Vous connaissez la situation particulière de la Guyane : l'État y est propriétaire de la très grande majorité du foncier. Or, nous ne cessons de demander la rétrocession du foncier depuis 2011. Nous avons réclamé 60 000 hectares pour assurer le développement économique de la région. Nous avons ensuite demandé 40 000 hectares supplémentaires en forêt. Cependant, nous n'avons pas obtenu de réponse satisfaisante à nos demandes de rétrocession pour 10 000 hectares au total. Je n'ai nul besoin de vous convaincre de la situation anachronique dans laquelle la Guyane se trouve : l'État est le propriétaire principal du foncier. Les textes existent pourtant pour permettre la création de forêts régionales, mais ils n'ont pas trouvé d'application en Guyane pour l'instant. Même sur ce point nous n'obtenons pas satisfaction.
Permettez-moi d'en venir aux conséquences. Les conflits d'usage résultent des besoins d'une population en forte croissance. Les besoins explosent pour répondre à l'impératif d'industrialisation et de développement économique de la Guyane. Nous avons besoin de développer notre pays, un pays en train d'émerger. Or, nous nous heurtons, de la part de l'État et du Conservatoire du littoral en particulier, à une politique de protection systématique des espaces naturels. Cette politique semble s'infléchir dans les discours, mais pas dans les faits.
Pourtant, nous disposons en Guyane d'une superficie suffisante pour effectuer les aménagements que nous jugeons nécessaires. Nos revendications sont claires, nous souhaitons que des espaces de développement soient aménagés à côté de nos espaces naturels. Nous désirons aussi créer des emplois en valorisant les espaces, notamment en matière d'écotourisme et de recherche. Le Conservatoire du littoral a pour credo : « je protège, je protège, je deviens propriétaire foncier mais je n'aménage pas, je n'ai ni plan, ni financement pour aménager ». De nombreuses zones se trouvent ainsi gelées.
Autre caractéristique, l'État propriétaire a distribué du foncier sans avoir de politique foncière. Ce manque de stratégie a créé du mitage. Nous constatons une explosion des habitats spontanés illégaux, notamment sur terres agricoles. Aujourd'hui, l'ampleur du phénomène est telle que les « constructions spontanées » dépassent les constructions de logement régulières. Il n'a pas été endigué. L'État admet aujourd'hui son impuissance, malgré la création de l'EPAG en 1998 qui avait aussi pour mission de travailler à la résorption de cet état de fait.
Nous déplorons surtout un manque de lisibilité. Ceux qui s'installent de façon anarchique, sans précaution, sont aussi ceux qui vont être relogés en priorité alors que d'autres respectent les démarches régulières pour s'installer. Nous demandons à l'État de nous céder du foncier. La cession de terrains constitue une condition de l'efficacité des politiques de la CTG.
Nous souhaitons gérer en propre le foncier, conformément à la loi. En effet, la loi de 2011 créant la CTG nous a accordé de nouvelles compétences, en particulier sur le foncier et le domaine forestier. Elle prévoit notamment que l'État cède le foncier à la CTG qui le répartit aux communes, en procédant par voie de convention. Aucune défiance vis-à-vis de la CTG ne serait justifiée. Nous sommes en phase de définition de notre stratégie foncière, que je ne pourrai hélas détailler aujourd'hui.
Nous soulevons par ailleurs le problème de l'Office national des forêts (ONF). Il souffre d'un déficit financier, traduisant selon moi la fin d'un cycle. La forêt de Guyane n'a jamais été véritablement valorisée. Tout le domaine forestier a été mis sous le boisseau, alors qu'il faudrait, au contraire, le rendre disponible pour la recherche de ressources du sous-sol et leur exploitation. Je déplore que des terres aient été données pour de l'agriculture, alors qu'elles recèlent de nombreux et précieux gisements, en particulier en carrières et en sable. Précisément, je songe à un gisement sableux à Iracoubo, cédé pour un projet de biomasse. J'estime que ces décisions étatiques manquent cruellement de cohérence. En tant qu'élus de la CTG, nous nous attelons au contraire à définir les cadres d'une véritable stratégie foncière.