Nous devons repenser le système. Il ne serait sans doute pas mauvais, par exemple, que quelqu’un qui exercera ses fonctions au Conseil d’État ou à l’Inspection des finances ou à la Cour des comptes travaille quelques années dans une préfecture, une direction des affaires sociales, un hôpital ou une collectivité locale, bref sur le terrain, afin que puisse s’établir une dialectique entre des expériences professionnelles diverses et les fonctions exercées ensuite. Cela ne contreviendrait nullement aux principes républicains de l’accession à une fonction ou à un corps. Il est parfaitement imaginable de vivre autrement le fait d’appartenir à un grand corps, d’être administrateur civil ou membre d’une juridiction administrative, et d’instaurer une plus grande diversité dans les tâches exercées au cours d’une même carrière.
Après avoir parlé des principes républicains, de la nécessité de carrières diversifiées, je veux maintenant aborder la formation.
En effet, à cet égard, des évolutions sont certainement souhaitables. Je plaide pour que l’ENA, comme les autres grandes écoles, délivre une formation. Cette affirmation peut paraître banale, mais, aujourd’hui, sur deux années d’école, les élèves effectuent deux stages de six mois chacun dans une préfecture ou une ambassade. Ces stages sont très bénéfiques parce qu’ils sont d’une certaine durée et parce qu’ils offrent une certaine densité d’apprentissage. Si l’on crée un troisième stage, en entreprise, ce nouveau stage devra offrir la même utilité, présenter le même caractère formateur, les mêmes qualités que les deux autres en termes de durée, de densité : il faudra en tirer les conséquences, car, en la matière, on ne peut pas se contenter de subterfuges.
Je plaide en outre pour que la formation à l’ENA, comme d’ailleurs dans les autres grandes écoles ou à l’université, soit d’abord fondée sur la connaissance. « Mais vous n’y pensez pas, m’objecte-t-on, ce qui compte, c’est l’ouverture aux réalités professionnelles ! » Or, pour moi, l’ouverture aux réalités professionnelles fait justement partie de la connaissance… On me rétorque également : « Ce qui compte, c’est le management ». Voilà le grand mot lâché ! Aujourd’hui, si vous n’êtes pas dans le management, vous n’êtes pas bon ! Et bien entendu, il faut prononcer le mot à l’anglo-saxonne !