Intervention de Sylvie Le Maire

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 24 novembre 2016 : 1ère réunion
Foncier dans les outre-mer — Audition en visioconférence avec la réunion

Sylvie Le Maire, déléguée générale du Syndicat du sucre de La Réunion :

Nous répondrons à vos questions en tant qu'usagers du foncier agricole. La filière canne-sucre représente le tiers de la production agricole de l'île, avec une filière agroindustrielle intégrée : la canne est produite et transformée dans l'île en sucre, avec valorisation des coproduits et des sucres spéciaux.

L'enjeu foncier est majeur pour l'agriculture. La Réunion a une surface de 2 500 km2, mais seulement un tiers de son foncier est utilisable : 62 % du territoire est recouvert de bois et de forêts - contre 40 % en métropole. Dans cet espace, la surface agricole utile (SAU) représente 42 000 hectares, pour un objectif de 50 000 hectares affiché dans tous les documents de planification : le SAR bien sûr, et le programme régional d'agriculture et d'agroalimentaire durable.

Ces 50 000 hectares ne sont pas atteints. Les conflits d'usage n'apparaissent pas au sein de la filière agricole qui répond, à La Réunion, à un modèle social et familial articulé autour de cultures complémentaires : d'une part la canne à sucre, pour l'export notamment, d'autre part la diversification, tant animale que végétale, à destination du marché local. La pression s'exerce majoritairement entre l'agricole et l'urbain, avec une croissance démographique encore nette. Il faut trouver un mode optimisé d'organisation pour préserver les terres agricoles tout en développant les logements pour accueillir la population. Nous n'avons pas trop de terres agricoles : la SAU représente 16 % du territoire, contre 54 % en France métropolitaine.

Oui, le foncier est un paramètre limitant. Les gains de compétitivité passent par une augmentation du foncier. Or, nous n'avons pas la capacité d'accroître fortement le foncier agricole qui se stabilise depuis une dizaine d'années à 42 000 hectares. Aujourd'hui, lorsqu'on libère du foncier pour installer un agriculteur, il y a sept à huit candidats pour un seul terrain. L'espace reste limité pour répondre à la demande.

Nous souhaitons que la ville se construise sur la ville, pour éviter de déclasser des terres. Les pertes foncières ont été très importantes dans les années 1980 et 1990. Deux documents ont permis de stabiliser le foncier : le SAR de 1995, puis celui de 2011. La filière canne couvrait plus de 28 000 hectares en 1980, avant de chuter à 25 000 hectares en 2000. Désormais, grâce aux grands projets d'irrigation et de basculement des eaux d'Est en Ouest, nous avons stabilisé la surface agricole cannière autour de 24 000 hectares. Les deux SAR successifs prenant en compte l'importance du foncier ont évité des dérives, même si tous les risques ne sont pas supprimés. Selon les deux scénarios extrêmes envisagés à titre d'hypothèses par le SAR, à horizon 2030, 6 à 34 % des terres pourraient être perdues. Autant le SAR est un document régional d'encadrement qui circonscrit les pertes foncières, autant on peut craindre actuellement des pertes importantes en fonction de la gestion effective des outils de planification et de présentation du foncier agricole.

La pression foncière est beaucoup plus importante près des grands centres urbains comme Saint-Denis et Saint-Pierre. La taille des parcelles est un autre paramètre. La zone de l'Est résiste mieux à la pression foncière, avec des parcelles plus structurées, à la différence du Sud avec un parcellaire plus réduit, territoire plus fragile du point de vue de l'unité des terres agricoles.

La filière canne représente 57 % de la SAU. Nous n'avons pas atteint nos objectifs : nous voulons reconquérir plus de foncier, sans en perdre. Une des solutions serait de mobiliser les 5 à 7 000 hectares de terres agricoles en friche. Reconquérir les terres incultes en améliorant les procédures est une priorité. Il faut aussi recenser le foncier urbain disponible. L'année dernière, 5 800 hectares de dents creuses se trouvaient dans les villes. Certaines intercommunalités veulent construire dans ces dents creuses, comme le Territoire de la côte Ouest. Un travail fin sur ces espaces optimisera le foncier disponible, notamment en commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), afin d'examiner ensemble les permis de construire sur les terres agricoles.

Autre élément-clé de la loi d'avenir agricole, le dispositif « éviter-réduire-compenser » (ERC) est en cours de mise en place à La Réunion, avec une analyse du foncier préalable pour choisir des terres qui pénalisent le moins l'agriculture, avant de réduire l'impact et de compenser, si possible à potentiel productif constant. La tentation est grande de prendre les terres du littoral les plus plates et les plus faciles d'accès pour les remplacer par les terres de moyenne ou haute altitude ; mais le potentiel agricole n'est pas le même pour le jeune agriculteur qui s'y installe. Aujourd'hui, on produit en moyenne 76 tonnes de canne par hectare. Sur les terres déclassées, en moyenne, on arrive à 90 tonnes par hectare : ce sont les meilleures terres de production qui sont remplacées par des terres moins productives.

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