Au cours de l'examen du rapport sur ce projet de loi, il y a deux semaines, je vous avais proposé d'adopter conforme le texte transmis par l'Assemblée nationale, tout en indiquant qu'il conviendrait de réserver la question des suites à donner à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui devait intervenir le lendemain.
Dans sa décision du 8 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré plusieurs dispositions contraires à la Constitution, estimant que celles-ci avaient été adoptées selon une procédure irrégulière et les considérant dépourvues de tout lien, avec les dispositions du projet de loi.
C'est notamment le cas du dispositif relatif au droit de résiliation et de substitution annuel de l'assurance-emprunteur dans les crédits immobiliers, adopté à l'unanimité par les députés en nouvelle lecture. Cette censure n'est pas une surprise, puisque nous avions considéré, à l'initiative du rapporteur de ce texte, Daniel Gremillet, que cette disposition contrevenait à la règle de l'entonnoir. Cette position a suscité de vives protestations, au sein même de cet hémicycle, mais force est de constater que nous avions fait preuve, ce faisant, de la plus grande lucidité...
La décision du Conseil constitutionnel permet aujourd'hui au Sénat d'aborder à nouveau cette question, dans un texte et à un stade de la procédure où elle a pleinement sa place. J'ai donc procédé, en ma qualité de rapporteur de ce texte, tout en y associant Daniel Gremillet, à des auditions des parties prenantes.
À leur issue, il me semble plus qu'opportun d'introduire davantage de concurrence dans un secteur où la prédominance de certains acteurs génère des profits dont le montant n'est pas proportionné au service rendu aux consommateurs par les produits d'assurances qui leur sont proposés.
Les marges sur l'assurance-emprunteur représentent une manne de trois milliards d'euros. Elles sont de 50 % en moyenne sur les contrats de groupe et atteignent 70 % pour les souscripteurs les plus jeunes. Ce niveau de profit - sans commune mesure avec ce qui existe dans d'autres secteurs de l'assurance - n'est pas acceptable.
Le marché de l'assurance-emprunteur souffre d'une situation où les banques sont en situation de prédominance structurelle dont, à l'évidence, elles tirent profit - sans doute, du reste, pour équilibrer une distribution de crédit qui génère elle-même peu de marges vu les taux d'intérêt consentis. Les emprunteurs sont heureux de souscrire des prêts à des taux bas mais, en contrepartie, le tarif de l'assurance est élevé.
La loi relative à la consommation, en 2014, a timidement ouvert le marché à la concurrence en autorisant une substitution d'assurance pendant un délai d'un an à compter de la signature de l'offre de prêt. Le récent rapport du comité consultatif du secteur financier a montré que cette ouverture avait conduit à une diminution d'ensemble de 8 % du montant des primes, la baisse pouvant atteindre 20 % dans certains cas. La concurrence apparaît donc bénéfique. Mais la loi reste trop imprécise pour jouer pleinement.
Aller plus loin dans la concurrence, en instaurant, comme c'est le cas pour les autres contrats d'assurance hors assurance sur la vie, un droit de résiliation et de substitution annuel, devrait donc renforcer cette baisse de prix. Certaines projections font ainsi état d'un gain de 500 € par an pour les emprunteurs.
Une concurrence accrue ne risque-t-elle pas, cependant, de fragiliser davantage les emprunteurs « à risque » ? Les données disponibles conduisent à répondre par la négative. En particulier, les résultats techniques concernant les risques aggravés de santé apparaissent systématiquement meilleurs que l'ensemble d'un portefeuille d'assurance-emprunteur. Le risque de démutualisation est donc discutable.
Ceux qui pratiquent des tarifs bas offrent souvent une meilleure couverture que ceux qui pratiquent des taux plus élevés. Il s'agit de grandes compagnies d'assurance, comme la Maif ou la Macif, et non pas d'assureurs low cost.
Je vous soumettrai donc un amendement (AFFECO.8) qui ouvre un droit de résiliation annuel. Pour autant, il conviendra d'être vigilant sur le suivi des effets concrets de la réforme et d'en prévoir une évaluation à deux ans par le comité consultatif du secteur financier, mais aussi, le cas échéant, dans notre enceinte.
Je propose, si le président en est d'accord, que notre commission se prononce en priorité sur cet amendement. Les autres amendements que je vous soumettrai, rédactionnels ou de coordination pour l'essentiel, seraient ainsi examinés dans un second temps.
Il en est ainsi décidé.