Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 5 mai 2009 à 15h00
Débat sur la formation des hauts fonctionnaires de l'état

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

J’ai dit que j’allais revenir sur les « ressources humaines ». Jadis, il existait des directions du personnel, appellation sans doute un peu archaïque. Aujourd'hui, c’est extraordinaire, tout le monde parle de « ressources humaines » ! Avouons-le, c’est un concept bizarre. Je connais la ressource pétrolifère, la ressource électrique, la ressource gazière, mais je me demande à quoi correspond cette notion vaporeuse de « ressources humaines ». Je ne connais, pour ma part, que des êtres humains, qui, pour accomplir leurs missions, doivent acquérir des connaissances.

En matière de fonction publique, précisément, il y a des connaissances à acquérir.

Récemment, j’ai rencontré un jeune énarque qui m’a avoué qu’il ne connaissait rien aux commissions paritaires, à la promotion dans la fonction publique, car il n’avait pas appris ces notions en cours. N’ayons crainte, il finira par apprendre de quoi il s’agit…

Quoi qu'il en soit, le service de l’État a une substance qui suppose certaines connaissances, en matière de déontologie, d’histoire, de fonctionnement de la démocratie, etc. Ne récusons donc pas la connaissance !

Même la connaissance des grandes œuvres de la littérature – je pense toujours à La Princesse de Clèves ! – est très bénéfique. Croire que la seule « formation » – j’insiste sur les guillemets ! – qui va nous aider à créer de bons hauts fonctionnaires, comme d’ailleurs de bons chefs d’entreprise ou de bons professionnels en général, serait une sorte de mixture de gestion des ressources humaines, de management et de quelques autres concepts à la mode, ce n’est pas forcément très sérieux.

Le savoir, la connaissance sont des réalités et, nous le savons tous, chacun doit s’efforcer de s’en approprier une part aussi large que possible.

En outre, il faut démocratiser l’accès à l’ENA ainsi qu’à toutes les grandes écoles et aux universités. Cela passe par des réformes, comme celle qu’a mise en œuvre M. Descoings. Les initiatives qui ont été prises ont été utiles. Notre collègue Yannick Bodin en parlera d’ailleurs dans un instant et abordera tout ce qui peut être fait pour favoriser cette nécessaire démocratisation.

Pour ma part, je tiens à dire que la démocratisation doit être partout. C’est seulement si l’on ose proposer à tous les jeunes de France, dans tous les quartiers, sans aucune exception, ce que j’appelle une école de l’exigence et non une école de la démagogie et de la facilité, que l’on ira vers la promotion du plus grand nombre. J’en suis absolument persuadé !

Même s’il a été utile de réaliser des zonages pour pouvoir donner plus à ceux qui ont moins, il ne faut pas aboutir à créer des ghettos où l’on se résoudrait à n’enseigner qu’une partie du savoir. Tous et toutes ont droit à cette connaissance qui est tellement nécessaire.

Si l’on veut aller vers plus de démocratisation, il conviendra également de s’interroger sur la coupure entre les universités et les grandes écoles. À mon sens, toutes les grandes écoles devraient appartenir à une université ou travailler avec une ou plusieurs d’entre elles. Les classes préparatoires devraient aussi avoir un lien avec l’université. Nous ne pouvons pas être le seul pays au monde où l’université est exclue de la formation de certaines de nos élites.

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