Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Réunion du 19 décembre 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté » :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le processus législatif de coconstruction, qui aura été si souvent proposé par le Gouvernement au Sénat depuis 2014, aura finalement été soumis à rude épreuve, pour ne pas dire qu’il aura été complètement superflu, tant la prise en compte du travail du Sénat est réduite comme peau de chagrin.

Le projet de loi Égalité et citoyenneté et, tout particulièrement, le titre II relatif au logement, à la mixité sociale et à l’habitat dont j’ai eu l’honneur d’être la rapporteur, illustre malheureusement tout le mépris des députés et leur refus de conserver, autant que faire se peut, les dispositions destinées à répondre au diagnostic formulé par le Sénat.

Au cours de la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons acté notre désaccord sur ce texte et l’impossibilité de trouver tout compromis avec les députés. Le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale à l’issue de la nouvelle lecture est donc sensiblement le même que celui qu’a examiné le Sénat au cours de l’été.

En effet, les députés ont jugé bon de ne pas entrer dans le détail de notre travail, préférant une approche dogmatique, balayant les apports du Sénat d’un revers de la main en les caricaturant grossièrement et agitant des chiffons rouges sur le logement social, par exemple.

Justement, confronté à de nouvelles mesures démagogiques en matière de logement social, le Sénat a proposé de nombreux assouplissements portant sur les lois SRU ou ALUR, notamment. Il a cherché à les adapter à la réalité de nos territoires, sans jamais imposer la suppression des dispositifs existants ni exiger l’exonération des sanctions.

Je déplore le manque de réflexion de l’Assemblée nationale à propos d’une mesure pragmatique et réaliste, celle du contrat d’objectifs et de moyens passé entre le maire et le préfet pour atteindre les objectifs de construction de logements sociaux. Cette disposition aurait permis de combattre les difficultés constatées en matière d’habitat dans les départements les plus tendus.

De plus, la création de ce contrat aurait contribué à envoyer un signal fort : il permet enfin de tenir compte des spécificités de chaque territoire, alors même que les obligations actuellement inscrites dans la loi sont intenables, ainsi qu’en témoignent régulièrement les maires. Du reste, ces derniers n’ont pas à être montrés du doigt au seul prétexte que quelques-uns d’entre eux, peu nombreux, s’affranchiraient de tout effort en matière de construction de logements sociaux.

Si nos positions sont irréconciliables, c’est que notre constat n’est pas le même. Le raisonnement du Sénat se distingue par un souci de réalisme. En effet, il nous semble temps de mettre fin à une politique du logement essentiellement comptable et bien trop idéologique, qui s’appuie sur l’obligation faite aux collectivités de respecter des quotas excessifs et contre-productifs !

Bien loin d’entretenir la défiance, notre conception se distingue par la volonté d’aider des élus courageux, qui se mobilisent face à toujours plus de sanctions, malgré un arsenal important d’obligations et de contraintes. À Nice, par exemple, nous avons construit plus de 4 200 logements sociaux entre 2010 et 2015, bien que l’objectif fixé par la loi SRU soit inatteignable sur notre territoire, et ce au regard des contraintes géographiques, du plan de prévention des risques d'inondation, de la loi Littoral, de la loi Montagne, de la zone antisismique…

Certes, compte tenu des efforts consentis ces dernières années, la ville et la métropole ne paient plus de pénalités. Toutefois, ce n’est en rien le résultat du triomphe de la contrainte ou de la menace, mais bien le fruit du volontarisme politique, de notre résolution à faire en sorte que chacun de nos concitoyens puisse avoir accès à un logement abordable sur tous les segments du marché du logement.

Contrairement au Sénat, qui a adopté un texte équilibré permettant de passer d’une logique de sanction où l’État demande aux élus locaux de pallier l’inefficacité des politiques publiques nationales en matière de logement à une logique contractuelle, programmatique et pragmatique, où l’État accompagnerait les élus pour les aider à atteindre des objectifs adaptés, l’Assemblée nationale a préféré voter un texte déconnecté, inapplicable et, une nouvelle fois, conçu et appréhendé depuis Paris, très loin de ce qu’il ambitionnait, c’est-à-dire refaire société à travers l’égalité des chances et la mixité sociale dans l’habitat !

Dès lors que le logement est l’un des premiers motifs d’inquiétude pour bon nombre de nos concitoyens, il ne nous paraît pas opportun de rigidifier davantage la loi ou de détourner les élus de leurs prérogatives, d’autant plus que les solutions les plus adaptées se trouvent très souvent au niveau de nos territoires et devraient s’articuler avec les décisions locales, que ce soit en matière d’urbanisme, de transports ou de services.

Mes chers collègues, vous l’avez compris, je ne compte pas dresser la liste exhaustive de tous nos points de désaccord, car nos divergences sont bien trop nombreuses et trop profondes.

Il nous paraît désormais inutile de poursuivre un dialogue à sens unique. C’est pourquoi nous vous soumettons, M. le président de la commission spéciale, Mme la rapporteur Françoise Gatel et moi-même, une motion tendant à opposer la question préalable.

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