Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les parcs nationaux français, objets principaux du présent projet de loi, sont régis depuis près de quarante-trois ans, pour les plus anciens, par la même loi, à savoir la loi du 22 juillet 1960, loi très brève, « napoléonienne », puisqu'elle ne comporte que huit articles, lesquels ont suffi jusqu'à présent, avec les quarante-cinq articles du règlement d'administration publique du 31 octobre 1961, à permettre une bonne gestion et un développement durable de ces parcs.
Depuis 1979, année de création du parc national du Mercantour et de mon élection à la présidence de sa commission permanente, j'ai pu constater par moi-même la pertinence et la cohérence de ces deux textes. Précisons que, par la suite, chaque parc national a fait l'objet d'un décret particulier. Il en est résulté une construction juridique cohérente, qui a permis une bonne gestion des sept parcs nationaux, même si les conditions de naissance de certains d'entre eux ont été difficiles et très conflictuelles.
Par exemple, je puis témoigner, pour y avoir assisté, que la création du parc du Mercantour a donné lieu à des luttes très dures ainsi qu'à des incendies de véhicules, dont celui de son directeur, à Saint-Martin-Vésubie, dans le département des Alpes-Maritimes.
Cette loi, qui remonte au général de Gaulle, trouve son origine dans la nécessité pour l'État de protéger et de conserver le patrimoine naturel national, avec le soutien des milieux scientifiques et des associations de protection de la nature, soucieux de la gestion des espèces et des milieux exceptionnels sur de grandes surfaces. Elle trouve aussi son origine dans le rappel par certains qu'une action de protection de l'espace n'est légitime que si elle s'accompagne d'une politique d'amélioration des conditions de vie sociales et économiques des populations concernées.
Force est de reconnaître que la loi de 1960 a répondu jusqu'à présent à toutes ces attentes, à l'exception, comme vous l'avez souligné, madame le ministre, de l'amélioration des conditions de vie économiques des populations. Il est vrai que la faute en revient moins aux textes dont c'était l'objet - notamment l'article 3 de la loi de juillet 1960 et l'article 27 du décret d'octobre 1961 - qu'au manque progressif de moyens financiers et humains.
Le présent projet de loi a pour ambition de modifier cette construction juridique et de rénover la loi de 1960.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne m'intéresserai de façon pragmatique qu'aux dispositions me semblant susciter le plus d'interrogations.
Si l'article 1er reprend le texte de la loi de 1960 concernant les espaces à classer, il y ajoute, dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L.331-1 du code de l'environnement - c'est le point le plus discutable -, que le parc national est composé des espaces à protéger - j'attire votre attention sur cette disposition, madame le ministre -, à savoir l'ancienne zone centrale, mais également de « tout ou partie du territoire des communes qui, ayant vocation à faire partie du parc national en raison notamment de leur situation géographique ou de leur solidarité écologique avec le coeur, ont décidé d'adhérer à la charte du parc national ».
Madame le ministre, quoique cette définition ait été modifiée par l'Assemblée nationale, elle soulève néanmoins une vraie difficulté, car elle introduit une notion vague et dénuée de tout caractère juridique et ne précise pas suffisamment quelles communes ont vocation à entrer dans le parc national. Aussi, je vous demande d'accepter la rédaction de notre rapporteur Jean Boyer, laquelle fait référence à une « continuité géographique ».
Il est à craindre - et tel sera le cas - que certaines communes, bien que n'y ayant pas vocation, adhèrent à un parc national aux seules fins d'en retirer des avantages financiers- dotation globale de fonctionnement, dotation globale d'équipement -, entraînant ainsi un éparpillement de la zone périphérique. Rien ne les empêchera d'ailleurs de s'en retirer ultérieurement. En cas de recours d'une commune désirant rejoindre ou quitter un parc en dépit de l'avis de l'établissement public, sur quel critère juridique le tribunal administratif pourra-t-il trancher le litige ? Que diront les tribunaux de la notion de « solidarité écologique » ? Mon expérience d'avocat m'autorise à dire que la plaidoirie ne sera pas aisée.
Il me paraît également plus juste de maintenir les termes de « zone centrale » et d' « espace protégé » à la place de l'expression « coeur du parc », qui ne revêt aucun caractère juridique.
La charte du parc national, telle qu'elle est définie à l'article 3, a un caractère plus contraignant que le plan actuel. Cette proposition est à mon avis positive. Néanmoins, le fait que cette charte soit tributaire des ressources financières qui seront affectées aux parcs, ressources qui font actuellement défaut aux parcs existants et dont votre budget, madame le ministre, aura des difficultés à assumer la charge, m'inquiète. Je rappelle à cet égard que le budget des sept parcs nationaux au titre de la gestion des milieux et de la biodiversité s'élève en 2006 à 29, 8 millions d'euros.
Un autre article me laisse perplexe, à savoir l'article 6, qui prévoit la composition des conseils d'administration en y introduisant des représentants des propriétaires, des exploitants et des usagers.
Cette mesure, décidée - il faut le reconnaître - dans l'optique de la création d'un futur parc national en Guyane, risque de rendre difficile la gouvernance des autres parcs nationaux. Aussi, il faut en rester à la composition des conseils d'administration actuels, tout en précisant, comme le présent texte le prévoit d'ailleurs, que les représentants des collectivités locales peuvent composer près de la moitié de chacun desdits conseils.
Signalons à ce propos que les représentants des collectivités constituent 44 % du conseil d'administration du parc national du Mercantour.
Du reste, je suis étonné que cet article de loi traite aussi précisément de la composition de l'organe assurant le fonctionnement de l'établissement, là où la loi de 1960, dans sa remarquable concision, renvoyait à un décret non seulement en l'espèce, mais encore s'agissant des attributions et des pouvoirs dudit organe. Est-ce bien là le rôle de la loi ? Le Conseil d'État lui-même a, récemment encore, stigmatisé ce qu'il a appelé le « bavardage législatif ». Nous en sommes tous responsables. Les dispositions qui n'ont pas de valeur normative devraient être écartées de la loi.
À ce propos, j'espère que le décret d'application maintiendra la possibilité de créer une commission permanente, comme le prévoit l'article 15 du décret du 31 octobre 1961.
Notre collègue de l'Assemblée nationale Jean-Pierre Giran n'était pas favorable à ce maintien. Peut-être a-t-il été influencé par le fait qu'il préside le conseil d'administration du plus petit parc national de France, celui de Port-Cros, dont les zones centrales terrestre et marine ont une superficie respective de 1 941 hectares et de 1 800 hectares, alors que les zones centrale et périphérique du parc national du Mercantour couvrent respectivement 68 500 et de 146 500 hectares, le parc de Port-Cros n'ayant quant à lui aucune zone périphérique.
Par conséquent, on ne saurait comparer sa tâche avec celle d'un président de parc national qui s'étend sur plusieurs départements, qui peut avoir des relations transfrontalières avec d'autres parcs étrangers et qui peut ainsi être obligé de déléguer à une commission permanente siégeant toute l'année une multitude de dossiers, notamment l'octroi de subventions aux agriculteurs, aux pêcheurs et autres artisans.
À ce propos, il est positif que le nouvel article 10 ter prévoie la possibilité pour un parc national d'engager des actions communes avec un parc national frontalier. Cependant, cette possibilité existe déjà, puisque le parc national du Mercantour a signé une charte de jumelage créant une identité transfrontalière avec le parc régional italien Alpi Marittime, et l'article 10 ter est plus restrictif. Aussi, je me rallierai à la proposition que fait notre rapporteur de compléter le texte proposé par le II de l'article 6 pour l'article L. 331-9 du code de l'environnement par deux alinéas visant à autoriser un parc national à engager des actions communes avec des parcs frontaliers et à nouer des relations transfrontalières avec des parcs régionaux étrangers.
Mes chers collègues, j'aborderai rapidement, faute de temps, les autres articles du projet de loi.
L'article 8 prévoit qu'un parc national peut se voir affecter à titre gratuit des bâtiments appartenant à l'État. L'article 13, pour sa part, autorise les établissements publics des parcs nationaux à bénéficier de certaines exonérations fiscales dans le cadre de leurs interventions foncières. L'article 8 reprend une ancienne disposition, qui avait été supprimée voilà quelques années par le ministère des finances. En vertu de cette possibilité, le ministre du budget de l'époque m'avait cédé pour le franc symbolique la maison du parc de Tende. Madame le ministre, vous avez raison de revenir sur un mécanisme qui n'avait plus cours. Il serait néanmoins souhaitable que les forêts domaniales situées en zone protégée soient elles aussi concernées.
Je souscris entièrement aux dispositions du chapitre Ier bis relatif au parc amazonien en Guyane. Au cours d'une mission effectuée dans ce vaste département avec l'ancien président de la commission des lois, j'avais navigué sur le Maroni au milieu d'immenses forêts. J'ai toujours pensé qu'un parc national pourrait beaucoup apporter à ce territoire, susceptible de devenir un haut lieu du tourisme mondial. Je vous félicite, madame le ministre, de cette initiative.
Je souscris également à la création, à l'article 10 bis, de l'établissement public « Parc nationaux de France », structure fédérant l'action des différents parcs nationaux, ainsi qu'aux dispositions du chapitre II relatives aux parcs naturels marins. En revanche, à l'instar de M. le rapporteur, je pense que la proposition de créer des parcs naturels urbains, bien qu'intéressante, ne trouve pas sa place dans le présent projet de loi.
Après vous avoir fait part de ces quelques observations, et soucieux d'être constructif, je voterai le présent texte.