Intervention de Eric Dubois

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 23 novembre 2016 : 1ère réunion
Foncier dans les outre-mer — Audition en visioconférence avec la guyane

Eric Dubois, directeur régional de l'Office National des Forêts (ONF) de Guyane :

Je vous remercie de nous associer à votre réflexion. L'ONF est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), dont la mission principale est la gestion des forêts publiques, qu'il s'agisse des forêts domaniales de l'État ou de celles des collectivités, le cas échéant.

L'ONF remplit des missions régaliennes, comme la surveillance de l'intégrité du domaine qui lui est remis en gestion et l'établissement des actes qui ont pour objet l'utilisation ou l'occupation des bois et forêts de l'État. L'ONF a également la charge de valoriser le domaine qui lui est confié, sur le plan environnemental, social et économique. Cela passe notamment par l'approvisionnement de la filière bois, une filière importante pour le développement endogène de la Guyane. La valorisation peut aussi toucher le tourisme et le secteur minier.

Or, en tant que gestionnaire d'un domaine aussi vaste que celui de la Guyane, l'ONF est confronté à des conflits d'usage. Il doit trouver les moyens de les anticiper et de les régler. Ces conflits s'expliquent notamment par la multifonctionnalité des espaces forestiers. À cette fin, nous disposons d'un outil de planification, appelé l'aménagement forestier. Il a pour objet de planifier, sur un horizon de 20 ans, l'utilisation du domaine forestier public. Nous arbitrons entre les différents usages en sectorisant les enjeux. Ainsi, nous distinguons les espaces plus particulièrement dédiés à l'exploitation forestière, à l'exploitation minière, à l'accueil du public, à la préservation de la biodiversité ou de la ressource en eau.

Le code forestier confie la rédaction et la préparation de cet aménagement forestier à l'ONF. Toutefois, cela nécessite tout naturellement une concertation étroite avec le propriétaire (le cas échéant, pour les forêts des collectivités) et les différentes parties intéressées (communes de situation dans le cas des forêts domaniales, associations d'usagers, etc.). Les documents d'aménagement sont ensuite arrêtés par l'autorité administrative, via un arrêté ministériel ou préfectoral. Ce cadre général s'adapte aux spécificités du territoire guyanais : un espace vaste, essentiellement boisé et relevant très majoritairement du domaine privé de l'État.

En Guyane, l'ONF assure la gestion d'un patrimoine forestier supérieur à six millions d'hectares. Il assure également l'approvisionnement d'une filière bois générant un chiffre d'affaires annuel de 75 millions d'euros, hors industrie de la biomasse. Le secteur représente 830 emplois directs et 1 245 emplois induits. Il s'agit donc d'une filière structurée et productrice de richesses pour le territoire. De plus, son potentiel de développement est élevé et prometteur, notamment avec l'émergence d'une importante filière de biomasse.

Les massifs forestiers ouverts à l'exploitation forestière sont clairement identifiés dans les documents de planification de l'aménagement du territoire. En particulier, le SAR identifie deux millions d'hectares d'« espaces forestiers de développement », ouverts à l'exploitation forestière. Ces terrains sont juxtaposés à des espaces forestiers à vocation principale de conservation et d'espaces forestiers destinés à être convertis en zones de développement agricole ou urbain.

Par ailleurs, une activité minière légale importante se développe sur les terrains gérés par l'ONF. L'action de l'Office y est plus limitée puisqu'il s'agit d'un régime de concession : l'État concède des titres miniers à des opérateurs. Cependant, l'ONF est chargé d'encourager l'exploitation, sur des fondements de recherche de rentabilité économique et de respect des milieux et des autres usagers. En particulier, l'ONF se montre très impliqué dans la lutte contre l'orpaillage illégal. Ce dernier affecte gravement les milieux et la pérennité économique de la filière légale. Enfin, le patrimoine forestier géré par l'ONF constitue également un support de développement de l'écotourisme. Cette activité demeure embryonnaire pour le moment. Cependant, son avenir est prometteur.

En conclusion, l'action de l'ONF et la mise en oeuvre d'outils de planification conformes aux grands schémas d'aménagement (SAR, SCOT, schéma de cohérence écologique, trame verte et bleue...), permettent d'anticiper et d'aplanir les conflits d'usage. Certes, l'action de l'ONF présente un coût important. En Guyane, le déficit financier de l'ONF atteint 2,4 millions d'euros, soit 25 euros par m² vendu. L'ONF étant un opérateur national, des mécanismes de péréquation et de solidarité permettent une compensation.

Les arbitrages suscitent parfois des mécontentements. Par exemple, la fermeture des pistes forestières à la circulation publique est très contestée. Je signale que des projets de plantations forestières à grande échelle, souhaités par des acteurs de la filière bois, risquent de se heurter à des problèmes de disponibilité foncière et d'interférences conflictuelles avec des zones à vocation agricole ou de conservation environnementale.

Je précise enfin qu'en cas de transferts fonciers vers les collectivités territoriales ou des opérateurs privés, le code forestier continue de s'appliquer. Les principes de planification de la gestion forestière, détaillés dans le code forestier, restent aussi valables dans une moindre mesure pour la propriété forestière privée.

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