Commission des affaires économiques

Réunion du 21 décembre 2016 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • assurance-emprunteur
  • substitution

La réunion

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La réunion est ouverte à 9 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Permettez-moi tout d'abord de souhaiter la bienvenue à notre nouveau collègue, Pierre Cuypers, qui devient membre de la commission en remplacement de Michel Houel.

Nous examinons aujourd'hui les amendements au texte de la commission sur le projet de loi ratifiant les ordonnances du 14 mars 2016 et du 25 mars 2016 en matière de droit de la consommation.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Au cours de l'examen du rapport sur ce projet de loi, il y a deux semaines, je vous avais proposé d'adopter conforme le texte transmis par l'Assemblée nationale, tout en indiquant qu'il conviendrait de réserver la question des suites à donner à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui devait intervenir le lendemain.

Dans sa décision du 8 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré plusieurs dispositions contraires à la Constitution, estimant que celles-ci avaient été adoptées selon une procédure irrégulière et les considérant dépourvues de tout lien, avec les dispositions du projet de loi.

C'est notamment le cas du dispositif relatif au droit de résiliation et de substitution annuel de l'assurance-emprunteur dans les crédits immobiliers, adopté à l'unanimité par les députés en nouvelle lecture. Cette censure n'est pas une surprise, puisque nous avions considéré, à l'initiative du rapporteur de ce texte, Daniel Gremillet, que cette disposition contrevenait à la règle de l'entonnoir. Cette position a suscité de vives protestations, au sein même de cet hémicycle, mais force est de constater que nous avions fait preuve, ce faisant, de la plus grande lucidité...

La décision du Conseil constitutionnel permet aujourd'hui au Sénat d'aborder à nouveau cette question, dans un texte et à un stade de la procédure où elle a pleinement sa place. J'ai donc procédé, en ma qualité de rapporteur de ce texte, tout en y associant Daniel Gremillet, à des auditions des parties prenantes.

À leur issue, il me semble plus qu'opportun d'introduire davantage de concurrence dans un secteur où la prédominance de certains acteurs génère des profits dont le montant n'est pas proportionné au service rendu aux consommateurs par les produits d'assurances qui leur sont proposés.

Les marges sur l'assurance-emprunteur représentent une manne de trois milliards d'euros. Elles sont de 50 % en moyenne sur les contrats de groupe et atteignent 70 % pour les souscripteurs les plus jeunes. Ce niveau de profit - sans commune mesure avec ce qui existe dans d'autres secteurs de l'assurance - n'est pas acceptable.

Le marché de l'assurance-emprunteur souffre d'une situation où les banques sont en situation de prédominance structurelle dont, à l'évidence, elles tirent profit - sans doute, du reste, pour équilibrer une distribution de crédit qui génère elle-même peu de marges vu les taux d'intérêt consentis. Les emprunteurs sont heureux de souscrire des prêts à des taux bas mais, en contrepartie, le tarif de l'assurance est élevé.

La loi relative à la consommation, en 2014, a timidement ouvert le marché à la concurrence en autorisant une substitution d'assurance pendant un délai d'un an à compter de la signature de l'offre de prêt. Le récent rapport du comité consultatif du secteur financier a montré que cette ouverture avait conduit à une diminution d'ensemble de 8 % du montant des primes, la baisse pouvant atteindre 20 % dans certains cas. La concurrence apparaît donc bénéfique. Mais la loi reste trop imprécise pour jouer pleinement.

Aller plus loin dans la concurrence, en instaurant, comme c'est le cas pour les autres contrats d'assurance hors assurance sur la vie, un droit de résiliation et de substitution annuel, devrait donc renforcer cette baisse de prix. Certaines projections font ainsi état d'un gain de 500 € par an pour les emprunteurs.

Une concurrence accrue ne risque-t-elle pas, cependant, de fragiliser davantage les emprunteurs « à risque » ? Les données disponibles conduisent à répondre par la négative. En particulier, les résultats techniques concernant les risques aggravés de santé apparaissent systématiquement meilleurs que l'ensemble d'un portefeuille d'assurance-emprunteur. Le risque de démutualisation est donc discutable.

Ceux qui pratiquent des tarifs bas offrent souvent une meilleure couverture que ceux qui pratiquent des taux plus élevés. Il s'agit de grandes compagnies d'assurance, comme la Maif ou la Macif, et non pas d'assureurs low cost.

Je vous soumettrai donc un amendement (AFFECO.8) qui ouvre un droit de résiliation annuel. Pour autant, il conviendra d'être vigilant sur le suivi des effets concrets de la réforme et d'en prévoir une évaluation à deux ans par le comité consultatif du secteur financier, mais aussi, le cas échéant, dans notre enceinte.

Je propose, si le président en est d'accord, que notre commission se prononce en priorité sur cet amendement. Les autres amendements que je vous soumettrai, rédactionnels ou de coordination pour l'essentiel, seraient ainsi examinés dans un second temps.

Il en est ainsi décidé.

Article additionnel après l'article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

L'amendement n° AFFECO.8 ouvre un droit de résiliation et de substitution annuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Je remercie le rapporteur de m'avoir associé à ses auditions. Son analyse rejoint celle qui était la mienne sur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Sapin 2). La censure du Conseil constitutionnel n'est pas une surprise. La disposition contrevenait au principe de l'entonnoir. Les débats avaient été vifs en séance.

Toutefois, je suis un peu gêné par cet amendement. Nous avons beaucoup échangé avec le rapporteur, mais hier il n'était question que des contrats qui seraient signés à partir du 1er mars 2017. Or l'amendement présenté vise tous les contrats en cours. Il est juridiquement dangereux de ne pas faire de distinction entre les nouveaux contrats et ceux qui ont déjà été signés. Le groupe Les Républicains est favorable au dispositif proposé pour les nouveaux contrats. Laissons-nous du temps pour réfléchir à la question des contrats en cours. Je n'ai pas eu communication de l'amendement avant la réunion. Il n'est pas en ligne non plus, même s'il semble que certains en aient eu connaissance, notamment des groupes de pression...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je ne retrouve pas non plus dans cet amendement le contenu de nos échanges d'hier...

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Nous avons eu une discussion hier soir avec MM. Gremillet et Lenoir. Cet amendement a été finalisé ce matin et n'a pas été divulgué. Nous nous interrogions sur le stock. Nous pensions acter le principe de la substitution annuelle, sans entrer dans le détail des conditions de son application dans le temps, laissant le cas échéant le Gouvernement ou d'autres déposer un amendement pour régler cette question. Cependant, huit millions de contrats sont concernés, et une personne qui aurait signé son contrat il y a un peu plus d'un an ne pourrait plus le renégocier. La loi Hamon est insuffisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Cet amendement est-il conforme à la Constitution ? Les contrats signés lient les parties.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

C'est le problème. J'ai beaucoup travaillé sur ce sujet dans la loi Sapin 2. J'étais tenté d'aller dans la voie du rapporteur mais je sais que cette mesure est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ne prenons pas de risque. Rien n'indique que l'on puisse rompre un contrat signé. Clarifions la situation pour les futurs contrats. En 2014, le Sénat avait demandé au Gouvernement une étude, qui doit être remise en mars 2017. Attendons ses conclusions et créons un groupe de travail pour travailler sur le stock.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

L'idée de l'amendement est bonne mais il est juridiquement incertain : peut-on modifier les contrats existants ? Ensuite, il faudrait préciser si les contrats d'assurance visés sont exclusivement les contrats souscrits par des particuliers ou bien ceux souscrits par des sociétés. Réglons la question des contrats à venir et laissons-nous du temps pour trouver les moyens de traiter le stock.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bosino

Ces contrats d'assurance-emprunteur constituent un scandale. Une personne qui a été malade il y a des années, pour peu que son compagnon ait aussi des problèmes de santé, sera contrainte de signer un contrat d'assurance qui coûtera plus cher que son crédit ! C'est inacceptable. Nous souscrivons à la proposition de M. Gremillet, mais à condition de fixer un délai pour rendre nos conclusions: il ne faudrait pas que l'on crée une commission pour enterrer le problème...

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Je salue le travail remarquable de MM. Bourquin et Gremillet. Dès lors que l'on s'attaque au lobby bancaire, beaucoup de résistances se manifestent. Au législateur de faire son travail. Le risque de démutualisation est limité. C'est l'essentiel. Le but de ce texte était de revoir l'existant et de traiter les contrats en cours. J'espère que nous adopterons une position unanime sur ce sujet. Inutile de créer un groupe de travail qui rendrait ses conclusions dans un an. Il suffit d'interroger le Gouvernement pour savoir si l'effet rétroactif est inconstitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Inutile d'interroger le Gouvernement : cet amendement est inconstitutionnel ! Créer un groupe de travail n'enterrera pas le sujet. Le travail en binôme, associant majorité et opposition, est un gage d'efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Les taux d'intérêt remonteront bientôt et l'effet du dispositif restera trop circonscrit si nous n'intervenons pas sur le stock, certaines situations sont anormales. Le législateur doit intervenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Un groupe de travail ? Je crains que notre capacité d'intervention ne soit bien faible une fois que l'on aura ouvert à la concurrence. Les jeunes auront intérêt à renégocier leur assurance-emprunteur ; cela entrainera une hausse globale des tarifs pour les autres. L'âge est considéré comme un facteur de risque dans les contrats d'assurance. Ne faudrait-il pas limiter l'écart-type du prix des assurances en fonction de l'âge ? Il faut le faire maintenant, sinon, ce critère creusera les inégalités, et il sera trop tard pour y remédier. L'enjeu est d'ouvrir à la concurrence tout en garantissant la mutualisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Notre souci, en réfléchissant à une baisse des taux d'assurance-emprunteur, était d'éviter la démutualisation des risques dont les plus faibles pâtiraient. Ceux qui ont ou ont eu un grave problème de santé sont couverts par la convention Aeras. Je m'attendais à ce que le taux de risque s'élève à 40 % ou 50 %, il n'est que de 18 % ! Il n'y a donc pas démutualisation. Les assureurs alternatifs aux banques nous ont indiqué qu'ils étaient moins chers et qu'ils couvraient mieux les risques.

L'amendement, qui s'inscrit dans le code de la consommation, vise les particuliers, les artisans, les entrepreneurs, mais pour leurs besoins non professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Leur régime est spécifique. Il ne peut être traité ici car nous nous inscrivons dans le code de la consommation.

Il est bon que nous avancions ensemble sur ce sujet d'intérêt général, comme nous l'avions fait pour l'urbanisme, afin de nous assurer que notre texte est juridiquement solide. Les juristes sont très partagés sur l'application dans le temps du dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je propose une suspension de séance.

La réunion est suspendue à 10h05 et reprend à 10h15.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Je propose de rectifier l'amendement n° AFFECO.8 en ajoutant un alinéa ainsi rédigé : « Les dispositions du présent article s'appliquent aux offres émises à compter du 1er mars 2017. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

En outre, un groupe de travail sera constitué autour de Daniel Gremillet et Martial Bourquin pour réfléchir à la question des contrats en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Le groupe socialiste n'exclut pas de déposer un sous-amendement à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Quid de l'application de ce droit aux sociétés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Il faut rester dans le champ du code de la consommation qui ne concerne que les particuliers, à des fins non professionnelles.

L'amendement n° AFFECO.8 ainsi rectifié est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Procédons maintenant à l'examen des autres amendements.

Article 2 bis

L'amendement de coordination n° AFFECO.1 est adopté.

Article additionnel après l'article 2 bis

L'amendement n° AFFECO.2 est adopté.

Article 3

Les amendements n° AFFECO.3 et n° AFFECO.4 sont adoptés.

Article additionnel après l'article 3

L'amendement n° AFFECO.5 est adopté.

Article 4

Les amendements rédactionnels n° AFFECO.6 et n° AFFECO.7 sont adoptés.

Article 6

Les amendements rédactionnels n° AFFECO.9, n° AFFECO.10 et n° AFFECO.11 sont adoptés.

Article additionnel après l'article 11

L'amendement de coordination n° AFFECO.12 est adopté.

Article 12

L'amendement n° AFFECO.13 est adopté.

Le compte rendu de cette audition sera publié ultérieurement.