Intervention de Joëlle Prévot-Madère

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 23 novembre 2016 : 1ère réunion
Foncier dans les outre-mer — Audition en visioconférence avec la guyane

Joëlle Prévot-Madère, présidente de la CGPME Guyane :

Je souhaite appuyer mon propos sur des données statistiques. La superficie de la Guyane atteint 83 534 km², dont 76 211 km², soit 91 % du territoire, constituent des zones protégées au titre d'une multitude de dispositifs : zones de coeur et de libre adhésion au PAG, PNR, réserves naturelles, Conservatoire du littoral, arrêtés de biotope, ZNIEFF et enfin RAMSAR pour les zones humides.

Il reste 9 % non classés, mais tous ces terrains ne sont pas mobilisables. L'État possède 95,2 % du territoire guyanais, comme le rappelait votre premier rapport de 2015 sur le domaine de l'État. Les 4,8 % restants du territoire constituent des zones déjà occupées et habitées, appartenant à des propriétaires privés, les collectivités ne disposant quasiment pas de foncier. Encore faut-il considérer les phénomènes d'indivision et de carence de titrement que vous avez analysés dans votre deuxième rapport de 2016 sur les titres de propriété. Cette accumulation de contraintes explique largement les difficultés considérables rencontrées pour développer l'agriculture et pour accéder à des terrains disponibles pour du logement, en particulier social. Comme l'a souligné la SIMKO, les terrains disponibles - de droit privé sans être en indivision - présentent un coût trop élevé. Par conséquent, on ne peut répondre à la demande en matière de logement social. Je me suis rapprochée de la Chambre d'agriculture qui m'a transmis les éléments suivants. Parmi les 50 000 hectares environ du domaine de l'État mis à disposition de personnes à des fins agricoles, 27 000 hectares seulement sont effectivement utilisés pour de la production agricole. Par conséquent, que faire pour traiter les autres demandes de terrain ? En particulier, de la part de jeunes souhaitant s'installer. De plus, les terrains les plus facilement accessibles et valorisables ont déjà été accordés. Il faut donc aller de plus en plus loin, s'enfoncer de plus en plus profondément dans la forêt pour réaliser des attributions foncières. Dans ces espaces plus reculés, le coût du déboisement atteint 3 500 à 5 000 euros par hectare. De tels prix s'avèrent prohibitifs pour les jeunes agriculteurs qui se lancent.

La chambre d'agriculture a estimé que l'EPAG avait accompagné de manière satisfaisante une opération à Wayabo. Cependant, l'opération n'a pu être menée jusqu'au bout, puisque l'électrification n'a pu être mise en place alors qu'elle est essentielle. En Guyane, lorsqu'un jeune agriculteur obtient un terrain, ce dernier est boisé, dépourvu d'accès à l'eau et à l'électricité et de toute voirie. Par conséquent, il s'avère extrêmement difficile et lourd de développer l'agriculture guyanaise dans de telles conditions.

Comment développer plus solidement l'agriculture guyanaise à l'horizon 2030 ? La Chambre d'agriculture s'est penchée sur le sujet et a établi une projection, principalement sur la filière d'élevage. Pour les bovins, l'objectif consiste à parvenir à 50 % de taux d'occupation de surface, contre 17,3 % actuellement. La cible de 50 % est la même pour les porcins, elle est fixée à 30 % pour les ovins et 20 % pour les volailles. À cet effet, il faudrait installer 100 agriculteurs par an et attribuer globalement 3 200 hectares par an, sachant que l'État reste maître de 400 000 hectares mobilisables environ.

En ce qui concerne les logements, je me suis rapprochée de la cellule économique régionale de la construction de la Guyane (CERC Guyane). Ils ont vérifié les données relatives aux volumes de logements sortis et aux démarrages de chantier. Il semblerait que la CERC commence à être rassurée. Elle s'inquiétait de constater que le volume d'appels d'offres n'avait cessé de diminuer depuis 2012, soit bien avant le début de la crise du logement en 2014. Par conséquent, la filière ne vivait depuis 18 à 24 mois que sur des stocks accumulés lors des pics de construction de 2011 et 2012. L'année 2015 s'est révélée catastrophique et les stocks de travaux s'étaient épuisés. Cependant, la reprise est apparue en 2016. En effet, le volume d'appels d'offres, en termes d'ordres de services (OS) et de démarrages de chantier (DEM) atteint déjà en novembre 2016 un niveau supérieur à l'année entière de 2015. La demande redémarre. L'augmentation de la ligne budgétaire unique (LBU) versée ces deux dernières années commence à porter ses fruits. Il est donc impératif que, non seulement son montant ne diminue pas, mais encore qu'il continue d'augmenter. En effet, les besoins demeurent considérables. L'objectif est de parvenir à 3 500 nouveaux logements par an.

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