera étendue aux distributions des filiales françaises de groupes étrangers, dès lors que le critère de détention de 95 % est respecté. Pour assurer la neutralité budgétaire de la réforme, nous vous proposons la création d’un acompte de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la fameuse C3S, sur les plus grandes entreprises.
Mais ce projet de loi tend également à renforcer nos politiques publiques en matière de développement économique, de logement et d’environnement. Je ne citerai que deux mesures.
Le PLFR met en place le compte PME innovation, qui vise à inciter les entrepreneurs vendant les titres de leur société à réinvestir le produit de leur vente dans des PME ou des entreprises innovantes, et à les accompagner, en apportant à la fois leurs capitaux, leur expérience d’entrepreneur et leur réseau. La contrepartie fiscale à cet accompagnement sera un report de la taxation des plus-values, jusqu’à la sortie du compte, avec une compensation entre les plus-values et les moins-values.
Par ailleurs, suivant les orientations de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, ce projet de loi de finances rectificative fixe aussi une trajectoire jusqu’en 2025 de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP. Il est particulièrement utile de donner une visibilité à moyen terme aux opérateurs économiques, comme nous l’avons fait avec la contribution climat-énergie.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte dont vous allez débattre se situe dans la droite ligne de la politique que ce gouvernement mène depuis près de cinq ans.
Au cours de ces cinq années, les lignes de force de notre action sont demeurées les mêmes : nous avons souhaité redresser les comptes publics, tout en demeurant fidèles à nos valeurs de solidarité et de justice.
Compte tenu de la situation en 2012, c’était un véritable défi, et nous l’avons relevé.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Aujourd’hui, nous pouvons regarder avec fierté le chemin parcouru, en toute lucidité.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous savons en effet que nous sommes parvenus, dans le même temps, à sauvegarder notre modèle social et à conforter l’attractivité économique de notre pays.
Protestations sur les mêmes travées.
C’est sans doute pour cela que François Hollande ne se représente pas !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est pourquoi je ne peux que m’élever contre ceux qui voudraient saper les fondements de la République sociale
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
… dilapider les efforts auxquels la Nation a consenti depuis quatre ans.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais que les Français se rassurent : la gauche ne permettra jamais que l’intérêt général soit confisqué au profit de quelques-uns !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain. - Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai peur que nous ne convergions ce matin que par la couleur de nos cravates…
Sourires.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du traditionnel collectif budgétaire de fin d’année.
Pour 2016, les hypothèses d’évolution du produit intérieur brut et du solde budgétaire ne font l’objet que de modifications mineures au regard des estimations de la loi de finances initiale. L’hypothèse de croissance est légèrement abaissée, de 1, 5 % à 1, 4 % du PIB. Si le Haut Conseil des finances publiques a relevé que « la prévision de croissance du Gouvernement de 1, 4 % pour 2016 se situe dans le haut de la fourchette des prévisions disponibles », il a malgré tout jugé qu’elle était « atteignable ».
Le Gouvernement maintient par ailleurs inchangée sa prévision d’évolution du déficit public effectif, qu’il évalue à 3, 3 % du PIB. Je note que ce léger décalage de croissance pourrait s’ajouter à la prévision de croissance « optimiste », pour reprendre les termes du Haut Conseil, de 1, 5 % pour 2017.
La prévision d’exécution du solde structurel figurant dans l’article liminaire du projet de loi de finances rectificative est conforme à la trajectoire arrêtée par la loi de programmation des finances publiques de 2014. Elle est également plus élevée que l’objectif du programme de stabilité d’avril 2016, qui constitue une meilleure référence et traduit nos engagements européens.
J’en viens maintenant à la situation budgétaire de l’État en 2016. Le présent projet de loi de finances rectificative présente un schéma de fin de gestion qui traduit l’aggravation des sous-budgétisations, que nous dénonçons régulièrement. Comme l’a relevé le Haut Conseil des finances publiques, « la tenue des objectifs d’exécution du budget 2016 est rendue difficile par les nombreuses mesures nouvelles annoncées au cours de l’année et par l’ampleur des sous-budgétisations de la loi de finances initiale, qui ont atteint en 2016 un niveau sans précédent ».
Force est de le constater, la plupart des dépenses qui justifient l’ouverture de crédits en cours d’exercice ne sont nullement imprévisibles et relèvent d’une sous-budgétisation en loi de finances initiale. Il s’agit en particulier des ouvertures liées au financement des contrats aidés, de l’hébergement d’urgence et des opérations extérieures et intérieures de la mission « Défense », autant de sous-budgétisations que les rapporteurs spéciaux dénoncent très régulièrement.
C’est que le Gouvernement recourt de plus en plus à cette procédure, alors qu’elle devrait être exceptionnelle. Ainsi notre ancien collègue député Didier Migaud indiquait-il, lors des travaux préparatoires à ce qui allait devenir la loi organique relative aux lois de finances, que le décret d’avance constituait « l’atteinte la plus importante au pouvoir financier du Parlement ». Pourtant, en 2016, ces atteintes auront concerné 4, 73 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3, 42 milliards d’euros en crédits de paiement.
Comme l’année dernière, des économies de constatation permettent à l’État d’afficher une maîtrise des dépenses. Ainsi, les prélèvements sur recettes sont revus à la baisse, à hauteur de 2 milliards d’euros, dont 800 millions d’euros en raison d’une révision des versements au titre du FCTVA, le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, corrélée malheureusement au ralentissement constaté en 2014 et 2015 de l’investissement local, dénoncé par un certain nombre de nos collègues, notamment Philippe Dallier et Charles Guené.
La charge de la dette est également réduite de 2, 9 milliards d’euros, mais ce n’est qu’une économie de constatation.
Du côté des recettes, la prévision de recettes fiscales nettes affiche une baisse de 2, 6 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, soit une diminution, modeste, de 0, 9 %. Néanmoins, cette baisse est importante pour ce qui concerne l’impôt sur les sociétés : le produit de l’impôt serait inférieur de plus de 7 % aux prévisions du projet de loi de finances. Cela serait principalement dû à une moindre croissance du bénéfice fiscal.
Les recettes non fiscales sont révisées à la hausse de 900 millions d’euros.
Le déficit pour 2016 s’établirait à 69, 9 milliards d’euros, en amélioration de 2, 4 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. On pourrait s’en réjouir, mais cette amélioration résulte principalement, outre des économies sur la charge de la dette et les prélèvements sur recettes, d’un jeu d’écritures sur le compte spécial « Participations financières de l’État », en raison d’une annulation de 2 milliards d’euros sur le programme de désendettement. Cette opération est sans effet tant sur le solde en comptabilité nationale que sur le niveau de la dette de l’État, mais elle permet d’afficher un déficit moindre !
C’est incroyable ! Comment pouvez-vous réunir ces deux affirmations dans la même phrase ?
Incroyable, en effet !
J’en viens maintenant aux articles, nombreux, de ce projet de loi de finances rectificative.
Le projet, tel que déposé par le Gouvernement, comportait 44 articles. Il en compte désormais 118. Ainsi 74 articles ont-ils été ajoutés par l’Assemblée nationale. Nous n’avons eu qu’une semaine pour procéder à l’examen du texte, et une seule soirée pour étudier les amendements, leur délai limite de dépôt ayant été fixé à hier midi. Il est malheureusement très difficile de s’assurer de la qualité de notre législation dans des délais aussi contraints.
Il faut le reconnaître, le texte du Gouvernement ne comportait aucune mesure d’ampleur et, depuis son passage à l’Assemblée nationale, il n’en contient pas davantage. Il s’agit, mais c’est après tout la vocation d’un projet de loi de finances rectificative, d’une addition de dispositions fiscales, sans cohérence d’ensemble, donc impossibles à résumer. Je vous renvoie donc au rapport de la commission pour comprendre des mesures que nous adopterons dans des délais trop brefs. Je n’en citerai que quelques-unes.
Le texte initial du Gouvernement présentait un grand nombre de dispositions en matière de contrôle fiscal, que la commission des finances soutient sans réserve. Il comportait également une mesure qui aurait pu être intéressante, à savoir le compte PME innovation. Toutefois, elle apparaît, à ce stade, trop peu incitative. Nous proposerons donc des amendements visant à renforcer son efficacité.
Nous notons également des dispositions visant à mettre en conformité avec le droit communautaire le régime des sociétés mères et des filiales et la contribution de 3 % sur les dividendes, même si, dans ce dernier cas, de nombreux contentieux communautaires sont en cours.
S’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune et de la notion de bien professionnel, nous défendrons des amendements visant à sécuriser la situation des contribuables, dans le droit fil de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Nous sommes favorables, enfin, aux différents articles octroyant des garanties de l’État, sous réserve que nous obtenions, monsieur le secrétaire d’État, quelques explications sur la contre-garantie accordée pour un investissement minier en Nouvelle-Calédonie. Nous sommes attachés à cet investissement, mais la société à laquelle l’État accorde une telle contre-garantie est une société étrangère, de droit canadien, dont la société mère est brésilienne.
Plusieurs mesures du projet de loi, en revanche, ne nous conviennent absolument pas.
Je citerai d’abord la création d’un acompte de contribution sociale de solidarité des sociétés, C3S, l’année même où cette contribution devait disparaître. C’est étonnant : non seulement elle ne disparaît pas, mais en outre on invente un acompte de C3S, ce qui va à l’encontre des engagements qui avaient été pris auprès des entreprises, notamment lors des assises de la fiscalité, auxquelles un certain nombre d’entre nous ont participé. Cette disposition complète malheureusement les nombreux acomptes prévus dans le projet de loi de finances pour 2017 – des trésors d’imagination sont déployés en la matière –, visant tout simplement à gonfler artificiellement les recettes de l’État en mettant les entreprises à contribution. Évidemment, nous n’y sommes pas favorables.
Nous ne sommes pas non plus favorables à la création d’une contribution pour l’accès au droit et à la justice. En réalité, cette contribution devrait financer un fonds interprofessionnel pour aider à l’installation et au maintien de membres de professions juridiques et judiciaires réglementées. Les représentants des professions concernées ne souhaitent pas la création de ce dispositif, pas plus, d’ailleurs, que notre commission des lois, qui s’y était opposé.
Nous sommes également opposés à la ratification, par voie d’amendement, de l’avenant à la convention fiscale entre la France et le Portugal – il s’agit d’un problème de procédure, et non de fond. Cette ratification ne nous paraît pas conforme aux dispositions de l’article 53 de la Constitution – nous verrons ce que le Conseil constitutionnel en dira, monsieur le secrétaire d’État.
Voilà qui va faire progresser la vitesse d’adoption des ratifications de convention ! N’avez-vous pas mieux à faire ?
Une analyse très approfondie de ce point figure dans le rapport : nous considérons que la ratification des conventions fiscales ne doit pas se faire dans le cadre d’un projet de loi de finances.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a introduit nombre de dispositions nouvelles ; certaines sont techniques, d’autres présentent des difficultés. Il en est ainsi, à notre sens, de la taxe sur la publicité associée à des contenus audiovisuels diffusés gratuitement en ligne, dite « taxe YouTube ». En effet, nous considérons que l’administration fiscale n’a pas les moyens de recouvrer cette taxe auprès des grandes plateformes étrangères, lesquelles, malheureusement, représentent environ 90 % du marché et sont notamment installées en dehors de l’Europe. Le risque, à nos yeux, est donc, sinon la délocalisation, du moins la taxation exclusive des plateformes françaises, pour un rendement assez faible – M. le secrétaire d’État a parlé de 1 million d’euros.
Il faut vous acheminer vers votre conclusion, monsieur le rapporteur général.
Je m’achemine vers ma conclusion, madame la présidente.
Enfin, l’Assemblée nationale a repris, et nous nous en réjouissons, deux dispositions votées par le Sénat l’année dernière.
La première est la création, pour les plateformes en ligne, d’une obligation de déclaration automatique sécurisée des revenus. Nous souhaitons que ce dispositif soit mis en œuvre dès 2018.
La seconde disposition consiste à remplacer le dispositif d’incitation fiscale à la mise en location de logements anciens par des propriétaires privés, dit « Borloo ancien », par un nouveau dispositif. Nous avions, l’an dernier, fait adopter un amendement en ce sens, mais le Gouvernement y était à l’époque, malheureusement, défavorable. Nous nous réjouissons donc que cette disposition trouve sa place dans le projet de loi de finances rectificative.
En conclusion, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la commission des finances vous proposera d’adopter le présent collectif budgétaire, sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle présente – le texte, vous le verrez, sera largement amendé par le Sénat !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteurgénéral, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année, adopté mercredi dernier par les députés, a cette année encore triplé de volume lors de son examen par l’Assemblée nationale.
La commission des finances a disposé de cinq jours pour analyser les 74articles nouveaux introduits par les députés. La commission et le Gouvernement ont pris connaissance hier après-midi de l’essentiel des amendements, nombreux, déposés par les sénateurs. Ces conditions de travail ne sont pas des plus satisfaisantes : un tel délai ne permet pas un examen approfondi. Mais au moins, et je m’en réjouis, nous travaillons, et nous n’arriverons pas en commission mixte paritaire avec une feuille blanche, comme nous l’avons fait lundi dernier pour le projet de loi de finances ! Nous pourrons prendre des initiatives qui ne prospérerontpeut-être pas toutes cette année, mais commenceront leur chemin dans les esprits.
Ainsi du dispositif de déclaration des revenus par les plateformes en ligne – le rapporteur général vient d’y faire allusion. Issu des travaux de la commission des finances du Sénat, adopté deux fois, ici même, à la quasi-unanimité, rejeté par l’Assemblée nationale, il nous arrive, cette fois, de cette dernière, porté par un soutien transpartisan.
Cela montre bien que le Sénat a un rôle institutionnel à jouer. La majorité sénatoriale l’avait un peu oublié lors de l’examen du projet de loi de finances ; les députés nous le rappellent en reprenant nos initiatives.
Pourquoi faut-il adopter ce projet de loi de finances rectificative, qui est aussi sans doute la dernière loi de finances de la législature ?
Il faut l’adopter car il contient nombre de mesures utiles au fonctionnement du pays. J’observe qu’elles sont largement approuvées, puisque la commission des finances propose d’adopter sans modification, ou avec des modifications de forme, 85 des 118 articles, c’est-à-dire les trois quarts. Les nombreux articles relatifs au contrôle fiscal confirment que les gouvernements, pendant cette législature, auront sans relâche et jusqu’au bout renforcé les outils dont dispose notre administration fiscale pour s’assurer que chacun s’acquitte de sa juste contribution aux charges publiques.
Il faut adopter ce texte parce que ce qu’il nous dit de l’exécution de 2016 illustre la pertinence de la politique de finances publiques conduite par les gouvernements successifs depuis 2012 ; cette politique montre que l’on peut redresser les comptes publics sans verser dans l’austérité.
Cette politique a permis à notre pays de conserver sa crédibilité et des coûts de financement avantageux dans la crise de la zone euro.
Elle nous permet d’appréhender avec confiance la période d’incertitude actuelle sur le marché des dettes souveraines.
Pour 2016, la prévision de déficit public reste celle qui avait été fixée en loi de finances initiale, à savoir 3, 3 % du PIB, malgré la révision à la baisse de la prévision de croissance. La trajectoire, jugée « atteignable » par le Haut Conseil des finances publiques – la majorité sénatoriale aime à s’y référer ! –, sera tenue, même dans un contexte économique un peu moins favorable.
Ce résultat me donne l’occasion de revenir sur le bilan de la législature qui s’achève : entre 2012 et 2016, le déficit public aura été réduit d’environ 30 milliards d’euros, soit 1, 5 point de PIB.
Nous aurions pu, peut-être, le réduire davantage. Mais nous avons fait le choix de diminuer les prélèvements obligatoires des entreprises et des ménages modestes. Entre 2014 et 2016, le taux de prélèvements obligatoires a baissé de 0, 3 point de PIB.
Nous avons fait porter l’effort sur les dépenses. En 2015 et 2016, près de 35 milliards d’euros d’économies ont été réalisées, alors même que l’inflation était atone, annulant les effets de certaines mesures d’économie.
L’analyse du budget de l’État au titre de l’année 2016 confirme ces constats généraux : le déficit est réduit de 2, 4 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale ; la norme de dépenses est respectée ; les dépenses de l’État sont maîtrisées. La prévision d’exécution est même inférieure de 3, 1 milliards d’euros à l’objectif de stabilisation en volume.
Les ouvertures de crédits constatées en fin de gestion illustrent aussi la capacité des gouvernements, depuis 2012, à redresser les comptes tout en dégageant des marges de manœuvre pour financer des priorités.
Priorité à l’emploi : 277 millions d’euros pour le « plan emploi » et 369 millions d’euros pour la prime d’activité, dont le taux de recours est élevé, contrairement aux prévisions pessimistes entendues l’année dernière.
Priorité à l’éducation et à la jeunesse : des crédits sont ouverts, destinés à financer la revalorisation du traitement des enseignants et la montée en puissance du service civique.
Priorité à la sécurité : 900 millions d’euros de crédits environ sont ouverts au titre des opérations extérieures et intérieures du ministère de la défense.
Parmi les dépenses choisies, je citerai également le soutien aux départements ou la revalorisation du pouvoir d’achat des fonctionnaires.
Mais doivent être aussi mentionnées les dépenses subies, en particulier la prise en charge des refus d’apurement communautaire : plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses héritées de la précédente majorité, qu’il faut bien sûr solder.
En résumé, nous nous apprêtons à discuter un texte qui illustre la politique budgétaire de ce gouvernement, prudente, déterminée et responsable. Je vous invite donc tous à le soutenir.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Compte tenu de l’organisation des travaux, il n’est pas certain que je puisse répondre aux orateurs au terme de la discussion générale ; je voudrais simplement mentionner un point.
La convention entre la France et le Portugal semble faire l’objet d’une attention particulière de la part du Sénat, qui n’a pas examiné le projet de loi de finances et a été peu précis dans l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pourquoi proposons-nous la ratification de cette convention dans un projet de loi de finances ? Il s’agit d’un problème de double imposition d’un certain nombre de nos fonctionnaires, notamment d’enseignants du lycée français de Lisbonne, sur lequel nous avons travaillé avec mon homologue portugais. Cette convention devait faire l’objet d’une signature lors d’un déplacement du Président de la République, annulé à cause des attentats du 14 juillet dernier. Je me suis moi-même rendu au Portugal pour que nous puissions solder cette affaire avant la fin de l’année.
Les délais d’instruction par le Quai d’Orsay puis par vos assemblées – à l’Assemblée nationale, ce genre de texte doit transiter par la commission des affaires étrangères – …
… ne permettaient pas de suivre la procédure habituelle que, n’étant pas complètement né de la dernière pluie, je connais bien.
Mettre le doigt sur ce problème pour attirer l’attention du Conseil constitutionnel, lequel pourrait, je le reconnais, considérer que cette convention, malgré ses conséquences financières évidentes, n’a rien à faire dans une loi de finances, je trouve que c’est un peu inopportun ! Les Français qui résident au Portugal apprécieront !
Mme Odette Herviaux et M. Yannick Vaugrenard applaudissent.
Au Sénat, monsieur le secrétaire d’État, c’est la commission des finances qui examine les conventions fiscales. Il existe une forme simplifiée d’examen, qui peut être utilisée en cas d’urgence. La conclusion de l’analyse que nous avons menée, c’est que la ratification des conventions fiscales ne peut pas se faire en loi de finances.
Il était vraiment essentiel de le préciser à la tribune, afin que le Conseil constitutionnel n’oublie surtout pas de censurer cette disposition !
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je dispose de trois minutes. C’est insuffisant pour examiner l’ensemble de ce texte ; je vais donc me concentrer sur l’article 39, qui traite du fonds d’urgence à destination des départements.
Ce fonds de 200 millions d’euros est dédié à la résolution d’un problème relativement grave, à savoir l’évolution de la dépense obligatoire au titre du versement des allocations individuelles de solidarité.
Mes chers collègues, je vous recommande la lecture attentive de l’objet de l’amendement que j’ai déposé à cet article. J’y ai fait figurer le tableau des départements qui seront éligibles à cette enveloppe. Nous constatons avec étonnement qu’un certain nombre de départements dont les restes à charge par habitant sont extrêmement faibles bénéficieront de cette enveloppe, alors que d’autres, dont les habitants paient des charges beaucoup plus importantes, n’y seront pas éligibles.
Les restes à charge par habitant diffèrent parfois de plus de 30 euros entre deux départements bénéficiaires du fonds ! Comparez par vous-mêmes, mes chers collègues ! Vous vous rendrez compte de cette anomalie dans la répartition, que nous devrions être à même de réparer.
Des critères qui n’ont rien à voir avec les allocations individuelles de solidarité ont été introduits dans le calcul de la répartition. Certains départements imposent très peu leurs contribuables ; ils ont donc peu d’autofinancement et seront éligibles à cette enveloppe, alors que les restes à charge par habitant d’allocations individuelles de solidarité y sont très faibles ! D’autres, dans lesquelles ces charges sont très élevées, ne sont pas attributaires, au motif qu’ils ont fait, eux, des efforts fiscaux ! Cette répartition me paraît totalement anormale.
Il est vraisemblable que je ne serai pas présent pour défendre mon amendement, si cela se passe dans la nuit de vendredi à samedi. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, prenez la peine de lire l’analyse comparative que j’ai mise à votre disposition. Les incohérences apparaîtront avec la force de l’évidence, et des solutions seront peut-être trouvées.
M. Guy-Dominique Kennel applaudit.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, faute d’un débat suffisamment long et détaillé sur le projet de loi de finances initiale pour 2017, nous voici aujourd’hui réunis pour discuter du projet de loi de finances rectificative pour 2016, lequel, comme à l’accoutumée en cette période de l’année, s’apparente à une sorte de « voiture-balai » de dispositions de portée diverse, et, au mieux, à une controverse sur les sujets les plus variés de la vie quotidienne.
À bien y regarder, en effet, au-delà des apparences, un collectif budgétaire est un peu une lecture en accéléré de quelques-unes des mille et une questions du quotidien de nos compatriotes, des habitants de notre pays et des réponses que la loi fiscale peut y apporter.
Ce qui fait controverse, évidemment, est le point de vue qui l’emporte dans la solution finalement choisie.
Passé ces quelques considérations très générales, que dire de ce collectif budgétaire pour 2016 ?
Premier aspect, et non des moindres : il traduit un tassement, dans les faits, de la croissance économique du pays, dont nous trouvons les stigmates dans les moins-values fiscales en termes d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés et, dans une moindre mesure, du point de vue des droits indirects, dont le rendement s’avère autant porté par la hausse du taux normal que par l’état de la consommation populaire.
Le tassement de la croissance s’exprime aussi dans le nouvel appel d’air de dépenses dites de solidarité et de dépenses dites pour l’emploi, manifestation de l’imprégnation profonde de la précarité dans notre société.
Cette précarité va de pair, soulignons-le une nouvelle fois, avec la réalité des inégalités sociales, et notamment des inégalités de patrimoine.
Il faut dire que, depuis le début du siècle, notre législation fiscale a beaucoup fait pour conforter, d’une manière ou d’une autre, les patrimoines les plus importants, qu’il s’agisse des biens immobiliers, de la fortune financière, de la détention du capital de nos principales entreprises, ou encore de la possession des œuvres de l’esprit.
Comment ne pas pointer que, malgré une réforme significative accomplie sous le mandat de M. Fillon, alors Premier ministre, le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune est aujourd’hui aussi important qu’auparavant, alors que ses redevables sont deux fois moins nombreux ?
Quant à l’impôt sur le revenu, comment ne pas pointer le fait que les 10 % de contribuables les plus aisés – et cette tranche recouvre des situations assez différentes – continuent, bon an mal an, de capitaliser aux alentours de 35 % des revenus imposables, hors ceux qui sont soumis aux prélèvements libératoires, dont ils sont le plus souvent les principaux bénéficiaires ?
Il y a persistance des inégalités dans la situation des habitants de notre pays.
Les associations d’entraide, comme le Secours Populaire français ou le Secours catholique, ne cessent de publier des rapports sur l’évolution de la pauvreté en France. Les constats sont tout à fait accablants ; bien sûr, personne ne s’en réjouit. Voilà un sujet prioritaire, qui doit s’imposer dans le débat public des prochaines échéances électorales. Vous êtes évidemment les uns et les autres, mes chers collègues, prisonniers du dogme absolu de la réduction de la dépense publique ; pourtant, contrairement à ce que beaucoup de Français imaginent, ce coût global n’a pas augmenté depuis le début des années 80. Il oscille en effet entre 17 % et 18 % du PIB, au gré de la conjoncture.
Vous comprendrez, mes chers collègues, l’attachement des membres de notre groupe à la justice fiscale et, par voie de conséquence, à tout ce qui permet de lutter contre la fraude fiscale.
Permettez-moi, à ce stade, de souligner le problème que pose la récente décision du Conseil Constitutionnel sur le contenu de la loi dite Sapin II. Cette décision a affaibli la position des « lanceurs d’alerte » et remis en cause les outils de la lutte contre la fraude fiscale, en assimilant la publicité des états comptables des entreprises à implantation transnationale à une forme de violation du secret des affaires !
Le récent procès des « LuxLeaks » et la révélation au grand jour des libertés que certains ont pu prendre avec la législation fiscale déjà fort accommodante du Grand-Duché de Luxembourg montrent clairement qu’il n’y a pas lieu de protéger davantage ce que la Commission européenne elle-même qualifie désormais de « planification fiscale agressive », c’est-à-dire ce jeu permanent de « saute-mouton » fiscal que les holdings de tête de quelques groupes pratiquent en s’appuyant sur les failles et les contradictions des législations fiscales propres à chaque pays de l’Union européenne.
Ces pratiques mettent à bas le mythe de la concurrence libre et non faussée ; elles appellent d’autres solutions que celles, plutôt généreuses, que la Commission semble appeler de ses vœux. Ce n’est pas en donnant le vernis de la légalité à certaines des pratiques du passé qu’on les rendra forcément plus acceptables !
Autant dire que nous appréhendons avec intérêt les dispositions contenues dans ce collectif budgétaire qui visent à lutter contre la fraude fiscale, et singulièrement la procédure d’audition prévue à l’article 16.
L’aspiration à réduire la part des recettes fiscales et sociales qui est soustraite au budget de l’État, des collectivités locales ou de la sécurité sociale, nous la partageons ; cette réduction est indispensable à la bonne relation de nos concitoyens avec l’impôt, ce « mal nécessaire au plein exercice de la démocratie » ; elle est décisive si nous voulons nous donner les outils d’une véritable réforme fiscale.
Nous sommes, je l’avoue, beaucoup plus réservés sur la collection assez étonnante de taxes nouvelles contenue dans ce collectif budgétaire.
L’examen des premiers articles est l’occasion de rappeler que l’un des travers des produits fiscaux dédiés, c’est qu’ils sont assez souvent « mal calibrés », engendrant soit des ressources insuffisantes, soit des fonds de roulement importants, qui deviennent autant de tentations pour une direction du budget à la recherche de recettes permettant de boucher quelques trous ici et là. Les spectateurs de nos salles de cinéma savent-ils qu’une partie du prix de leur billet solde, tant bien que mal, les comptes de l’État chaque année ?
Nous sommes farouchement partisans d’une fiscalité juste, et donc assez peu enclins à accepter des taxes qui, le plus souvent, sont une déclinaison de la taxe sur la valeur ajoutée, de ses principes, de son mode de perception et de recouvrement.
Selon nous, il est temps que nous cessions de faire de la fiscalité l’alpha et l’oméga des solutions à tous les problèmes.
Les enjeux fondamentaux de la transition énergétique, dont l’importance dans le débat public ira croissante dans les années à venir, appellent d’autres solutions qu’un simple relèvement permanent de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, ou de la contribution climat-énergie, celles-ci étant détournées de leur objet pour se substituer, de fait, à d’autres prélèvements existants.
Il faudra bien que nous empruntions la voie, en matière de transition énergétique, d’un financement à contraintes allégées de tout investissement, des entreprises comme des particuliers, ce qui permettra également de faciliter la réduction de la pollution à la source.
Ce sont là quelques points qu’il nous paraissait utile de rappeler à l’occasion de ce collectif budgétaire, dont je crains, eu égard aux choix opérés en matière de dépenses publiques, que nous ne puissions le soutenir tout à fait.
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez rappelé, ce projet de loi de finances rectificative pour 2016 s’inscrit dans la droite ligne de la politique menée depuis 2012. Nous n’avons pas approuvé ces choix initiaux, chacun le sait ; c’est donc en toute logique que nous nous opposerons à ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après la discussion sans examen du projet de loi de finances pour 2017, nous abordons le projet de loi de finances rectificative pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale le 7 décembre dernier.
Devenu un marronnier législatif de fin d’année, ce texte, qui comporte des mesures fiscales nombreuses et diverses, tend donc à prolonger la loi de finances initiale.
Il y est procédé à des ajustements, afin de tenir compte des évolutions imprévues du contexte économique. Ainsi, Bercy a baissé de 0, 1 point sa prévision de croissance pour 2016, passée de 1, 5 % à 1, 4 %. En effet, la croissance a été quasi nulle au troisième trimestre. Cette légère contre-performance s’explique notamment par les pertes de récoltes dues aux intempéries et par la baisse du tourisme, liée au contexte difficile des risques d’attentats.
Le Gouvernement a également modifié ses prévisions de solde structurel et de solde conjoncturel : la prévision passe, pour l’un, de 1, 2 % à 1, 5 %, soit une augmentation de 0, 3 point, et, pour l’autre, de 1, 9 % à 1, 7 %, soit une diminution de 0, 2 point. Comment expliquez-vous, monsieur le secrétaire d’État, cette augmentation du déficit structurel prévisionnel ? La logique de ces variations n’est pas intuitive, tout comme ne l’est pas la distinction entre les deux soldes, instituée par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, dit « Pacte de stabilité européen ». Pourriez-vous nous donner quelques éclaircissements sur ce sujet ?
Le déficit public, qui s’établirait à 69, 9 milliards d’euros, est en amélioration par rapport au solde de 2015, qui s’élevait à 70, 5 milliards d’euros. Surtout, il diminue de 2, 4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances. Il est vrai que les prévisions initiales, prudentes, contribuent à cet assez bon résultat.
Pour la cinquième année consécutive, les dépenses sont maîtrisées. Toutefois, ce freinage de la dépense n’a pas que des avantages. Si nous en comprenons la nécessité, au regard d’une saine gestion et de nos engagements européens et internationaux, l’effort semble mal réparti entre les différentes entités publiques, notamment entre l’État et les collectivités. Ces dernières, en particulier les départements, continuent de pâtir de la baisse drastique des dotations, baisse euphémisée sous le vocable de « contribution au redressement des finances publiques ». Cette année encore, la baisse de la dotation globale de fonctionnement – DGF – s’élève à 3, 7 milliards d’euros, ce qui représente une diminution de plus de 10 %. Il n’est pas certain que le geste du Gouvernement pour l’an prochain, avec une réduction de la baisse, suffise à faire oublier les années de vaches maigres.
À périmètre constant, la baisse des dépenses atteint environ 6 milliards d’euros depuis 2012. C’est un résultat solide, même si l’on reste loin des 50 milliards d’euros d’économies annoncées sous cette législature.
La réduction des dépenses au cours du quinquennat a été grandement facilitée par des taux d’intérêt toujours très bas – mais ils ne le resteront pas éternellement –, ce qui s’est traduit pas une baisse très substantielle du service de la dette, dont la part dans le budget est repassée derrière celles de l’éducation nationale et de la défense.
Toutefois, ces aspects plutôt positifs ne doivent pas nous faire oublier les fortes incertitudes qui persistent, et la stagnation dans de nombreux domaines. Ainsi, la prévision d’inflation demeure très basse, à 0, 2 %, c’est-à-dire en baisse par rapport à 2015 et très en deçà de la cible de 2 % fixée par la Banque centrale européenne. Cette situation de quasi-déflation décourage durablement l’investissement, déprime la consommation et empêche la résorption naturelle des dettes.
Un second bémol : le PLFR prévoit une baisse des recettes de 1, 7 milliard d’euros par rapport à la prévision initiale. Cette baisse est à attribuer en partie à l’allégement de l’impôt sur les sociétés à hauteur de 2, 5 milliards d’euros, destiné à relancer la compétitivité et l’attractivité.
J’en viens maintenant au contenu détaillé du PLFR. De 44 articles dans la version initiale, le projet de loi est passé à 117 articles après le passage par l’Assemblée nationale. Au vu des très nombreuses mesures de nature fiscale, je constate qu’il s’agit toujours, à proprement parler, d’un « collectif fiscal », plutôt que d’un collectif budgétaire.
Quoi qu’il en soit, je salue les mesures relatives à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, qui viennent compléter les mesures déjà adoptées dans la loi de finances initiale et dans la loi Sapin II. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, j’ai à chaque occasion, dans cet hémicycle, apporté mon soutien à votre action en la matière, alors que les sources les mieux informées estiment le manque à gagner dû à l’évasion fiscale à plusieurs milliards d’euros par an, chiffre proche du montant du déficit.
En l’occurrence, ce PLFR donne aux administrations des outils juridiques plus efficaces et améliore les droits des contribuables. En outre, il clarifie le droit en vigueur en matière d’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune, et aggrave les pénalités pour dissimulation de compte à l’étranger.
Je salue également les ouvertures de crédits dans des domaines prioritaires comme les dispositifs de solidarité nationale, les dépenses de personnel dans l’éducation nationale et les opérations de défense à l’extérieur et à l’intérieur du territoire, ainsi que dans l’agriculture.
Du côté des mesures fiscales en faveur des entreprises, la création du « compte PME innovation » encouragera les entrepreneurs à réinvestir le produit de la vente de titres de sociétés dans les jeunes PME et les entreprises innovantes.
À cause du rejet préalable du projet de loi de finances, nous n’avons pu présenter nos amendements. Nous profiterons donc de l’examen de ce PLFR pour défendre certains d’entre eux, en espérant qu’ils connaîtront une issue favorable.
Ils portent sur des matières variées : l’achat de vendanges par les viticulteurs, l’élargissement du bénéfice du micro-BA, ou micro-bénéfice agricole, aux exploitations agricoles à associé unique, la simplification du crédit d’impôt sur les services à la personne, la défense et la promotion de l’hyper-ruralité – ces derniers amendements sont dus à notre collègue Alain Bertrand –, ou encore l’encouragement au développement des énergies renouvelables.
En dépit de certains points de désaccord, nous approuvons dans ses grandes lignes la politique économique du Gouvernement et ce collectif budgétaire. Nous serons attentifs aux différents sujets abordés en séance par les uns et par les autres, et déterminerons notre vote final à l’issue des débats.
Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il s’agit de la dernière discussion budgétaire de ce quinquennat. Je le regrette : passer six mois sans parler du bilan budgétaire du quinquennat, c’est dommage !
Je voudrais d’abord rappeler que ce quinquennat est celui des promesses budgétaires non tenues.
« Retour à l’équilibre budgétaire en 2017 », promis par François Hollande, « pas de hausse d’impôt pour neuf Français sur dix » – je cite, cette fois, le Premier ministre Ayrault –, « mise en place d’une grande réforme fiscale », « 50 milliards d’économies de 2014 à 2017 », aucune de ces promesses n’a été tenue.
C’est aussi le quinquennat des occasions ratées. Monsieur le secrétaire d’État, vous comparez souvent, sur le plan budgétaire, ce quinquennat avec le précédent. Or il faut comparer les contextes ; ils sont totalement différents !
Nous avons vécu, en 2008, une crise terrible. Des mesures ont été prises ; peut-être étaient-elles trop importantes ; peut-être ont-elles trop dégradé le déficit public.
Je ne dis pas que tout a été parfait dans le quinquennat précédent !
Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mais vous avez bénéficié d’un contexte hyper-favorable d’« alignement des planètes », avec des taux d’intérêt très bas, voire nuls, un pétrole à bas prix, une inflation quasi nulle, et un taux de change euro/dollar très favorable.
Et, malgré tout cela, vous n’avez pas assaini les finances publiques. Bien au contraire !
M. Daniel Raoul s’exclame.
Combler un déficit d’un tel montant nécessiterait de doubler l’impôt sur le revenu – merci pour ceux qui le paient ! – et d’augmenter de moitié la TVA, en portant son taux de 20 % à 30 %. Voilà ce qu’il faudrait pour solder les comptes…
… et honorer la promesse de François Hollande du retour à l’équilibre.
La dette continue de s’aggraver. Elle approchera les 2 200 milliards d’euros. Depuis 2012, elle aura augmenté de 350 milliards d’euros.
M. Vincent Delahaye. Les dépenses publiques atteignent 57 % du PIB. C’est l’un des records mondiaux. Et pour quel résultat ?
Mme Odette Herviaux s’exclame.
Entre l’exécution en 2015 et le projet de loi de finances rectificative que vous nous proposez, il y a une baisse de 3 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés. Parce que nos entreprises vont mal et gagnent moins d’argent, elles investissent moins et elles embauchent moins !
M. Roland Courteau s’exclame.
Face à ce terrible constat d’échec, le Gouvernement continue de prétendre que tout va bien. Chaque fois qu’il vient devant le Sénat, M. le secrétaire d’État prétend que ce gouvernement a tout bien fait, maîtrisé les dépenses, réduit les déficits, redressé nos comptes publics…
Mais il ne suffit pas de prétendre certaines choses pour qu’elles se réalisent. Pour bien comprendre l’écart entre les belles promesses, les belles paroles et la réalité, il suffit de reprendre les chiffres.
En 2015, l’État a enregistré un déficit de 70, 5 milliards d’euros.
Pour 2016, le Gouvernement prévoit un déficit à 69, 9 milliards d’euros, soit une amélioration de 0, 6 milliard d’euros. C’est énorme… §La vérité est qu’il n’y a ni maîtrise des dépenses, ni réduction significative des déficits, ni redressement de nos comptes publics.
Pour masquer ses mauvais résultats, le Gouvernement est le champion des astuces fiscales et des artifices comptables ! §Je vous en donne quelques exemples.
Vous utilisez systématiquement la prévision de croissance la plus optimiste
M. Maurice Vincent s’exclame.
, celle qui se trouve en haut de la fourchette des prévisions disponibles, au lieu de vous situer raisonnablement dans la moyenne des prévisions.
M. Maurice Vincent s’exclame de nouveau.
La prévision de croissance est un indicateur de la bonne santé économique d’un pays. Plus la croissance est importante, mieux le pays se porte, et plus les recettes fiscales augmentent.
En prévoyant une croissance plus importante que le consensus des économistes, vous surévaluez les recettes fiscales de 2 milliards d’euros, sans justification.
Vous utilisez l’astuce technique du mécanisme des primes d’émission pour maintenir la dette coûte que coûte en dessous de 100 % du PIB, en allégeant la dette d’aujourd’hui pour la repousser à demain. Cela ne règle évidemment pas le problème ; la dette est toujours présente.
Pour financer des cadeaux électoraux, vous engagez des dépenses qui dureront pendant plusieurs années avec des recettes qui, elles, ne dureront pas, puisqu’elles ne concernent que cette année.
C’est catastrophique !
Vous considérez d’ailleurs comme une recette la baisse de la charge de la dette de 2, 9 milliards d’euros. Or, si cette réduction de la charge de la dette est possible, c’est grâce à une conjoncture exceptionnelle, avec des taux très bas, sur lesquels le Gouvernement n’a pas de pouvoir. Cela n’a rien à voir avec une maîtrise des dépenses !
Le prélèvement sur recettes est réduit de 1, 9 milliard d’euros. Tant mieux pour nous si l’Union européenne n’a pas dépensé tout son budget ! Mais ce ne sera pas forcément le cas chaque année.
On a une révision à la baisse des versements aux collectivités territoriales – qui correspond au Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA. Mais, comme l’a rappelé M. le rapporteur général voilà quelques instants, c’est lié à un moindre investissement des collectivités territoriales. On ne peut donc pas s’en réjouir. Les collectivités territoriales sont les victimes de la politique budgétaire du Gouvernement durant ce quinquennat. C’est malheureusement une réalité ; vous ne pouvez pas la nier.
Les donations et les successions rapporteront 1 milliard d’euros de plus que prévu. Mais rien ne dit que ce sera le cas l’an prochain.
Il s’agit de recettes exceptionnelles, monsieur le secrétaire d’État. Or vous les utilisez pour financer des dépenses durables. C’est cela que je critique !
Donc, selon vous, il ne faudrait pas les inscrire ?
Monsieur le secrétaire d’État, si vous m’interrompez systématiquement, c’est bien…
M. Charles Revet opine.
C’est juste que je ne supporte pas les bêtises !
Tout ce qui est excessif est insignifiant !
Tout ce qui est excessif est insignifiant !
Le fait que vous m’interrompiez sans cesse prouve que je tape en plein dans le mille, …
… et j’en suis ravi.
Mais je préfère parler de l’avenir. Certes, il est vrai que, au Sénat et à la commission des finances, nous passons beaucoup de temps à essayer de rétablir la vérité en démontant les différents mécanismes que vous mettez en place.
Vous passez surtout plus de temps à regarder le passé qu’à étudier le budget…
M. Vincent Delahaye. Je suis fatigué par ces astuces fiscales et ces artifices comptables
M. Daniel Raoul s’exclame.
Qu’est-ce qui serait efficace pour que la France aille mieux, pour que notre économie se redresse et crée des emplois et de la richesse ?
Aujourd’hui, il est temps de tourner la page et de clore cette dernière discussion budgétaire de ce triste quinquennat.
Pour préparer l’avenir, je voudrais suggérer quelques points d’amélioration de méthode.
Je souhaite d’abord que les comptes de l’État de l’année précédant l’élection présidentielle soient votés le plus tôt possible, dès le mois de mars. Il serait, me semble-t-il, nécessaire pour la démocratie de pouvoir conclure un quinquennat avec un vrai débat budgétaire sur la réalité des chiffres, et non pas sur les chiffres virtuels qui figurent dans un budget.
(Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) La marge de manœuvre ainsi dégagée permettra précisément de rectifier le tir.
Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je souhaite ensuite que nous soyons plus prudents que vous, monsieur le secrétaire d’État, en prenant comme hypothèse de croissance le consensus des économistes diminué de 0, 5 %. §
Si vous perdiez moins de temps en polémiques, vous pourriez défendre vos propositions.
M. Vincent Delahaye. Le groupe UDI-UC votera le présent projet de loi de finances rectificative si les amendements proposés par la commission des finances et ceux sur lesquels elle a émis un avis favorable sont adoptés.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, parce qu’il s’agit probablement du dernier texte budgétaire que nous examinerons en cette législature, le présent projet de loi de finances rectificative pour 2016 appelle, au-delà de son texte même, l’ébauche de quelques bilans.
D’abord, sur le plan de la procédure.
J’ai eu maintes fois l’occasion d’exprimer, à cette tribune, la circonspection, pour ne pas dire la consternation, que m’inspirent les différentes modalités d’application de notre corpus de règles budgétaires, au terme desquelles le Parlement dépense un temps et une énergie inversement proportionnels au pouvoir qu’il exerce réellement. Ce texte en est, je crois, une ultime illustration.
En effet, il est censé soumettre à la représentation nationale les mouvements budgétaires qui ont infléchi l’exécution de l’année en cours. Or un bon tiers d’entre eux se trouvent en fait répartis dans trois décrets d’avance pris en cours d’année et ratifiés ici d’une formule lapidaire.
C’est ainsi que le plan d’urgence pour l’emploi, qui mobilise près de 2 milliards d’euros, et dont tout le monde s’accordera pour dire qu’il s’agit d’un sujet crucial, n’aura jamais été présenté ni débattu au sein de notre assemblée. Cela ne me semble pas acceptable.
En matière budgétaire aussi, l’heure des comptes, si j’ose dire, est venue. Disons-le clairement : les comptes ont été assainis.
On peut toujours arguer, comme certains, que le Gouvernement a été chanceux ; pour ma part, cela m’avait échappé…
On peut toujours prétendre que les chiffres ne refusent rien de ce que la direction du budget leur demande habilement. Peut-être. Mais il n’en reste pas moins que, entre 2012 et 2015, le déficit public s’est réduit de près de 23 milliards d’euros, passant de 4, 8 % à 3, 6 % du PIB. C’est l’INSEE qui l’affirme.
Certes, cela n’épuise pas le débat. Mais c’est un fait. Nous venons de le constater dans les campagnes du Brexit et de la présidentielle américaine, le pouvoir mortifère de la désinformation politique orchestrée existe, et il est dangereux. Il serait vraiment salutaire de ne pas y sacrifier en France.
Je n’aurai malheureusement pas le temps de disserter ici sur cette citation, pourtant très inspirante, du philosophe Guy Debord, pour qui, dans un « monde réellement renversé » – c’est bien le cas aujourd'hui –, « le vrai est un moment du faux ». En termes plus triviaux : « Plus c’est gros, plus ça passe ! »
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous qui avez convoqué toutes les ressources de la casuistique pour justifier notre dessaisissement de la discussion budgétaire, je vous l’assure : tenir quelques faits pour vrais, et ce sans détour, n’est pas un aveu de faiblesse. Bien au contraire ! Car la reconnaissance du résultat ne vaut pas nécessairement approbation de la méthode.
Les écologistes n’ont cessé de dénoncer, au début du quinquennat, l’inopportunité de certaines politiques d’austérité imposées par l’Allemagne à toute l’Europe. La limitation de leur impact récessif n’aura tenu qu’à la clairvoyance et au courage de la Banque centrale européenne, la BCE, qui a assumé de prendre de grandes libertés par rapport à ses statuts.
Toutefois, ne nous y trompons pas : l’essentiel de l’effort demandé aux Français et à leurs services publics tient moins à nos engagements budgétaires à l’égard de la Commission qu’à la concurrence fiscale plus ou moins légale à laquelle se livrent les États. Hélas ! le Gouvernement a préféré y participer plutôt que de la combattre.
Ainsi, dans son édifiant bilan du quinquennat, l’Observatoire français des conjonctures économiques, ou OFCE, note que les « mesures Hollande » auront allégé les prélèvements des entreprises de 20, 6 milliards d’euros, retrouvant ainsi un niveau inférieur à celui d’avant la crise de 2008.
Pendant ce temps, les ménages auront vu leurs prélèvements augmenter de 35 milliards d’euros, soit le creusement d’un écart de 55 milliards d’euros entre ménages et entreprises !
De plus, cette augmentation de la pression sur les ménages se double d’un accroissement des inégalités.
Le premier train de mesures fiscales du quinquennat dans le projet de loi de finances rectificative de l’été 2012 avait pourtant permis de gommer les trop grandes disparités de traitement entre le capital et le travail.
Mais, malheureusement, un an plus tard, le tournant social-libéral inspiré par le fameux mouvement des « pigeons », qui s’est finalement révélé plus proche du rapace que de la colombe, en a progressivement atténué les effets.
Cela se retrouve d’ailleurs dans l’évolution des indicateurs de pauvreté et d’inégalités. Après avoir nettement décru en 2013, ils ont repris depuis, selon l’INSEE, une croissance constante.
Je ne compte plus mes interventions dénonçant la place de choix de l’écologie dans le palmarès des missions et des ministères les plus affectés par les coupes claires.
Côté fiscalité écologique, il y a là aussi quelques faits. Ce gouvernement sera à la fois celui qui aura introduit une contribution climat-énergie, ce qui est très bien, et celui qui aura supprimé l’écotaxe, ce qui est moins bien. C’est tout le paradoxe et le problème. L’écologie reste une variable d’ajustement.
Dans son récent rapport sur l’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, la Cour des comptes pointe la grande incohérence et les profondes contradictions des politiques publiques en la matière.
La Cour démontre même que la tendance est malheureusement à la baisse des dépenses favorables à l’environnement et à la hausse de celles qui y sont défavorables !
Voilà quelques éléments d’appréciation généraux du quinquennat, auxquels ce projet de loi de finances rectificative ne cherche pas à déroger. Il se compose d’un grand nombre de dispositions disparates, que nous examinerons dans la discussion des articles.
À l’Assemblée nationale, où la majorité a semblé bénéficier de davantage de mansuétude qu’à l’accoutumée, quelques mesures intéressantes ont été prises. Le groupe écologiste attendra donc de connaître le sort que le Sénat leur réservera avant d’arrêter sa position.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Odette Herviaux et M. Philippe Kaltenbach applaudissent également.
La parole est à M. Maurice Vincent, pour le groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avec ce projet de loi de finances rectificative pour 2016, nous avons enfin l’occasion de débattre cette année des choix essentiels pour notre pays que constituent les décisions budgétaires.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, je souligne une nouvelle fois, pour le regretter, combien votre refus de discuter du projet de loi de finances pour 2017 a affaibli le Sénat. §Mais il est vrai, chacun le constate aujourd'hui, que vous étiez confrontés à des contradictions probablement insurmontables entre les promesses démagogiques de la frange la plus conservatrice de votre électorat et les réalités de la gestion de notre pays, dans un contexte européen et international difficile.
En matière de politique budgétaire, certains pensent que les déficits et la dette peuvent progresser indéfiniment. Mais il faut alors accepter une création de monnaie quasiment illimitée et, au final, l’inflation, qui pénalise toujours les plus modestes, et la dévaluation, laquelle réduit le pouvoir d’achat du pays.
D’autres, à l’inverse, voient dans l’équilibre budgétaire strict un objectif indépassable. Il faudrait alors envisager de couper fortement dans les dépenses publiques, de supprimer des centaines de milliers de postes de fonctionnaires, mais ce serait alors la quasi-certitude de l’effondrement de la croissance et de l’explosion du chômage.
Depuis cinq ans, le Gouvernement a choisi une voie médiane, celle du rétablissement progressif de notre crédibilité financière, avec le souci de soutenir la croissance. C’est la seule voie positive et réaliste.
À ce stade, chers collègues de la majorité sénatoriale, permettez-moi de vous faire part de ma très grande inquiétude devant vos projets pour les années à venir.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Comment pourrez-vous baisser de 100 milliards d’euros la dépense publique ?
Comment pourrez-vous laisser le déficit public filer à 4 % en 2017, puisque c’est ce qui est annoncé, avant de « serrer la vis » brutalement pour rechercher à tout prix l’équilibre budgétaire au plus vite ?
Nous voyons bien que ces promesses ne seront sans doute pas tenues.
Elles ne pourraient l’être qu’en attaquant les fondements de la sécurité sociale et des services publics auxquels les Français sont les plus attachés.
Je vous fais une prophétie.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Si votre politique devait être mise en œuvre en totalité, nous aurions à la fois un budget gravement déflationniste, l’affaiblissement de l’État avec les coupes claires que vous prévoyez dans les services publics, sans pour autant que les comptes du pays soient, au final, améliorés.
Au contraire, ce projet de loi de finances rectificative pour 2016 vient parachever le bilan des efforts accomplis et des résultats obtenus depuis cinq ans. Pourtant, chacun le sait, le Gouvernement a dû ajouter à ses priorités initiales en matière d’éducation, d’emploi et de jeunesse des décisions majeures, que vous n’avez d’ailleurs pour la plupart pas contestées, en faveur de nos services de sécurité et de défense, qui avaient souffert, eux aussi, de vos politiques jusqu’en 2012.
Vous devez le constater, le déficit public, qui était de 5 % du PIB en 2012, a été ramené à 3, 3 % aujourd’hui.
M. Maurice Vincent. La situation de la sécurité sociale a été totalement assainie.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Le déficit est de 400 millions d’euros en 2016, et les comptes seront à l’équilibre l’an prochain.
M. Maurice Vincent. Je pense que nous pouvons effectivement nous féliciter de l’effort accompli et de tels résultats. Oui, ce gouvernement a réduit le déficit public de 40 milliards d’euros en cinq ans, alors que celui-ci avait progressé, monsieur Delahaye, de 55 milliards d’euros de 2007 à 2011 !
M. Vincent Delahaye s’exclame.
Non seulement la programmation pluriannuelle de nos finances publiques a été respectée, …
M. Maurice Vincent. … mais la France voit réellement la possibilité de sortir de la procédure de déficit excessif qu’elle subissait dans les instances européennes.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Ce sont des réalités. Vous ne pouvez pas les contester.
Nous avons aussi pu bénéficier, grâce à ce sérieux budgétaire exercé dans la durée, de conditions favorables pour financer notre dette. Certes, nous savons tous qu’il convient de faire preuve de prudence pour le futur sur ce sujet.
Finalement, il est logique que le Haut Conseil des finances publiques soit revenu sur ses petites interrogations initiales, en reconnaissant aujourd'hui que les prévisions d’inflation, d’emploi et de masse salariale du Gouvernement pour 2016 étaient réalistes et que le déficit public avait bien été ramené – que vous le vouliez ou non – à 3, 3 % du PIB.
Je suis particulièrement fier d’avoir appartenu à une majorité qui a beaucoup fait pour lutter contre toutes les fraudes : fraude fiscale, fraude à la TVA, fraude aux travailleurs détachés, fraude aux cotisations sociales… Cette majorité a pris à bras-le-corps la difficile question de la fiscalité des revenus issus de l’économie numérique. Elle s’est donné les moyens avec la création du service de traitement des déclarations rectificatives, faisant rentrer 6, 3 milliards d’euros dans les caisses de l’État et près de 30 milliards d’euros d’avoirs qui sont sortis de l’ombre.
Le présent projet de loi de finances rectificative contient des dispositions qui vont dans le même sens : la limitation de l’optimisation fiscale en matière d’impôt de solidarité sur la fortune, ou ISF, et la qualification de biens personnels en biens professionnels.
Là encore, je me dois de souligner la différence qui nous oppose objectivement devant les Français. Vous proposez la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune. C’est hautement symbolique de votre éloignement accéléré, que je regrette, des valeurs d’équité et de justice sociale.
Je veux souligner par ailleurs l’urgence et la difficulté des situations qui ont conduit le Gouvernement à engager en cours d’année des dépenses importantes, à travers des décrets d’avance. Qui peut en contester l’utilité, notamment pour la sécurité intérieure ou pour les opérations extérieures ?
C’est vrai que l’année 2016 a été marquée par un nouvel attentat sanglant. Compte tenu des risques élevés qui perdurent, il était normal et indispensable que le Gouvernement procède à des adaptations permanentes et engage de nouvelles dépenses. Qu’auriez-vous dit s’il n’en avait pas été ainsi ?
D’autres dépenses engagées en cours d’année ont été également tout à fait cohérentes. Je pense aux dépenses pour l’emploi, avec le plan d’urgence, qui crée une prime pour l’embauche de tout nouveau salarié dans une TPE et qui marche très bien, ou aux dépenses dans les domaines de l’enseignement scolaire, de l’hébergement d’urgence et de l’asile.
Pour terminer, je souhaite que le Sénat joue pleinement son rôle, cette fois-ci, sur le présent projet de loi de finances rectificative, en améliorant le texte issu de l’Assemblée nationale, notamment sur la fiscalité économique locale et sur le régime des immobilisations industrielles.
Le Sénat joue parfaitement son rôle ici de contrepoids pour rééquilibrer les décisions prises à l’Assemblée nationale. C’est l’illustration supplémentaire qu’il y aurait eu tout intérêt et tout bénéfice pour chacun d’entre nous de débattre du projet de loi de finances pour 2017.
Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste et républicain.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme cela été souligné, nous examinons aujourd’hui le dernier texte budgétaire du quinquennat, qui porte sur l’année 2016.
Les résultats de cette année nous permettent donc de dresser un bilan assez complet et panoramique du quinquennat qui s’achève. Que constatons-nous en 2016 ?
La croissance est de 1, 4 %.
C’est mieux que la croissance quasi nulle que nous avons connue de 2012 à 2014. Mais cela reste faible, comparé à nos voisins européens, avec une moyenne de 1, 8 % dans l’Union, et comparé à la croissance que nous avions obtenue en 2010 et 2011, supérieure à 2 %.
C’était une promesse du candidat François Hollande en 2012. Encore une promesse non tenue !
La baisse du déficit ne sera vraisemblablement que de deux points en cinq ans, alors que nous l’avions réduit de deux points en deux ans, entre 2009 et 2011
M. le secrétaire d’État s’esclaffe.
M. Charles Revet acquiesce.
C’est un raisonnement bien acrobatique…
La croissance peine à redémarrer en France, la meilleure preuve étant que le Gouvernement a dû abaisser sa prévision de 1, 5 % à 1, 4 % voilà quelques semaines. Cela reste donc très fragile et, surtout, insuffisant pour faire redémarrer l’économie et reculer le chômage.
L’absence de résultats a conduit le Président de la République à en tirer les conséquences. Il avait conditionné sa candidature à l’élection présidentielle à l’inversion de la courbe du chômage. Il a donc choisi de ne pas se représenter. C’est l’aveu et le constat de l’échec de la politique menée au cours de ce quinquennat.
Certes, le chômage a diminué au mois d’octobre. Mais, par rapport à octobre 2015, le nombre d’inscrits à Pôle emploi dans les catégories A, B et C a augmenté. Et ce, malgré les centaines de milliers de contrats aidés financés par l’argent public, pour un coût de 10 milliards d’euros par an, et les centaines de milliers de jeunes mis en formation, ce qui a fait baisser seulement statistiquement le chômage.
Pour embaucher, il faut que les entreprises retrouvent une santé financière.
Là encore, le bilan est critiquable.
Si leur situation financière et leur effort d’investissement ont progressé, avec la prise de conscience tardive de François Hollande de la nécessité d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, la productivité a continué de ralentir, la qualité des investissements demeure faible, et leur capital ne s’est pas modernisé.
La compétitivité-coût s’est améliorée vis-à-vis de l’Allemagne, sauf que notre montée en gamme des produits n’a pas eu lieu. Nous ne pouvons donc pas rivaliser avec notre principal partenaire économique. En réalité, notre compétitivité-coût s’est dégradée vis-à-vis d’un pays européen équivalant à la France en termes de niveau de gamme, comme l’Espagne.
La conséquence est que la désindustrialisation, le niveau de chômage et le déséquilibre de notre balance commerciale ne se sont pas réduits.
Le déficit commercial cumulé sur douze mois en octobre 2016 est de 49, 8 milliards d’euros, contre 45, 4 milliards à la même période en octobre 2015. Nos exportations sont en recul.
L’effort en faveur des entreprises doit donc être accentué. La baisse des charges et la montée en gamme sont indispensables.
La dimension psychologique doit également être prise en compte, pour redonner de la confiance aux chefs d’entreprise.
Il faut également réformer rapidement, puis assurer une stabilité fiscale, pour donner de la visibilité et de la confiance aux entrepreneurs.
Les mesures proposées par François Fillon, comme la suppression de l’ISF, la baisse de la taxation du capital, la réorientation de l’épargne vers l’investissement, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – en baisses de charges, la baisse de l’impôt sur les sociétés, la hausse du temps de travail vont dans le sens que nous souhaitons, pour refaire de la France un champion économique.
La diminution massive des prélèvements sur les entreprises à hauteur de 50 milliards d’euros créera un choc fiscal inverse de celui qui a été imposé aux entreprises en 2012 et permettra de retrouver le chemin de la croissance et, donc, de l’emploi.
L’emploi, c’est la possibilité d’accroître son niveau de vie. Je le rappelle, le niveau de vie des Français a stagné pendant ce quinquennat, si l’on enlève les effets de la baisse du prix du pétrole, qui n’est pas due à l’action du Gouvernement. Il n’a augmenté que de 0, 5 % entre 2012 et 2016.
Dans ce dernier texte budgétaire, en dehors de la création du compte PME innovation, qui va dans le bon sens, aucun souffle n’est donné. Il s’agit d’un texte fourre-tout, sans ambition. Il n’appelle donc ni rejet, ni adoption avec enthousiasme.
Au groupe Les Républicains, nous apporterons des modifications et nous voterons le texte ainsi amendé.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, mes chers collègues, c’est un moment particulier qui nous réunit en ce sens que la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour 2016 représente, sans nul doute, l’occasion de nos derniers échanges sur le budget de la nation de ce quinquennat.
Celle-ci intervient a fortiori dans un contexte insolite, dicté par le refus de notre Haute Assemblée d’examiner en séance publique le projet de loi de finances initial pour 2017.
Dès lors, la tentation est forte, dans cette situation inédite, d’aborder, au-delà du contenu précis de ce collectif, le bilan budgétaire du quinquennat, que je juge personnellement positif – opinion partagée par l’ensemble de mon groupe et par d’autres sénateurs encore dans cet hémicycle.
Sur le fond, et après les débats de ces dernières semaines, je souhaite tout d’abord évoquer la problématique du « sérieux budgétaire », qui a été remis en cause. Ce thème, quelque peu instrumentalisé, a été au cœur de l’argumentation négative de la droite sénatoriale.
Je veux d’abord citer l’appréciation du Haut Conseil des finances publiques, qui « constate que la prévision de croissance du gouvernement, révisée de 1, 5 % à 1, 4 % pour 2016, se situe dans le haut de la fourchette des prévisions disponibles » et « considère qu’elle est atteignable ».
De plus, je rappelle, mes chers collègues, que le Haut Conseil juge « réalistes » les prévisions de déficit public établies par le Gouvernement.
Si je prends le temps de rappeler ces éléments, c’est pour mettre en évidence le fait que, sur ce texte, comme sur l’intégralité des textes budgétaires du quinquennat, je veux le rappeler avec netteté, le Gouvernement a fait preuve de prudence et de responsabilité ; nous le voyons encore dans le contenu même de ce projet de loi de finances rectificative. Il est vrai, et cela ne peut être sérieusement contredit, qu’on ne peut pas prévoir précisément au moment du projet de loi de finances initial l’ensemble des dépenses que la nation aura à mettre en œuvre durant l’année budgétaire.
C’est typiquement le cas pour les opérations extérieures de nos armées ou encore s’agissant des fonds d’urgence en cas de catastrophe.
Cela étant, la nécessité d’inscrire ces dépenses nouvelles dans ce projet de loi de finances rectificative ne remet pas en cause les équilibres budgétaires globaux de l’exercice. Les objectifs définis par le Gouvernement pour l’année 2016 seront atteints ; je veux le rappeler ici pour m’en féliciter.
J’évoquerai ensuite les deux mesures les plus mises en avant de ce texte.
Je veux parler, tout d’abord, du renforcement de la lutte contre la fraude fiscale. Il faut le dire clairement : jamais avant cette mandature qui s’achève, il n’avait été fait autant en matière de lutte contre la fraude fiscale.
En la matière, rappelons que cela représente un montant de 21, 2 milliards d’euros de redressements fiscaux en 2015, contre 16 milliards d’euros en moyenne par an sous l’ancienne majorité.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2016 comporte de nouvelles avancées destinées à rendre plus efficace le contrôle fiscal tout en garantissant une plus grande prévisibilité pour le contribuable. Le premier enjeu est donc évidemment budgétaire, car la fraude diminue mécaniquement les recettes de l’État ; le second enjeu nous place sur le terrain de la morale publique.
Car au-delà des considérations purement budgétaires, certes essentielles, je tiens à rappeler que ce sont soixante-dix mesures de lutte contre la fraude fiscale que notre majorité a adoptées depuis 2012. L’enjeu est à cet égard citoyen. La fraude fiscale participe à la déconstruction de notre vivre ensemble, et à la remise en cause de notre modèle institutionnel et social qu’elle fragilise. En cela, elle doit être combattue résolument, et c’est le cas.
L’autre point majeur est la mise en œuvre du compte PME innovation. Le Gouvernement souhaite inciter les entrepreneurs « vendant les titres de leur société à réinvestir le produit de leur vente dans des jeunes PME ou des entreprises innovantes et à les accompagner, en apportant non seulement leurs capitaux, mais également leur expérience d’entrepreneur et leur réseau ».
Alors que l’un des sujets majeurs de nos débats, et d’ailleurs de nos divergences en matière économique, demeure la cible des politiques que nous mettons en œuvre, je vois tout l’intérêt de cette mesure qui s’adresse globalement aux petites et moyennes entreprises de moins de sept années d’existence.
Cette stratégie est pertinente, car les PME représentent l’activité économique et l’emploi de tous les territoires. C’est ce potentiel qu’il convient de mobiliser et d’encourager par des mesures telles que celle qui vient d’être décrite.
Mes chers collègues, en tant que corapporteur spécial sur l’agriculture au sein de la commission des finances, je souhaite évoquer cette question, d’autant qu’elle traduit bien les équilibres et la logique du travail budgétaire.
En effet, j’ai pu lire récemment et entendre qu’il était déploré, en matière agricole, que le Gouvernement fasse le choix pour le projet de loi de finances pour 2017 de ne pas budgéter les fonds relatifs aux refus d’apurement des aides communautaires.
Je veux rappeler que nous étions ici typiquement dans un cas d’imprévisibilité quant au montant exact, et que le véhicule le plus logique est sans conteste le projet de loi de finances rectificative, davantage que le projet de loi de finances.
Je rappelle, d’ailleurs, que les sommes inscrites in fine sont sans commune mesure avec ce qu’elles auraient pu être sans l’action énergique du ministre, qui a travaillé pour rectifier les insuffisances de la période précédente. Je ne peux que regretter les polémiques parfois alimentées en la matière, d’autant que les refus d’apurement actuels concernent – il est utile de le rappeler – les années 2008-2012 §durant lesquelles un autre gouvernement et une autre majorité étaient, sauf erreur de ma part, aux responsabilités.
Dans la même logique, je rappelle que plusieurs membres de la majorité sénatoriale ont pu émettre des doutes quant au financement des plans d’urgence mis en œuvre pour répondre aux différentes crises agricoles et sanitaires que traverse notre pays.
Ce fut l’un des arguments qui a pu prévaloir, injustement, me semble-t-il, lors de l’examen par notre commission des finances du budget de l’agriculture. Débat vain puisque, par nature, les crises ne sont ni prévisibles ni programmables et que le Gouvernement a toujours trouvé les moyens budgétaires d’y faire face.
À cet égard, même si cela était acquis dès le début, je tiens à rappeler que les financements en question sont bien présents dans ce projet de loi de finances rectificative, comme cela était attendu : pour les raisons que j’ai soulignées, un plan d’urgence ne peut être précisément financé que par une loi de finances rectificative et non par une loi de finances initiale.
Pour conclure, je veux exprimer à mon tour, après mon collègue Maurice Vincent, ma fierté d’appartenir à une majorité gouvernementale qui a, durant les cinq années passées, défendu des priorités politiques ambitieuses, répondu à un nombre très important de crises, et qui devrait, malgré tout cela, faire passer le chiffre du déficit public en dessous de la barre de 3 % à l’issue du quinquennat, comme le Président de la République s’y était engagé.
Grâce aux politiques conduites avec constance, le remboursement de la dette n’est plus notre premier poste de dépense, comme cela a été le cas dans le passé.
Par là, nous avons redonné de la cohérence à la politique et à l’action publique. Je suis heureux de m’associer à ce bilan du quinquennat, que ce dernier acte budgétaire permet de mettre en lumière.
Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste et républicain.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.