Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat sur la politique de l’État en matière de gestion des ressources halieutiques et des pêches intervient alors que nous sommes pris dans un tourbillon de « Grenelles ».
La multiplication des mesures gouvernementales vide un peu de son sens la démarche positive du Grenelle de l’environnement ainsi que les mesures liées aux ressources halieutiques, déjà traduites à l’article 30 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dont nous avons débattu voilà peu.
Certes, dans le domaine de la pêche et compte tenu de la mauvaise santé de la filière, nous pouvons comprendre que, face aux négociations à venir, le Gouvernement choisisse une formule qui prévienne les agitations du secteur.
Dans les deux mois à venir, deux cents experts, écologistes, syndicalistes, représentants de fédérations multiplieront les réunions pour proposer une politique nationale de la mer. Ce débat intervient aujourd’hui en amont, nous donnant l’occasion de montrer aux différents acteurs notre engagement et notre détermination.
Grâce à ses territoires d’outre-mer, la France possède le deuxième domaine maritime au monde. Il s’étend sur près de 11 millions de kilomètres carrés, dont seulement 3 % en métropole.
Au-delà de la dégradation générale des écosystèmes marins, deux défis doivent être relevés.
Le premier défi est économique. En Europe, la mer fait vivre environ 4 millions de personnes, dont 190 000 pêcheurs ; la richesse créée représente de 3 % à 5 % du PIB européen, soit 1 154 milliards d’euros.
Le second défi est vital : il convient de mesurer le risque pour l’avenir. Ainsi, 30 % des espèces sont surexploitées et l’augmentation des captures conduira inévitablement à l’épuisement des ressources. La surpêche est la menace principale qui guette la filière.
Toutefois, mes chers collègues, comment lutter contre un mal difficilement perceptible, alors que chaque mesure fragiliserait tout un pan de notre économie ?
Nous devons prendre nos responsabilités. Sans être manichéen, il est nécessaire de mettre un terme à cette « guerre des poissons » engendrant une course à la pêche, le premier à capturer étant le mieux rémunéré.
La politique des pêches – en particulier la question de la gestion des ressources halieutiques – est aujourd’hui élaborée et décidée au niveau européen, avec divers outils, dont, principalement, les totaux admissibles des captures, les TAC, et les quotas.
Cette approche a eu pour conséquence de faire diminuer notre flotte nationale de 21 % en dix ans. La demande a continué de croître et la France importe près de 85 % des produits de la mer qu’elle consomme.
S’agissant des quotas, vous souhaitez les réduire. Soyons raisonnables : ils étouffent nos pécheurs ! Appliquons déjà les limites de captures ; concentrons-nous également sur les contrôles, et alors les quotas pourront être adaptés et individualisés.
Seule une politique sérieuse de contrôle et d’individualisation des quotas réduira les effets de piraterie et incitera les pêcheurs à jouer le jeu de la réglementation européenne, en les encourageant à être davantage gestionnaires et responsables.
Notre rôle de parlementaire est de protéger notre patrimoine marin.
Un constat s’impose : 75 % de la biomasse pouvant être pêchée est concentrée dans 5 % de l’espace marin, le plus souvent côtier et très exposé. L’objectif à court terme, d’ici à 2012, est de valider et de protéger 10 % des aires maritimes. Aujourd’hui, seulement moins de 0, 1 % de ces aires sont protégées. C’est évidemment insuffisant.
La dégradation des ressources halieutiques ainsi que celle des écosystèmes marins conduisent à s’interroger sur les palliatifs aux captures.
Si l’aquaculture ne peut être présentée comme la solution miracle, elle peut, à court terme, constituer un palliatif, afin d’écarter les problèmes de ce secteur de façon provisoire.
Développer cette filière permettra d’assurer temporairement l’alimentation, mais je ne veux pas croire que la population se contentera, à terme, de se nourrir de carpes et de crevettes.
L’aquaculture est avant tout une culture d’eau douce. Elle ne pourra pas remplacer la pêche maritime et il est vain d’espérer qu’elle représentera une issue aux maux de la filière pêche. Elle soulève également le problème de l’alimentation des espèces, qui conduira, de toute façon, à l’épuisement des stocks.
La France est forte d’une flotte de 5 232 navires, de 63 ports de pêche, de nombreuses organisations de producteurs et de plus de 350 entreprises de mareyage et de transformation des produits de la mer. Le secteur de la pêche est important sur le plan économique, mais aussi en termes d’aménagement du territoire.
L’objectif contradictoire en matière de gestion des pêches est d’assurer la durabilité des ressources marines et des entreprises qui les exploitent, dans un contexte de demande croissante en produits de la mer, avec un marché évalué à 5 milliards d’euros en 2005.
La pêche n’est plus un secteur économique rentable. En France, par exemple, les subventions couvrent les trois quarts du chiffre d’affaires réalisé dans ce secteur. Il faut se mobiliser pour aider et diversifier la filière de la pêche.
Il convient, dans un premier temps, d’améliorer la commercialisation des produits de la mer. Une politique de labellisation, par exemple, ou encore d’incitation aux modes coopératifs permettrait d’encourager un commerce diversifié et d’accroître la professionnalisation d’un secteur par une meilleure reconnaissance de ses acteurs.
En effet, il me semble nécessaire de valoriser les métiers de la mer au travers de la création de l’éco-labellisation prévue à l’article 30 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, et de favoriser des produits éco-certifiés.
Il serait également opportun de diminuer les aides à la modernisation des navires, afin de réduire la surcapacité des techniques de pêche et de préserver en même temps une pêche artisanale.
Pour maximiser l’efficacité de cette politique de gestion halieutique, à l’autre bout de la chaîne, il ne faut pas négliger la sensibilisation du consommateur à une consommation responsable et éco-citoyenne.
Enfin, la situation des stocks fait l’objet de nombreux débats entre professionnels et scientifiques. Le rétablissement et le renforcement des coopérations entre ces acteurs sont également des enjeux majeurs des années à venir.
Les solutions permettant d’assurer la pérennité de la filière halieutique existent et sont multiples. D’autres approches sont expérimentées localement. Ainsi, dans mon département, l’Hérault, une réflexion stratégique a été menée ; elle cible l’enjeu majeur de l’accès aux ressources halieutiques. L’approche a consisté à développer la biomasse et non à subir sa raréfaction.
Ce département vient de s’engager dans un partenariat de recherche et développement d’une nouvelle génération d’habitats artificiels pour développer les ressources halieutiques. D’autres pistes innovantes sont également à l’étude, notamment la collecte de larves de poissons dans le milieu naturel pour le repeuplement de la bande côtière.
Il est donc intéressant aujourd’hui d’envisager d’autres approches, afin d’assurer la pérennité de la filière pêche et de garantir l’avenir de nos pêcheurs.