En effet, la formation des administrateurs de la fonction publique a des conséquences non seulement sur la vie politique, mais également sur la vie quotidienne de tous nos concitoyens. Je regrette donc que les principes juridiques de répartition des pouvoirs fassent relever un tel sujet du décret.
Je le comprends, le débat sur une éventuelle suppression du classement de sortie part d’une réflexion que nous nous faisons tous. Les résultats obtenus par de jeunes fonctionnaires âgés de vingt-trois ou vingt-quatre ans lors de leur sortie de l’ENA façonnent la suite de leur carrière. En d’autres termes, leur perspective d’évolution professionnelle est déterminée dès cet âge. Je comprends donc que le Président de la République souhaite un réexamen, voire un changement, de cette situation.
De surcroît, le classement de sortie fige la carrière non seulement de ces jeunes fonctionnaires, mais également de tous les membres de l’administration. En effet, nombre de fonctionnaires, qui aimeraient bien occuper certains postes, savent d’emblée que les places convoitées seront certainement occupées par des diplômés de l’ENA.
Je comprends donc parfaitement les interrogations qu’un tel état de fait suscite et la position du Gouvernement. Je pense également qu’il était fondamental d’aborder le problème du classement de sortie pour envisager une réforme du système.
Évidemment, le classement de sortie de l’ENA conditionnait l’accès aux grands corps – la Cour des comptes, le Conseil d’État et l’Inspection des finances – ainsi qu’aux préfectures et au Trésor.
L’accès aux grands corps non seulement permettait d’exercer des responsabilités importantes, mais conférait aussi une promotion sociale. On appartenait à « l’énarchie », terme inventé à l’époque par Jean-Pierre Chevènement dans son livre L'Énarchie ou les Mandarins de la société bourgeoise. Souvenez-vous, on se moquait des jeunes provinciaux débarqués à Paris, qui réussissaient l’ENA et achetaient des Weston, s’habillaient chez Boston Brothers à New York, pour montrer qu’ils étaient dans le moule de l’ENA et avaient réussi socialement.
Les grands corps ont été mis en place en vertu d’une sorte de contrat social entre les hauts fonctionnaires et la nation.