Je salue la constance de notre collègue Nathalie Goulet.
Ce qu’on appelle communément le « verrou de Bercy »– sujet connu et archiconnu – désigne le monopole qu’exerce l’administration fiscale sur l’opportunité des poursuites en matière de fraude fiscale. Je souhaite expliquer les raisons pour lesquelles la commission des finances est, comme l’année dernière, défavorable à cet amendement.
La commission considère tout simplement que le déclenchement des poursuites par l’administration fiscale est la voie la plus efficace en termes de délais de recouvrement, lesquels sont sans commune mesure avec ceux de la justice. On le constate malheureusement pour les délits boursiers ou les délits d’initié : certaines affaires ont mis une dizaine d’années avant d’être jugées. La voie judiciaire n’est donc pas la plus efficace.
L’administration fiscale possède des moyens exorbitants du droit commun, qui permettent, grâce à des systèmes de pénalité, d’assurer la finalité, à savoir le recouvrement de l’impôt. En outre, toujours sur le plan de l’efficacité, la justice a d’autres priorités. Les affaires financières et fiscales ne pourraient sans doute pas être traitées à moyens constants.
Telle est la raison pour laquelle nous considérons que l’administration fiscale est mieux armée pour lutter contre la fraude fiscale, ce qui n’interdit pas, pour les infractions les plus graves, de mettre en œuvre des poursuites pénales. Deux moyens existent.
Premièrement, après avis de la commission des infractions fiscales, qui constitue une garantie pour les contribuables et que Mme Goulet souhaite supprimer, l’administration fiscale peut porter plainte.
Deuxièmement, l’autorité judiciaire peut se saisir sur le fondement du délit de blanchiment de fraude fiscale, en vertu de l’arrêt Talmon de la Cour de cassation. Cela a été le cas dans un certain nombre d’affaires : HSBC, Cahuzac.
La présidente de la commission des finances et moi-même sommes récemment allés à Bercy pour discuter des questions de contrôle fiscal. La procureur du Parquet national financier nous a confirmé, comme l’avait fait le procureur général près la cour d’appel de Paris, que le dispositif était suffisant.
La voie pénale existe donc, et les juridictions peuvent prononcer des peines d’emprisonnement. D’ailleurs, pour les délits les plus graves, je le répète, l’administration porte plainte, après avis de la commission des infractions fiscales. En outre, le parquet peut se saisir de sa propre initiative au titre du délit de blanchiment.
Cela étant, la voie classique du redressement fiscal avec les pénalités afférentes doit demeurer. Face à un sujet aussi technique, les moyens dont dispose l’administration fiscale sont plus efficaces pour faire rentrer des recettes, ce dont nous nous préoccupons. Regardez ce que fait le STDR ! C’est une voie autrement plus efficace que la voie pénale. Elle permet également de ne pas encombrer les tribunaux sur des sujets souvent très techniques.