Intervention de Yannick Bodin

Réunion du 5 mai 2009 à 15h00
Débat sur la formation des hauts fonctionnaires de l'état

Photo de Yannick BodinYannick Bodin :

Les constats sont sensiblement identiques, voire plus préoccupants, s’agissant du recrutement des hauts fonctionnaires. La diversité sociale dans les hautes écoles de l’administration est particulièrement faible. Comme vous le savez, à l’entrée en classe de sixième, le taux d’élèves issus des milieux populaires est de 45 %. Et cette proportion tombe à 13 % à l’entrée des classes préparatoires aux grandes écoles !

D’ailleurs, ce qui est vrai pour les grandes écoles l’est également pour l’enseignement supérieur en général, c’est-à-dire pour l’université. En effet, aujourd’hui, à peine 33 % des enfants issus des classes modestes accèdent à l’enseignement supérieur à la sortie du baccalauréat. Et seulement 16 % d’entre eux obtiennent les diplômes les plus élevés à l’université.

En d’autres termes, l’« ascenseur social » est en panne depuis trop longtemps, ce qui a des conséquences sur la motivation des élèves. Un phénomène d’autocensure s’est ainsi développé parmi les classes les moins favorisées s’agissant de l’accès aux grandes écoles ou aux plus hautes sphères de l’administration. Cette autocensure est d’ordre à la fois socioculturel et psychologique et elle renvoie à la défaillance de notre système d’orientation.

Et cela n’est pas sans conséquences pour notre pays. Le mode de reproduction des élites handicape les administrations et les entreprises, car celles-ci ne peuvent pas trouver au sein du vivier des jeunes diplômés la diversité des talents et des personnalités qu’elles souhaitent recruter. Notre pays ne peut pas être dirigé par des personnes qui sont pour l’essentiel issues des mêmes milieux socioculturels, au demeurant souvent éloignés du quotidien vécu par le plus grand nombre.

Notre administration tout comme nos entreprises doivent être dirigées par des personnes ayant, certes, des compétences exemplaires, mais connaissant également la réalité du monde dans lequel elles vivent. La mixité sociale est un devoir de justice au service de l’égalité des chances, mais c’est aussi une chance et un enrichissement pour notre société. Le phénomène d’endogamie de nos élites est au contraire injuste et pénalisant.

Nous devons avoir une volonté de fer pour que l’autocensure recule et que les instances dirigeantes de notre pays puissent refléter la France réelle, et non reproduire indéfiniment les mêmes élites.

Ainsi, la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles a nettement régressé ces dernières décennies. Le taux d’élèves issus des catégories sociales défavorisées est passé sous la barre de 10 %, contre 30 % d’enfants d’enseignants ou issus de milieux sociaux aisés. Entre 1945 et 1970, il y a eu une certaine démocratisation dans le renouvellement des élites. Mais, il faut le reconnaître, cette démocratisation s’est interrompue dans les années qui ont suivi.

Le constat est encore plus lourd dans les plus grandes écoles de formation des fonctionnaires : la diversité sociale y est pratiquement inexistante. Je vous en fournirai un seul exemple : cette année, à l’ENA, sur 162 parents d’élèves, seulement 4 sont ouvriers !

La conséquence est simple. Les futurs fonctionnaires actuellement scolarisés à l’ENA ne sont pas suffisamment représentatifs de la diversité de la population française.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion