Il convient surtout de tirer des conséquences sur la parentalité des violences exercées dans la conjugalité. Voir la violence physique permet de penser les autres types de violence - économique, sexuelle, psychologique ou administrative. Les violences psychologiques sont la « colonne vertébrale de toutes les violences », selon l'expression de Karen Sadlier : intimidation, dévalorisation, rapport de domination. Au bout du compte, c'est toujours le même qui décide. La violence sert à cela : montrer qui a le pouvoir. C'est également vrai des violences sexuelles contre les enfants. On n'a pas assez à l'esprit la volonté de puissance ; il faut voir l'asymétrie, trouver les indices, connaître la stratégie de l'agresseur et identifier la peur, point commun de toutes les formes de violence.
Sur la question de la violence, je me suis inspiré des travaux du philosophe allemand Jan Philipp Reemtsma dans son ouvrage Confiance et violence. Il y remarque que la violence - même sa menace, même la violence psychologique - renvoie toujours au corps. Le juriste Jean Carbonnier, inspirateur de la loi de 1970 qui a remplacé la puissance paternelle par l'autorité parentale, observait que la puissance paternelle relevait en quelque sorte d'un « droit sur le corps et la personne ».
Jan Philipp Reemtsma distingue trois formes de violence. La violence localisante consiste à assigner une place au corps de l'autre : elle est aussi dé-localisante, lorsque l'agresseur bouscule la victime, ou qu'il lui ordonne de disparaître de sa vue. L'idée est d'isoler l'autre, en imposant un déménagement qui va l'éloigner de ses amis, de sa famille. « À quoi ça sert que tu travailles ? » « Personne n'a le droit de voir ton corps dans l'espace public ». Etc.