Monsieur le secrétaire d’État, ce collectif met cruellement en lumière vos difficultés à présenter un budget de l’État sincère et sérieux. Vous avez beaucoup insisté sur l’amélioration du solde budgétaire de l’État. Il s’est en effet amélioré de 600 millions d’euros, passant de moins 70, 5 milliards d’euros en 2015 à moins 69, 9 milliards d’euros en 2016, ce qui vous a permis de répéter à l’envi que les déficits étaient moins importants que prévu. Je reste cependant persuadé qu’ils seront bien supérieurs dans le projet de loi de finances rectificative.
Vous vous glorifiez de tenir l’objectif d’un déficit effectif à 3, 3 % du PIB pour l’année 2016. C’est tenable, en effet. Reste que, après avoir sollicité à deux reprises le report de cette obligation, cela n’a tout de même rien d’extraordinaire ! Quant à l’objectif d’un déficit de 2, 7 % du PIB en 2017 – là, les choses deviennent plus sérieuses –, c’est un vœu qui nécessiterait 11, 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires par rapport à vos propres prévisions de dépenses. En réalité, la France est aujourd’hui parmi les quatre derniers États à afficher un déficit supérieur à 3 % en Europe, aux côtés de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal.
Est surtout prévu un volet de dépenses supplémentaires, auquel s’ajoute une sous-budgétisation qui a déjà fait l’objet d’alertes lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Je pense aux 900 millions d’euros supplémentaires pour les interventions sociales, notamment l’AME, l’aide médicale de l’État, l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés, et l’hébergement d’urgence. Si certaines d’entre elles sont souhaitables, l’explosion des dépenses de l’AME nous a conduits à vous demander un recentrage du dispositif, afin qu’il soit amélioré et un peu mieux contrôlé. Vous avez refusé, et nous nous dirigeons vers un budget de 800 millions d’euros pour 2017 !
À cela s’ajoutent la prime d’activité et un crédit de 700 millions d’euros supplémentaires pour la masse salariale, dont 600 millions d’euros destinés à l’éducation nationale. Nous constatons par conséquent une progression de la masse salariale à un rythme relativement élevé, de l’ordre de 4 %.
Par ailleurs, 800 millions d’euros destinés à la défense ont été supprimés dans un décret d’avance et rétablis dans le collectif budgétaire, augmentant ainsi les reports sur l’année 2017. Cet artifice démontre aisément la difficulté que vous avez à financer de vraies priorités.
Vous prévoyez une augmentation des plafonds d’emplois pour les opérateurs de l’État de 249 équivalents temps plein travaillé sans justification sérieuse.
Vous créez un fonds d’urgence en faveur des départements en grande difficulté, doté de 200 millions d’euros. Nous nous interrogeons sur ses critères d’application. N’est-il pas anormal de constater que, dans un élan, vous retirez des moyens importants aux collectivités territoriales et que vous vous sentiez ensuite obligé, dans un collectif budgétaire, d’essayer de rectifier les erreurs initiales ? Quoi qu’il en soit, ce montant ne suffira pas à colmater les brèches dans le budget des départements.
Vous affichez 2, 9 milliards d’euros de baisse du coût financier de la dette. Ce chiffre est intéressant. Il est vrai que la finance vous a bien aidé, mais cela ne va pas durer. La Réserve fédérale américaine a annoncé qu’elle allait remonter ses taux directeurs : la question est de savoir dans quelle proportion et à quel rythme. C’est une fausse économie, vous le savez très bien : c’est une économie de constatation.
Vous avez également recours aux one shot, c’est-à-dire à ces dispositifs qui ne servent qu’une fois, ce qu’a très bien décrit notre collègue de l'UDI-UC ce matin. On note 2 milliards d’euros sur le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne et des collectivités territoriales, la révision à hauteur de 800 millions d’euros de versements aux collectivités locales, qui ne sont que la conséquence d’un remboursement du FCTVA, minoré en raison de la chute des investissements des collectivités territoriales ; or ce n’est absolument pas un bon signe pour l’économie. Par ailleurs, 700 millions d'euros proviennent de la vente de bandes de fréquence, opération elle aussi non reconductible.
À cela s’ajoute l’excédent de 1, 7 milliard d'euros sur les comptes spéciaux, dû au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », plus précisément à la vente des aéroports de Nice et de Lyon, ainsi que des actions du groupe Safran, mesures dont vous ne parlez jamais.
En matière de recettes toujours, comme dans le projet de loi de finances pour 2017, vous multipliez les artifices comptables. Ainsi, vous anticipez 400 millions d’euros qui manqueront au budget pour 2018, via l’acompte de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, acompte qui sera demandé aux grandes entreprises, alors que le Président de la République avait annoncé sa suppression en 2017. En fait, le projet de loi de finances rectificative pour 2016 entérine l’abandon pur et simple du pacte de responsabilité.
Depuis cinq ans, dans pratiquement tous les projets de loi de finances, vous grappillez, vous ponctionnez les institutions de droit privé, comme les chambres de commerce et d’industrie, les agences de l’eau, la Caisse de garantie du logement locatif social.
Dans le présent projet de budget, vous poursuivez vos ponctions : 200 millions d’euros sont prélevés sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, le Fonds de compensation des risques de l’assurance de la construction ou encore le fonds de roulement de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques. Enfin, vous rabotez le fonds d’aide à l’insonorisation des riverains des aéroports, qui attendent ces aides depuis des années.
Où sont les économies durables, réelles et permanentes ? Où est la cohérence quand on sait le rôle déterminant des chambres de commerce et d’industrie en matière de formation professionnelle en alternance que, médiatiquement, vous avez érigée en priorité absolue ?
Depuis le 1er novembre, la France vit à crédit. Pour payer nos fonctionnaires, nos retraités, nous empruntons sur les marchés, y compris sur le budget de la sécurité sociale pour 23, 5 milliards d’euros voilà quelques mois. La Cour des comptes prévient qu’il faudrait prévoir aujourd'hui entre 15 milliards et 20 milliards d’euros pour financer la CADES.
Le nouveau gouverneur de la Banque de France a averti : il faudra rembourser la dette, monsieur le secrétaire d’État. Aujourd’hui, celle-ci s’établit à 2 170 milliards d'euros et représente 98, 4 % du PIB, contre 1 717, 3 milliards d’euros en 2012. Vous comparez souvent les chiffres. Voilà un véritable indicateur de la situation dans laquelle nous sommes !